Pendant les évènements récents, véritable guerre civile qui ne dit pas son nom, j’ai eu envie de me tourner vers Amos Oz (décédé en décembre 2018), qu’aurait-il dit de ces affrontements?
Les deux morts de la grand-mère est un recueil de plusieurs essais, conférences entretiens parus séparément de 1975 à 1992. La table des matières donne un aperçu du contenu
I. D’OÙ JE VIENS
Exorciser les démons
Une enfance à Jérusalem
Un étranger dans une ville étrangère II. D’OÙ J’ÉCRIS
Les deux morts de ma grand-mère
Tel un gangster la nuit des longs couteaux, je rêve Pourquoi lire ?
III. D’OÙ JE PARLE
Entre l’Europe et le désert du Néguev
Le charme discret du sionisme
L’écrivain écrit, le critique critique, et le temps juge…. (entretien avec Iona Hederi-Remege)
Le kibboutz et la tendresse Un romantique contrarié (entretien avec Ari Shavit)
IV. LES MOTS QUI TUENT, LES MOTS QUI PARFOIS GUERISSENT
La valise de Maria Kafka
Entre l’homme et l’homme
Les nerfs d’acier de la divinité et la vraie ironie allemande
Ils ont été créés à l’image de Dieu
La morale et la culpabilité
De la douce Autriche et des sages de Sion
Paix amour et compromis
Ce sont des textes très variés, dans la première partie, Amos Oz parle de ses origines, de ses parents, du rapport à la culture européenne et de la Jérusalem rêvée si différente de la Jérusalem réelle.
J’ai surtout aimé la seconde partie et son rapport ambivalent au kibboutz qu’il a quitté.
Voyez-vous, la civilisation d’“Eretz Israël des travailleurs”, apparemment, ne reviendra plus. Je fais partie de cette civilisation. Cela veut dire que j’appartiens au passé. “Le pays de mon cœur”, que l’on me promettait au temps où j’appartenais au Mouvement de jeunesse, n’existera
…………… Le monde auquel j’avais le sentiment d’appartenir intimement – avec beaucoup d’ambivalence – n’existe plus. Ce qui a été ne sera plus, et pour moi c’est un sentiment pénible. Le noyau de la civilisation qui s’est développé ici dans les années trente et quarante ne continuera pas à se développer. Il n’y aura plus ici de société de cols ouverts et de shorts, ce que Shulamith Hareven appelle une “société de frères”, une société ouverte, égalitaire, sans formalisme. Elle a disparu.
La dernière partie est un commentaire du Shoah de Lanzmann. Essentiel.
C’est un ouvrage sans illusion, sans concession non plus, critique vis à vis du nationalisme israélien mais aussi vis à vis de la gauche bien-pensante. Cependant il date un peu. Presque trente ans nous séparent de la parution.
Merci à Babélio et aux éditions Scyllade m’avoir offert l’occasion de découvrir ce livre. La Masse Critique est l’occasion de sortir des chemins battus.
Jolie édition, joli objet-livre, beau papier, maquette réussie, pagination originale au milieu de la page, dans le texte.
L’éditeur qualifie cet ouvrage de novella, nouvelle de 111 111 caractères et une soixantaine de pages. Dystopie, l’action se déroule dans la Bande de Gaza en 2050. Les diverses factions Hamas, Hezbollah ou Djihad mènent encore des combats désespérés tandis que la Communauté Internationale et Israël tentent une paix précaire.
Parmi les protagonistes, Keren Natanel, lieutenant de Tsahal enseigne l’hébreu à des veuves de guerre, dans un centre sous l’égide de l’Unesco. Jawad est un ingénieur qui manie la technologie moderne pour réparer les invalides avec des prothèses bioniques. Marwan Rahmani après une longue incarcération dans les prisons israélienne tente une carrière politique jouant l’apaisement. Bassem, reste fidèle à la résistance armée.
