Cotonou – Les courses pour l’Ecole Jacquot,

 BÉNIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

Saison pluvieuse

l'école Jacquot

Pendant la nuit : plusieurs orages et de la pluie.
Le matin,  promenade sous un ciel plombé, les pieds dans l’écume mousseuse. Le petit déjeuner, avec le grand verre de jus de fruit frais et l’omelette aux fines herbes, nous paraît encore meilleur qu’avant notre départ vers le nord.

Les courses

Les courses s’avèrent bien  différentes de ce que j’imaginais. Hier,tous disaient  que nous trouverions les tôles et les fournitures scolaires dans le quartier de l’école. Le taxi emprunte les rues enfumées des pots d’échappement des innombrables motos et camions. Je pensais que la pluie aurait lavé la pollution, il n’en est rien. Elle a un peu rafraîchi l’air mais  a apporté tout un lot de désagréments : boue, et même chaussées inondées. Devant nous, une moto noyée jusqu’à l’essieu doit débarquer son passager au milieu d’une profonde flaque occupant toute la rue.

l'équipe enseignante

Les tôles se trouvent dans des dépôts de matériaux de construction étalés sur le trottoir dans un désordre indescriptible. Premier arrêt : les tôles sont de mauvaise qualité au prix de la bonne. On traverse Cotonou, je reconnais la grande Mosquée carrelée de bleu, l’église rouge et blanche. Finalement on achète dans un troisième endroits deux lots de 20 plaques, pas assez pour tout couvrir mais suffisantes pour une bonne réfection.

Fournitures scolaires

A la Libraire Notre Dame, je laisse les autres chercher le matériel et je m’intéresse à la littérature africaine. On ne trouve ni ardoises ni cahier. Les ardoises sont les nos articles préférés  Une ardoise, c’est fait pour durer ! Mais il faut y renoncer, beaucoup trop cher (1950CFA, la belle ardoise au cadre de bois comme j’avais, petite fille, presque autant celle qui a un bord en plastique fluo). Nous aurions pu nous contenter de toutes simples en plastique rugueux. Le  stock est sous clé. La patronne qui peut le sortir de la réserve ne viendra que tantôt.

La liste de la Directrice comprend des gommes, des crayons de couleur, des cahiers, des règles et des stylos à bille. Chaque article,est compté au moins trois fois. Je compte les boîtes de crayons de couleur par cinq, mais les autres comptent crayons et gommes uns à uns. Le maître vérifie, la vendeuse recompte.

On commence à bouillir d’impatience quand le vendeur manipule un par un les 133 bics cristal. Il est onze heures il faut arriver à l’école avant le départ des enfants! Je prends le relais. La facture  terminée, je passe à la caisse…La caissière vide le carton où tout était rangé et recompte.
les ballons de  la coupe du monde

Il faudrait rapporter des factures!  Ici, c’est dans la rue que se font nombre d’achats.
Thierry négocie.  Le marchandage est un spectacle réjouissant. Au milieu de la chaussée en pleine ville, au feu rouge, on vous propose des objets variés tels qu’un assortiment de couteaux, un chauffe-biberons, un lecteur de DVD un pèse personnes. Pour appâter le client, le vendeur introduit la marchandise par les vitres ouvertes des voitures. Quelque fois, il s’agit de coton-tige ou de mouchoirs en papier.

Plusieurs jeunes se promènent au beau milieu de la circulation avec une grappe de ballons dans un sac. Thierry  propose d’acheter ici les six ballons. D maugrée parce qu’elle n’aura pas de facture.
La négociation s’engage « Six thousand last price ! » Je devine que le vendeur anglophone est nigérian. Toute cette marchandise vendue sur le trottoir vient du Nigeria. Comme le jeune ne veut pas « casser son prix », Thierry avance brusquement la voiture, fait le tour du pâté de maison et continue le marchandage avec un autre nigérian. Le premier rapplique – six ballons d’un seul coup – cela ne doit pas se vendre tous les jours. Thierry le rudoie « j’ai fini avec toi, je discute avec l’autre ». Il avance le taxi. Combien de tours de carrefour ? La vente aura duré une bonne demi heure et les six ballons ont coûté 20 500CFA.

Dominique se prend pour Bernadette Chirac

11h50 ! Les enfants sont encore en classe.

On peut disposer les cadeaux sur une table en bois. Pile de cahiers, tas de crayons, stylos… Cela fait si peu ! Les ballons ont un franc succès.

Sur le perron, elle donne des ordres – Bernadette Chirac ! Les enfants sont ravis surtout quand on collecte les enveloppes pour les correspondants et qu’on les photographie en gros plan. Apothéose lorsqu’elle lance les ballons. Les ballons ont un franc succès

Au mois de mai, nous avons pu envoyer le produit de la vente des programmes de la Fête du collège. C’est Moronikê qui a servi d’intermédiaire. Elle a complété la somme et nous a envoyé la photo de la réception des 12 dictionnaires (initialement prévus) et celle du toit brillant que les parents d’élèves ont monté sur les classes.

