Lire pour Venise : La Bulle de Tiepolo – Philippe Delerm

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Lire pour Venise 

 

J’avais gardé un excellent souvenir de la Première Gorgée de Bière et autres Plaisirs Minuscules. Quand Claudialucia a publié un article je me suis précipitée à la bibliothèque pour emprunter ce livre ! mais peut être faut-il savourer cet excellent billet après avoir lu le livre?

Le court roman s’ouvre sur la description d’un tableau trouvé dans une brocante : allusions à Matisse et à Marie Laurencin. Quel rapport avec Venise ? Le narrateur est critique pictural, le tableau le tente mais il laisse passer l’occasion. C’est une italienne de passage à Paris qui l’achètera.

Un si joli petit livre l’expression pourrait qualifier La Bulle de Tiepolo ou plutôt la Première Gorgée ; c’est le livre (à succès)  Granité Café, allusion transparente à cet ouvrage de Delerm? Dédoublement de l’écrivain ? L’auteur est la jeune femme qui a emporté le tableau. Antoine Stalin travaille à une biographie de Vuillard.

Un autre tableau  est prétexte à l’enquête à Venise : Le Nouveau Monde de Tiepolo. Le critique part-il dans l’espoir d’y retrouver l’écrivaine ? Il prend pension à l’hôtel Felice que tient la mère de cette dernière. Est-ce un roman d’amourou une double enquête picturale?Il y a décidément beaucoup de doubles dans ce court ouvrage qui se révèle très dense.(Double Tiepolo pour l’ignorante qui croyait connaître l’artiste ! Non le peintre du Nouveau Monde c’est Giandomenico ! Le Tiepolo que je connaissais était son père Gianbattista).

Vraie rencontre, amour avorté, complicité dans leur quête qui s’écarte de Venise pour aller à Vicence visiter une villa décorée d’une autre fresque du Nouveau Monde qui donnera la clé du mystère qui a piégé le narrateur. Les deux complices s’embarqueront sur le vaporetto pour les îles de la lagune à Burano où se résoudra la deuxième enquête. Pénible découverte : le drame du grand père d’Ornella  coupable (ou non) de la déportation de six cent cinquante juifs à Auschwitz. Pourquoi Venise est-elle , pour moi inséparable du Ghetto ?

Le roman avait commencé légèrement. Roman ou nouvelle m’étais-je demandé ? Futiles recherches érudites. Au fur et à mesure de la lecture, il gagne en densité et en gravité.

Vassilis Alexakis : Le Premier Mot – Stock – 459p.

LIRE POUR LA GRECE???

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Voire : l’essentiel du roman se déroule entre le boulevard Haussmann et à Montparnasse. Le voyage le plus aventureux étant une visite au Musée de la Préhistoire à Saint Germain en Laye, par jour de grève du RER ! Alexakis écrit directement en Français. Et pourtant je me trouve baignée dans la culture grecque. Par le bonheur des mots.

La narratrice raconte son frère Miltiadis, un brillant universitaire, professeur de lettres comparées, à Paris qui a quitté Athènes en 1967 à la suite de la prise de pouvoir des colonels et qui y vit avec Alliki, grecque elle aussi et leur fille Théano qui parle, elle, français. Le roman commence à la veille de Noël qu’ils fêteront en famille. Le soir du 1er de l’an,(p200) Miltiadis succombe à une hémorragie. La narratrice rentrée à Athènes reprend l’avion pour Paris et elle y restera quelques semaines. Peu d’action, aucun suspens, l’intérêt est ailleurs.

L’intérêt est dans le plaisir de la conversation. Les protagonistes sont bavards,  presque tous des universitaires, des linguistes,  aussi neurophysiologistes (une apparition de Changeux), ou préhistoriens. Plaisir des mots, le mot provenant de son contraire le silence mot/muet , absence des mots pour la jeune sourde qui s’exprime par la langue des signes, mots exotiques, du sanscrit au livonien ou au basque…origine ancienne des mots, Miltiadis s’amuse à construire des phrases françaises uniquement avec des mots d’origine allemande, ou arabes .  Son chef d’œuvre est l’histoire du « philosophe Polyandre, poète,  du triomphe d’Eros, démiurge de l’épopée satirique démocratie phagocytée par la politique et d’une anthologie d’aphorismes blasphématoires, critique de cinéma à ses heures eut un épilogue tragique, ostracisé par le Tyran Monotone Archéoptéryx, il fut saponifié par électrolyse au monastère monophysite de l’Eucharistie, à Nécropole. ». Jubilatoire !

