TURQUIE
Roman d’amour, roman d’apprentissage, c’est une très belle histoire, toute en nuances, toute en finesse que Ahmet Altlan a imaginée alors qu’il était emprisonné.
Fazil, étudiant en littérature, ruiné à la suite de la faillite et du décès de son père, emménage dans une sorte d’auberge où vivent des personnages marginaux, un père et sa petite fille, un videur de boîte de nuit excellent cuisinier, un pieux travesti, un Poète qui n’écrit guère de poésie mais plutôt des écrits politiques. Il a trouvé un travail comme figurant dans une émission de variétés à la télévision. Au cours d’un tournage, il fait la connaissance de Madame Hayat (madame la Vie), une femme d’âge mûr, très libre et très séduisante. Malgré la différence d’âge, de statut social, d’intérêt dans la vie, une relation amoureuse se trame. Madame Hayat a une personnalité originale :
Telle était l’immense liberté que j’éprouvais en m’affranchissant des bornes du temps. Madame Hayat était libre. Sans compromis ni révolte, libre seulement par désintérêt, par quiétude, et à chacun de nos frôlements, sa liberté devenait la mienne.
Peut-être que la seule responsabilité que j’aie envers moi-même est de me rendre heureuse. Comme à l’instant, ce que tu essaies de ruiner…
Fazil rencontre aussi Sila, une jeune fille de son âge, également étudiante en littérature, dont la famille aisée autrefois, se trouve frappée d’ostracisme politique et ruinée. Ils ont en commun l’amour de la littérature. Sila est charmante, ils sont amoureux, ont un projet : émigrer au Canada et fuir la Turquie où des jeunes étudiants manquent de perspectives.
Le lien spécial nous unissait, Sıla et moi, un lien solide fait de plaisirs partagés, d’un passé semblable, d’une
passion commune pour la littérature, et surtout de toutes les catastrophes que nous avions vécues. Mais
nous ne savions que faire de ce lien, nous n’arrivions pas à nous décider, rester amis, devenir le confident
de l’autre, ou être amants.
Fazil mène ses deux relations amoureuses de façon aussi intense mais il devra choisir quand Sila va organiser leur expatriation. Partira? Restera?
L’auberge où loge Fazil se trouve dans une rue « chaude » de la ville, des individus munis de grands bâtons font régner l’ordre moral et même la terreur quand le Poète se verra contraint au suicide. Par touches subtiles, l’auteur montre la censure, l’ordre et la peur que la dictature instaure.
Faire une blague sur le gouvernement est devenu un crime. Dorénavant, interdit de blaguer.
Il est aussi question de littérature, du courage en littérature. Comment enseigner la littérature? Les enseignants font preuve de courage, et pas seulement en littérature.
« Le fond de toute littérature, c’est l’être humain… Les émotions, les affects, les sentiments humains. Et le produit commun à tous ces sentiments, c’est le désir de possession. Quand vous voulez posséder quelqu’un, vous rendre maître de son cœur et de son âme, c’est l’amour. Quand vous voulez posséder le corps de quelqu’un, c’est le désir, la volupté. Quand vous voulez faire peur aux gens et les contraindre à vous obéir, c’est le pouvoir. Quand c’est l’argent que vous désirez plus que tout, c’est l’avidité. Enfin, quand vous voulez l’immortalité, la vie après la mort, c’est la foi. La littérature, en vérité, se nourrit de ces cinq grandes passions humaines dont l’unique et commune source est le désir de possession, et elle ne traite pas d’autre chose. Tel est le fond. Il s’arrêta pour regarder la salle. — Comment changerez-vous ce fond-là ? »
Ce roman me tente mais la citation fatalisme ne me plaît pas vraiment… Mais il est aussi question de courage et de l’éducation… Alors oui certainement !
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J’ai l’intention de le lire dès que je pourrai.
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@Aifelle : tu ne seras pas déçue
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Off-topic : J’ai achete « Projet Silverview » (par John Le Carre), que j’ai l’intention de lire aujourd’hui. C’est un… »policier ». Mais je continue a lire les ecrivains « classiques » de l »Europe.
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@george : je suis fan de Le Carré . Triste de penser qu il n écrira plus . Je vous signale un polar français qui se passe en Ukraine : Donbass
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Rebonjour Miriam, que j’ai aimé ce roman! Un prix Femina étranger amplement mérité. Bonne fin d’après-midi.
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@dasola : contente de partager un très beau moment de lecture.
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