Heraklion, et retour

CARNET CRETOIS

Forrt Koules d'Heraklion

Les oiseaux m’ont réveillée au lever du soleil. Notre chambre est au niveau de la ramure des arbres. En tendant le bras, je pourrais cueillir 7 citrons bien mûrs.

8h30, nous prenons congé d’Arolithos que nous recommanderons à tous.

9h : nous laissons la voiture dans un parking privé gardé derrière les arsenaux vénitiens d’Héraklion (4€ et il faut laisser la clé)

Le fort Koules domine la marina. Le bord de mer doit être animé le soir avec ses restaurants de poissons, ce matin, c’est vide et mort. Plus « grec » que le port vénitien de Rethymnon ou de Hania : tables carrées en bois, pas d’images des plats, des efforts de décoration : on a posé des filets sur chaque table. Plus loin, des ruines (fouilles archéologiques ?) et une église.

le musée Historique occupe une belle maison classique à laquelle on a adjoint une annexe contemporaine.

 

La visite commence dans une grande salle carrée occupée par la maquette d’Héraklion. Aux murs, l’histoire de la ville est contée par divers documents. Cette visite permet de remettre dans l’ordre les éléments de chronologie.

 

Carte du monde  romain en 330 à l’époque de Constantin : c’est à ce moment que le Musée fait démarrer l’histoire de la ville, la première période byzantine va de 330 à 837, la ville s’appelle alors Heraklia ou Kastro.

837 : conquête par les Arabes : une autre carte montre la vitesse avec laquelle toutes les îles de la Méditerranée, jusqu’à l’Espagne passent sous la domination arabe. La ville changea de  nom : Rabdh-el –Khandak

A la 2ème période byzantine 961-1204 le nom change encore : Megalo Kastro

La 4ème Croisade 1204 et la prise de Constantinople par es Latins entraîna une redistribution des pouvoirs : la Crète fut d’abord attribué à Boniface de Montferrat qui la vendit à Venise. Sous la domination vénitienne la ville prit nom de Chandax puis Candie

1669, la conquête de la ville par les Ottomans mit fin à la domination vénitienne.

Sur les autres murs, des blasons, armoiries, gravures anciennes et aquarelles de voyageurs puis à partir du 19ème siècle, des photos donnent des images précises des différents monuments d’Héraklion.

Les documents exposés sont regroupés au dessus d’un interrupteur qui permet d’illuminer la maquette à un endroit précis.

Nous faisons une visite rapide mais détaillée de la ville que nous n’aurons pas le temps de parcourir.

Des salles spécialisées reconstituent les caractéristiques de chaque période.

La salle byzantine montre surtout des éléments architecturaux : chapiteaux aux feuilles d’acanthe stylisées, simplifiées, des mosaïques, l’ Empire Romain n’est pas loin. Dans une salle on a reconstitué la Basilique St Tite de Gortyne avec une grande photo du chœur. Tite fut un disciple de Paul et le premier évêque de Crète. Ses reliques furent restituées récemment par Venise.

 

Les collections vénitiennes présentent de la belle vaisselle et la curieuse fontaine  du Palazzo d’Ihar : une douzaine de godets disposés sur un mur vertical délivrent un filet d’eau dans un murmure harmonieux. Aux murs les armoiries vénitiennes. Des inscriptions en hébreu piquent  ma curiosité : ce sont des pierres tombales. Il y a énormément de commentaires que nous n’avons pas le temps de lire. Nous aurions dû prévoir plus de temps !

 

 

 

 

 

 

 

 

Au 1er étage, les icônes de l’Ecole Crétoise sont somptueuses. Nous retrouvons le thème de la Vierge, source de vie, installée au dessus d’une fontaine comme à Aghia Triada.