Avant sa mort, Miltiadis a exprimé le souhait de connaître le premier mot de l’humanité.  Sa sœur, la narratrice, se lance dans une quête très sérieuse auprès des sommités scientifiques pour trouver ce mot de l’origine. Le premier mot ressemble-t-il aux balbutiements des bébés ? A-t-il été prononcé par les premiers hommes autour d’un feu ? Ou chanté en marchant lors de la longue migration qui a emmené Homo sapiens d’Afrique en Europe ? De longues digressions étayent ces hypothèses. Plus ou moins sérieuses, ou farfelues…

La Grèce n’est pas oubliée. La narratrice sait qu’en perdant son frère elle a perdu le témoin de leur enfance en Grèce, de leurs parents décédés. Elle a le pouvoir d’entendre les fantômes de ses parents et entretient un dialogue permanent avec Miltiadis après sa mort. Classant des papiers et retrouveson journal racontant de pittoresques évènements survenus pendant ses vacances dans les îles…

Lire Le Marchand de Venise, une pièce antisémite?

CHALLENGE SHAKESPEARE

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J’ai attendu très longtemps avant de lire Le Marchand de Venise; Lire une pièce antisémit e en cachette, passe encore. Mais l’analyser dans mon blog me pose des problèmes de conscience.

« La facture est « antisémite  ». Sauf à vouloir lire la pièce au troisième degré, Shakespeare, le grand Shakespeare, semble partager ici les pires préjugés de son siècle « 

affirme une critique de la mise en scène de Cécile Garcia Fogel fort bien documentée.

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Le génie ne donne aucune excuse. Il faut, certes, remettre la pièce dans son contexte historique où l’antisémitisme était banal dans toute l’Europe. On peut aussi penser qu’une pièce porteuse d’une idéologie délétère et dépassée trouve plutôt sa place aux oubliettes de l’histoire, queShakespeare a écrit assez de chefs-d’oeuvres pour remiser la plus sulfureuse et pourtant on monte encore et encore Le Marchand de Venise.

Le Marchand de Venise c’est Antonio et non pas Shylock comme certains le pensent. Shylock est pourtant le personnage le plus intéressant et le plus ambigü. Comique, c’est  l’usurier, le  vieillard avare et  méchant, renié, abandonné, volé par sa fille, qui pousse sa vengeance au delà de son intérêt et qui maintient son bon droit même quand on lui propose de tripler la somme due. Tragique, c’est l’homme humilié, moqué, insulté parce qu’il est juif, poussé à la vengeance,  dont la tirade est un très bel appel à la tolérance.

« Un Juif n’a-t-il pas des yeux ? Un Juif n’a-t-il pas des mains, des organes,
des dimensions, des sens, de l’affection, de la passion ; nourri avec
la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé
aux mêmes maladies, soigné de la même façon,
dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été
que les Chrétiens ? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas ?
Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas ? Si vous nous empoisonnez,
ne mourrons-nous pas ? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas ? »

— William Shakespeare, Le Marchand de Venise, Acte III, scène 1[18Cette tirade est un des beaux moments  de To Be Or Not To Be dont j’ai visionné les deux versions ce week end. Lubitsch ou Mel Brook m’on réconciliée avec le Marchand de Venise  ou tout au moins, la vision de Shylock porte parole des juifs face aux nazis est la plus  belle résistance au cinéma.

Philip ROTH : Exit le fantôme


Si je n’avais pas lu la Tache et j’ai épousé un  communiste je n’aurais sans doute pas ouvert ce livre.

