Le va-nu-pieds des nuages – Takis Theodoropoulos

LIRE POUR LA GRECE

 

« BON TU T’EN DOUTES, Athéna n’allait pas rester les bras ballants pendant qu’Hermès et sa divine compagne mijotaient de lui piétiner ses plates-bandes. Athènes, c’était son domaine à elle; et si des fois elle acceptait une petite intervention de la part d’un de ses congénères, sous forme d’averse ou d’éclaircie dans le ciel de sas cité, ce genre d’incursion était tenu de s’apparenter au phénomène strictement passager, ou du moins rare, voire tout à fait exceptionnel. Avec cette histoire de contagion, elle s’était fait surprendre. Apollon, qui ne reconnaissait aucune supériorité au monde à part la sienne, avait berné tout le monde avec un de ces petits laïus froids et alambiqués – pareils à sa musique

Takis Théodoropoulos est aussi l’auteur du Roman de Xenophon et de l’Invention de la Vénus de Milo, deux ouvrages que j’ai lu avec beaucoup de bonheur.

Le Va-nu-pieds dans les nuages est Socrate, ou plus exactement, Socrate mis en scène par Aristophane dans les Nuées.

Le Va-nu-pied-dans les nuages commence avec la mort de Périclès de la peste (la contagion) en 429. Roman historique? Certainement, mais avec certains anachronismes qui font sourire le lecteur. Le narrateur est un Démon, le temps des mortels ne le concerne pas.

Un roman ironique et très amusant : p.21, « L’IRONIE N’EST PAS UN EFFET STYLISTIQUE, monsieur l’écrivain. » Affirme l’auteur. [….] « L’ironie est une perspective existentielle. «  J’ai beaucoup souri et même franchement ri au cours de cette lecture.

« AU COURS DU BANQUET  organisé par le cercle de l’éternité afin de fêter la déconfiture de l’orgueil humain, At.héna eut peine à cacher sa maussaderie »

Un roman mythologique : les scènes qui se déroulent sur l’Olympe sont les plus jouissives. Les dieux veulent rabattre leur caquets à ces prétentieux d’Athéniens. Après avoir envoyé l’avertissement de la contagion, ils pensent à d’autres mesures. Socrate, l’Original, pourrait servir leurs plans. Ils envoient le Démon, le narrateur du roman. Aristophane pourrait aussi être utile. Le Dieu en charge du Théâtre étant Dionysos, Athéna va essayer de le séduire, elle se maquille, porte une robe rouge sexy….la scène est absolument roulante..

Un roman philosophique? l’auteur possède une solide culture classique, il présente le cercle de Socrate, présente la plupart de ses disciples. Alcibiade, le sublime est aussi un chef d’oeuvre  comique. Intéressant mythe de la Caverne…syllogismes…et allusions à Nietzche (on s’est permis des anachronismes). Le procès de Socrate est annoncé.

J’ai moins aimé la fin : la mise en scène et la représentation des Nuées ne m’a pas vraiment fait rire. Théodoropoulos est très fidèle  au texte d’Aristophane.

Un roman érudit? Certes, mais une érudition qui se veut comique, et qui l’est. Une réussite

 

La destruction du Parthénon – Christos Chryssopoulos

16LIRE POUR LA GRECE

du parthénon

Lu juste après le Palmyre de Veyne , La destruction du Parthénon, m’évoquait les destructions du Patrimoine mondial comme celles des antiquités du musée de Mossoul ou des Bouddhas de Bâmiyan… il est parfois assez étrange qu’on pleure plus les destructions d’antiquités que les hommes, femmes et enfants sous les bombes. J’étais partie sur une mauvaise piste. 

Éliminée la piste terroriste, j’imagine un fou, mégalomane, en mal d’une célébrité monstrueuse.

« La première chose à laquelle j’ai pensé, ou plutôt non, la première chose que j’ai imaginée nettement, réellement ce sont les conséquences; Le retentissement de l’événement à la Une des journaux […..]l’acte suspendu au dessus de la ville qui se propulse en un raz-de-marée par dessus les immeubles et les avenues. […]l’acte devenu information L’acte dont tout le monde parle. L’acte devenu nôtre. Le plaisir de pouvoir se l’approprier en secret. « 

L’examen de la personnalité de l’artificier qui a miné systématiquement colonnes et structures de soutien, ne colle pas avec ce monstre en mal de publicité. C’est un jeune homme effacé, poète, un esthète qui va à la recherche de la beauté. Puisque le Parthénon en est le symbole le plus universel

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« Certains l’aiment parce qu’il est simple, léger, pur, sans fioriture. mais où sont-elles la simplicité,la légèreté, la pureté, l’élégance dans leurs vies? « 

« la beauté, c’est une affectation et une hypocrisie » répond-il.

