Bandes de Génies – Mémoires du Montparnasse des Années folles – Robert McAlmon – Séguier

MASSE CRITIQUE DE BABELIO

Merci à Babélio et à l’éditeur pour cette aventure livresque dans les années folles!

J’avais coché avec enthousiasme la case dans la liste de la Masse Critique après ma récente visite au Petit Palais du Paris de la Modernité et plus ancienne des Pionnières au Luxembourg et de L’Ecole de Paris au Majh et de celle de Chana Orloff au Musée Zadkine. Il me semblait que je me trouverai un peu en pays de connaissance entre le Musée Bourdelle, la Maison de Giacometti. 

Robert McAlmon est un auteur américain. Marié à une richissime anglaise ce qui lui procure une grande aisance aussi bien pour mener une vie de dilettante que pour fréquenter le grand monde anglophone. C’est aussi l’éditeur de Gertrude Stein et d’Hemingway. Bande de Génies est le récit de 10 ans de vie de bohème dans le monde aisé (et alcoolisé) des intellectuels anglophones expatriés en Europe. De Londres à Barcelone, en passant par Berlin, Venise et la Côte d’Azur. 

Bande de Génies est une sorte de journal de bord, de compilation d’anecdotes, parfois très répétitives de rencontres autour d’un verre (plusieurs) de gens qui se prenaient pour des génies mais dont je n’avais jamais entendu parler. Il faut dire que je ne suis pas très au fait de la littérature anglophone. Des noms ont traversé ma mémoire, Sylvia Beach, Djuna Barnes, Natalie Barney sans que je ne les identifie comme génies…La marque de whiskies et la composition des cocktails m’importe peu et ces récits mondains m’ont paru bien ennuyeux. Que de gens riches et prétentieux qui n’ont pas laissé de trace dans l’Histoire! 

Des Génies, j’en ai identifié au moins deux : Joyce et Hemingway. Joyce ivre rentrant chez sa femme excédée n’est peut être pas montré sous son meilleur jour. En revanche ceux qui figurent à mon panthéon personnel : Picasso, Brancusi, Duchamp, Man Ray sont cités en passant, sans anecdote marquante, un détail Brancusi en paysan roumain portant des sabots m’a fait sourire mais on ne saura rien de Picasso, pourtant bien connu de Gertrude Stein. On croise Cocteau et Antheil à propos d’un spectacle musical  mais MacAlmon préfère s’installer près du bar plutôt qu’écouter la musique de Stravinsky ou de Satie. Même indifférence condescendante envers les dadaïstes qu’il cite en glissant rapidement. Il me faut feuilleter l’index pour trouver la page où l’on mentionne Zadkine. 

Pourtant, toutes  ces 450 pages ne sont pas insipides, certaines sont franchement distrayantes. Elle racontent surtout des voyages,  Berlin ruiné du début des années vingt, observations acérées des nouveaux usages au débuts des années fascistes en Italie. Certaines pages sont même « géniales » comme ce portrait de Gertrude Stein en éléphanteau, ou une corrida en compagnie d’Hemingway , une randonnée en Espagne avec Dos Passos où un paysan les prend pour des contrebandiers. Finalement, je me suis ennuyée à Montparnasse mais j’ai aimé ses excursions. 

Les folles années vont se terminer : la Grande Dépression va mettre fin à l’insouciance et les intellectuels vont trouver en Espagne une source d’inspiration autrement plus tragique que la corrida, mais ce n’est pas le sujet de cet ouvrage….

 

CHANA ORLOFF – Sculpter l’époque – MUSEE ZADKINE

Exposition temporaire jusqu’au 31 mars 2024

Chana Orloff autoportrait

J’ai découvert Chana Orloff à l’Exposition Pionnières au Luxembourg en 2022, je l’ai retrouvée à Paris de la Modernité au Petit Palais qui vient de se terminer et au Mahj  à l‘Exposition Paris pour école 1905-1940. 

Chana Orloff : L’Amazone

La rétrospective que lui offre la Musée Zadkine est donc bienvenue!

