….. »Ilia Brusch comprit le danger. Faisant pivoter la barge d’un énergique coup d’aviron, il s’efforça de se rapprocher de la rive droite. Si cette manœuvre n’eut pas tout le résultat qu’il en attendait, c’est pourtant à elle que le pêcheur et son passager durent finalement leur salut. Rattrapée par le météore continuant sa course furieuse, la barge évita du moins la montagne d’eau qu’il soulevait sur son passage. C’est pourquoi elle ne fut pas submergée, ce qui eût été fatal sans la manœuvre d’Ilia Brusch. Saisie par les spires les plus extérieures du tourbillon, elle fut simplement lancée avec violence selon une courbe de grand rayon. À peine effleurée par la pieuvre aérienne, dont la tentacule avait, cette fois, manqué le but, l’embarcation fut presque aussitôt lâchée qu’aspirée. En quelques secondes, la trombe était passée et la vague s’enfuyait en rugissant vers l’aval, tandis que la résistance de l’eau neutralisait peu à peu la vitesse acquise de la barge. »
Quel plaisir de s’évader au fil de l’eau à bord de la grosse barque du pêcheur Ilia Brusch, champion de la Ligue Danubienne des Pêcheurs au concours 1876 de Sigmarigen à Routchouk. Ilia a imaginé ce périple comme une véritable opération de communication : annonçant ses étapes par voie de presse, vendant aux enchères le produit de sa pêche.
Depuis plusieurs mois, en effet, les rives du Danube étaient désolées par un perpétuel brigandage.
Les voleurs, très mobiles, sont insaisissables et la police fluviale délègue un fin limier Karl Dragoch pour les arrêter. L’enquêteur, incognito, s’invite à bord de la barge d’Ilia Brusch. Jusqu’à Vienne c’est une véritable partie de pêche et de plaisir. Tout se complique quand le pêcheur fait escale dans la Capitale et que de nouveaux personnages s’immiscent dans la navigation. Véritable imbroglio d’identités, Ilia Brusch est-il le paysan Hongrois qu’il prétend?
A l’escale suivante, en Hongrie, une villa est dévalisée, une tempête chahute la barque et Karl Dragoch tombe dans le Danube…C’est un roman d’aventures!
L’action se déroule en 1876 avec les guerres d’indépendances des patriotes bulgares contre la Turquie, trafics d’armes, pirates du Danube.
Il y a aussi un une romance.
Tous les ingrédients pour un polar aventureux très réussi.
Je me suis laissé entraîner dans cette équipée à vélo, chevauchée effrénée de ces deux Haïdouks, cyclistes et nomades qui remontent la route du Danube de l’Orient vers sa source sur les pas des envahisseurs Huns, Avars, Magyars, Péchenègues, Turcs….et ceux des migrants Syriens ou Afghans.
« Vous allez rouler à contresens de Napoléon, d’Hitler et de l’expansion Européenne, mon pauvre ami! Et vous avez bien raison quand on pense comment ces aventures ont terminé! »
Aventure cycliste, sportive, mais aussi littéraire. Emmanuel Ruben écrit comme il roule : à perdre haleine dans les pistes et les chardons, paresseusement, prenant le temps d’un coucher de soleil ou de l’envol d’un héron. Il connait :
l’extase géographique, le bonheur de sortir de soi, de s’ouvrir de tous ses pores, de se sentir traversé de lumière.
Ambitieux, devant la copie de la Colonne Trajane de Bucarest:
il faudrait écrire un livre qui s’enroule comme la colonne Trajane, l’hélice de l’Histoire s’enroule en bas-relief où sont gravées les aventures de l’empereur Trajan et du roi Decebale sur les bords du fleuve – oui je voudrais une sorte de rouleau original du Danube, un rouleau sans ponctuation, sana alinéa; sans paragraphe, un rouleau sans début ni fin, un rouleau cyclique, évidemment car c’est cela aussi le Danube.
Partis d‘Odessa, les deux compères veulent goûter à la steppe comme les envahisseurs d’autrefois. Ils traversent la steppe, le delta ukrainien sur des routes dangereuses ou sur des pistes poussiéreuses, traversent la Moldavie
« cinq minutes en Moldavie, une demi-heure à ses frontières »
En Roumanie à Sulina (=Europolis)
Sulina
« Au kilomètre zéro du Danube, à la terrasse du Jean Bart, le dernier café sur le fleuve, le capitaine Hugo Pratt buvait une bière. Cela se passait en juillet de l’année 2*** »
imagine-t-il comme incipit de son futur livre.