J’ai eu beaucoup de mal à me retrouver dans la violence récurrente. Il est question de paix et de reconstruction de Gaza mais les bombes, les drones, les attaques-suicides font des ravages et font complètement exploser le récit. Quand je crois comprendre quelque chose il se passe un évènement violent qui interrompt le cours de l’action et me projette dans des conjectures…
Je n’ai pas l’habitude de lire de la Science-Fiction et le vocabulaire techno me dérange, qu’est-ce qu’un conglo? un tore? un recorp? je crois comprendre que Jawad est capable de réincarner sa fille décédée. Je disjoncte.
Je crois que je ne suis pas le bon public pour une telle lecture, trop de violence, d’incohérence, de galimatias. Dommage….Au moins, j’ai essayé!
Comment l’histoire vraie de Rami Elhanan et celle de Bassam Aramin est-elle passée sous mes radars?
Bassam et Rami en vinrent à comprendre qu’ils se serviraient de la force de leur chagrin comme d’une arme.
Bassam Aramin (left) and Rami Elhanan (right) – members of the Bereaved Families Forum
Deux pères endeuillés, Rami, l’Israélien, père de Smadar, 14 ans, victime en 1997 d’un attentat de kamikazes et Bassam, le Palestinien, père d’Abir, 10 ans tuée par une balle à l’entrée de son école en 2007. Ces deux pères consacrent maintenant leur vie à raconter conjointement leur deuil plutôt que leur vengeance et militent pour la paix dans le cercle des parents. Histoire du combat pour la Paix. Histoire aussi d’une amitié.
Cette histoire, seule, aurait valu la peine d’être lue, même brute, même sans fioritures littéraires. Surtout si, en plus, le livre évoque Nourit Peled-Elhanan, la femme de Rami, lauréate du Prix Sakharov 2001, aussi une Combattante pour la paix et son père Matti Peled, général, héros des guerres israéliennes, et arabisant, universitaire, protestataire, militant contre l’occupation après la guerre des Six Jours.
Une biographie de Bassam, même littérale, aurait été passionnante. Vie quotidienne en Palestine, internement à 17 ans en prison, résistance par la non-violence.
Toute la puissance d‘Apeirogon est justement d’avoir raconté leur histoire dans un livre des 1001 épisodes (il est aussi question des 1001 Nuits que les fillettes lisaient et du traducteur en Italien des 1001 Nuits, abattu par le Mossad).
Apeirogon : une forme possédant un nombre dénombrablement infini de côtés.[…]Pris dans sa totalité, un apeirogon approche de la forme d’un cercle, mais un petit fragment, une fois grossi, ressemble à une ligne droite. On peut finalement atteindre n’importe quel point à l’intérieur du tout.
L’histoire de Bassam et de Rami se découvre entre les facettes de ce polygone, de ce livre de contes extraordinaires (et pourtant véridiques). Construction très habile , symétrique de 500 chapitres formant la première moitié du texte, tandis que le chapitre médian est numéroté 1001 et le suivant 500 tandis que les numéros décroîtront. C’est cette décroissance qui m’a alertée sur l’aspect symétrique de la composition.
souimanga de Palestine
J’ai beaucoup aimé l’évocation des oiseauxmigrateurs qui empruntent le couloir aérien au dessus de la vallée du Jourdain. Oiseaux qu’on bague. Oiseaux de proie aussi, faucons capturés dans le désert et vendus sur le marché de Bethléem, histoire de Burton(1821-1890) explorateur et fauconnier. Des faucons on passe aux drones…Ortolans prisés par Mitterrand (là, je n’ai pas trop aimé). Evocation aussi de la Conférence des Oiseaux jouée par Peter Brook dans le Sahara (je l’avais vu aux Bouffes du Nord). Oiseaux symboles de la Palestine Souimanga de Palestine ou Huppe loquaceemblème d’Israël…
Certains de ces chapitres nous emmènent très loin dans des résonnances littéraires ou musicales. Evocation de l’expérience de la mort par Antonin Artaudà la Sorbonne dans son essai Le Théâtre et la Peste. Chants d’oiseaux de Messiaen et partition 4’33 » de John Cage. Impossible de lister toutes les références culturelles, occasion de sortie mon smartphone pour chercher sur Google des images ou des vidéos. Parfois ces digressions nous éloignent du sujet; je m’agace un peu (qui trop embrasse mal étreint). Mais c’est toujours passionnant. Un regret l’histoire de Dalia Al Fahoum et de ses enregistrements des bruits de la Palestine, qui a disparu et que je n’ai pas retrouvée sur Internet.
