CUBA – 14 février 2004

A 7h45, un taxi avec compteur traverse tranquillement la Havane pour nous emmener au terminal de Viazul. Nous reconnaissons l’Opéra, le Capitole, le monument de José Marti, la Place de la Révolution. La gare routière est située en périphérie de la ville. Elle ressemble à un petit terminal aérien. Un fonctionnaire de sécurité nous accueille, nous échangeons les vouchers contre des billets, enregistrons les bagages comme pour un voyage en avion. Un steward en costume cravate s’occupe des voyageurs nous propose d’aller à la cafétéria. Une hôtesse, enfin nous fait entrer dans l’autobus luxueux réservé aux touristes. Nous identifions un seul couple cubain parmi les voyageurs (Monsieur téléphone sans arrêt avec son mobile). L’équipage regarde une vidéo en espagnol: un film américain de guerre, une histoire de sous-marin qui fait un fond sonore bruyant. C’est étrange, sans même écouter, je comprends tout ce qui doit démontrer l’indigence des dialogues.
Le bus emprunte l’autoroute dans une plaine verte où dépassent quelques palmiers. Les palmiers évoquent le Maroc pour Dominique. Pour moi, ce paysage ne ressemble à rien. J’ai du mal à comprendre ce que je vois au premier abord. C’est vert mais je ne reconnais rien. Des vaches un peu exotiques aux cornes longues et recourbées plutôt grises. Des lacs et des marais font diversion. Des aigrettes garde-bœufs accompagnent les vaches.

Au bout d’une cinquantaine de km, les collines se font plus pointues. Nous reconnaissons la canne à sucre que l’on coupe à la main. C’est différent du Cap Vert : les champs sont très grands, si les hommes utilisent les mêmes machettes, ici, ils sont dispersés. De temps en temps, un arbre à silhouette africaine ressemblant à un baobab domine le paysage. Je suis déconcertée, cherchant des analogies avec des paysages d’autres voyages. La signalisation routière est complètement déficiente, malgré le guide de la route je n’arrive pas du tout à me repérer.
Le bus s’arrête devant une cafétéria près d’un village de vacances. La campagne est fleurie. D’énormes clochettes jaunes inconnues sentent très bon .De très gros oiseaux planent : des buses ?
Le bus arrive dans une ville annoncée par des immeubles modernes : Pinar del Rio, fin de l’autoroute. Pinar del Rio est surtout composée de petites maisons basses de ciment ou de bois avec un auvent, un ou deux rocking chair en fer forgé quelquefois un jardinet et parfois une vieille voiture américaine. Dans les rues, pas de circulation, la ville somnole.
Le bus s’engage sur une petite route qui monte dans la montagne. La végétation change, Le bus rase de près les arbres envahis par des lianes ainsi que de nombreux épiphytes, des orchidées et des sortes de fougères. Les petites maisons campagnardes de bois souvent couvertes de chaume, minuscules sont souvent plutôt des cabanes que des maisons. La pauvreté rurale est différente de celle de la Havane, presque pittoresque dans ce cadre naturel magnifique mais révélant un dénuement inimaginable. Certains villages n’ont pas l’électricité, on voit une salle de télévision collective. Certaines maisons n’ont pas de fenêtres, seulement un trou carré. On laboure avec une paire de bœufs.
Le car roule à 30 à l’heure. Nous traversons des pinèdes et apercevons la silhouette des mogotes, reliefs karstiques aux allures asiatiques. Nous arrivons à Vinales.