A Galati et Braila il évoque Panaït Istratiet ses romans Nerrantsoula et Tsatsa Minnka ainsi que Mihail Sebastian , « trop juif pour les Roumains, trop roumain pour les Juifs »et son roman prémonitoireL’accident. Dans le Baragan, le vent les freine, projetant les fameux Chardons du Baragan (mon livre préféré de Panaït Istrati). En Bulgarie, à Roussé, ils visitent la maison d’Elias Canetti transformée en studio ou répètent des groupes de rock local.
les chardons de la steppe
Géographie et histoire:
En Bulgarie, il évoque aussi le Tsar de Bulgarie Samuel 1er(1014). Leur passage à Nicopolis est l’occasion de raconter la « grande déconfiture » selon Froissart, défaite des Croisés en 1396. Souvenirs d’un voyageur Evliya Celebi(1611 – 1682). Visite en Hongrie du cimetière de la bataille de Mohacs (1687)….
La bataille de Nicopolis : la Grande déconfiture des Croisés
Leur voyage est aussi fait de rencontres : Raïssa, lipovène parle Russe avec eux. Vlad, le compagnon de l’auteur est Ukrainien, Samuel (le héros) se débrouille en Russe, en Serbe, en Turc et en Italien. Tant qu’ils sont en Roumanie, en Bulgarie et en Serbie, ils se débrouillent bien et ont de véritables échanges avec les piliers de bistro, les passants de hasard qui les aident pour réparer les vélos. Ils passent des soirées mémorables à boire des bières de la tuica ou rakija, ou à regarder le coucher de soleil avec l’accompagnement d’une trompette de jazz tzigane. Rêve d’une île turque disparue Ada Kaleh, Atlantide qu’ils ne devineront pas, même en grimpant sur les sommets.
la scène la plus kusturiciene de ce voyage : trois tsiganes dans une charrette tractée par deux ânes remorquent une Trabant
Les routes sont parfois mauvaises. Ils se font des frayeurs avec les chiens errants
Ces chiens sauvages sont les âmes errantes de toutes les petites nations bientôt disparues d’Europe. Le nationalisme est une maladie contagieuse qui se transmet de siècle en siècle et les clébards qui survivront à l’homme porteront le souvenir de cette rage à travers les âges.
Comme Claudio Magris, ils s’arrêtent longuement à Novi Sad en Voïvodineou ils ont des amis de longue date, du temps de la Yougoslavie. mais contrairement à Magris qui part à la recherche des Allemands venus en colons peupler les contrées danubiennes, Ruben reste à l’écoute du Serbe, du Croate, des Tsiganes à la recherche des Juifs disparus dans les synagogues en ruine ou dans le cimetière khazar de Celarevo. Au passage je note dans les livres références Le Dictionnaire khazar de Milorad Pavic, La treizième tribu d’Arthur Koestler (que je télécharge). Je note aussi Le Sablier de Danilo Kis. Inventaire des massacres récents ou moins récents, victimes du nazisme en 1942, ou bombardements de l’OTAN (1999)
« délires nationalistes de la Grande Serbie, Grand Croatie, Grande Bulgarie, Grande Albanie….etc d’où découlèrent les guerres balkaniques, La Première guerre mondiale et les guerres civiles yougoslaves. La balkanisation est un fléau qui touche chaque peuple et son voisin, une maladie contagieuse qui se transmet de siècle en siècle et de pays en pays : la maladie de la meilleure frontière »
L’arrivée en Hongrie coïncide avec les pluies du début septembre qui les contraignent à traverser la puzsta en train. difficulté de communication, les Hongrois parlent Hongrois (et pas nos deux compères) les rencontres se font plus rares. De même en Slovaquie, en Autriche, en Allemagne, les deux cyclistes n’ont que peu de contacts avec la population germanophone. En revanche, ils ont le don de trouver des guinguettes, bars ou restos où officient Croates, Kosovars ou Serbes avec qui ils sympathisent immédiatement.
Altedorfer
Les pistes cyclables (communautaires) sont plus confortables quand ils traversent l’Autriche mais elle n’ont plus la saveur de l’aventure. Ils croisent même un grand-père de 78 ans et son petit fils de 9ans. Un couple de retraités maintiennent la même moyenne que nos deux champions, grâce à l’assistance électrique. Leurs visites de musées et châteaux se font plus touristiques. Près de Vienne musée Egon Schiele (mort de la grippe asiatique). Visite du Musée d’Ulm: musée de la colonisation des souabes. Toujours consciencieux ils ne zappent pas le musée de Sigmaringen, ni les autres curiosités touristiques mais l’élan d’empathie n’y est plus. Legoland à Audiville, Europa-park!