Ce livre m’a captivée, il est tellement riche que j’ai déjà envie d’y retourner.
« J’ai assisté à une conférence à l’étranger » as-tu dit. Elle était donné par un homme qui affirmait fièrement que nous étions les héritiers, les descendants des prophètes. Il fallait corriger immédiatement son propos : non nous ne sommes pas les descendants des prophètes car la plupart d’entre eux n’ont pas eu de descendance. mais nous sommes les héritiers de ceux qui leur ont jeté des pierres pour qu’ils se taisent. »
Dès que j’ai appris la parution de ce livre posthume, je me suis précipitée à le télécharger. Ce court ouvrage (96 pages) est le texte d’une conférence donnée à Berlin. Amos Oz parle de son livre Judas, de la figure du traître qu’on lui renvoie. j’ai beaucoup aimé ce livre, lu à sa parution, chroniqué
En revanche, j’ai découvert Delphine Horvilleur qui a préfacé l’ouvrage sous forme d’une lettre ouverte à Amos Oz très touchante dans laquelle je me suis retrouvée.
Pour célébrer les 90 ans de Vera, la famille est réunie au kibboutz. Même Nina est venue du Cercle Polaire. Plusieurs générations de femmes, Véra , Nina, sa fille, Guili la petite fille. Entre mères et filles, le dialogue est difficile, voire impossible, la maternité est loin d’être une évidence!
Nina au début d’Alzheimer, va perdre la mémoire. Raphaël, le père de Guili, cinéaste, imagine de réaliser le film de son histoire qu’elle pourra visionner quand la maladie la gagnera. Raphael et Guili, la scripte, emmènent Vera et Nina en Croatie , à Cakovec, ville natale de Vera, et à Goli Otok, l’ile-bagne pierreuse où Vera a été internée. Pendant tout le voyage Raphaël et Guili vont filmer, enregistrer, noter le récit de Vera et les réactions de Nina. Vera retrouve sa maison natale, raconte son enfance, la rencontre avec Milosz, le père de Nina puis son mariage, la guerre, la résistance avec les partisans de Tito et enfin l’arrestation… Les autorités donnent à Vera le choix : renier son mari et signer son acte d’accusation afin de garder sa fille, ou être internée à Goli Otok. Vera ne signe pas. Sa fille peut elle entendre ce choix?
On peut lire le livre comme un roman, se laisser porter par l’action, les pages se tournent toutes seules. Ce n’est pas une fiction, c’est une histoire vraie, celle de Eva Panic-Nahir , célèbre en Yougoslavie qui a fait l’objet d’un livre Eva de Dane Ilic et d’un film documentaire. On peut lire La Vie joue avec moi comme un témoignage. Témoignage sur l’histoire de la Yougoslavie, le bagne titiste de Goli Otok, sur les guerres des Balkans aussi. C’est aussi le making-of, d’un film : Guili joue le rôle de la scripte qui note tout, l’éclairage, le son. L’écriture est cinématographique.
Encore un livre très riche, émouvant et passionnant!
J’ai dévoré ce livre, une fois commencé je ne l’ai plus laissé. Merci à Babélioet l’éditeur du TempsPrésent
« Et bien, votre fils Sioma…en deux mots c’est un Don Quichotte tragique… un héros antique, en quelque sorte » […]…mais inspiré par un vieux philosophe, un hassid, sans doute, qui lui apprit que « sans l’espérance, nous ne trouverons jamais l’inespéré » « .
