UKRAINE
Alors que l’Ukraine occupe les actualités avec ces images terribles de guerre, de destructions, de réfugiés…il m’a semblé indispensable d’aborder l’Ukraine par la littérature, pour donner de l’épaisseur à ces images fugitives ou récurrentes auxquelles on finit de s’habituer sans chercher à connaître les personnes, les Ukrainiens et ce qu’ils ont à nous dire en dehors de l’urgence.
Hasard ou coïncidence? Les abeilles grises est paru en février 2022 en français, quelques semaines avant l’invasion de l’Ukraine, été2019 en VO.
« Ça faisait presque trois ans que Pachka et lui maintenaient la vie dans le village. On ne pouvait tout de même pas laisser le village sans vie. »
Sergueïtch est apiculteur. Son village dans la « zone grise », sur la ligne de démarcation entre les séparatistes du Dombass et l’Ukraine, sur la ligne de front, a été abandonné par ses habitants à la suite des bombardements et des tirs. Il ne reste plus au village que lui et Pachka, son meilleur ennemi depuis l’école primaire, qui devient aussi son seul ami.
« Si les nôtres te réclament quelque chose, tu le feras ? – Quels “nôtres” ? demanda Sergueïtch d’un ton contrarié. –
Eh bien les nôtres, ceux de Donetsk ! Pourquoi tu fais l’idiot ? – Mes “nôtres” sont dans la grange, je n’en
connais pas d’autres. »
Sergueïtch reçoit la visite de Petro, un soldat ukrainien, Pachka trafique avec les « séparatistes » qui lui fournissent du pain, de la vodka…L’électricité a été coupée, plus de télévision ni de téléphone, sauf quand on lui recharge le portable. Avec son miel, il fait du troc. Ils passent l’hiver sous la neige…les abeilles hibernent dans leurs ruches.
« Il se serait vu contraint depuis longtemps de partager toutes ses réserves avec son ennemi d’enfance. Au reste, iln’avait plus trop envie de penser à lui comme à un « ennemi ». À chaque nouvelle rencontre, même s’ils se
querellaient, Pachka lui semblait plus proche et plus compréhensible. Ils étaient à présent un peu comme
deux frères, même si, Dieu merci, ils n’étaient pas de la même famille. »
En hiver les simple se ressemblent, déneiger le toit de la grange, recharger le poêle en charbon, se procurer de la nourriture…
Cinq jours passèrent, tous identiques, tels des corbeaux. Pareille comparaison ne serait pas venue à l’esprit de
Sergueïtch si au cours de ces journées tranquilles et monotones, le seul bruit à emplir de temps à autre les
alentours n’eût été le croassement de ces oiseaux.
Quand le printemps arrive, que la végétation refleurit, Sergueïtch emporte ses ruches dans la campagne, loin des zones de combat pour que ses abeilles butinent en paix. En Ukraine d’abord, il campe, cuisine sur un feu de bois, vend son miel et fait connaissance avec Galia, la vendeuse de l’épicerie. Une vie simple. Les habitants le voient comme un du Dombass, et après boire, un villageois lui détruit les vitres de sa voiture.
Il arrive en Crimée. Crimée paradisiaque pour les abeilles, tout au moins. Parce que pour lui, c’est plus compliqué, avec son passeport ukrainien. Il est accueilli par la famille tatare d’un apiculteur qu’il a connu autrefois. L’occupation russe de la Crimée est particulièrement cruelle pour les tatars.
Leur terre ? C’est la meilleure ! s’indigna la femme benoîtement. Elle est russe et chrétienne, et ça depuis la nuit des temps ! Bien avant les Tatars, les Russes ont apporté de Turquie le christianisme ici. À Chersonèse. Il n’y avait alors aucun musulman. Ce sont les Turcs qui plus tard les ont envoyés en même temps que l’islam.
Poutine, quand il est venu, a raconté lui-même tout ça : ici, on est en sainte terre russe. – Bon, moi, je ne connais pas l’histoire. Les choses peuvent s’être passées de mille façons. – Les choses se sont passées comme Poutine l’a dit, insista la vendeuse. Poutine ne me ment pas. »
Les abeilles comme métaphore de la société?
En remontant le long des vignes, Sergueïtch repensa à ces policiers et à leurs gilets noirs. Il se dit que les abeilles et les fourmis avaient elles aussi des gardiens qui veillaient à l’ordre et protégeaient les familles d’éventuelles intrusions. Il se dit que les humains pourraient apprendre des abeilles. Les abeilles, grâce à leur discipline et leur travail, avaient construit le communisme dans les ruches. Les fourmis, elles, étaient parvenues à un vrai socialisme naturel. N’ayant rien à produire, elles avaient juste appris à maintenir l’ordre et l’égalité. Mais les humains ? Il n’y avait chez eux ni ordre ni égalité.
