Qui se souvient du café Rubens – Georges Memmi

LECTURES TUNISIENNES

Georges Memmi est l’auteur de Une île en Méditerranée que j’ai eu le plaisir de lire à Djerba.

Qui se souvient du café Rubens a été publié en 1984, l’auteur, « à 50 ans, se souvient de son enfance juive à Tunis[….]Une fête de couleurs vives, d’odeurs raffinées, de saveurs douces qui prendra un goût amer : celui de l’exil » nous apprend le 4ème de couverture. 

Contemporain de la Villa Jasmin de Moati, cet ouvrage est aussi un hommage à ses parents et à son enfance tunisienne, qui se terminera par le départ des Juifs tunisiens et l’exil. Toutefois, c’est un livre bien différent. Les deux enfants juifs ne sont pas issus du même milieu : l’enfant du Café Rubens, est fils de bourrelier et habite dans une ruelle.

Le livre commence par un véritable hymne à sa mère, alors qu’il se souvient de sa petite enfance lorsqu’il pouvait encore la suivre au hammam..la mère tendre. La femme analphabète qui connaît des histoires :

« elle était notre théâtre et, cent acteurs à la fois, elle nous enseigna le juste et le bon l’inévitable. Et combien Rabbi Samuel du Kef qui tenait le mal pour masque de la vie et apprenait à le réduire.  Âgée de douze siècle au moins, ma mère se souvient de la reine Kahena…. »

La mère cuisinière et nourricière, et le livre devient presque livre de recettes des douceurs tunisiennes ou guérisseuse. Beignets au miel, makroud, ou pigeon farci. On imagine les saveurs, les parfums de Tunis.

L’auteur se souvient aussi de ses frères et sœurs. Il évoque le Seder de Pâques, les cabanes dans la cour..

Quand il a grandi le père le prend en apprentissage et nous apprenons les secrets des meilleurs bourreliers, les cuirs, les outils et les gestes. Évocation du père, de sa fierté mais aussi de son amertume : la guerre arrive, les Allemands vont occuper Tunis. Disette, bombardements. Mais aussi les humiliations spécialement dirigées contre les Juifs :« au dire des Allemands et des pétainistes, les bombardements sortaient de nos doigts comme une vannerie habile. Du sol et dans la nuit nous dirigions les avions allés grâce à des signes secrets »

La demande d’un Allemand au bourrelier de faire une blague à tabac avec le parchemin de la Torah.

L’exil, le départ de toute la communauté juive est évoqué avec nostalgie alors que les Juifs étaient en Tunisie depuis des siècles et des siècles, depuis les temps de Carthage

« Les navires de la princesse Didon ont jeté l’ancre à l’ombre de ces rives neuves, de ces collines boisées sur lesquelles va bientôt naître Carthage. Mille esclaves enchaînés aux flancs de ces galères ont ramé jour et nuit. Parmi eux des juifs dont on récompensera la tenacité. Ils seront affranchis sur cette terre sauvage, africaine… »

Déracinement.

Je ne peux oublier ces absents, et je cherche leurs traces, étoiles de David sur les bijoux, les portes ou les décors et lis avec émotion ces récits.

 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

8 réflexions sur « Qui se souvient du café Rubens – Georges Memmi »

    1. @claudialucia : malheureusement nous ne sommes restées que 3 jours à Tunis et j’étais en train de lire la Villa Jasmin de Moati, qui se déroule aussi à Tunis . nous croyons prendre notre temps quand on planifie le voyage et je regrette toujours de ne pas avoir eu le loisir de visiter les lieux de mes lectures.

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  1. Un vieux livre qui évoque une vieille époque et des gens modestes surement disparus
    mais quel style, quelle richesse poétique et cet hymne à l’enfance et à la mère principalement. A savourer

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