Lecture passionnante : un demi-siècle de révolutions, 1904-1946 , d’Odessa à la Guerre Civile espagnole, aux camps du Vernet de Djelfa, en Palestine. Sioma, le père d’Alexandre Thabor, raconte sa vie à son fils après une longue séparation. Ce livre qui se lit comme un roman d’aventures, est le témoignage d’un combattant révolutionnaire. C’est aussi une merveilleuse histoire d’amour de deux enfants juifs d’Odessa 15 ans et 13 ans qui se sont aimés jusqu’à ce Tsipora ne soit réduite en cendres quelques jours avant la libération d’Auschwitz.
Révolutionnaire depuis sa plus tendre enfance :
« C’est à six ans que mon père m’a ouvert les yeux sur le monde dans lequel nous vivions, nous les Juifs : un monde de pogroms, d’incendie, de pillage, de viols, de dévastations, de massacres perpétués par les Cent-Noirs »
….
C’est juste après l’assassinat de Stolypine, l’organisateur des Cent-Noirs un jour de Septembre 1911, que mon père a jugé bon de commencer mon éducation politique. […]Il m’a raconté le dimanche sanglant de 1905 à Saint Pétersbourg, les grandes grèves d’Odessa, la mutinerie des marins du Cuirassé Potemkine…
Révolutionnaire et juif, révolutionnaire parce que juif?
Son père tenait une école où l’on enseignait le Russe avec Gogol et Pouchkine, l’Hébreu avec la Torah, …et les prophètes : Amos, le premier révolutionnaire ouvrier, Isaïe très présent tout au cours du récit. Malgré les violences, les récits de guerre, les références aux textes juifs sont présentes.
Chagall : la Guerre
Sioma, adolescent à Odessa, vit dans une ambiance de violence extrême. Le récit d’un pogrom est insoutenable. Après la Révolution de 1917, Odessa est le théâtre d’affrontements entre l’armée Rouge, les armées blanches et les nationalistes ukrainiens. La communauté juive est, elle-même, partagées, certains juifs soutiennent l’Ukrainien Petlioura, pourtant antisémite. Sioma choisit les komsomols où il acquiert une éducation politique et militaire.
Chaghall : le salut
Ce n’est qu’après le pogrom de Jitomir (1919) que son ami Gedeon l’entraine à une réunion du Poalé-Zion sioniste. Il entend parler Kalvarisky , un proche de Martin Buber partisans d’une entente entre les Arabes et les Juifs en Palestine. L’idée de quitter Odessa pour Eretz Israel ne le tente d’abord pas du tout. Pendant de longues années, se succèdent affrontements et massacres. Ce n’est qu’en 1924, avec Gedeon et Tsipora qu’ils iront s’installer à Nahalal dans la ferme de leurs amis Olga et Youri.
Jamais, Sioma et Tsipora n’ont adhéré au slogan « Une terre sans peuple, un peuple sans terre » . Déjà, à Odessa, ils connaissaient la situation : deux peuples condamnés à vivre ensemble sinon , selon Martin Buber, il s’en suivrait une Guerre de Cent Ans.
« partisans de la création d’un Etat commun binational, nous étions certains que cet espoir serait comblé un jour ou l’autre. De ce point de vue, nous nous sentions pleinement révolutionnaires »
L’installation à Nahalal au printemps 1924 se fait dans l’enthousiasme jusqu’à ce qu’une famille palestinienne ne vienne cultiver les terres qu’on leur avait volées et qu’un membre du moshav ne tue le père.