Coïncidence : je viens de lire la relation de son passage à Sainte Catherine du Sinaï, de Nikos Kazantzakis dans la Lettre au Gréco , et justement dans une vitrine je découvre le tableau représentant le Monastère de Sainte Catherine par le Gréco. Petit tableau qui n’annonce pas encore ses tableaux espagnols amis qui n’est déjà plus une icône byzantine. Est-ce que Kazantzakis, natif d’Héraklion, connaissait ce tableau ?

fresque turque : port d'Héraklion

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une salle raconte la période ottomane avec des fresques turques, des chartes calligraphiées, et un paysage avec des cyprès naïvement alignés. Dans le couloir, des portrait des dignitaires turcs. La ressemblance physique avec les portraits des résistants crétois  à l’oppression turque, est frappante !

De l’autre côté du couloir, une salle raconte les révoltes du 19ème siècle. On voit ces héros dont les portraits m’avaient frappée à Arkadi, des armes, bien sûr mais surtout un plat en faïence racontant le massacre au Monastère d’Arkadi.

Nous passons rapidement sur les faits d’armes des résistants à l’Occupation nazie. Je vois le nom de Fermor qui a joué un rôle important et cherche à trouver quelque trace de l‘écrivain.

Au 3ème étage on a reconstitué le bureau (ou la bibliothèque de Nikos Kazantzakis) Sur des portoirs sont exposées des traductions des œuvres dans toutes les langues.

Il y a aussi une exposition Elytis  que je parcours distraitement. C’est en Grec (logique pour un poète grec) . Le gardien s’offre pour traduire mais je néglige cette aide et je le regrette aujourd’hui.

10h30, il reste tout juste une heure pour une promenade pressée dans les rues du centre de la ville. Je remonte au pas de course la rue 25 Avgoustou bordée d’agences de voyages proposant tickets de ferry et locations de voiture, boutiques de souvenir bon marché, rien de passionnant.

J’atteins l’église St Marc – logique dans une ancienne possession vénitienne qu’il y ait une église St Marc – transformée en galerie avec une exposition de photos que je n’ai pas le temps d’admirer.

Je passe devant l’église St Tite et l’Hôtel de Ville dans l’ancienne Loggia vénitienne ;

Fontaine Morosini

La fontaine Morosini  est mon seul souvenir précis de notre passage il y a une douzaine d’années. Je rentre dans le petit marché qui occupe une rue piétonnière et qui ressemble à un souk oriental. Marché pour les touristes avec les éponges, loufas, herbes aromatiques, bidons d’huile…. Mais aussi fruits et légumes, fromages, quincaillerie.

Le terme de mon parcours est la fontaine turque Bembo qui se trouve au milieu d’une place occupé par un café. Des vieux messieurs, cheveux blancs et chapelets d’ambre sont assis.   Ils feront très bien sur la photo !

Facile de rejoindre l’aérodrome. Nous sommes en avance !

 

 

 

 

 

 

 

Les ruelles de La Canée

CARNET CRÉTOIS

 

Un air d'Italie en Grèce!


Sur le quai, une marchande bien avisée nous indique un passage étroit entre deux maisons : une ruelle conduit à des palais vénitiens, certains bien rénovés,  en hôtels et chambres d’hôtes, d’autres bien en ruine. Tout un dédale de ruelles, de marches, de palais roses, de loggias . Au bout de la rue Antoni Grampas une belle maison est accompagnée de poteries avec ficus et yuccas. A 16 Odos Angelou Evangelista un très beau palais vénitien porte cette inscription « Pax tibi Marce Meus ».  Les chaises dans la rue accentuent cette impression d’Italie.

Nous retournons sur le quai vers le Musée Naval, beau bâtiment rouge qui cache derrière son porche et sa grille de fer forgé tout un ensemble de casernes qui servirent de prisons aux Turcs. Au dessus d’une porte je remarque le lion de Venise.

Musée naval : caserne vénitienne, prison turque

De l’autre côté du bastion on accède au Musée Byzantin logé dans une ancienne église jaune en haut de la rue Theotokopoulou. Petit musée pour l’ensemble des collections mais passionnant par les commentaires. Il est « byzantin » parce qu’il montre des icônes, mais nombres de pièces sont vénitiennes.

