Hérétiques – Leonardo Padura

LECTURE CUBAINE

Les blogueurs-ses qui ont participé au mois de Lectures  Sud Américaines m’ont donné envie de relire Padura et de retourner virtuellement à La Havane. Hérétique attendait sagement dans la liseuse depuis que j’avais terminé L’Homme qui aimait les chiens. Comme c’est un pavé (657 pages) j’attendais l’occasion.

Hérétiques s’ouvre avec le Livre de Daniel, en 1939 avec l’arrivée du Saint Louis au port de La Havane, avec à son bord des centaines de Juifs polonais et allemands fuyant les nazis, munis de passeports et visas achetés chèrement. Les autorités cubaines corrompues cherchant à monnayer leur débarquement ont fait monter les enchères puis les ont renvoyés (avec la complicité américaine) à Hambourg d’où ils furent déportés et exterminés. Daniel Kaminsky originaire de Cracovie a eu la chance d’arriver à La Havane auparavant.

En 2007, le fils de Daniel, Elias charge Mario Condé – ancien policier – d’éclaircir un certain mystère couvrant la fuite de Daniel à Miami en 1958 et la disparition d’un authentique Rembrandt en possession de la famille Kaminsky depuis le 17ème siècle, emporté par le parents de Daniel sur le Saint Louis, qui aurait dû leur sauver la vie en payant leur passage. Daniel, apprenant le destin de ses parents, morts à Auschwitz, décide de ne plus être juif et de s’intégrer comme cubain. Elias confie à Condé l’histoire de sa famille, lui demande de retrouver sa famille.  Daniel est un des hérétiques que le lecteur rencontrera, mais ce n’est pas le seul. 

Rembrandt : La ronde de nuit

Le Livre d’Elias se déroule à Amsterdam en 1643. Amsterdam est considérée comme la Nouvelle Jérusalem par les Juifs séfarades venus d’Espagne et du Portugal. Il ont trouvé aux Pays Bas une tolérance qui permet à la communauté juive de prospérer. Elias veut devenir peintre, il a choisi son maître : Rembrandt. Peindre est une hérésie pour un juif du 17ème siècle! Elias doit apprendre dans la clandestinité.  Rembrandt convaincu de la volonté de son apprenti le fait passer pour un domestique. Elias doit cacher ses œuvres. Lorsqu’elles seront découvert un procès le menace. Si la société cosmopolite et mélangée des Pays Bas est tolérante, il n’en est pas de même à l’intérieur de la Communauté Juive. Spinoza fut jugé et condamné, et Uriel Da Costa avant lui. Plutôt que le jugement, Elias s’enfuie en Pologne où il est rattrapé par une série de pogromes et une épidémie de peste. 

Rembrandt comme hérétique ?

« ….peindre comme Rubens. Mais je suis aussi devenu un homme un peu plus libre. Non, beaucoup plus libre…
Cependant, écoute-moi bien, la liberté a toujours un prix. Et il est généralement trop élevé. Quand je me suis cru
libre et que j’ai voulu peindre comme un artiste libre, j’ai rompu avec tout ce qui est considéré comme élégant et
harmonieux, j’ai tué Rubens et j’ai lâché mes démons pour peindre La Compagnie du capitaine Cocq pour les
murs du Kloveniers. Et j’ai reçu le juste châtiment pour mon hérésie : plus de commandes de portraits collectifs,
car le mien était un cri, une éructation, un crachat… C’était un chaos et une provocation, dirent-ils. Mais moi je
sais, j’en suis même persuadé, que j’ai réussi cette combinaison insolite de désirs et de réalisations qu’est un
chef-d’œuvre. »

Le Livre de Judith raconte l’enquête que Condé mène à la suite de  la disparition d’une jeune fille à la Havane en 2009. Accident, enlèvement, fuite vers la Floride ou suicide? La jeune fille fait partie d’une secte, les émos, d’allure gothiques, punks,  nihilistes et souvent drogués. Hérétiques les émos ou en quête de liberté?

d’une quête de liberté qui débouchait finalement sur sa négation, car il ouvrait les grilles d’autres prisons,
d’après lui, militant agnostique et, sans aucun doute, pré-évolutionniste. Le plus cuisant était de découvrir que,
ces dernières années, il avait vécu dans la même ville que ces jeunes, sans guère s’attarder à les observer car il
les voyait comme des espèces de clowns de la postmodernité, acharnés à s’écarter des codes sociaux en
s’affichant notablement différents, et il ne leur avait jamais concédé la profondeur d’une réflexion et d’objectifs
libertaires (libertaires plus que libérateurs, il se conforta dans cette idée, convaincu du caractère anarchique de
leurs quêtes). Malgré les fers qu’ils se mettaient eux-mêmes. Mais c’était les leurs, et cela faisait toute la différence. 

Ces trois histoires pourraient presque se lire indépendamment les unes des autres. Le tableau de Rembrandt est le lien entre elles. Le thème de l' »hérésie » peut se lire sous différents points de vue, hérésie religieuse, mais aussi politique et sociale.

Toutefois, Padura donne le meilleur quand il décrit la vie à La Havane et que Mario Condé et sa bande de copains partagent rhum et cigarettes bon marché dans une convivialité communicative. Sa critique du régime est sensible : corruption inexcusable, mais empathie avec les cubains fidèles malgré tout à leur île.  Désespérance mais chaleur humaine…

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

14 réflexions sur « Hérétiques – Leonardo Padura »

  1. Ah, le fameux camion ZIL (Zavod Imeni Lihachov),bleu, Made in URSS… 🙂
    Je me souviens que nos camions avait une cabine « Made in France » (Chausson)
    Of topic, sorry ! 🙂

    Aimé par 1 personne

  2. J’ai très envie de découvrir enfin le fameux Condé, mais peut-être pas avec ce livre là. Je n’aime pas tellement le mélange des époques lorsque l’on remonte aussi loin.

    Aimé par 1 personne

  3. C’est un auteur que je compte lire un de ces jours. Je n’imaginais pas qu’il était possible de me tourner vers Amérique Latine pour lire sur une telle thématique.

    J’aime

  4. Je n’en ai lu qu’un pour l’instant et je me promets toujours de continuer mais là, je n’ai pas eu le temps ! Je viendrai lire tes aventures cubaines un peu plus tard. C’était les vacances de ma petite-fille, cette fois, et j’ai encore été bien et agréablement occupée !

    Aimé par 1 personne

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