 L’histoire de Zuckerman diminué par l’âge et la maladie (il est incontinent et perd la mémoire) reclus dans la campagne, ne m’aurait pas attirée. Mais voilà, Roth est un écrivain majeur et même sur ce thème plutôt rébarbatif,  il construit une intrigue attachante. Zuckerman, écrivain reconnu, tombe amoureux d’une jeune femme écrivain – une fan – En miroir, il raconte l’histoire de Lonof, un écrivain maintenant oublié, dont il rencontre la dernière compagne, une étudiante Amy Bellet, maintenant vieille femme atteinte d’un cancer….le dernier personnage du roman, et non le moindre est la ville de New York que Philip Roth évoque un peu à la manière de Woody Allen. La New York des intellectuels de gauche, juifs,  démocrates le lendemain de la réélection de Bush en 2004.

Philip ROTH – La tache

 

Après avoir lu Indignation, je suis allée voir mes notes de lectures concernant Philip Roth. La Tache est probablement l’ouvrage de Roth qui m’a le plus impressionnée

Quelle est-elle cette tache ?

Est ce le secret d’une vie ?

Le dérapage de ce professeur qui, d’une parole malencontreuse, se voit stigmatisé de l’infamante réputation de raciste ?

La couleur noire, cachée, qui risque de ressurgir à la naissance d’un enfant ?

Le déni de la mère qui a coupé toute une famille de ses origines ?

Au début du roman, en Nouvelle Angleterre, nous faisons la connaissance d’un professeur d’université juif qui, ayant traité des étudiants absentéistes de zombies, se trouve entraîné dans une spirale infamante le mènant à la démission, à la mort de son épouse.

Brusquement, le lecteur est propulsé dans l’adolescence d’un jeune Noir brillant étudiant, sportif complet qui porte le même nom que le professeur. J’ai eu un temps d’hésitation : Ai- je bien lu ? Ai-je compris ? Est-ce que quelque chose m’a échappé ?

Dans les années 40, la ségrégation était si imposée qu’une des solutions aux Noirs voulant échapper à leur sort, à condition que leur peau soit assez claire était de choisir de « changer de couleur ». C’est cette histoire que conte Roth, se faire passer pour Juif n’était pas impossible.

Les conséquences de ce « changement » sont à la base du roman.D’autres personnages hors normes apparaissent : le vétéran du Viet Nam, détruit par la guerre, porteur d’une violence inouïe.  La femme victime de toutes les violences, inceste, coups, qui se construit une position complètement marginale, allant jusqu’à feindre l’illétrisme pour conforter cette position (pourquoi ?) curieux personnage d’une intellectuelle française, normalienne, belle, brillante, mais complètement perverse qui se moule dans le « politically correct » pour s’imposer dans cette université américaine très provinciale.

Les personnages sont très marginaux et très originaux, Roth ne les coupe pas de leur contexte historique et sociologique. Il les inscrit dans l’Amérique de 1998 en pleine affaire Monica Lewinsky. il en profite pour dénoncer ce conformisme américain étroit, bien pensant du « politically correct » et la pruderie .Tout est plus compliqué que le manichéisme simplificateur qui semble animer la pensée politique américaine de notre époque .

Philip ROTH : J’ai épousé un communiste

Philip Roth est un auteur que je lis régulièrement et toujours avec un grand intérêt! A la suite de la lecture d’Indignation j’ai retrouvé J’ai épousé un communiste qui se déroule à peu près à la même époque. Et je publie ici la fiche que j’avais écrite il y a quelques temps déjà.

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En ces jours d’anti-américanisme primaire déclenché par les discours sur « l’axe du Mal » de Bush ,et de menaces de guerre contre l’Irak. Quel plaisir de lire un livre américain intelligent !

Au temps du maccarthysme, la chasse aux communistes ressemblait à la bêtise actuelle . Voici une Amérique de gauche personnifiée ici par deux intellectuels, l’un professeur de lettres, Murray et par un écrivain Nathan . Où est le discours des intellectuels en ces jours -ci d’après 11 septembre ?