Les céramiques vénitiennes sont incisées (sgraffito) sur des émaux verts ou jaunes avec fond clair bien caractéristiques.

J’apprends enfin  comment Venise s’est rendue maîtresse de la Crète : à l’issue de la 4ème Croisade en 1204, elle fut donnée à Boniface de Montferrat qui la vendit pour un bon prix à Venise. La population locale orthodoxe s’opposa à la mainmise des latins sur l’île. La loi vénitienne ne fut effective qu’en 1252. Les vilains orthodoxes se révoltaient souvent contre les nobles catholiques.

1453 : la chute de Constantinople priva l’Eglise orthodoxe de son chef le Patriarche de Constantinople. A partir du 15ème siècle le système féodal s’affaiblit et les centres urbains se développèrent.

J’ai découvert à Corfou les icônes de l’Ecole Crétoise, puis j’en ai vues à Ravenne, je m’étais interrogée. Pourquoi cette possession vénitienne avait-elle donné une telle production d’icônes orthodoxe ? Le musée Byzantin de Hania répond à cette question. Au 16ème siècle on assiste à la fusion des styles des artistes locaux entre la peinture d’icônes et le Maniérisme italien¸ Depuis le 15ème siècle les Crétois, à égalité avec les autres Vénitiens, pouvaient continuer leurs activités artistiques. Les peintres de Constantinople affluèrent en Crète. Les bonnes relations commerciales de la Sérénissime, les mirent au contact avec les milieux culturels européens. Cette école de peinture trouva de nombreux clients dans les commandes des marchands et celles es monastères jusqu’à sainte Catherine du Sinaï. Cette fusion entre les styles fut aussi visible dans l’architecture ; L’influence de Palladio et de Sanmicheli se voit aussi dans la reconstruction des monastères orthodoxes. J’ai bien aimé les icônes de Saint George écrasant le dragon (surtout les gueules pointues des dragons).

chambres d'hôtes rue Theotokopoulou

Descendant la rue Théotokopoulou, nous cherchons les heurtoirs de Venise (main de laiton). Les maisons, converties en maisons d’hôtes ont installée de jolies terrasses pour le petit déjeuner sur les trottoirs. Au bout de la rue, à gauche la rue Théofanos descend : des plantes vertes dans des pots de fleurs ornent la rue ; Nous cherchons les inscriptions latines à l’entrée du palais Ranieri (1608). L’enseigne d’une cave nous amuse.

Le quartier Evraïki est l’ancien quartier juif. Impossible de trouver la synagogue Hefetz Haim citée dans les guides mais pas localisée sur notre plan. Sort tragique de la communauté juive : déportée par les Allemands sur un bateau torpillé par un sous marin britannique en 1944. J’ai une pensée pour la communauté de Rhodes aussi disparue et celle de Salonique. La rue Zambeliou est bordée de jolis magasins et de cafés chics débouche dans Halidon animée.

petit muséee de La Maison Crétoise

Après une centaine de mètres nous arrivons sur une grande place où est bâtie la Cathédrale orthodoxe à la façade sobre. Juste en face se trouve la Maison Crétoise. L’entrée est dans une cour où il y a aussi une église catholique. C’est un joli musée ethnographique, un peu bricolé et d’autant plus sympathique. Il fait la part belle aux travaux d’aiguilles des femmes : broderies de fleurs de soie, parfois sous verre comme dans notre chambre d’Arolithos, dentelles. Il y a aussi un métier à tisser. La cuisine a été reconstituée avec la vaisselle. Dans une troisième salle les artisans déclinent leur métier : Teresis le tailleur, le cordonnier, le photographe….La visite s’achève dans l’atelier moderne de la brodeuse avec ses machines à coudre décorées de médailles pieuses et d’un chapelet. Il semble que ces broderies soient à vendre mais la vieille dame n’insiste pas occupée qu’elle est avec le tuyau d’alimentation du ruisseau et de la cascade miniature.

