CARNET DE CASAMANCE

Nous arrivons enfin vers 15h devant la Case à impluvium où nous passerons la nuit. Le campement se compose d’une très grande case ronde en terre et d’une paillote-restaurant plus classique. Sur la place, il y a aussi un petit bâtiment de ciment : « épicerie-bibliothèque ». On entre dans la case à impluvium par une colonnade de 4 troncs de rôniers soutenant un auvent de chaume abritant une entrée cimentée et des bancs. A l’intérieur 10 colonnes supportent une galerie ouverte en son centre – impluvium –où pousse un bananier. Les chambres sont réparties tout autour. Portes de bois sur chambres très sombres. Les lits sont surmontés de moustiquaires. Les draps sont en batik coloré. La petite fenêtre carrée a un volet en osier. Le plafond est tressé. La minuscule salle d’eau est toute noire mais elle a une douche, des WC, lavabo et un rebord de terre pour poser les affaires.
La salle à manger dans la paillote est bien aérée. Il y a même la WIFI ! L’électricité est solaire et donne du souci à Idrissa, le gérant qui nous donne le choix : soit recharger téléphones et appareils-photos et dîner à la bougie, soit garder le courant pour la lumière. On préfère recharger les appareils et d’ailleurs rien n’a sauté. On a même pu se doucher avant de se coucher. Au menu : poulet yassa et spaghettis.
Deux françaises sont arrivées aujourd’hui, je me joins à elles pour une promenade « contée » dans le village (2h30 environ 10 km).
Enampore : promenade avec Idrissa
Le village d’Enampore compte 700 habitants mais l’habitat est très dispersé. Les maisons sont cachées dans la forêt, reliées par de tortueux sentiers. Il y a peu l’ethnie Diola qui le peuple était encre animiste, il ne reste qu’une minorité d’animiste, le reste de la population se partage entre catholiques et musulmans à égalité.
Botanique
Idrissa vante les innombrables qualités du rônier – palmier à sucre – son tronc est lisse surmonté de larges feuilles en éventail. Le tronc est très apprécié pur les constructions. Les jeunes arbres sont protégés par les pétioles des feuilles coupés qui forment des « défenses ». Le fruit est consommé frais cueilli ou tombé. En entaillant la base des fleurs mâles ou femelles et en recueillant la sève dans des bouteilles on fait le vin de palme.

Les Pommes de Cayor (Neocarya Macrophylla) se consomment blettes comme des nèfles.
Les jeunes fromagers (Ceiba pentendra)sont aussi défendus par des piquants qui tomberont, une fois que l’arbre aura pris de l’âge. La nature est bien faite !

Un parfum puissant s’exhale des fleurs d’anacardiers. Les anacardiers sont des arbres peu exigeants. On vend les noix de cajou. Mais Idrissa ajoute qui’ls épuisent les sols et que rien ne pousse en dessous.
Il nous montre aussi les curieux fruits de l’acacia scorpion très apprécié des chèvres.
Malgré ses 700 habitants seulement, Enampore bénéficie d’établissements scolaires jusqu’au collège. Nous passons devant la Case des Petits qui scolarise les enfants à partir de 2ans et demie.
Un grillage protège le Jardin des Femmes protégé par un grillage des divagations des nombreux animaux, porcelets, chèvres surtout, ou vaches. Une partie du jardin est une plantation de palmiers à huile : les fleurs femelles donnent une sorte de régime de dattes dont on fait l’huile roue ; Les fleurs mâles peuvent servir d’enfumoir à abeilles. A Enampore, l’huile d’arachide est utilisée plus couramment que l’huile de palme plus chère et qui ne convient pas à tous les usages. Il y a une usine d’huile d’arachide à Ziguinchor tandis que l’huile de palme n’est pas traitée industriellement dans la région. Il n’y a que peu de légumes dans le Jardin des Femmes. Elles consacrent toute leur énergie à arroser le maïs. Autour du puits on a disposé des rangs de maïs très propres. Chaque rangée est bordée de deux rigoles peu profondes. Six jeunes femmes tirent de l’eau du puits profond d’une dizaine de mètres ? Elles remplissent deux arrosoirs. Chacune arrose ses rangées désignées par leurs prénoms sur des rectangles en plastique. Chacune est responsable de ses rangées et vend sa récolte. Pour moi, cela ressemble plus à un champ qu’à un jardin mais pas pour Idrissa qui s’indigne : « les hommes travaillent aux champs, les femmes au jardin ! »Les champs ce sont les rizières. Renseignement pris plus tard, les femmes travaillent également dans les rizières, elles repiquent le riz une fois que les hommes ont labouré. Revenons au maïs, Idrissa regrette « Ce n’est pas du maïs bio, il est OGM ! » et, bien sûr, fertilisé aux engrais chimiques.
Un peu plus loin, un beau puits carrelé de la margelle au sol. Il a été offert par un pays arabe, on n’en saura pas plus Idrissa ne lit pas l’arabe. En face, une petite école coranique.

En chemin nous passons sous une sorte d’acacia fleuri , le moringa puis devant des citronniers. Nous quittons la zone habitée pour la Forêt Sacrée, c’est le domaine royal. Il n’y a plus de roi à Enampore depuis 1973. Le palais royal est tombé en poussière : deux petites buttes comme des dunes rappellent son emplacement. A son avènement, le roi quitte sa maison, sa famille, sa femme et ses enfants pour la demeure royale à l’écart et doit épouser une femme désignée par la communauté. La figure du roi n’est pas liée au pouvoir économique ou politique ; sa charge n’est pas héréditaire, non plus mais spirituelle. Le roi a subi des « incarnations » (Idrisssa ne précise pas de quoi il s’agit). Il semble que ces incarnations soient très puissantes et que la personne habitée par ces puissances soit forcée d’y céder. L’homme qui refuserait cette royauté mourrait de faim. La nourriture lui tomberait entre les doigts.
C’est aussi le lieu des initiations et des circoncisions. Les initiations ont leu tous les deux ans. En revanche les circoncisions collectives sont moins fréquentes. La dernière remonte à plus de 10 ans. Idrissa raconte les sacrifices de vaches, cochons, chèvres ou poulets ; le sang répandu, le vin de palme offerts aux esprits. Ses explications sont (volontairement ?) confuses. Il parle de la séparation entre les hommes et les femmes et celle entre initiés et non-initiés, entre Diolas et étrangers. Les religions monothéistes s’accommodent du syncrétisme avec l’animisme. Chrétien ou musulman, le Diola se réfère à la culture de ses ancêtres et se prête aux rites d’initiation. Toutefois, aucun roi ne s’est incarné depuis 40 ans ! Idrissa semble le regretter. Un roi serait un bon intercesseur entre le village et les autorités de Ziguinchor ou de Dakar .
Idrissa est un merveilleux conteur. Il sait éveiller notre curiosité pour les croyances animistes tout en ne trahissant pas le mystère réservé aux initiés. Il parle en philosophe prônant la tolérance, le respect de la nature, la conservation de la culture diola sans refuser l’électricité, l’éducation des enfants à l’école ou Internet. Il insiste : leur culture est orale « pas comme la dame qui écrit ! ». La dame c’est moi, et je ferme mon cahier, un peu mortifiée.
des arbres, des plantes, des constructions très spéciales et c’est surprenant
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J’aime la chute : la dame c’est moi.. Quelles constructions extraordinaires et tu sais que j’aime le passage intitulé botanique.
Ce qui m’a étonné c’est la scolarité jusqu’au collège dans un si petit village. C’est mieux qu’en France!
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@claudialucia : quelle lectrice attentive tu fais!
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