Egon Schiele : Durch Europa bei Nacht
Le périple se termine devant les drapeaux du Parlement Européen à Strasbourg. En route ils ont découpé les étoiles du drapeau européen
un voyage d’automne dans le crépuscule d’une Europe qui a perdu ses étoiles en traquant ses migrants
Il s’agissait bien de parler d’Europe, de faire surgir une autre Europe de cette traversée d’Est en Ouest. En route, en Slovaquie, un monument de ferraille représente le cœur de l’Europe. mais pour l’auteur :
Le cœur de mon Europe bat au sud-est entre Istanbul et Yalta, Novi Sad et Corfou dans l’ancien empire du Tsar Samuel…
Magris consacre 70 pages à l’étape viennoise de son épopée danubienne. Pèlerinage littéraire plutôt qu’excursion touristique : aucune description des musées ou châteaux, même les parcs sont oubliés.
Le chapitre est intitulé « CAFE CENTRAL » ce sont les lieux privilégiés de la vie intellectuelle viennoise et c’est là que Magris choisit de faire ses rencontres. Je fais la connaissance avec Peter Altenberg, mannequin de bois qui lit encore son journal au Café Central (j’ignorais jusqu’au nom de ce poète) . Un autre habitué des lieux était Trotski
C’est aussi ici que s’asseyait Bronstein, alias Trotski, à telle enseigne qu’un ministre autrichien, mis au courant par les services secrets qu’une révolution se préparait en Russie, avait répondu « Et qui devrait la faire; en Russie, la révolution? Ce M. Bronstein peut être qui passe ses journées au Café Central? »
La maison de Wittgensteinn’existe plus, à sa place l’ambassade de Bulgarie, amusant?
La baronne Marie Vetsera n’aimait pas la musique de Wagner, et disait même qu’elle ne pouvait pas le souffrir ; aussi lorsque l’Opera de Vienne inaugura avec l’Or du Rhin un cycle Wagner, cette aversion fut un prétexte pour ne pas aller à l’Opera….
Elle allait rejoindre l’archiduc Rodolphe de Habsbourg. Et c’est ainsi que l’auteur introduit le drame de Mayerling!
A nouveau, nous croisons Joseph Roth, puis Karl Kraus et au hasard de cette lecture je glane le titre d’un roman de Jules Verne : Le Pilote du Danube que je télécharge sur le champ (mauvaise pioche, il est numérisé avec les pieds et illisible).
Au Café Hawelka nous attend Elias Canetti
Sur la Karlsplatz on célèbre par une exposition le tricentenaire du siège de Vienne par les Turcs (1683) occasion d’un rappel historique.
Après les célèbres cafés, Magris poursuit son pèlerinage dans les cimetières où l’ont voit la tombe d’Altenberg, celle de Schoenberg.
Impossible de ne pas évoquer l’Anschluss, et les suicidés de 1938 comme Egon Friedell.
Au café Landtmann : Lukàcs
Puis visite des maisons de Joseph Rothet de Freud, Berggasse 19..
Avant de quitter l’Autriche, il s’arrêtera à Eisenstadt, ville de Haydn : Là où se trouve Haydn, rien ne peut se passer!
Je viens de lire le retour des trains de nuit pour fin 2021. Je vais réserver un aller pour Vienne et cette fois-ci, je relirai Magris avant de partir!
L’Albanie est source d’inspiration pour les romans noirs!
De mémoire, citons Six fourmis noiresde Sandrine Colette, Les assassins de la Route du Nord d’Anita Wilms, et les polars de Fatos Kongoli.
Avec ses traditions de vendetta, son code d’honneur ses villages isolés,ses montagnes sauvages, la violence trouve tous les ingrédients pour un roman de la Série noire! C’est aussi un des derniers pays à l’écart de l’Union Européenne qui fournit un exotisme dépaysant. Le pays des Aigles.
Les Aigles endormis se déroulent à Korcë. Le narrateur, Arben, et ses amis d’enfance, assistent à l’écroulement du régime d’Enver Hoxha dont l’oppression paranoïaque rendait toute initiative personnelle impossible. Aux règles absurdes d’Hoxha, succède un état où il n’y a plus de règles et toutes transgressions deviennent possibles.
