Retour à Natitingou – cérémonies de circoncision

BÉNIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

la joyeuse troupe allant en musique à la cérémonie

Sur la route du retour

Le long de la route, tout le Bénin est en marche :  les enfants qui reviennent du puits, les femmes qui portent des bassines de lessive, d’autres des bassines de mangues. La bassine vide, une fois retournée peut servir de parasol.

Cortèges

Des cortèges costumés de couleur rose portant d’étranges croix de St André sur le dos, rose criard ou bleu turquoise, ornés aussi des pendeloques, des rubans, des bonnets et des fouets en queue de cheval… D’autres portent des parapluies, des tamtams avec des baguettes recourbées « C’est pour la cérémonie ». Aujourd’hui  on pratique des circoncisions, mais pas chez les bébés comme chez les Juifs ou sur de jeunes enfants comme chez les Musulmans. Ici il s’agit de jeunes adultes Duran essaie de nous expliquer : « Ici, on coupe pénis ». Plus tard Léon fera un récit plus dramatique.

Camions

Les camions en panne depuis samedi sont toujours à la même place. Pour signaler les obstacles, dispose des branchages sur le bord de la route régulièrement tous les deux ou trois mètres en maintenant les feuillages par des pierres..

Duran, complètement silencieux les premiers jours, se détend quand je lui demande si la4X4 appartient à Léon. Non c’est la sienne. Il est mécanicien et répare toutes les voitures de l’hôtel. Le Toyota coûte une fortune, il en prend le plus grand soin. Nous nous quittons sur un malentendu. Je lui donne 12 000F de pourboire comme nous l’avait dit Léon. Il est furieux : « C’est 45 000 par jour ! »Je lui réponds que c’est Léon qui paiera. Ce dernier, en magnifique tenue africaine, calot sur la tête se prélasse devant un feuilleton à la télévision. Je me sens mal à l’aise. Il nous a expressément défendu de raconter au personnel que nous avons réglé en France. Il ne veut pas que j’utilise ma carte VISA pour payer le restaurant. Va-t-il se fâcher ? Nous avons encore besoin de ses services pour les deux jours qui vont suivre.

Natitingou, le soir

Cela fait un bien fou de nager dans la piscine après les cahots sur les pistes !

Vers le soir, la musique m‘attire dans la rue. Les orchestres qui marchaient sur la route sont arrivés en ville. En bas du petit jardin qui borde le tennis, des femmes sont assises. Elles rigolent en me voyant passer. Piquée, je leur demande pourquoi elles se moquent de moi :

– « Vous les avez ratés, mais la fillette va vous conduire ! »

Nous partons en ville à la recherche des sifflets et des tambours. Nous tombons sur une de des troupes de jeunes gens curieusement harnachés, chapeau de cow boy, tambours et baguettes  recourbées, des sortes de franges pendues à la ceinture. Pas de tissus chamarrés ni de perles ou de broderies. Ils sont habillés de fripes européennes de maillots de foot ou d T-shirts imprimés mais ils ont choisi les coloris les plus voyants. Des filles ont des sifflets  pour accompagner les tambours et tous dansent à l’entrée des maisons et des cours.Pour la permission de photographier, la réponse n’est pas claire. Il en ressort qu’il faudrait payer mais nous avons oublié le porte monnaie.
Un petit pont  enjambe un ruisseau d’eau croupissante en cette saison sèche, et des jardins potagers très soignés où poussent des choux,  laitues et autres légumes. Nous nous promenons dans les voms, ruelles en terre, à la recherche des petits orchestres. Tout le monde est dehors assis sur des chaises, des murets ou accroupi. Les maisons basses en ciment sont très délabrées quand elles ne tombent pas complètement en ruine. Sur les murs de la coiffeuse, des têtes ont été peintes, montrant les modèles de tresses, la peinture est bien délavée, un vieux plastique d’emballage sert de rideau complété par des sacs qui pendouillent.

Nous sommes très bien accueillies. On nous dit bonjour très gentiment, on nous parle de la « cérémonie » De nouveaux musiciens passent. On demande la permission de photographier. Pas de problème, ils posent et dansent pour nous. Mais il faut payer. Un homme plus âgé réclame fermement et avec insistance au moins 50F même 25F feraient l’affaire. On n’a rien. Je montre les poches vides de mon pantalon mince. Rien à faire.