Le personnage principal, Ira Reingold, est un juif communiste, acteur de radio, chassé de son poste par la chasse aux sorcières  entraînant dans sa chute tout son entourage, tandis que sa femme, une actrice de cinéma arriviste publie un roman à succès « j’ai épousé un communiste » pour essayer de sauver la mise, ce qui ne lui évitera pas la déchéance.

Le roman se déroule presque exclusivement dans la communauté juive, très rares sont les personnages qui ne sont pas juifs. le communiste pur et dur O’Days, le mentor d’Ira, les figurants du quartier italien de Newark, quelques ouvriers slaves des mines de zinc, et les Grant, aristocrates journalistes maccarthistes responsables de la chute .Juifs sans folklore aucun, quelques rares mots de yiddish apparaissent, trois ou quatre dans le gros pavé, une allusion à la vaisselle de Pessah, chez les parents de Nathan, qui y cache un disque de chants de l’armée rouge. Des Juifs complètement laïcisés, sans référence ethnique, et pourtant extrêmement conscients d’être juifs. Des Juifs en colère. C’est la première fois que les Juifs peuvent se permettre d’être en colère, note quelque part l’auteur. Cette colère se traduit par un engagement à gauche, anti-raciste, aussi bien contre l’antisémitisme que contre le racisme anti-noir. Je suis simplement étonnée de cette conscience très aiguë déconnectée des références obligée de la shoah et du sionisme. Jamais le sionisme n’est évoqué. Cet antisémitisme sans religion ni antisionisme extrêmement fort montre les limites d’assimilation du communautarisme américain. Autre communauté évoquée, les Italiens

Autre facette du livre : l’engagement communiste, syndical dans ces temps staliniens. La lutte des classes dans le cadre syndical étonne par sa radicalité. Je ne savais pas,en ces temps, les syndicats si politisés. Moins étonnante ,la figure raide et sans nuance du militant O’Days, présenté au début du roman comme quelqu’un de réfléchi, autodidacte exigeant sur le style et la langue anglaise qui devient un personnage sans cœur quand on fait appel à ses sentiments dans la chute d’Ira.

Ce qui fait la richesse de ce roman est que toutes sortes de lectures sont possibles : quête d’un mentor de la part d’Ira, l’orphelin qui se laisse embrigader par O’Days en cherchant u père mais qui cherche aussi un fils en Nathan. Quête aussi du mentor  de Nathan qui trouve Ira s’en éloigne et tombe sous l’influence de son professeur de littérature qui rejette toute forme de littérature engagée, puis qui est fasciné par O’Days …

On peut aussi dire que ce livre est celui de la trahison, trahison de la femme d’Ira, mais aussi trahisons multiples qui jalonnent le livre, trahison d’Ira de la classe ouvrière en se mariant avec une bourgeoise.

Nous sommes bien loin de l’Axe du mal de Bush, et je me sens soulagée de l’anti-américanisme primaire. Heureusement qu’il existe des Américains qui pensent autrement qu’en binaire ou en terme religieux !

 

Philip Roth – Indignation

LIVRE VOYAGEUR

Merci à Claudialucia pour cette initiative de faire voyager un livre entre blogueuses. Les billets que chacune écrit donne réellement envie de livre un ouvrage.Les commentaires sont une occasion de partage enrichissant. Et puis, vient l’attente du livre qui arrivera dans la boîte aux lettres. Merci à Maggie de me l’avoir envoyé!

 

Pressée de commencer ce Livre Voyageur tant attendu, en hâte d’entrer dans l’action, j’ai lu distraitement les premiers mots « sous morphine » et je n’ai prêté qu’une attention distraite aux lignes suivantes qui situaient le roman dans son époque, celle de la guerre de Corée. C’est une erreur que de négliger le début d’un livre ! Et c’est seulement après une centaines de pages, quand le titre Indignation a trouvé sa justification,  que j’y suis revenue.