L’hôtel Jazmines se trouve à cinq kilomètres avant Vinalès sur cette route. Je demande au steward si le bus s’y arrête. « Très près » répond il. Il provoque un arrêt pour nous en pleine campagne moyennant un pourboire qu’il réclame.
Nous voici donc avec le sac à dos, la valise et le sac rouge rempli, à 1 km de l’hôtel. Dominique commence sérieusement à râler, d’abord à cause du pourboire réclamé crûment ensuite parce que l’hôtel est loin. Des cars de touristes passent sans s’arrêter. Des Cubains rigolards nous regardent.
Scène bucolique : dans un champ de tabac deux hommes travaillent avec une paire de bœufs, ce serait la photo idéale : l’homme debout sur un tronc à peine équarri tiré par ses bœufs (que fait il sur ce tronc qui glisse ?), le séchoir à tabac avec les feuilles vertes. Comme je les prends en photo, le vieux propose de porter la valise. Finalement l’hôtel n’est plus si loin. Dominique est encore plus furieuse de ce que j’ai accepté cette aide intempestive.
L’hôtel a beaucoup d’allure. C’est une grande bâtisse rose adossée à la colline qui regarde vers la vallée. Devant l’hôtel, une magnifique piscine. En contrebas, une série de bungalows.
Nous sommes arrivées trop tôt. La chambre ne sera prête qu’à deux heures.
Je command des spaghettis servis sur le bord de la piscine Le temps est plus frais qu’à La Havane mais la piscine me fait bien envie.
Nous avons la meilleure chambre de l’hôtel au deuxième étage au dessus de la piscine. Sur le balcon on peut installer deux grands fauteuils de rotin genre Emmanuelle et admirer la vue sur les mogotes. Dans la chambre tout le mobilier est en rotin les lits jumeaux sont recouvert d’un tissu fleuri.
Déception : la piscine est glacée. Seuls les Hollandais et les gamins s’y aventurent. J’aime tellement la piscine que généralement je n’hésite pas, à Marrakech et à Assouan, j’y étais seule, mais ici c’est vraiment trop froid. Le guide est passé nous proposer ses services pour les randonnées. Il prétend qu’il est défendu de se promener seul dans le Parc Naturel patrimoine de l’Humanité. Ceci entretient la mauvaise humeur de Dominique qui crie à tous les vents qu’elle veut être libre et en appelle à la Révolution. Je lui fais remarquer que ce n’est pas malin de parler ainsi et que cela risque de nous causer des ennuis.
Heureusement, l’après midi prend une meilleure tournure quand je viens chercher mon nouveau carnet moleskine (le même que celui d’Hemingway, c’est une référence) La vue est vraiment pittoresque. C’est avec plaisir que je noircis 3 feuillets avec la silhouette des mogotes, une étude de palmier et de la végétation du coin. Dessiner sur ce carnet est un véritable plaisir. Le format, un peu petit réduit les possibilités de composition, mais cela rend le travail plus facile. La qualité du papier, (plutôt de la carte), glacée, crème me plaît Je dessine pour observer. Rapidement la lumière change. A 17h30 il nous reste une bonne heure avant la nuit pour aller à la découverte des environs de l’hôtel. A l’opposé de la vallée, vers Vinalès, nous trouvons un bon chemin de terre qui conduit à des fermes. Dans un jardin impeccable, un vieil homme arrose ses salades avec un vieil arrosoir. Un homme sur une charrette tirée par un cheval nous propose d’aller à Vinales.
Devant une maison de planches, un cheval attaché souffle et gronde. Rencontre avec de petites chèvres bicolores, un chevreau blanc si petit. La nuit tombe. Il faut rentrer. Trois enfants jouent, on les photographie Dominique offre au petit garçon brèche dents la petite souris en plastique que nous avons emportée pendant nos voyages divers sans la donner .Notre promenade nous enchante et termine bien la journée.
Malheureusement, après cela se gâte. On n’arrive pas à allumer les lampes de chevet. Il faut faire monter le réceptionniste. (Ce genre d’aventure se renouvelle à chaque voyage). Le snack ne sert plus rien à manger. Le restaurant buffet ressemble à une cantine peu engageante (10$) . Pour finir, la Soirée de la Saint Valentin organisée par l’hôtel à l’attention d’un groupe de Canadiens du quatrième âge juste sous nos fenêtres nous empêche de dormir.