Ce n’est pas tout, il me reste à visiter la Maison Seurat, la Maison-Atelier qui se visite sur rendez-vous pour des visites-conférences.

Noter aussi les 2 podcasts de France culture Talmudiques  – Le Temps de Chana Orloff

Galerie de portraits

Le visiteur est accueilli par une galerie de portraits, plâtres, bois, pierre, bronze, même ciment, Chana Orloff a sculpté les têtes de ses contemporains. Sculpter l’époque, s’intitule l’exposition! Sont-ils ressemblants? sans doute, ils sont amusants, à la limite de la caricature en empathie avec le modèle. Pleins d’humour. la Sculptrice s’amuse particulièrement avec les binoclards à qui elle offre des yeux au-dessus des lunettes!

Ida Chagall

Têtes d’hommes, mais aussi femmes et enfants, elle fait poser son fils Didi et les enfants de ses amis comme Ida Chagall. Des maternités, mères et enfants, mais aussi femme enceinte .

maternité : femme enceinte

Je n’avais jamais vu ses sculptures animalières de toute beauté, oiseaux, inséparables très stylisés, dindon plantureux, caniches et même une sauterelle sinistre évoquant un canon nazi, les sauterelles étaient des plaies d’Egypte!

Sculptures de poche qu’elle a pu emmener quand elle a fui les rafles (juste à temps mais l’atelier sera pillé en son absence).

Danseuses

J’ai surtout été étonnée de la variété des productions, variété des matériaux, des sujets, des styles.

Daumier, les Parisiens à la Maison de Balzac

Exposition temporaire jusqu’au 31 mars 2024

A l’intérieur de l’omnibus

Si vous ne connaissez pas la Maison de Balzac, rue Raynouard Paris XVIème, c’est une excellente occasion  d’y faire une visite. Choisissez plutôt une journée ensoleillée pour profiter du jardin et de la vue sur la Seine et la rive Gauche. Si vous êtes familier de la Maison de Balzac, c’est une jolie exposition. Daumier est vraiment chez lui parmi les personnages de la Comédie Humaine 

.

Daumier est chez lui chez Balzac même si rien n’atteste qu’ils se fréquentaient. L’esprit caustique, l’observation acérée, le goût du détail… tout les rapproche. 

Daumier peignait aussi!

Métro – Le Grand Paris en Mouvement – Cité de l’Architecture

Exposition temporaire du 8/11°2023 au 2/6/2024

maquette de la Gare de Saint Maur Créteil

Le chantier de la Ligne 15 passe tout près de chez moi. Derrière les palissades, impossible de deviner tout le remue-ménage  A la station Créteil-Echat les travaux sont gigantesques, mais bien cachés. J’attends avec impatience la mise en service de la ligne qui me permettra de rejoindre en 15 minutes le Pont de Sèvres et l’Ouest de Paris. Actuellement il me faut près de 2 heures. On nous l’avait promis pour les Jeux Olympiques, mais il ne faut pas rêver! 

Partisane des transports en commun, détentrice du Pass Navigo, je milite depuis longtemps pour l’évitement des déplacements en voiture individuelle en ville (sauf pour ceux qui n’ont pas le choix, handicapés ou secours d’urgence, médecins…)

Très motivée donc pour aller voir l’exposition au Trocadéro.

la partie 1  est historique et nous renvoie 150 ans en arrière, aux pionniers du métro à Londres 1863, à un très curieux métro pneumatique à New York 1870-1874, aux projets variés de métro suspendus ou Elevated Railway d’Edison …

A Paris, c’est l’Exposition Universelle de 1900 qui a lancé le Métropolitain de Fulgence Bienvenüe, la ligne 1, alors Porte Maillot-Vincennes fur mise en service en juillet 1900. L’exposition présente alors photos des travaux, plans, maquettes. Des prouesses techniques sont expliquées comme le franchissement de la Seine avec la méthode du bouclier(1927-1931).Le sous-sol de Paris est déjà très occupé par les égouts mais surtout par de nombreuses carrières. Les ingénieurs ont du composer avec les difficultés. 

les travaux du creusement de la ligne 1 rue de Rivoli

Les carrières de Gypse autour des Buttes Chaumont exigèrent des prouesses techniques pour la Station Danube : des piliers furent alignés le long de la Rue du général Brunet pour asseoir la ligne sur des sédiments solides. La station Abbesses si profonde qu’on l’a surnommée « abysses ». A Opéra 3 lignes passent dans des alluvions imbibées d’eau des plafonds métalliques doivent séparer les lignes, jolie maquette.