La menace de la conscription dans les unités combattantes en Corée plombe l’avenir des étudiants au début des  années 50 aux Etats Unis. Est-ce cette angoisse de perdre son fils qui rend le père de Marcus soupçonneux et invivable?  ou la paranoïa? Marcus, fils modèle qui aidait son père à la boucherie, élève exemplaire  quitte son collège du New Jersey pour un établissement d’Ohio dans l’Amérique profonde où il pense s’émanciper. Des études de lettres de Marcus, on ne devinera pas grand-chose si ce n’est ce désir d’être le meilleur – pour poursuivre son sursis et ne pas être affecté dans une unité combattante – plutôt que par goût de la littérature ou  par ambition.

Marcus fuit tout ce qui rend agréable la vie sociale des étudiants sur le campus – sorties et fraternités, théâtre ou musique qu’affectionnent ses condisciples. Mais il a l’immense surprise d’être agréé par la belle Olivia. Il n’aurait jamais rêvé d’une telle conquête ! Et c’est dans cette initiation à la sexualité que nous découvrons la pression sociale et le puritanisme américain des années 50. Nulle part, les jeunes gens n’ont de refuge pour des relations sexuelles satisfaisantes si ce n’est dans une voiture prêtée ou au cimetière ! La frustration domine les rapports des garçons tandis que les filles se préparent au mariage.

Dans les premières pages du roman, on découvre donc le travail à la boucherie, l’initiation de Marcus, mais aussi le cloisonnement entre les communautés. Marcus refuse de se définir par rapport à la communauté juive et trouve isolé.

C’est justement l’obligation d’assister à l’office religieux qui fait basculer la vie de Marcus. Pour supporter le sermon il se répète une marche militaire chinoise insistant sur le mot « indignation » et c’est justement à l’issue de l’office qu’il doit justifier de sa conduite chez le Doyen des étudiants.

Quel écart de conduite ? Le doyen ne peut reprocher à Marcus que ses déménagements successifs et son manque de sociabilité ! Est-ce un crime de ne pas socialiser dans les fraternités et de préférer un galetas à la compagnie de trois camarades ? Cette entrevue montre la pression sociale  exercée sur les jeunes adultes dans cette université provinciale.

Tout le roman bascule alors et la tragédie s’enclenche…

Puritanisme, omniprésence de la religion (peu importe laquelle), antisémitisme latent, la vie n’est pas facile dans cette Amérique en 1951. Les mouvements anti-guerre du Vietnam et hippies ont-ils fait sauter tous les verrous ? Rien n’est moins sûr dans les années Bush et les difficultés que rencontre actuellement Obama trouvent bien leurs racines dans ce terreau de l’Amérique profonde. Les partisans des Tea-parties font bien  référence à cette Amérique blanche, puritaine et religieuse.

Henry Bauchau :OEdipe sur la route

MYTHES ANTIQUES ETERNEL/S / CLASSIQUES OU MODERNES

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J’avais beaucoup aimé l’ Antigone de Bauchau dont je ne retrouve plus de traces dans ma liste de lectures.

. Œdipe est déjà aveugle quand s’ouvre le récit. Il est chassé de Thèbes. Antigone le suit.L’errrance des réprouvés se fait dans une Grèce très primitive que j’imagine grâce à notre dernier voyage en Béotie et en Thessalie. Bauchau ne s’embarrasse pas de tourisme. La tragédie est intemporelle, primitive, elle pourrait se dérouler dans n’importe quelle contrée. Et pourtant les montagnes grecques défilent en arrière plan, la mer, les côtes rocheuses. Ils rencontrent Clios, le bandit de grand chemin qui les défie et suit Œdipe, le sert avec une fidélité exemplaire. Où Bauchau a t il trouvé le personnage de Clios ? Existe-t-il dans une mythologie que je ne connais pas? Dernier survivant d’une vendetta entre deux clans de bergers les uns champions de la musique, les autres, champions de la danse. Massacre sans pitié des clans rivaux. Bauchau convoque les arts dans leur expression la plus primitive, flûte d’os et danse de transe ! Diotime, la guérisseuse est elle aussi une invention de l’auteur ? C’est un beau personnage que celle qui accueille les réprouvés leur redonne une dignité et un art : Clios devient potier, Œdipe, malgré sa cécité, sculpte, Antigone tisse… Œdipe, arbitre des bergers reste malgré l’errance, l’infirmité, la mendicité, le roi superbe. Récit riche de personnages, de symboles. On y croise le Minotaure, Thésée, roi d’Athènes. Le voyage s’achève à Colonne sur la route d’Athènes et nous pressentons la tragédie des luttes pour la royauté de Thèbes, la tragédie d’Antigone. Livre éblouissant.