« Sioma ressent sa vie en Eretz Israel entachée par ce crime. Il éprouve désormais l’obligation d’empêcher pareilles injustices »
Après avoir protesté, devenus indésirables, ils sont chassés du moshav et déménagent à Haïfa où ils militent pour l’entente avec les Arabes avec qui avait fondé avec Martin Buber, Brit Shalomqui lui fait connaître le maire de Haïfa et les grandes familles arabes. Sioma rencontre aussi Yitzhak Sadeh qui l’a accueilli au Bataillon du travail tandis que Tsipora travaille avec Sarite la sœur d’un communiste arabe Nadjati Sidki dans une école bilingue accueillant enfants juifs et arabes. Ils soutiennent les revendications et les grèves des travailleurs arabes
« Ils deviennent des traîtres, des vendus à la cause arabe »
Tandis que les émeutes, les violences intercommunautaires et antibritanniques s’intensifient. En 1936, à la suite d’une décision de la Histadrout de bannir les travailleurs arabes, la grève se transforme en lutte armée. Sioma est arrêté par les Anglais et emprisonné à Saint Jean d’Acre. Il est expulsé de Palestine et rejoint les Républicains espagnol dans leur lutte contre le fascisme.
Il ne part pas seul, 25 militants antifascistes juifs et 2 arabes forment
« mon unité, mes Palestiniens »
Jose Garcia de Ortega
dans les brigades internationales. Il retrouve d’anciennes connaissances d’autrefois quand il était dans les komsomols et furent
« accueillis par André Marty, le héros de la mutinerie de la marine de guerre française dans la rade d’Odessa »
Le récit de la Guerre d’Espagne est détaillé sur 75 pages, de bravoures, de tueries, d’occasions ratées, de défaites sanglantes et aussi de coups tordus. Bataille de Madrid, de Saragosse, de Teruel pour finir par la Retraite, la Retirada. Impression de gâchis. Les ordres de Moscou sont contradictoires. Chaque clan livre bataille de son côté, quand ce n’est pas les uns contre les autres. Exécutions sommaires de déserteurs. Déserteurs ou opposants politiques? Les communistes semblent plus occupés à décimer les anarchistes et les trotskistes qu’à gagner la guerre civile. Exécutions aussi de militants communistes chevronnés, hauts gradés qui ont déplu à Moscou. Jeanne, une journaliste qui a publié un article sur la commune des femmes libres de Calanda (anarchistes), Lucia Cordoba, une chirurgienne dont le seul tort est d’avoir soigné un officier franquiste, périssent dans d’étranges accidents, enlèvement, guet-apens. Et pourtant, malgré tout cela, Sioma continue persuadé de la justesse de leur lutte anti-fasciste.
1939, Sioma est interné dans des conditions très dures au camp du Vernet d’où il s’évade pour retrouver Tsipora à Paris. Il est repris sous les yeux de son fils et de sa femme renvoyé au Vernet puis en Algérie à Djelfa jusqu’en 1942. Après le débarquement des Alliés en Afrique du Nord les anciens des Brigades furent libérés et un émissaire soviétique vient chercher Sioma pour l’envoyer en Palestine.
Chagall : à la Russie, aux ânes et aux autres
Détour par Moscou, où chaque clan autour de Staline avance ses pions. Béria pense l’utiliser dans un comité juif, le CAJ, cherchant à lever des fonds d’aide à l’Armée Rouge. En contrepartie, l’URSS soutiendrait la création de l’Etat d’Israel. Protégé par sa mission soviétique, il peut retourner en Israël d’où il était banni. Occasion de retrouver Haïfa, sa mère et ses camarades de combat.
1946, la guerre est finie mais la libération des camps a changé la donne. Ben Gourion, la Haganah préparent les forces du futur Etat d’Israël. Où se trouve Sioma le jour de l’Indépendance? Ce n’est plus le sujet. A Paris il apprend la mort de Tsipora.
Témoignage sur la Révolution Russe à Odessa, sur la vie du Yichouv de 1924 à 1936, récit de la Guerre d’Espagne. C’est aussi un récit très poétique entrecoupé des versets d’Isaïe ou de Jérémie, de poèmes écrits par ces poètes yiddisch qui vont disparaître en 1952 lors de la purge de Staline.
Un récit, parfois touffu, où je me suis un peu perdue, mais passionnant.