Le Réseau Express Régional (RER) entre en service en 1965

la partie 2 : Le Grand Paris Express

en projet 200 km de lignes automatiques et 68 gares

Un travail titanesque avec une quantité de déblais de 47 millions de tonnes Nous voyons circuler ces camions bâchés remplis de sédiments. Où vont-ils?

L’exposition présente deux projets : une œuvre de Land art : Les Yeux vus du ciel à Villeneuve-sous-Danmartin (77)  Immense Géoglyphe que les passagers des avions atterrissant à Roissy peuvent déjà deviner. Vous avez dit Land Art? 

La Fabrique Cycle Terre à Sevran utilise les déblais pour fabriquer des matériaux de construction géosourcés en fabriquant des blocs de terre comprimés destinés au bâtiment.

Les escalators de la Gare deVitry, on descend dans une grotte

L’Archipel présente une sélection de 16 gares avec maquettes, panneaux, photos. Chacune a été conçue en tandem Architecte-artiste, intégrant la gare dans le paysage, dans l’activité et l’histoire du quartier. j’ai cherché celles des stations proches Saint Maur-Créteil, Vitry, Créteil l’Echat

Vitry fresque

J’attends avec l’impatience le moment où je pourrai découvrir toutes ces gares avec les œuvres d’art associées!

En attendant je vous propose une lecture : Les Passagers du Roissy-Express de François Maspéro.

 

 

Dana Schutz – Le Monde visible – au MAM

Exposition temporaire jusqu’au 11 février 2024

Civil Planning

Vu de loin, sur l’affiche, le teaser-vidéo, l’œuvre de Dana Schutz paraît colorée, gaie, fantaisiste avec des personnages de films d’animation.

C’est vu de très loin!

Dès qu’on entre dans la première salle le premier tableau Sneeze éternuement cataclysmique avec la morve qui coule, donne un ton calamiteux, repoussant. Daughter, une jeune fille ahurie, à la coiffure ridicule arbore un T-shirt au tableau de l’Origine du Monde de Courbet, gênant! La série Self-Eater représente la consommation de sa propre chair. On est à la limite du dégoût dans ces désastres physiques. 

Shaving

Shaving continue à déstabiliser le spectateur : de loin, une vacancière contemple un coucher de soleil, on s’approche, elle se rase le pubis. Et ce qui égare le plus c’est que le personnage est en même temps de dos et de face, dans un miroir? la bombe de mousse Gilette prend une importance démesurée.

Présentation

Ces tableaux intimistes m’ont mise mal à l’aise, le monde de Dana Schutz me déconcerte, les grandes compositions comme Presentation mettent en scène la société américaine : un homme qui vient d’être déterré est disséqué devant un parterre de témoins (étudiants en médecine?) . Sur Internet j’ai lu que cette mise en scène morbide renverrait aux soldats tombés en Irak ou en Afghanistan dont les cadavres ont été soigneusement cachés au public. 

Civil Reformers

les scènes violentes se multiplient, recyclage, tronçonnage de membres humains, le monde de Dana Schutz est décidément violent, absurde et cruel.

Fanatics (2005)

Fanatics semble prémonitoire de l’assaut du Capitole. Le personnage à genoux en train de prier devant le grillage bisé, les déguisements, semblent décrire cet évènement qui aura lieu des années plus tard.

Et que dire de ces hommes armés qui vont lyncher le soleil?

Boat group

La catastrophe semble arrivée avec ces têtes dérivant sur un bateau sur un océan sinistre, vont-ils s’entredévorer.