Les grandes « restructurations économiques » censées muter la société en modèle de capitalisme triomphant en avaient laissé plus d’un sur le carreau. Avec l’accès à la propriété et la liberté d’entreprendre, l’Albanie découvrait leurs corollaires, les quatre cavaliers de l’Apocalypse : la compétition, le chômage, la précarité et la prédation. Nous participons activement à la dernière
Avec la fuite des hommes vers l’Eldorado de Grèce ou d’Italie se sont d’abord organisés des réseaux de passeurs. Passeurs de travailleurs clandestins, puis contrebande de toutes sortes de marchandises « tombées du camion », drogue, enfin passeurs de femmes et proxénétisme. Les réseaux mafieux s’organisent. Aucune règle, aucun code d’honneur : la loi du plus fort, la violence pure des règlements de compte. Quand la contrebande ne suffit plus viennent les plus grandes des arnaques : les pyramides. Certains sont de vrais méchants, d’autres seulement faibles se laissent piéger. Arben imagine qu’il pourra émigrer quand il aura accumulé un pactole. On n’échappe pas aussi facilement à l’emprise des mafias….
Vingt ans plus tard, Arben rentre en Albanie venger la mort de Rina, sa femme. Le roman se construit avec des retours en arrière entre sa jeunesse et 2017. La violence extrême règne encore.
musée archéologique de Korçë13
Coups, sang, tueries se succèdent jusqu’à l’écœurement. Rien n’est épargné au lecteur. Réalisme ou complaisance? Pour pimenter le récit, l’auteur parsème le roman de mots et d’expression en albanais. Il aurait été bien aimable de fournir une traduction et une transcription phonétique.
Clichés ou regard objectif? Je sors de cette lecture avec l’impression mitigée d’une plongée dans la noirceur où je n’ai pas retrouvé l’Albanie que nous avons visitée.
Après 55 jours de confinement, nous avons enfin le droit de sortir sans attestation, sans la limite d’un kilomètre, ni celle de l’heure permise!
Est-ce la liberté?
Pas tout à fait!
Pour traverser Paris en métro, il faudra ruser entre les « heures de pointe », Pour aller à la campagne limite de 100 km. Pour les vacances, pas de projet.
En l’absence de cinéma, de randonnées, d’expositions….il reste la lecture.
Serie CONTAGION: La Peste écarlatede Jack London, Le Samedi de la Terre d’Erri de Luca, L’Année du Lion de Deon Meyer, Le Hussard sur le toit de Giono, La Peste de Camus, Contagions de Paolo Giordano.
CHALLENGE JACK LONDON : Marin Eden, La Peste écarlate, Le Peuple de l’Abîme, Le Vagabond des Etoiles, les Vagabonds du Rail, Construire un Feu
CHALLENGE BALZAC : Pierrette
Série VAGABONDAGES vagabondages de Lajos Kassak , et les deux Vagabonds de London
Série AFRIQUE : Le Temps des Hyènes (Soudan), Tout s’effondre Chinua Achebe (Nigéria )
LITTÉRATURE ITALIENNE Le temps des Hyènes Carlo Lucarelli, Trois heures du matin Gianrico Carofiglio, Canal Mussolini Antonio Perracchi; Le Samedi de la Terre Erri de Luca,
LITTÉRATURE FRANCAISE : La Tresse Laetitia Colombani, Tu seras un Homme Pierre Assouline, Un Amour à l’aube Elizabeth Barillé
POLARS : ADN Yrsa Sigurdardottir, La Daronne Hannelore Cayre
FEMMES : La Tresse, Le Silence d’Isra Etaf Rum
Certains livres figurent dans deux rubriques! Jack London m’a offert les plus belles évasions.
Se poser pour lire, lire pour voyager, lire pour réfléchir….
Une autre évasion : les minuscules voyages dans le quartier m’ont donné l’occasion de découvrir les floraisons printanières. Je fais des inventaires botaniques au cours de mes voyages. J’ai pris le temps de voir les progrès du printemps. J’ai pris plaisir de découvrir chaque épanouissement, et j’ai éprouvé de regrets de les voir se faner si tôt. Il a fait si beau et si chaud que chaque jour une fleur en a remplacé une autre. En mars, les cerisiers blancs furent supplantés par les pompons roses des cerisiers japonais. Narcisses, muscaris et tulipes ont donné leur floraison tandis que pensées, primevères et giroflées mêlés étaient plus durables.Les iris existent sous multiples couleurs et variétés. Mi-avril, azalées, rhododendrons ont explosé. Senteurs des lilas, puis des acacias. Ensuite, fleurirent les cistes, et en mai vint le temps des roses. Maintenant ce sont les sauges de toutes variétés, coquelicots et bleuets, pavots dans les jardins. Les inflorescences des lavandes attendront encore un peu.