Mais pourquoi grises? A vous de lire le livre.
Grâce à Kourkov, j’ai maintenant des images mentales pour imaginer l’Ukraine, le Dombass et la Crimée. Et si vous voulez écouter l’auteur sur France culture, il parle parfaitement le français!
je viens de découvrir l’auteur avec « Le pingouin » que j’ai adoré alors celui-ci est sur ma liste pour l’an prochain
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@eve -Yeshé : j’ai bien envie de continuer avec Kourkoi, le Pingouin peut être?
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il m’a bien plu, le thème qu’on peut prendre à plusieurs degrés, son humour 🙂
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@Eve-Yeshé : le pingouin va donc entrer dans la liseuse
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Je l’ai réservé à la bibliothèque ; je ne devrais pas attendre trop longtemps. Par ailleurs, j’ai commencé un roman policier qui se passe au Donbass. Le conflit va sûrement y avoir son importance.
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@Aifelle : s’il te plaît donne moi le titre de ce roman policier!
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« Donbass » de Benoît Vitkine. Il vient d’en sortir un autre « le loup ». L’auteur est correspondant du Monde à Moscou, spécialiste des questions d’Ukraine et du Donbass où il se rend régulièrement depuis 2014
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Le lien ne marche pas ! Quant à moi, je ne fais confiance ni à Poutine ni à Zélinsky ni aux Européens pour déterminer si elle est russe. CF : Un article du Monde . Tout ce que je sais c’est qu’elle était russe depuis le XVIII siècle,que sous Staline les russes ont essayé d’éradiquer la population tatare et enfin que Kroutchtchev l’a rattachée à l’Ukraine en 1954 alors qu’elle faisait partie de l’union soviétique.
https://www.lemonde.fr/europe/article/2014/03/15/d-un-simple-decret-khrouchtchev-fit-don-de-la-crimee-a-l-ukraine_4383398_3214.html
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@claudialucia : dommage que le lien soit défectueux, si tu as l’appli RadioFrance tu peux facilement retrouver l’émission.
Merci pour le lien vers Le Monde. Je crois que les nationalismes font feu de tout bois et que les questions des « origines » ne font qu’envenimer le débat. En revanche, les annexions et les transgressions de frontières reconnues ne peuvent pas être tolérées. Rappelle-toi, les Sudètes, l’Anschluss etc… Si on laisse bafouer les frontières reconnues on laisse le champ libre à tous les abus et toutes les invasions.
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C’est sûr ! Tout à fait d’accord ! L’expansionisme de Poutine est bien connu et dangereux ! Pas envie d’un nouvel Hitler. Ce qui est ukrainien doit rester ukrainien et les peuples ne devraient pas avoir à souffrir de ces guerres épouvantables. Par contre la question des origines est primordiale. Si la Crimée n’est pas ukrainienne comme semble le confirmer l’article du Monde et les manuels d’Histoire, il n’y a ni annexion, ni transgression.. ET si le Donbass est ukrainien mais qu’il y a vraiment 75 pour cent de russophones sur le territoire on laisse au peuple la liberté de choix par un référendum (pas truqué !!) et dans tous les cas on ne supprime pas la langue russe comme langue première dans l’enseignement ! Mais les deux va- t-en-guerre préfèrent se taper sur la tête plutôt que de faire des concessions. De toutes façons ce ne sont pas eux qui reçoivent les bombes, ce sont les innocents . Et puis le régiment Azov, c’est difficile à avaler pour moi !
Il y a un beau texte pacifique de Gouzel Iakhina sur la guerre entre l’Ukraine et la Russie.. J e ne sais pas où j’ai vu le lien. Tu l’as lu ?
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Excellente idée de commenter ce livre en ce mois de mars. Très heureux de voir que cet auteur revient régulièrement dans les blogs. Une façon de penser à l’Ukraine en ces jours tragiques.
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Bizarre, je ne ‘vois’ plus ton blog, alors je vais directement et en retard. Tu penses bien que j’aimerais fort lire ce livre!
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@keisha : que veux tu dire par « voir mon blog » . Excellent Kourkov il t interessera
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Je veux dire l’annonce de nouveaux billets, sans doute encore un coup de blogspot? Depuis le 30 décembre rien d’annoncé.
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@keisha : bizarre, au rythme d’un billet tous les deux jours….
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n fait ton blog est bien dans mes listes, mais il ne remonte pas puisque les nouveaux billets n’arrivent pas; Bon, je vais essayer d’arranger ça, ou aller fouiner un peu plus souvent.
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