Victor

 

Victor, grotesque est bequeté par un oiseau. Sa posture est bien grotesque pour un vainqueur!

j’ai beaucoup apprécié les sculptures de Dana Schutz, glaise ou bronze.

 

 

 

 

les Arts

les Arts, en cortège sinistre, n’apportent que peu de consolation dans ce monde guetté par la Catastrophe.

Mountain group

Peu aimable, peu séduisant, le monde de Dana Schutz est malheureusement à peine une dystopie. Elle décrit sans complaisance la violence, les luttes de pouvoir, la menace du changement climatique où chacun, Dieu, bouddha, l’artiste, les écologistes, tous brandissent un doigt vengeur faisant tomber les échelles qui ont permis aux personnage de grimper la montagne.

Un de ses tableaux les plus connus, le plus polémique, ne figure pas dans la rétrospective. C’est celui du cercueil ouvert de Emmet Till, un jeune noir martyrisé par des blancs dont la mère avait voulu que chacun puisse voir les blessures. La plasticienne blanche a été accusée par des activistes d‘appropriation culturelle comme si une artiste blanche n’avait pas le droit de traiter ce sujet. Dana Schutz s’était justifiée, en expliquant que si elle n’était pas noire, elle était une mère et pouvait comprendre la douleur et la colère de la mère d’Emmet Till.

 

 

Le Paris de la Modernité 1905 – 1925 au Petit Palais

Exposition temporaire jusqu’au 24 avril 2024

Severini Bal Pam-Pam

Le Paris de la Belle Epoque et le Paris des Années Folles, entre les deux : La Grande Guerre. 

Modigliani : tête de femme

Paris, pendant ces deux décennies, était le rendez-vous des artistes du monde entier :  L’Ecole de Paris rassemble aussi Picasso, Chagall, Soutine, Pascin, Kikoin,  Modigliani, Van Dongen, Nathalia Gontcharova, Michel Larionov, Foujita,sans oublier les sculpteurs Lipchitz, Czaky, Zadkine, Chana Orloff. Zadkine. 

Tête de pierre de Czaky et marin de Lipchitz

Tous ces étrangers venus manger le pain des bons français?

les révolutions artistiques se succèdent : la naissance du cubisme avec Picasso et Braque. Picasso expose les Demoiselles d’Avignon en 1907, 1908, premier message radiophonique, 1909 Blériot traverse la Manche/

Picasso Femme au Pot de moutarde

Une salle présente de grands tableaux cubistes colorés comme L’Oiseau Bleu de Metzinger, chauvine, je note que le nantais Metzinger était adepte de l’Abbaye de Créteil. 

OIseau bleu Metzinger

1909 aussi les Futuristes italiens sont à Paris avec ce magnifique et impressionnant Bal Pam-Pam de Severini, remarqué par Apollinaire.

Un aéroplane figure en face de la roue de Cycle de Duchamp qui expose déjà ses ready-made.

L’Oiseau de Feu

Autre révolution artistique : Le Sacre du Printemps et les Ballets Russes  qui se produisent dans le Théâtre des Champs Elysées ouvert en 1913. On peut voir à ‘exposition des costumes de scène des ballets russes, un portrait de Stravinsky et de Noureev. Autres ballets : les ballets suédois et le curieux ballet Parade mis en scène par Cocteau, costumes de Picasso, musique de Satie (1917). le cheval fabriqué par Picasso pour deux danseurs est exposé

La Grande Guerre est présente dans l’exposition aussi bien des tableaux représentant les horreurs des destructions que d’autres présentant les tirailleurs sénégalais ( Vallotton) ou soudanais (Mela Muter)

Marie Vorobieff (Marevna) : La mort et la femme

Nombreux artistes s’engagèrent y compris ceux qui n’étaient pas de nationalité française.

Dans le Paris des Années Folles (1920) la vie artistique continue le mouvement Dada et les Surréalistes se développe avec Picabia, Tzara Man Ray et Max Ernst

Foujita deux amies
Tamara de Lempicka deux amies

Comme l’avait montré l’exposition Pionnières au Luxembourg, les thèmes lesbiens ou transgenres sont abordés et les femmes artistes très actives.