– « Vous avez pris la photo. Il faut donner un cadeau. »

D sort du chewing gum et distribue aux enfants . Les musiciens s’approchent. Le vieux, d’autorité prend le paquet. Il fera la distribution lui-même. La tension s’apaise.

les perles de Créteil

D offre à une petite fille un bracelet offert par une de ses élèves. Elle veut rapporter une photo à la petite. Elle raconte  :
– « nous sommes professeurs ? Les enfants français ont offert ces bracelets et veulent voir la photo. »

Je ne sais pas si ils saisissent bien le sens de ses explications. La petite fille ne veut pas sourire.
–    « Il lui manque des dents » explique le grand père.

Le bracelet nous revient aux pieds,  lancé comme un crachat. Les femmes nous font des gestes hostiles. C’est une réaction à la photo. Peut être, la mère a pensé que l’image de sa fille valait plus que le petit bracelet de pacotille, ou elle aurait voulu être consultée, l’assentiment du vieux ne la concernant pas.

Il est temps de rentrer à l’hôtel avant que cela ne se gâte vraiment. Ambiguïté de la situation de touriste dans un pays où le tourisme n’est pas organisé. Les gens ont des réactions imprévues. Ils flairent la bonne affaire. Au Maroc, nous étions assaillies par les enfants « Donne moi un dirham ! » et nous en avions conclu que le tourisme gâtait les rapports. Au Bénin « Yovo ! Yovo ! ». La frontière entre hospitalité et mendicité est floue. Nous arrivons avec les meilleures intentions du monde : D  raconte sa fête,  les ballons, les enfants français, leurs cadeaux…Est-ce qu’ils nous écoutent ? Est-ce que cela les intéresse ? Cinquante francs ou même 25, les arrangeraient bien.

Dîner aux chandelles sous le ficus

Au dîner, nous retrouvons la famille que nous avons rencontrée à la Mare Bali puis à la cascade. Ils sont expatriés au Bénin. Ils ont campé à a maison forestière et sont équipés d’un matériel photo impressionnant presque professionnel. Elle est responsable d’une ONG de micro crédit et se trouve à Natitingou pour son travail. Nous les invitons pour le café . Sur ces entrefaites, Léon vient s’asseoir à notre table pour préparer la journée de demain. Il ne nous parle pas du problème avec Duran tout est rentré dans l’ordre. La face à face entre Monsieur le Directeur et Madame la Directrice est intéressant. Léon raconte que le nouveau Président a promis le crédit gratuit. Ce qui ne fait pas l’affaire des ONG qui ont mis en place des structures de micro crédit depuis des années. Léon qualifie cette promesse de démagogique. C’est la première fois que j’entends une critique dans l’unanimité.

Une journée à Natitingou, musée, affiches

BÉNIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

riz et haricots au marché de Nati

Une journée de courses

Une journée pour les courses, la banque, le farniente avant le long voyage en car jeudi. Nous traversons les jardins puis les ruelles poudreuses de notre quartier pour rallier la gare routière. Les bureaux de Confort Lines sont à l’autre bout de la ville. Nous marchons le long de la rue principale bordée de flamboyants très animée avec les zemidjans bruyants, les taxis bondés, les écoliers en route pour l’école, les vendeuses de mangues, les colporteurs de tongs…Les boutiques qui bordent l’avenue sont presque aux standards européens. Le reste est tout rouillé, brinquebalant.

Enseignes
Les enseignes m’enchantent:
–      « Le Crayon de Dieu n’a pas de Gomme », c’est la coiffeuse,

–      les cafétariats ont invariablement un t au bout,
–      « Défense d’urinée sous peine d’amande »…
Tout cela est gai, charmant et sans prétention.

Le bureau de Confort Lines est fermé. Il n’ouvrira qu’à 15H30 . Le réceptionniste de l’hôtel voisin propose de nous inscrire si nous lui laissons nos noms et 1000F. il peut aussi bien empocher l’argent et ne rien faire !

Nous aimerions faire entrer dans le cadre d’une photo, le collège vieillot peint en rose « Ecole de Filles » « Ecole de Garçons », datant de l’époque coloniale avec la mosquée blanche et verte et ses quatre minarets verts. Une branche de flamboyant au premier plan. Evidemment, cela ne colle pas !

marchandes de mangues

   Petit marché : mangues par terre en tas, tomates et piments artistiquement déposés, riz, haricots en cône dans des paniers. J’achète tout ce qui me fait plaisir : deux mangues, deux avocats, un petit ananas à la chair blanche et aux écailles vertes. A la Poste, pas de monnaie – comme d’habitude- la postière rigole « L’important c’est d’avoir l’argent » en détachant bien les syllabes comme les Africains.