En bonus : la préface d‘Edgar Morin. Une postface très intéressante : Ils rêvaient de binationalisme signée Dominique Vidal
Le voyage de l’écriture ressemble, par bien des aspects, au voyage que je faisais en été avec mes parents pour me rendre dans la maison de mes grands-parents, dans les Carpates.
Un regard d’enfant est indispensable à tout acte créateur. Lorsque vous perdez l’enfant qui est en vous, la pensée s’encroûte, effaçant insidieusement la surprise du premier regard ; la capacité créatrice diminue. Plus grave encore : sans l’émerveillement de l’enfant, la pensée s’encombre de doutes, l’innocence bat en retraite, tout est examiné à la loupe, tout devient contestable, et l’on se sent contrarié d’avoir simplement aligné des mots.
Je retrouve toujours avec un grand plaisir l’écriture nostalgique et intime d’Appelfeld qui, encore une fois, a choisi un enfant-narrateur pour évoquer ses souvenirs et un monde disparu. Mon père et ma mère se déroule pendant les vacances d’été 1938 sur les bord du Pruth (affluent du Danube) dans un pays qui a disparu : la Bucovine, entre Roumanie et Ukraine, Czernowitz est maintenant ukrainienne. De nombreux juifs sont en villégiature à la veille de la catastrophe. Certains se baignent, bronzent, piqueniquent mais
Les rumeurs sur la guerre bruissaient dans le moindre recoin. On aurait cru que les gens étaient dans une cage dont ils essayaient d’écarter les barreaux. Le fleuve coulait, prêt à accueillir encore de nombreuses personnes sachant nager ou ramer, mais les gens couraient dans tous les sens.
Erwin, 10 ans 7 mois, fils unique, choyé par ses parents est curieux de cette société. L’auteur brosse des caractères originaux comme Rosa Klein qui lit les lignes de la main, ou Karl Koenig, l’écrivain, ou l’homme à la jambe coupée, le docteur Zeiger, d’autres plus ordinaires qui cancanent ou geignent.
Atmosphère idyllique dans la montagne après une chevauchée, simplicité de ces Juifs paysans et pieux : les parents de la mère. Mais aussi un pogrom villageois, tentative d’extorsion du cocher ukrainien. Erwin redoute le retour à l’école sous la menace de Piotr. L’antisémitisme diffus est bien présent mais personne ne se doute de ce que la guerre apportera.
Un récit tout en finesse et en tendresse. Moins impressionnant et tragique que Les partisans, Tsili ou Le garçon qui voulait dormir mais encore un grand livre.
En ce moment je lis beaucoup. J’alterne gros pavés et polars exotiques plus vite lus. Un polar israélien? J’embarque et télécharge sans méfiance puis qu’il est recommandé par Matatoune
J’aurais dû être plus attentive : le titre original est A long Night in Paris et le livre est traduit de l’anglais. Je risque de ne pas être dépaysée et de ne pas me promener beaucoup en Israël!
Espionnage, jeux de pouvoirs entre les différents services des Renseignements israéliens, entre Mossad et Shabak, dans les bureaux et les salles de conférences de Tsahal à la Kyria. Guerres d’égo, cirage de pompes, coups tordus. Un Israélien est enlevé à Roissy ; est-ce un fait divers ou une affaire d’Etat? Une série de cadavres retrouvés cette nuit-là fait craindre le pire.
L’auteur ne nous épargne aucune note de service avec les destinataires, de niveau de secret, les codes et les procédures pour garantir la confidentialité. Cela pourrait être original, c’est plutôt ennuyeux. Quelle bureaucratie!
Dov Alfon se complait dans la technologie des téléphones mobiles, des smartphones capables de géolocaliser les correspondants (c’est finalement banal) de crypter les conversations (on s’en douterait). et même de localiser les armes et les attaquants derrière une porte….miraculeux! Fascination pour les antennes???? Même attention complaisante pour les armes. Je m’ennuie.