lire pour la Grèce : Jacqueline de Romilly raconte L’Orestie D’Eschyle

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Revisiter les classiques, un souvenir d’Epidaure

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Périodiquement, je retourne aux sources de la Mythologie, des grands textes grecs. Vernant, Vidal Naquet, de Romilly, éclairent les légendes, les héros, les Dieux.

L’Orestie, c’est la Trilogie qui regroupe Agamemnon, Choéphores, Euménides. Ces deux dernières pièces, je les ai vues représentées à Epidaure. J’avais lu le texte quelques heures avant la représentation et, tenant le livre sur mes genoux, à l’aide des bribes de grec que je comprends, je m’efforçais à suivre pendant la pièce. Cet exercice me rappelle la façon dont j’ai suivi autrefois la lecture de la Haggadah de Pessah sans comprendre tout mais avec des repères. Le cadre du théâtre antique était magnifique et j’ai plutôt vécu cette séance comme une cérémonie religieuse.

Cependant, il me manque  l’arrière plan historique et culturel pour saisir le sens profond du texte. En cela,  l’analyse de De Romilly est neuve et essentielle pour moi. Si le mythe des Atrides est connu, le contexte de l’installation de la démocratie à Athènes au cours du 5ème siècle était flou pour moi. Cela me donne envie de relire le texte original. Et comme dans Ulysse raconté par Vernant le plaisir et la découverte sont intacts.

Jacqueline DE ROMILLY : raconte L’Orestie d’Eschyle Bayard – coll. La mémoire des œuvres – 117p

Jason Goodwin – Le Trésor d’Istanbul

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Un roman policier à lire avant un voyage à Istanbul, ou encore mieux au retour!  En revenant d’un été grec, ce n’est pas mal non plus…

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1838, le sultan Mahmoud se meurt dans son palais de Besiktas, la Validé est restée dans le Harem de Topkapi, Hachim, notre détective, eunuque libre, qui a donc ses entrées au Palais, enquête sur une série de meurtres qui le touchent de près ou de loin. Attaque d’un marchand de légume grec, assassinat d’un libraire grec du Grand Bazar, disparition d’un Fontainier albanais, d’un archéologue français…

Hachim pense au début qu’il doit y avoir un lien entre ces faits divers. On lui suggère qu’une société secrète grecque serait probablement à l’instigation des meurtres des grecs, nous sommes proches des guerres de l’Indépendance Grecque et on parle ici de la Grande Idée. Hachim nous entraîne à Fener au siège du Patriarcat.

On parle de Byron et de Missolonghi où le poète est décédé, le médecin personnel du sultan est celui qui a soigné Byron !

Les identités successives Byzance, Constantinople, Istanbul s’emmêlent comme les serpents de la colonne serpentine de l’Hippodrome…

Mais je ne veux pas déflorer le mystère !

L’auteur entraine le lecteur dans tous les recoins les plus pittoresques de la Ville, nous fait connaître toutes les communautés qui vivaient à l’époque, Juifs, Arméniens, Italiens, Anglais, il y a même un  ambassadeur polonais alors que la Pologne a été démembrée depuis longtemps.  Courts chapitres : ce roman ressemble à un kaléidoscope, où tous les monuments servent de décor  des Sainte Sophie aux citernes, du Grand Bazar au bazar aux épices….Longues digressions aussi sur l’histoire aussi bien contemporaine (XIXème siècle, bien sûr) que très ancienne.

Jason GOODWIN – Le Trésor d’Istanbul – Grands  Détectives 10 /18 – 376p.