A la banque on photocopie les billets de 50€!

La façade de la banque est en marbre, l’intérieur est moins pimpant : un comptoir vieillot flanqué de caisses vitrées, des bancs de bois pour patienter. Seule la moitié des ventilos à grandes pales tourne. Le banquier fait l’important. Il ne changera les Travellers qu’avec le papier de la banque où sont inscrits les numéros, papier que je sépare volontairement des chèques à cause des voleurs. Rien à faire ! Je sors les cinq billets de 100€ et mon passeport qu’il photocopie, je dois même signer la photocopie des billets. On m’appelle pour comparer mon visage à la photo du passeport « Vous avez vieilli !» La caissière compte et recompte les billets. Elle fait des petits paquets de 9 billets qu’elle enveloppe dans le 10ème qu’elle plie.

Musée ethnographique de Natitingou

bas-relief : funérailles

Le musée ethnographique est logé dans une belle maison coloniale, le Cercle des Officiers Français : terrasse avec balustres encadrée par deux escaliers extérieurs, briques à clair voie. Un guide très agréable nous accompagne.

Les instruments de musiques sont présentés dans des vitrines : castagnettes métalliques (crotales), grelots de cheville en feuilles pliées contenant des graines, flûtes comme celles que nous entendons à l’occasion des cérémonies de circoncision que notre guide appelle des cérémonies de passage d’âge. Justement, un de ces orchestres se fait entendre dans la rue. Nouvelles précisions : ce sont les amis et la famille qui accompagnent     le jeune homme qui revêtira un  étui pénien et une serviette pendant plusieurs jours.

Parure et nudité

Des photographies anciennes datent du début de la colonisation française (1917 seulement à Natitingou). Elles montrent la vie avant les vêtements « civilisés », quand les gens allaient nus revêtus de leurs parures de raphia, de perles, de colliers de vertèbres de serpent, de jupettes de raphia, de grelots aux chevilles, de bracelets d’herbes tressées, d’étui pénien, de chapeau à corne…toutes sortes de parures sophistiquées.

Une salle est consacrée aux Tatas Somba. Des petites maquettes donnent une vue d’ensemble. Nous faisons des « révisions ». Nouvelle anecdote : les cornes au dessus de la porte qu’on supprime quand le maître de maison décède.

Exposition sur l’esclavage (venant de Genève), un texte intéressant de Calvin.

Nous mangeons dans la chambre un repas très frais : yaourt avocat, une mangue. Je me suis bien habituée à la chaleur (38°C). Nous passons l’après midi bien tranquille à la piscine.

Les affiches

Je vais faire mes réservations d’une course en zemidjan. Cela m‘amuse de prendre la moto. J’ai écrit tout plein de choses sur les circoncisions, ne pas oublier les femmes et ne pas passer sous silence les grandes affiches à propos « Les fistules gynécologiques ne sont ni des envoûtements, ni des malédictions, mais des maladies qu’on peut guérir ». Cette affection est particulièrement choquante et indigne du 20ème siècle.

D’autres affiches concernent les vaccinations infantiles.

A Bohicon, Cotonou, Porto-Novo :

UNE VRAIE FEMME SAIT ATTENDRE : elle ne vend pas son  amour propre pour des cadeaux et de l’argent 

UNE VRAIE FEMME SAIT ATTENDRE : elle consacre son temps à ses études et pense à son avenir.

UN VRAI HOMME SAIT ATTENDRE il n’écoute pas ses amis pour faire l’amour !

UN VRAI HOMME SAIT ATTENDRE / IL NE FORCE PAS LES JEUNES FILLES.
Lu également dans la rue toutes les panneaux «  publicitaires »  pour les différents cultes. Mosquée face à église. En plus un nombre incroyable d’églises évangélistes « gospel church », « église de la Profondeur Divine »…

J

Retour en car Natitingou/ Cotonou, Confortline

Cela ne vous rappelle rien?

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Vu des fenêtres de l’autocar
Assises aux meilleures places, juste derrière le chauffeur. La porte-avant est ouverte et remplace la climatisation. A 7heures, un pâle soleil sable perce les nuages au dessus de l’Atakora. Le Bénin marche sur le bord de la route : surtout des écoliers, certains portent des balais de chaume. Plus tard, dans la cour d’une école de campagne, les enfants, en ligne, balaient la cour. Derniers tatas sur la route de Djougou. Champs d’ignames, sur les petits monticules coniques on a disposé une branche sèche. Traversant un  village, je remarque les pancartes colorées : sur fond blanc

« c’est vrai le SIDA existe, protégeons nous ! »,

« Moi, je dis non au SIDA ! ».


