CARNET DE VALENCE

Glissement progressif vers les heures espagnoles, nous reculons le petit déjeuner : inutile d’arriver trop tôt.
Marché Central

A 9h30, la plupart des rideaux de fer des boutiques sont baissés dans les rues allant au marché. Les scooters ont remplacé les tables des restaurants sur les places. Sur les terrasses autour du marché on parle surtout français. Des comptoirs sont adossés au marché. On y vend de la paella à emporter, des ustensiles pour la faire : gigantesques plateaux et les réchauds à gaz circulaires assortis. De l’autre côté de l’entrée principale on sert de l’horchata ou du chocolat et des churros. On ne se lasse pas de photographier la coupole surmontée d’étranges girouettes. Tous les étals du marché sont bien achalandés. Des rangées de jambons alignés sont suspendus par les pieds dont on voit les sabots bien astiqués, on vend bien sûr les célèbres patas negras dont on n’a même pas indiqué le prix. Légumes et fruits sont d’excellente qualité mais les prix sont parisiens.

La halle aux poissons est extraordinaire. Nous y découvrons poissons et crustacés dont nous ne soupçonnions pas l’existence. Ce poisson allongé, est-ce une murène ? « congra ». Langoustines et cigales de mer sont disposées artistiquement. « vous voulez quelque chose ? « demande la vendeuse lorsque nous les photographions.

Lonja de la Seida

10h, c’était au 16ème siècle la Bourse de la Soie. Avec le Pass Education c’est gratuit, je prends l’audio-guide (3€) et j’en suis bien inspirée, il est passionnant.
A la fin du 15ème siècle l’édifice fut commandé à deux architectes, la parfaite Salle des Colonnes est l’œuvre de Pere Comte. La Lonja doit témoigner du prestige et de la richesse de Valence. Le 15ème siècle est le siècle d’or de Valence où le commerce de la Méditerranée convergeait. C’était la ville la plus peuplée de la péninsule ibérique. La Lonja devait aussi être un espace commercial fonctionnel. Elle servait de bourse au commerce de la soie et des marchandises arrivant à Valence, une banque et le « tribunal de la mer ». Sur la place voisine (Doctor Collado) se tenait la Lonja de l’huile dont il ne reste rien, un vénérable olivier a été planté pour rappeler son souvenir ;
L’audioguide, complété par un plan plastifié m’entraîne d’abord dans la rue pour avoir une idée générale du bâtiment : plan en L autour d’un patio planté d’orangers. D’un côté la haute salle des colonnes et perpendiculairement, le Tribunal de la Mer bâti sur trois niveaux, chacun dans un style différent : roman, gothique et Renaissance. Dans le niveau supérieur, des macarons portent les portraits des rois d’Aragon. Dans le 7ème et le 8ème se trouvent les rois Catholiques.. Au dessus de leurs têtes les créneaux forment une couronne.

La visite continue à l’extérieur. L’audio-guide très pédagogique introduit un vocabulaire architectural précis. On remarque la finesse des sculptures des menaux à motifs végétaux : lierre, chardon (il ne parle pas d’acanthe mais de chardon) ; un petit escargot s’est glissé au pied de la sculpture. Les linteaux sont de toute beauté. Les arcs sont surmontés d’une croix végétale. Je pense à la richesse des décors manuélins portugais, plus récents d’un siècle et utilisant des symboles marins mais dont la finesse, la richesse et la luxuriance sont comparables.

L’édifice est surmonté de gargouilles se détachant sur le ciel bleu intense. Sans l’audioguide je n’aurais pas remarqué la créature ailée, grimaçante introduisant son sexe dans une poterie (je n’aurais jamais imaginé une telle interprétation grivoise. Un homme, plus lin, bouche ouverte criait de douleur, mordu par un monstre.

Au coin, face au marché, les armes de Valence sont portées par eux anges. Cette sculpture a été peinte par Sorolla pour rappeler un épisode historique : le soulèvement de la ville contre l’invasion napoléonienne au cris du paieter(le fendeur de bois d’allumage).

Après ce tour, j’entre dans le patio puis je m’arrête devant le portail de la salle des colonnes, sculpté de personnages et d’entrelacs végétaux d’une extrême finesse : les vices et les péchés sont représentés, les personnages prennent des poses lascives et même scatologiques : l’un d’eux montre ses fesses tandis qu’un autre joue de la musique, tentation diabolique sans doute. A l’intérieur, les scènes sont encore plus explicites : une femme recueille dans deux bols les excréments de deux personnages. Ultime bassesse ou recyclage de la matière ?

Huit colonnes torses soutiennent un plafond nervuré très haut. Pour donner encre plus de légèreté, l’architecte, Père Comte, a supprimé les chapiteaux, une ligne horizontale rappelle leur emplacement traditionnel. Les larges baies allègent les murs où sont adossées d’autres colonnes ; elles éclairent la salle tandis que le pavage de marbre noir brillant reflète la lumière. Les nervures partent des colonnes, autrefois le plafond était peint d’un ciel étoilé, les clés de voûte, ronds colorés en rouge ou en vert.

Dans le mur l’escalier en colimaçon creux est une prouesse architecturale supplémentaire de Père Comte.
A l’entrée de la chapelle éclairée par un beau vitrail, les armoiries de la ville de Valence sont surmontées par une chauve-souris. Occasion pour l’audio-guide de rappeler une anecdote historique : pendant la Reconquista le roi d’Aragon Jacques 1er fut alerté d’une attaque nocturne des Maures par la chauve-souris qui l’éveilla en battant du tambour.
Le salon des consuls de la mer a un plafond de bois sculpté et doré magnifique.
c’est une ville vraiment très agréable!
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