Van Dongen : Josephine Baker

Les ballets Suédois et la Revue Nègre ont laissé des images comme le ballet Les Mariés de la Tour Eiffel sur des musiques des compositeurs du groupe des six (Auric, Honegger, Darius Milhaud, Poulenc et Germaine Taillefer). Charlot inspire Fernand Léger pour un Charlot cubiste. mais j’ai surtout été bluffée par les décors de Fernand Léger pour la Création du Monde

Fernand Léger : la Création du monde

l’Exposition s’achève sur l‘Exposition Arts Décoratifs 1925

Rothko à la Fondation Vuitton

Exposition temporaire jusqu’au 31 mars 2024

Une  exposition-phare de la rentrée 2023, très courue en tout cas.

J’étais impatiente de découvrir Rothko : un podcast m’avait présenté le personnage et avait fait un parallèle avec Nicolas de Staël dont l’exposition m’avait enthousiasmée. Depuis Soulages je n’ai plus de préjugés défavorables envers les monochromes et les tableaux très abstraits. 

Rouges vibrants, jaunes éclairants, malgré la foule, la visite est un régal.

Rothko : contemplation

Les débuts, années 30, figuratifs et expressionnistes  occupent deux grandes salles  : portraits et scènes urbaines m’ont bien plu.

Rothko entrance to the subway

Avouant des difficultés à représenter la figure humaine sans la mutiler il abandonne vers 1939 pour une nouvelle aventure : l’invention d' »un mythe contemporain«  en puisant dans les mythologies antiques pour répondre à la barbarie qui régnait en Europe

Rothko : Antigone

Fuyant les Allemands, les Surréalistes, Breton en tête sont à New York et inspirent la peinture de Rothko.

A partir de 1948, les Multiformes deviennent tout à fait abstraits, perdent leur titre, la signature et leur assignation.  A partir de 1949 il peint une superposition de rectangles colorés

Dans les salles suivantes on baigne dans la couleur sans chercher de sens, seulement le plaisir de la lumière dans les jaunes et les oranges, .

Vers 1956, les couleurs s’assombrissent

Une installation est saisissante la Rothko Room de la Tate Gallery : 9 toiles de très grand formats conçues pour être ensemble dans une lumière faible : le spectateur doit se sentir immergé dans la couleur. Une animatrice intervenant là explique que Rothko aurait été impressionné à Florence par la Bibliothèque Laurentienne de Michel-Ange et aurait imaginé une sorte de trompe-l’oeil

Rothko room tate Gallery
Rothko room Tate Gallery

la suite de l’exposition est un peu monotone, une suite de très grands tableaux, très colorés. La foule se fait pressante. Il faut attendre 10 minutes pour accéder à une petite salle avec des rouges, peut être sublimes, mais l’impression est gâtée par les selfies que les visiteurs prennent égoïstement.

 

Le Château des Rentiers – Agnès Desarthe

RENTREE LITTERAIRE 2023

Cité sur plusieurs blogs, Keisha, écouté l’auteure à la radio, c’était une occasion de faire connaissance avec Agnès Desarthe dont je n’avais rien lu. 

« Avaient-ils compris que la vieillesse est plus âpre quand elle est solitaire ? Avaient-ils anticipé, avaient-ils prévu qu’il serait beaucoup plus facile de se retrouver pour jouer aux cartes et échanger des recettes de cuisine quand on n’a qu’un couloir à traverser, un ou deux étages à descendre, à monter, grâce aux nombreux ascenseurs ? »

 

Le sujet me plaisait : faire une maison commune pour partager la vieillesse entre amis, une sorte de phalanstère, un béguinage, ou un kibboutz, alternative à la vieillesse solitaire ou pire à l’Éhpad. D’ailleurs, cela existe déjà : les Babayaga de Montreuil ont réalisé cette initiative depuis un moment.

Le contexte me plaisait bien aussi : ces juifs russes avec leur accent yiddish  à la Popeck, je les entends parler, ce sont les parents des copains de l’Hashomer hatzaïr, nostalgie!