Monastère d’Arkadi

CARNET CRÉTOIS

Monastère d’Arkadi

Soleil, vent, nuages et mer très agitée. Une fine couche de sable recouvre la terrasse, la table et les voitures. Hier, un nuage bizarre et avait voilé le soleil avec une curieuse tonalité jaune citron sous les nuées grises inquiétantes. Etait-il porteur de ce sable ? Il fait assez bon au soleil pour prendre le petit déjeuner dehors : 6 oranges pour un grand jus, toast, yaourt grec au miel/

La route d’Arkadi passe par Mesi et Kiriana (jolie église à campanile vénitien). Dès qu’on dépasse l’altitude de 350m on se croit en montagne. La végétation est dense : vieux oliviers mais aussi chênes, platanes et caroubiers : montagne chevelue, touffue, dense a relief tourmenté. Au dessus de 400m on arrive dans une sorte de lande aux ajoncs fleuris. Juste avant d’arriver au monastère, le sentier européen  E4 coupe la route.

Façade vénitienne du Katholikon

Le monastère est isolé dans la campagne, bâtiments massifs accompagnés de pins et de cyprès. Le porche d’entrée laisse entrevoir la façade Renaissance (1587) de l’église dont la finesse contraste avec la nudité des murs extérieurs. Joyau enfermé dans la vaste cour délimité par les bâtiments monastiques construits sur deux niveaux d’arcades sobres.  Calme et recueillement : le moine vend les tickets (2.50€) sans un mot. On croisera une vieille femme vêtue de noir et voûtée, quelques chats …

Dans le Katholikon, grande surcharge de lampes et lustres de cuivre ou d’argent (ce détail m’avait frappée à saint Catherine du Sinaï). Aimable désordre des églises orthodoxes : arche fleurie d’œillets à l’occasion de Pâques, lutrin, icones, chandeliers. L’iconostase de bois porte de nombreuses peintures d’époques et de styles variés.

Arkadi : porche et vieux cyprès

Le Musée  est installé dans une construction à deux étages séparé de la cour par un porche derrière un vieux cyprès mort au tronc impressionnant. Divers objets ecclésiastiques sont dans des vitrines. Belles icônes de l’Ecole Crétoise du 17ème siècle. Des armes du 19èmetémoignent des luttes contre les Turcs. Dans le Réfectoire, une banquette de pierre court le long des murs, au fond le puits et une peinture moderne de la Cène. La petite pièce adjacente était sans doute la cuisine avec sa cheminée imposante et son évier de pierre.  Des jarres au fond bombé trouvent leur place dans des creux d’un banc de pierre.

A l’étage, les portraits grand format, en Noir et Blanc, des combattants Crétois du 19ème siècle : hommes farouches armés de pétoires de sabres ou même de bâtons. Culottes bouffantes, ceinture de tissus et bottes de cuir. Le visage est toujours barré d’une épaisse moustache noire souvent la barbe est fournie. Coiffés de fez, de turbans, ou coiffures ecclésiastiques.

un millier de gens se sont réfugiés au monastère

Le monastère fut le théâtre d’un épisode tragique raconté par Kazantzaki dans La Liberté ou la Mort. En 1866, à la suite d’exactions turques un millier de Crétois se réfugièrent au monastère. A l’approche des turcs l’Higoumène Gabriel alluma la poudrière où étaient réunis les réfugiés qui préféraient mourir que de se soumettre. On visite l’emplacement de la poudrière et un tableau sérigraphié représente le massacre. La visite se termine à l’extérieur du monastère dans l’ossuaire où sont exposés leurs crânes.

Un an plus tard, j’ai trouvé cette vidéo sur un blog que j’aime beaucoup, qui raconte la Grèce et surtout publie régulièrement des poèmes en grec avec la traduction.