Jamais je n’aurais pensé avoir tant de joie des massifs que les jardiniers de la Ville de Créteil installent chaque année. jamais je n’avais autant photographié les fleurs. Une fleur par jour sur la page FaceBook….
Le temps suspendu a été celui du printemps, de la floraison et je l’ai goûté comme par surprise.
J’aime les relations de voyage, surtout de voyages à pied. Vagabondages raconte l’errance deLajos Kassak entre Budapest et Parisen 1909 à 22 ans. J’ai pensé au Temps des Offrandes de Patrick Leigh Fermorquiestun de mes livres favori. Fermor, à 18 ans en 1933 a fait la route inverse, de Londres vers Budapest « comme un clochard« .
Lajos Kassak est devenu par la suite un peintre réputé et un poète reconnu. J’ai téléchargé ce livre avec une grande attente (trop grande).
Lorsque Lajos Kassakquitte sa ville en compagnie de son ami Gödrös c’est un tout jeune homme, apprenti serrurier qui cherche l’aventure sans projet précis, son but Paris « A Vienne, nous chercherons de l’ouvrage […] nous apprendrons bien l’Allemand…« . Partis sur le Danubeen bateau ils débarquent à Presbourg (Bratislava) sans faire la moindre observation sur le paysage ou les monuments. A Vienne, ils ne cherchent guère à s’embaucher ; dans les ateliers qu’ils visitent, ils demandent plutôt l’aumône. De Vienne, le seul lieu visité est l’asile de nuit. Puis ils partent à pied, mendiant chez les paysans. Ces jeunes feignants ne me plaisent pas trop. Leurs aventures, ampoules aux pieds, repas de lait aigre…ne me passionnent pas. Si au moins ils décrivaient les contrées traversées…Vagabonds vraiment trop paresseux pour moi. Arrivés à Passau
Nous étions déjà des durs, cyniques et sans vergogne »
« A l’intérieur de l’Allemagne, les ouvriers itinérants étaient secourus officiellement par l’Etat. C’était un retour au régime des corporation : les jeunes compagnons y étaient tenus de prendre la route et remis à eux-mêmes de voir, de vivre, d’amasser des expérience pour l’avenir. pour ces jeunes gens curieux de découvrir le monde, il y avait dans chaque commune des installations qui les prenaient en charge »
En Allemagne, les Wandervogel étaient un mouvement de jeunesse, précurseurs des hippies d’après Wikipédia. L’errance de nos jeunes vagabond est plus facile. Ils s’organisent.
A Stuttgart, Lajos Kassak rencontre Emil Szittya (qui deviendra ultérieurement un critique d’art et un écrivain reconnu) mais qui n’est encore qu’un schnorrer qui profite des œuvres caritatives des Communautés juives et d’un carnet d’adresses bien fourni, il fréquente aussi bien anarchistes, végétariens, homosexuels et vit en parasite sans aucun remords. Bon camarade, il fait profiter Kassak de ces aubaines. A partir de cette rencontre le livre prend une tournure plus intéressante, variée et vivante. Les aventures de ces larrons deviennent même très amusantes.
De passage à Bruxelles, ils rencontrent des révolutionnaires russes. A Bruxelles encore, Kassak visite des musées, des expositions. Devant l’oeuvre de Konstantin Meunieret de celle de Rodin, il s’emballe:
j’étais entré dans le monde de l’art, et j’étais capable d’y vivre de façon si intense qu’il me restait à peine de temps et de goût pour les affaires du monde.
C’est là qu’il ressent les effets de son vagabondage :
Au cours de mes vagabondages, qui n’étaient pas autre chose, en apparence qu’une tentative de propre-à-rien pour couper au travail, ma vision du monde s’était élargie, mes pensées et mes sentiments purifiés.
Expulsés de Belgique après une réunion avec des révolutionnaires russes, indésirables en Allemagne, ils prennent le train pour Paris. Paris, 1909, on aurait pu imaginer les rencontres avec tous les artistes de Montparnasse. Déception! Kassak ne songe qu’à retourner à Budapest.
Mince ouvrage (171 p) qui commence légèrement comme la vingtaine de grammes de ce petit oiseau et qui raconte la traque de ce passereau improbable en Europe occidentale, originaire du Kurdistan rappelant l’actualité quand les images du siège de Kobané occupait les journaux télévisés.