Ne voulant pas nous arrêter en si bon chemin, j’ai imaginé un Jumelage entre mon collège et un collège bénéinois, mais c’est une autre histoire….

Sur la lagune

palétuviers

 BENIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

Derrière le Jardin Helvetia, il suffit de traverser la cocoteraie pour parvenir à la lagune.

Le piroguier s’engage dans la mangrove inaccessible.  Tous les arcs des racines aériennes des palétuviers s’emmêlent – souvenirs de Cuba –. La lagune est enserrée dans un écran vert vernissé. Au dessus, se balance la frange légère des cimes des cocotiers bordant le chemin des Pêches.

De l’autre côté de la lagune, la  campagne est plus peuplée et plus cultivée. Magnifique maison d’un Yovo (un Belge) avec parabole géante, digue privée et cheval. Petit port avec des pirogues sous un bouquet de cocotiers. Des piquets alignés ont été plantés par les pêcheurs, un cormoran s’est posé.
Des silhouettes, à contre jour, avancent dans le soir qui tombe. Des femmes traversent la lagune, habillées, dans l’eau qui leur arrive au-dessus de la taille. Elles portent sur la tête une bassine ou du bois. L’une d’elle nous fait un signe de la main. Son pagne est trempé,  ses seins sont dénudés.

 

reflets

Une pirogue remplie de bois de chauffage est actionnée par une femme arquée sur sa longue perche. Des écoliers, dans une longue barque, rentrent.
Quand le soleil descend sur l’horizon et entre dans les nuages, la surface de l’eau devient métallique. Le calme règne sur cette étendue d’eau entre Cotonou et Ouidah.

C’est notre dernière soirée béninoise. Nous reviendrons. D’ailleurs, nous n’avons pas fini; Il faudra envoyer l’argent gagné à la fête pour les dictionnaires.

 

 

Lire pour l’Afrique : Bruce Chatwin – Le vice-roi de Ouidah

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Bruce Chatwin est un véritable écrivain. Pas seulement un écrivain voyageur. D’ailleurs, son voyage au Bénin a été écourté pour cause de coup d’état.

Le Vice roi d’Ouidah est un vrai roman d’aventure historique. Chatwin s’inspire d’un personnage réel très ambigu, marchand d’esclaves ami du Roi d’Abomey. J’imaginais le personnage honni et je découvre sur la place du marché aux esclaves une plaque au nom de Chacha, surnom de  De Souza, que Chatwyn appelle Da Silva. Le livre nous transporte dans le sertao brésilien. Allers et retour entre le  Brésil  et le Bénin actuel. Métissages, la capitale du Bénin n’est elle pas Porto Novo et lees vieilles maisons coloniales ne sont-elles pas qualifiées de brésiliennes?

Terrible ambiguité du commerce des esclaves que souligne cet ouvrage passionnant.

Lire pour l’Afrique :Florent COUAO-ZOTTI : L’Homme dit fou et la mauvaise foi des hommes

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Uécrivain béninois ! Mais quel Bénin tragique et noir !

Les histoires se déroulent dans la nuit sans éclairage des quartiers fangeux de Cotonou.

Ce recueil de nouvelles commence par l’histoire d’un amant qui fait l’amour à une morte assassinée. La  suivante n’est pas plus optimiste: une très jeune fille avorte de l’enfant d’un viol. Le violeur est son oncle qui l’a contaminée par le virus du SIDA. L’Homme dit fou et la mauvaise foi des Hommes est à  peine moins triste. Que dire de celui qui a perdu son bébé et qui veut se venger de la sorcière qui aurait causé la mort de son enfant ? Et de la fin d’un enfant-adulte, voleur, qui avale le pendentif en or qu’il a chapardé au marché,  se fait poursuivr, manque de se noyer, et finit par se faire écraser par une voiture en traversant la voie dans sa fuite éperdue

Lire pour l’Afrique- Dominique SEWANE: Le souffle du Mort – les Batammariba (Togo, Bénin)

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J’ai trouvé ce gros livre (850p) au Musée du Quai Branly, à la sortie de l’exposition Bénin. Si j’avais lu le titre je ne l’aurais peut être pas acheté, le Souffle du Mort m’aurait peut être rebutée. Mais j’ai seulement lu le mot « Batammariba », vu les silhouettes au sommet de la Tata….Le livre n’est pas resté longtemps en attente sur ma table de nuit. Il m’a accompagnée pendant plusieurs semaines.Je me suis trouvée fascinée. Il a hanté mes pensées.