Seule figure un peu folklorique : madame Abadi, la mère du colonel israélien. Mère tunisienne typique, elle va cuisiner couscous-boulettes, et makhrouds (emballés dans du papier alu). Madame Abadi habite Créteil. Alors là, la lectrice cristolienne se vexe. Créteil est décrite comme une banlieue affreuse avec un maire communiste et des constructions staliniennes. Et non! l’urbanisme a été dessiné du temps du Général Billotte, gaulliste bon teint, et depuis, le Maire Socialiste a entretenu une ville verdoyante. L’auteur résident à Paris aurait pu prendre le métro avant d’imaginer des choux-fleurs, à la place des épis de maïs!18
C’est encore dans le blog de Kathel que j’ai trouvé ce livre! Depuis un moment je n’avais pas lu Philip Roth. Avec le temps de lecture octroyé par le confinement (oui! la lecture est essentielle comme manger et boire) ce pavé(650 pages en poche) me semblait tout à fait indiqué.
Opération Shylock, un tel titre suggère un thriller, de l’espionnage…
Thriller? Sûrement pas, le rythme est paresseux avec des digressions incroyables.
Espionnage, presque, Roth embauché par le Mossad, qui l’eût cru?
Shylock ? Nous digressons sur Shakespeare : Roth, très littéraire, nous emmènera aussi du côté de Dostoïevski. Shylock , « Trois mille Ducats » ,le marchand de Venise, l’archétype du Juif. Il sera question d’antisémitisme. C’est même un des thèmes principaux du livre. Paroxysme de l’antisémitisme : on assiste à des audiences du procès de Demjanjuk (Ivan le Terrible de Treblinka) à Jérusalem. Antisémitisme ordinaire, en Ukraine, Pologne ou aux Etats Unis. Même un burlesque club des Antisémites Anonymes sur le modèle des Alcooliques Anonymes, ayant pour but de désintoxiquer des antisémites repentants. Comédie et tragédie mêlés, comme souvent, dans un humour juif ravageur.
Une confession? on pense plus à une psychanalyse qu’à l’aveu d’une faute. Auto-analyse, Freud fait partie de la culture juive newyorkaise, comme chez Woody Allen ou chez d’autres. Hilarante comparaison entre l’injonction de se taire, ou de cesser la médisance, d’un rabbin Polonais Hofetz Haïm et celle de parler de Freud.
L’histoire commence par la convalescence de Philip Roth atteint d’une grave dépression, effet secondaire d’un médicament : l’Halcion. Tout juste guéri, l’écrivain se met au travail : il a prévu une série d’entretiens avec Aharon Appelfeld qu’il va rencontrer à Jérusalem en janvier 1988, début de la Première Intifada alors que se déroule le procès Demjanjuk.
A Jérusalem, Roth rencontre son sosie qui, non seulement lui ressemble physiquement, mais qui prétend s’appeler également Philip Roth. Il usurpe son identité pour profiter de la notoriété de l’écrivain afin de rencontrer des autorités (Lech Walesa, et pourquoi pas Yasser Arafat à Tunis). Le faux Philip Roth est le promoteur d’un mouvement politique : le diasporisme qui prétend au retour des Juifs Ashkénazes en Pologne, Roumanie et Allemagne (d’où il proviennent). Cette thèse scandaleuse fait l’affaire des Palestiniens.
Etrangement, Philip Roth ne dénonce pas cette usurpation d’identité et ne s’entoure pas d’avocats chargés de clarifier cette affaire. Au contraire, il s’amuse du romanesque de la situation, s’empêtre dans des situations scabreuses et soutient les thèses improbables du diasporisme. On ne sait plus qui est qui, qui pense quoi . L’écrivain voit dans le thème du double une contradiction intéressante stimulant son imagination. Pour s’y retrouver (et pour que le lecteur ne soit pas complètement perdu il nomme l’autre Philip Roth Moishe Pipik, surnom enfantin qu’on attribue aux enfants qui font les intéressants, Moishe petit-nombril, surnom péjoratif pour rabaisser l’imposteur? Le roman, la confession, ne serait-il pas nombriliste? On est pris parfois d’un doute, ce dédoublement de la personnalité ne serait-il pas plutôt imputable à l’Halcion, le médicament aux effets secondaires psychiatriques?