Le narrateur, un ornithologue amateur, intrigué commence sa recherche en Angleterre dans la collection ornithologique du British Museum et y croise les souvenirs d’un étrange personnage Meinerzhagen qui deviendra, plus que l’oiseau, le sujet principal du roman.
Quel homme n’a pas rêvé de parcourir le monde en compagnie de sa petite cousine, collectionnant les oiseaux (et de ceux-ci les poux)traquant ça et là des agents bolcheviques?
Meinerzhagen, savant et espion, tricheur mais ornithologue réputé fait partie de toute cette compagnie de britanniques, entre Egypte et Route des Indes, qui ont intrigué dans les sérails et les congrès autour de la Première Guerre mondiale. Archéologie et ornithologie étaient des couvertures parfaites pour les Services Secrets. On y croise T E Lawrence, Philby espions de père en fils, les plus connus, mais aussi Thesigerque je ne connaissais pas. Les 100 premières pages du Traquet kurde font penser aux romans anglais, entre Somerset Maugham et Durrell avec ironie, légèreté et humour british. Je me suis régalée de leurs aventures dans un Proche Orient qu’on explorait avec la bénédiction des souverains, ou clandestinement, selon….et dont les mission menaient les savants jusqu’en Espagne pendant la Guerre civile, puis en Allemagne.
Abandonnant ces espions-ornithologues qui ont offert les dépouilles des oiseaux au British Museum, le narrateur arrive en Irak et cherche son oiseaux au Kurdistan irakien puis en Turquie. La légèreté n’est plus de mise quand il raconte les dévastations de la guerre, les populations sur les routes de l’exil. Randonnée hasardeuse dans les montagnes kurdes : l’oiseau a une préférence pour les altitudes élevées. La piste est abandonnée, peut-être minée mais rien ne décourage l’ornithologue, il note les espèces rencontrées et poursuit sa quête du Traquet. En route, il rencontre aussi des hommes dont un évêque syro-orthodoxe dans un monastère suspendu au- dessus de la plaine dominant Mossoul. Avec ses jumelles, on pourrait le prendre pour un espion….
Curieux contraste entre les deux parties du livre, et pourtant une parfaite cohérence, une lecture agréable. Un livre qui fait voyager.
Lorsque nous visitions Abou Simbel, le Soudan n’était pas loin, les voyageurs de Mort sur le Nilpouvaient alors naviguer d’Assouan à Khartoum sur le fleuve. Au Musée de la Nubie d’Assouan, lesPharaons noirs étaient ils nubiens ou soudanais? Au retour de nos vacances égyptiennes, il m’a semblé logique de courir au cinéma voir ces deux films.
Pour visionner les bandes annonces et lire les billets que j’ai publié sur mon blog Toiles Nomades blogspot cliquer sur les liens sur les titres
TALKING ABOUT TREES
TALKING ABOUT TREES est un documentaire de Suhaib Gasmelbariqui a filmé avec humour, ironie et délicatesse les quatre cinéastes Ibrahim, Suleiman, Manar et Eltayeb, qui ont fondé le Sudanese Film Group . Rentrant d’exil, leur seule ambition est de restaurer un cinéma de quartier pour faire revenir le cinéma qui a disparu en 1989 avec l’avènement d’Omar el-Bechir et de sa dictature islamique.
Les quatre cinéastes vieillissants retrouvent les films qu’ils ont tourné jadis à l’étranger. Leur entreprise rencontre toutes sortes d’embûches, elle est même vouée à l’échec. Sans se décourager ils cherchent les autorisations, nettoient, bricolent et ont l’air de s’amuser comme des gamins. Et on s’amuse avec eux.
C’est un film de fiction récent d‘Amjad Abu Alala qui a reçu un Lion d’or au Festival de Venise 2019. C’est aussi le 8ème film de fiction soudanais.
Tu mourras à 20 ans ne m’a pas déçue! C’est une fiction s’inspirant d’un roman de Hammour Ziada.
Dans un village au bord du Nil, un enfant est présenté à sa naissance à un chef religieux au cours d’une cérémonie colorée et pittoresque. Le cheikh le baptise Muzamil et prédit qu’il mourra à 20 ans. Muzamil va vivre toute son enfance cette malédiction. Son père fuit ce destin inéluctable et prend la route de l’exil, sa mère revêt des vêtements de deuil alors que l’enfant est vivant et trace au charbon les bâtons comptabilisant les jours que Muzamil a déjà vécu et qui le rapprochent de l’échéance fatale. Tout le village voit dans Muzamil un mort en sursis, les enfants qui l’enferment dans un simulacre de cercueil, l’imam qui prêche la pureté et l’embauche pour servir à la mosquée et même Naima, une jolie fille qui en est amoureuse mais qui se fiance à un garçon promis à la vie.