La première fois que j‘ai entendu parlé de Bétammaribé, c’était à la sortie du parc de la Pendjari. Etienne, le gérant de l’auberge m’avait demandé comme un service de descendre un  de ses hommes malade. Nous avions trouvé Félix, notre passager, installé sur le toit de la 4X4. Il avait repéré pour nous les lions à proximité de l’hôtel. En revanche, la rencontre avec un gros éléphant menaçant l’avait effrayé, il s’était glissé dans l’habitacle par la fenêtre arrière quand l’éléphant avait secoué ses oreilles. Je lui avais fait cadeau du lait en poudre que nous transportions avec nous depuis Cotonou pour sa petite sœur et il  nous avait quittés à la Cascade de Tanougou. C’est lui qui  nous avait montré les campements démontables des Peuls et leurs troupeaux. J’avais senti une nuance de mépris de ce sédentaire pour les nomades. « Je suis Bétammaribé » avait il affirmé.  C’est ensuite, en lisant Hampâté Bâ que j’avais découvert l’immense fierté et la noblesse des Peuls. 

Quelques jours plus tard, dans la 4X4 de Duran, nous avions visité le pays Somba de Natitingou à Boukoumbé. Curieuse expérience que cette expédition à la recherche des Tatas Sombas, ces magnifiques forteresses de terre dans l’Atakora. La beauté de l’architecture nous incitait à prendre photo sur photo malgré l’opposition des habitants. Une femme s’était précipitée sur la 4×4 et j’avais cru qu’elle allait gifler Dominique ou lui arracher l’appareil photo. Pourquoi étions nous si mal perçues ? C’est seulement après l’intercession de Maurice que nous avions été invitées dans une tata et chaleureusement accueillies. L’ »auberge » de Maurice nous avait aussi beaucoup plu. Quand nous somme revenues l’année suivante, notre seule exigence dans l’élaboration du circuit était de  dormir une nuit dans la tata en ciment de Maurice. Malheureusement Maurice n’avait pas fait le nécessaire et nous l’avons trouvé complètement saoul à une cérémonie dont nous n’avions pas élucidé le sens et nous sommes redescendus dormir à Natitingou. Sentiment d’inachevé de cette visite. Comprendre ce qui s’était passé ce soir là… comprendre pourquoi nous étions si étrangères…

Ce livre devait donner l’explication.

Dès l’introduction, j’ai été attirée on seulement par le sujet mais aussi par l’auteur. Dominique étant un prénom mixte, je n’avais pas pensé que l’anthropologue serait une femme. Et une femme dont je me sens très proche par la génération post soixant-huitarde et les racines. J’ai beaucoup aimé la façon dont elle se met en scène dans son étude. L’observateur n’est jamais neutre dans une telle enquête. Cela m’a plu que ce soit le regard d’une femme. J’ai aussi apprécié son ambition de faire paraître ses travaux dans cette Collection Terre Humaine en compagnie en Jacques Lacarrière dont l’Eté Grec m’a servi de guide en Grèce ou de Dominique Fernandez, et de Mahmout Makal. Ambition d’être un écrivain avant tout plutôt qu’une universitaire publiant sa thèse. Et de ce fait, la lecture est très agréable.

Je n’imaginais pas la complexité de la religion animiste des Batammariba. Chez ces hommes restés longtemps nus et considérés comme « primitifs » le respect du savoir non écrit des Anciens est fondamental. Importance du nom, nom prononcé ou interdit, complexité des généalogies et des réincarnations. Extrême sophistication des cérémonies et en même temps tolérance inimaginable. Poésie. Alors que toute mystique me rebute habituellement j’ai lu jusqu’au bout cette analyse très fine de leur religion.

Impossible de quitter ce livre pourtant si gros. Je l’ai lu avec attention jusqu’au bout. Il n’a pas répondu aux questions que je me posais sur nos aventures béninoises.  Pourquoi tous ces villageois étaient-ils si alcoolisés ? Etait-ce la condition pour entrer en transe ? Ou était- ce une corruption moderne de leurs traditions, l’alcool comme compagnon de l’irruption des fripes, des mobylettes et de la modernité. Dominique Sewane fait peu allusion à cette imprégnation lors des cérémonies auxquelles elle a assisté.

Dominique SEWANE : Le souffle du Mort – les  Batammariba (Togo, Bénin) Terre humaine Poche

Lire pour l’Afrique : Christian DEDET : Au Royaume d’Abomey

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Carnets de voyage d’un écrivain qui est aussi médecin. Dedet connaît bien le Bénin.

L’auteur se trouve à Grand Popo lors de la manifestation Ouidah 92. Il raconte  les cérémonies vaudoun. J

J’ai commencé la lecture avant notre premier voyage à Cotonou. J’avais été étonnée de ce  parti pris. Je ne mesurais pas l’importance de cette  culture animiste. Les expériences de transes observées par Dedet sont bien différentes des cérémonies auxquelles nous avons assisté. Maintenant je comprends l’intérêt d’un anthropologue pour le vaudoun. Les cérémonies d’Abomey auxquelles nous avons assisté ont sûrement été des éléments majeurs du voyage.

Abomey, ses cérémonies et ses palais. Parfait livre de chevet pendant notre voyage