A regarder mes grands-parents et leurs amis, on ne craignait pas de devenir vieux. Car vieux ne signifiait pas« bientôt mort ». Vieux signifiait « encore là ».

[…]
Ils avaient survécu. Ils sur-vivaient et conjuguaient ce verbe au pied de la lettre : vivant supérieurement, et
discrètement aussi, à la façon des superhéros, dont les superpouvoirs sont enivrants et doivent demeurer secrets.

De courts chapitres, un roman choral où se mêlent les voix de plusieurs générations, et des souvenirs personnels qu’elle égrène. réflexions sur la vieillesse, mais pas que, sur l’écriture, témoignage impossible ou fiction imagination.

Entreprise sympathique que cette anticipation de la vieillesse, non pas celle des survivants mais des boomers. Sauront-ils aussi bien vieillir ensemble?

« Je me dis que notre génération a vécu dans un confort tel que la vieillesse a cessé d’être un privilège – le privilège de ceux qui s’en sont sortis, qui ont échappé à la mort, dont la santé a permis qu’ils résistent à diverses
épidémies. La vieillesse, pour nous, n’est que déchéance. Notre génération a tout à perdre en vieillissant. J’ai
peur que mon phalanstère ne voie jamais le jour. »

 

Une lecture agréable dont j’attendais sans doute trop pour que ce soit un coup de cœur.

 

 

Viva Varda ! Cinémathèque

Exposition temporaire jusqu’au 28 janvier2024

Cette grande exposition se tient au 5ème étage de la Cinémathèque dans le Parc de Bercy, prendre son temps pour admirer le bâtiment de Frank Gehry (1994) et s’il fait beau flâner dans le parc.

On entre dans la 1ère section qui présente des portraits et autoportraits de Varda dont on a un peu oublié les images de jeunesse tant la dame à la coiffure bicolore est encore présente dans nos mémoires. 

Les 7 familles d’Agnès la met en scène avec ses familles de Théâtre au Festival d’Avignon, dont elle était la photographe, rue Daguerre qu’elle a abondamment photographié et filmé, en compagnie de cinéastes, Demy, bien sûr mais aussi Godard. Amusant de chercher et trouver (ou pas) les visages de Piccoli, Samy Frey, Depardieu tout jeune, Brigitte Bardot, Sylvia de Monfort, Noiret…et tant d’autres qui ravivent tant de souvenirs. 

Curieuse du monde rappelle un aspect de son œuvre que j’avais oublié : ses films des Back panthersles Murs peints de Californie, Cuba, Chine,et même Madonna interviewée…

Féministe, joyeuse : L’une chante et l’autre pas est un grand souvenir des années 70, figures de Delphine Seyrig, de Valérie Mairesse, Giselle Halimi . projeté sur un mur la réception de sa palme d’or d’honneur à Cannes et la manifestation d’actrices, réalisatrices pour entendre son discours où Varda expose les chiffres ahurissants  : seulement à ce jour deux femmes palmées et encore pour Varda une palme d’honneur pour l’ensemble de sa carrière et Jane Campion a dû partager la sienne avec un réalisateur-homme. 

J’avis choisi la date de notre visite en fonction de la rétrospective : justement dans la salle Franju se joue Les Glaneurs et la Glaneuse dont j’avais raté la sortie et que j’ai vu avec énormément de plaisir

Du temps de Millet glaneurs et glaneuse se baissaient et amassaient les épis après la moisson. Mais ce sont plutôt des glaneurs de patates que Varda a rencontrés. Société d’abondance qui jette par tonnes les pommes de terre hors calibre, trop grosses, en forme de cœur.Société de misère qui ramasse, Varda donne la parole à ceux qui ramassent pour manger tout simplement. La parole à ceux qui ne l’ont jamais. 

Dans les vignes et les vergers, on ne glane pas, on grappille les pommes laissées sur l’arbre, les tombées, les trop petites, les trop grosses. Dans les vignes, grappillage aussi après la vendange, dans les vignes délaissées non cueillie.