Dans une maison anglaise, à l’écart du village, vit un réprouvé : Soleiman qui a parcouru (et filmé) le monde, qui boit et qui s’attache à Muzamil, essayant de le faire réfléchir par lui-même et échapper à ce destin mortifère.
Le film se déroule dans un décor naturel somptueux : maisons de terre, mausolée, beauté du paysage et des habitants, étrangeté des cérémonies. Tout concourt à un voyage magnifique.
Peut on échapper aux croyances? A un destin choisi plutôt que prédestiné?
Un hymne à la liberté.
THE LONGING OF THE DERVISH
J’ai été tant impressionnée par le film d’Amjad Abu Alala que je’ai cherché le roman de Hammour Ziada. De cet auteur, j’ai pu télécharger en anglais le livre The Longing of the Dervish, lauréat du Prix Naguib Mahfouz pour la littérature arabe 2014, traduit en anglais mais malheureusement pas traduit en français.
Les débuts ont été difficiles. Ce roman historique se déroule pendant les guerres mahdistes ( 1881 à 1899), entre turcs, égyptiens et anglais qui combattirent le Mahdi, j’ai commencé à me perdre. Ignorante également de la géographie du Soudan, j’ai eu bien du mal à me repérer. Sans oublier les noms des personnages…. Le plus difficile provient de la structure même du roman qui ignore la chronologie, flash-back ou changements de narrateur. Il se lit comme un puzzle dérangé : par pièces éparses que le lecteur doit imbriquer.
Le héros Bakhit Mandil est soit esclave, soit prisonnier (soit les deux à la fois). En prison, ses conditions de détention sont éprouvantes : il est enchaîné, parfois oublié. On fait parfois travailler les prisonniers qui se louent à la journée ou à la tâche. Vendu à plusieurs reprises, Bakhit entretient avec ses maîtres des relations variées. Quand il se libère, il devient dervish, c’est à dire soldat du Mahdi et il est entraîné dans des campagnes sanglantes. Mais la servitude qui le lie est la vengeance qu’il poursuit.
(c) Defence Academy of the United Kingdom; Supplied by The Public Catalogue Foundation
Au fil des chapitres l’histoire se construit, on apprend à connaître les autres personnages : Théodora la religieuse grecque réduite elle aussi en esclavage, et tous les compagnons d’infortune ou de combat.
Roman historique, c’est aussi un roman d’amour . Bakhit ne vit que pour cet amour, Théodora le compare à un héros shakespearien. Ce n’est pas la seule histoire d’amour du récit. Malgré la religion très prégnante, malgré la pudeur des femmes, malgré les combats qui occupent les hommes à temps plein pendant des années, des amours puissantes se nouent, des intrigues fleurissent.
Guerre de libération nationale du Soudan qui s’est trouvé sous le joug des Turcs, puis des égyptiens, des anglais, c’est aussi une guerre de religions. L’islam rigoriste du Mahdi est différent ce l’islam des turcs ou des égyptiens. Le Mahdi veut établir un califat au Soudan. Cet aspect des luttes est encore très actuel. Des milliers de jeunes hommes quittent famille, femme, affaires, pour le djihad, et se lancent dans des campagnes sanglantes où ils massacrent d’autres musulmans. on pense à Daech, à bokoharam. On pense aussi au dictateur Omar el-Bechir qui règnait encore l’an passé à Khartoum.
C’est donc un roman très riche, très prenant au fur et à mesure qu’on range les pièces du puzzle. Dommage qu’il ne soit pas traduit!
Theodora écrit dans son journal :
Bakhit Mandil isn’t like this city. If any of these memoirs were to be published in a book, it would have to mention Bakhit Mandil. He was different. He was an example that Western reader would be surprised to discover. Western litterature ought to write about changing ideas on love. He was like a lover from one of Shakespeare’s plays who had landed inadvertently in a savage country. If he hadn’t be black? If only he hadn’t been a dervish slave. The worst mistake is to become attached to anyone in any way. I don’t want to become like Bakhit.