Les péripéties sont tellement invraisemblables qu’on navigue à vue. Et si l’opération Shylock était une manipulation habile? En plus de cette intrigue compliquée, Roth nous raconte des souvenirs d’enfance. Il fait des détours par des références littéraires ou philosophiques. J’ai le tournis et je suis tentée d’abandonner ce maelstrom quand il expose des délires antisémites difficiles à lire (j’ai sauté des paragraphes entiers). Et culot incroyable, Houtzpah phénoménale! il ose, après 577 pages, terminer le livre par un épilogue : En général les mots gâchent tout.
« On ne tue pas quelqu’un parce qu’un livre nous énerve. Certes, cela s’est produit au Moyen Âge dans la civilisation chrétienne – Morkus venait de voir le film Le Nom de la rose –, mais, dans le monde démocratique, si l’on n’aime pas un livre, on le jette, tout au plus, à la poubelle et le lecteur vraiment retors en fait cadeau à un ami. »
Schlomo Sand est un universitaire, historien à l’Université de Tel Aviv. Il a écrit des essais: Comment le peuple juif fut inventé,(2008)Comment la terre d’Israel fut inventée (2012), comment j’ai cessé d’être juif (2013) La fin de l’intellectuel français? (2016) qui ont été édités en français, et bien sûr, d’autres publications, antérieures ou non traduites.
La mort du khazar rouge est une fiction, un polar de 383 pages, se déroulant sur 20 ans de 1987 à 2007. L’enquête commence avec le meurtre d’un universitaire Litvak, historien, qui s’apprêtait à publier un livre sur les Khazars, royaume s’étendant de l’Ukraine au Caucase ayant adopté la confession juive. Ces travaux dérangeant une partie des universitaires israéliens. Le policier Emile Morkus est un Arabe chrétien de Jaffa fait équipe avec Shimon Ohayon un juif marocain. Peu d’indices pour élucider cet assassinat. D’autres assassinats – le frère jumeau de Litvak – une étudiante gauchiste, ne sont pas plus résolus, le procès du violeur de l’étudiante aboutit à une erreur judiciaire. Après un nouvel assassinat, 20 ans plus tard l’enquête reprend. La victime est un autre historien, un orientaliste. Son sujet de recherche : Himyar, un royaume yéménite également converti au judaïsme au IV ème siècle de notre ère.
La seconde raison de mon écrit hors des sentiers battus vient de ma forte crainte, en tant que sioniste, de la dérive croissante du nationalisme juif vers des conceptions historiques ethnocentriques et raciales. J’ai bien peur que cela finisse par détruire la société israélienne, qui me tient tant à cœur. Fidèlement. Yitzhak, ton professeur, Et si tu veux bien : le Khazar rouge.
Je déteste les critiques qui spoilent le récit des polars. Ne comptez pas sur moi pour vous donner plus de détails sur l’intrigue qui est très bien conduite et qui tient le lecteur en haleine.
En revanche, j’ai pris grand intérêt à retrouver vingt ans d’histoire d’Israël : la première Intifada, les espoirs nés à Oslo ,l’assassinat de Rabin en 1995…Grand intérêt également à découvrir tout un pan d’histoire du peuple juif sous un angle que j’ignorais (les khazars, non, mais le royaume yéménite complètement).
Rencontre avec un écrivain que j’ai eu le plaisir d’entendre sur des vidéos de Youtube qui m’ont appris que la fiction était basée sur des faits réels : Litvak, le personnage a été inspiré d’un historien Abraham Polak qui a vraiment étudié les Khazars, le policier arabe d’un véritable policier.
J’ai trouvé la référence du livre sur le blog de Kathel