Ce livre est à la fois une déclaration d’amour au monument et une recherche esthétique. Interrogation aussi de l’identité de la ville noyée dans la lumière orange de l’éclairage urbain, le corps de la ville. 

Le court roman, paru en Grec en 2010 ne se réfère pas tant à l’actualité immédiate qu’à un étrange appel à la destruction de l’Acropole datant de 1944 d’un cercle surréaliste Les Annonciateurs du chaos et de la Proclamation de Yorgos Makris  poète, passablement fou, qui s’est jeté de sa terrasse en 1968.

« … cercle d’amis devant qui il proclamait (non dans un esprit nihiliste mais au contraire, dans l’esprit d’un renouvellement des orientations philosophiques de l’entre-deux-guerres et relayant l’écho tardif du dadaïsme en Grèce) : « Faisons sauter le Parthénon! Son influence sur la philosophie est néfaste ».

Roman  comme un essai philosophique?

Ce roman est étrange, hétéroclite, composé de monologues de témoins divers, du coupable, d’un soldat, de proclamations, d’une liste tronquée.

« Le contenu de cette Proclamation utopique est non seulement tout à fait justifié, mais aussi prophétique, quand on pense au développement phénoménal de l’industrie touristiques et à ce qui est en train de devenir la misère idéologique ne matière de voyage et de tourisme. » 

La piste socio-économique, la place de la Grèce dans l’Europe, autre facette des réflexions que ce kaléidoscope peut suggérer et que revendique l’auteur dans cette vidéo :

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Sortir de la Grande Nuit – Achille Mbembe

LIRE POUR L’AFRIQUE

Sortir de la la Grande Nuit ou Essai sur l’Afrique décolonisée (2010)

Cinquante ans après les Indépendances. J’étais curieuse de lire cet essai pour remettre les pendules à l’heure de la théorie post-coloniale et de la globalisation.

Le livre commence par un chapitre autobiographique Trajectoires d’une vie, ancrant l’auteur dans l’histoire du  Cameroun, son pays d’origine, dans les luttes de décolonisation, et les non-dits des combattants éliminés « terroristes ». Éloignement de l’intellectuel vers Paris, comme il se doit pour un francophone, puis New York et Johannesburg.

Le 2ème chapitre Déclosion du monde et montée en humanité est tout à fait différent : texte philosophique s’appuyant sur le concept fanonienne de déclosion du monde. Si le concept lui-même me paraît un peu fumeux (je ne suis pas philosophe, encore moins spécialiste de l’Afrique), Fanon m’a éveillée autrefois aux luttes anti-coloniales.

p. 69 : « Dans la pensée de la décolonisation l’humanité n’existe pas a priori. Elle est à faire surgir à travers le processus par lequel le colonisé s’éveille à la conscience de lui-même, s’approprie subjectivement son moi, démonte les enclos, s’autorise à parler à la première personne ».

Il cite ensuite Senghor (p70): « chez qui la décolonisation implique l’existence d’un sujet qui cultive le souci de ce qui lui appartient en propre… »

puis Glissant pour qui » la déclosion consiste à aller à la rencontre du monde »

Ces prédécesseurs étant analysés il étend l’analyse à Husserl, Valery et à la théorie du loup.

Je décroche un peu, trop philosophe pour moi! les développements trop savants sont fumeux. « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » disait autrefois Boileau.

Lorsque Mbembe aborde la globalisation et la théorie post-coloniale il s’éloigne de la philosophie pour une analyse politique assez confuse.

La troisième partie Société Française : proximité sans réciprocité sort du champ philosophique et entre dans celui du ressentiment. Certes, la France a perdu de sa puissance et de son aura en perdant son empire colonial. Certes, l’Europe n’est plus le centre du monde. Certes, les Etats Unis exercent une attraction sur les africains francophone. Tout cela est connu, évident, et la dissertation pompeuse m’a lassée. Les spécialistes apprécieront. Je retourne à la fiction, à la littérature, vaincue, n’ayant lu qu’en diagonale Le long hiver impérial français!

 

p. 70