Bakhit Mandil n’est pas comme cette ville. Si ce journal devait être publié dans un livre, il faudrait mentionner Bakhit Mandil. Il était différent. il était un personnage que le lecteur serait étonné de découvrir. La littérature occidentale doit écrire sur les idées changeante en amour. Il était comme un amoureux des pièces de Shakespeare ayant atterri par inadvertance dans une contrée sauvage. S’il n’avait pas été noir, Si seulement il n’avait pas été un esclave dervish. La pire erreur est d’être lié à quelque un de cette manière. Je ne veux pas devenir comme Bakhit, écrit-elle.
J’aurais pu copier le dialogue où les combattants, les dervishes se demande ce qu’il est arrivé de la pureté de leurs intentions, de leur foi après tant de massacres
Les blogueuses me l’avaient chaudement recommandé! Enfin, je vais faire la connaissance du commissaire Erlendur.
Rien de mieux qu’un bon polar pour entre par la petite porte, non touristique, dans l’intimité des habitants d’un pays que je m’apprête à visiter. Pas de geyser ni d’aurores boréales, mais un squelette retrouvé dans un lotissement en construction, en bordure de Reykjavik qui s’étend comme toutes les métropoles…
Pour exhumer les ossements, une équipe d’archéologues fera l’affaire afin de ne pas bouleverser la « scène de crime ». Un crime? peut-être? Encore faudrait-il d’abord identifier la victime.
Une rangée de groseilliers fournira le premier indice. Je prends conscience alors de la valeur des arbustes sous un climat si rude. Il y avit donc une maison, peut être plus…Erlendur remonte à la période maintenant lointaine de la Seconde Guerre mondiale, quand les armées britanniques puis américaines avaient des bases en Islande (je l’ignorais) .
Une histoire de violences conjugales fait irruption à plusieurs reprises dans le récit. Violences insoutenables. Récits difficiles à lire.
Ce n’est pas toujours une lecture plaisante, mais je suis accrochée et ne laisserai le livre (et ma chaise longue) qu’une fois l’énigme résolue. Fausses pistes, retournements de situations imprévus, des surprises.
Un des bons côtés de la retraite, c’est de pouvoir voyager hors saison, profiter des fleurs avant que la canicule ne les ait desséchées, des plages avant les foules…..Nous serons donc loin tout le mois de juin, et le début de juillet : Athènes et 4 îles: Amorgos, Naxos, Milos, Sifnos.
Le blog ne sera pas en pause pour autant, seulement en pilotage automatique. Je lirai les commentaires sur le téléphone, sans y répondre (craignant les coquilles énormes de l’écriture sur le petit écran).
Un autre plaisir du voyage est de préparer par des lectures avant le départ, télécharger les lectures à la plage, et garnir la pile pour après.
Avant le départ :
Ces deux ouvrages racontent Athènes antique, avec Socrate, Périclès, pour personnages principaux
Entre 1870 et 1914, Constantinople et Athènes par l’auteur de Vacances dans le Caucase que j’avais adoré.
une histoire intemporelle sur une île….
Deux lectures d’Homère et plus spécialement de l’Odyssée: lecture enchantée !
pour lire sur place, dans la liseuse :
pour faire suite à la lecture de Theodoropoulos, puisque dans Le Va-nu-pieds des nuages a justement pour sujet la rédaction des Nuées par Aristophane.
malgré mon « allergie » à Tesson, je lui donne une nouvelle chance, Homère me passionne
je l’attends depuis longtemps, je l’ai téléchargé le jour de sa sortie en français, mais je le lirai dès le premier ferry (Athènes Amorgos : 8 heures)
elles m’accompagnent partout!
Et puis, bien sûr, tous les livres qui ne concernent pas la Grèce que j’ai téléchargé et pas encore lu. Je pourrais aussi relire Psychiko, ou la destruction du Parthénon si je suis vraiment en panne de lecture….mais, en vacances je préfère écrire et dessiner.
Au retour la Pal est encore grecque mais j’ai décidé de ne pas charger la valise de papier, nous aurons les valises sur les ferries et il faut qu’elles restent transportables.
puisque nous passerons une semaine à Milos! Je l’ai lu autrefois avec grand plaisir et je me fais une fête de le relire.
Citati parce qu’il m’enchante et peut être ces mythes seront-ils grecs?
Fermor méditatif et mystique(?) mais c’est Fermor et je suis fan
Koumandaras parce que les Grecs vivants m’intéressent autant que les antiques.
Trois auteurs que j’aime beaucoup, mais il faudra que je trouve des nouveautés qui m’aidera?