Un avocat en robe rappelle le Droit : le Droit prévoit glanage et grappillage, prévoit les dates, les horaires. Oui c’est légal, prévu par le Code.

Glanage urbain aussi. Fin de marchés, dans les cageots pour les miséreux, mais pas que. Rencontre d’un homme droit dans ses bottes, salarié, intégré qui fait les poubelles par devoir militant. Scandale de ces poubelles de supermarchés pleines de victuailles encore bonnes que certain arrosent d’eau de Javel pour interdire de les consommer. Depuis la sortie du film (2000) c’est maintenant interdit.

Glanage d’objets, ou plutôt accumulation de ce qui pourrait encore servir et qui est abandonné dans la rue. Encore un avocat en robe pour dire le Droit de la propriété de ces objets abandonnés : détournement sympathique de ces objets : collection de frigos devenus œuvres d’art.

Quel joli enchaînement que ce frigo plein de figurines, play-mobiles casqués, manifestation ouvrière enfermée monté juste avant une vraie manif avec drapeaux rouges dans les avenues parisiennes. Un des intervenants de la Table ronde nous fait remarquer ce montage marabout-bout-de-ficelle-selle de cheval…. la manif arrive à Denfert Rochereau, il y a un lion de bronze, lion de pierre d’Arles….Il faut avoir vu le film un bon nombre de fois pour remarquer comment Varda a glané des images sans aucun rapport évident et avoir donné du sens au montage.

mais j’anticipe sur la Table Ronde réunissant quatre spécialistes Nathalie Mauffrey, Sylvain Dreyer, Antoine Compagnon et Pierre-Antoine Burquin. 

Curieusement Antoine Compagnon est surtout venu en tant que spécialiste des chiffonniers du XIXème siècle. Chiffonniers, biffins, ancêtre de ces glaneurs du XXIème siècle. Coïncidence? La rue Mouffetard était le rendez-vous des chiffonniers et un des premiers films d’Agnès Varda est L’Opéra-Mouffe (1958)

les Glaneurs, on comprend, mais la Glaneuse? la Glaneuse c’est Varda, elle même, qui ramasse « au hasard? » des images et des objets pour les réunir au montage. Occasion de mentionner le concept de Cinécriture ou de Roaddocumentary . Des camions, des camions, sur l’autoroute. Quel autre cinéaste s’arrêterait aux camions, encore de ces objets triviaux qui n’ont rien à faire au cinéma…

Et j’ai oublié ses films les plus célèbres : Cléo de 5 à 7 (1962) Sans Toit ni loi(1985)  Visages-villages (2018)..

Une après-midi bien remplie!

Van Gogh à Auvers-sur-Oise. Les derniers mois – Musée d’Orsay

Exposition temporaire du 3 octobre2023 au 4 février 2024

On croit tout connaître de Vincent Van Gogh, et cette exposition donne à voir des tableaux inconnus! Elle raconte une histoire, un épisode de 70 jours, pendant lesquels il a peint 74 tableaux, s’est lié avec le Docteur Gachet, a rédigé une abondante correspondance avec son frère Théo. 

Nous allons découvrir avec son pinceau le charme de ce village à la fin du printemps (il s’installe le 20 mai 1890) et meurt le 29 juillet. Nous allons suivre ses recherches, ses carnets, ses études, ses expérimentations : techniques , couleurs, cadrage, même recherches de format (double-carré) ou de cadres.

champ de blé avec bleuets

Comme j’ai aimé ce champ de blé avec bleuets où les hachures contrastent avec les à-plats de l’horizon!

bouquet de renoncules

Comme il est charmant ce bouquet de renoncule dans une porcelaine japonaise

pluie

japonisant aussi ce paysage de pluie sur ce format double-carré (1 m x 0.5 m) aux étonnantes teintes délavées.

j’attendais des jaunes et des ors, des bleus éclatants et je découvre aussi des verts printaniers. Même deux tableaux sont des monochromes verts.

Bien sûr j’ai tout photographié mais je vous laisse découvrir, vous serez surpris!