Une banderole annonce Djougou:

« La  commune la plus écolo-environnementale ! »

« Jumelée avec Evreux ».

Arrêt. Des vendeuses proposent des galettes et toute sortes de nourriture. Elles doivent être musulmanes, elles sont voilées. Elles portent de grandes scarifications comme si elles avaient été griffées. Des bébés sur le dos, on ne voit que les petits pieds nus.

 

le marché de Tanguiéta

Les enseignes de Djougou
Je note les enseignes des boutiques:

sur un café « La Joie du Magnificat »,

pour une cabine en tôle : « Au Palais des communications »

et une autre : « Rosaire Mystica » plus énigmatique.

A la station-service : « Bougie à éteindre » ou encore « Délices du carrefour »,

chez la couturière :« Eh vas y voir ! ».
Je note toutes les petites scènes pittoresques observées à la fenêtre du car .
Dans une école le cours de Gymnastique se déroule en rang trois par trois.
Arrêt dans la campagne : une petite fille regarde la car, elle porte de la braise sur un  couvercle métallique formant un petit plateau. Comme c’est chaud, elle le pose par terre.
A Savalou, retour du réseau du téléphone portable. J’envoie un SMS à l’hôtel Helvetia. Sur le bord de la route, des cafétérias « luxueuses » presque comme en Europe. Nous traversons ensuite des collines verdoyantes, des forêts de tecks, arbres petits plantés serrés, au sol de l’herbe verte. La végétation est maintenant complètement différente de celle du nord du pays.
Arrêt déjeuner à Dassa  dans une sorte de gargote, je mange des bananes. Que faire des épluchures ? Une femme propose de m’en débarrasser, elle les jette de côté. A la sortie de Dassa, sur de hauts comptoirs, des cylindres de gari ressemblent à de gros cierges très blancs, au sol, des sacs de charbon. Chaque étal porte un écriteau au nom du producteur.

Arrivée à 15 heures, à Cotonou, place de l’Etoile Rouge, le bus a une heure d’avance. Nous attendons Thierry. Les zemidjans insistent lourdement à nous prendre en charge malgré  nos bagages. Ils ne nous croient pas quand nous disons que notre taxi va venir. 16H, Thierry arrive à pied, son taxi est garé de l’autre côté de la place.

Cotonou – L’école Jacquot

313 élèves - 6 classes

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Thierry a contacté la directrice de l’école de ses enfants et nous y conduit directement. Les maîtres sont assis autour d’une table sous une galerie. Ils ont décidé que la somme que nous avons apportée sera utilisée en priorité pour refaire le toit qui fuit. En saison pluvieuse, il pleut dans les classes. Cet investissement me plait : c’est du concret, du solide, cela marquera plus que du petit matériel éparpillé. D n’est pas de cet avis – et c’est elle qui est concernée ! – elle préfèrerait des fournitures scolaires.

le salut

le salut : A 'école Jacquot, travail, discipline, succès! bonjour Madame!

A notre entrée dans chaque classe, un enfant donne le signal et tous en chœur crient :

« A l’école Jacquot : Travail ! Discipline ! Succès ! Bonjour Madame ! »

Il faut plusieurs reprises pour que je comprenne ce qu’ils hurlent.

Dans une classe on fait entrer 50à 70 élèves. Comme dans le taxi, ils sont serrés, 3 sur des bancs de deux, les mêmes bancs que chez nous il y a plus de cinquante ans. Les tables ne sont pas rangées face au tableau, elles sont regroupées par paquets. Peu de matériel, une ardoise chez les petits un cahier couvert d’un protège-cahier en plastique, un stylo à bille. Rien d’autre.

Le tableau noir

Un grand tableau noir est peint sur chacune des cloisons de la classe, partagé par des frises peintes verticalement. Toutes les leçons du jour y sont calligraphiées avec des craies de couleur.  Chez les petits, on apprend les couleurs du drapeau du Bénin. Chez les grands, les planches de l’appareil digestif (CM1) ou de la circulation du sang dans le cœur (CM2) sont soigneusement dessinées par le maître. Thème de rédaction au CM2 : les Droits de l’Homme, et aujourd’hui, plus précisément ceux de la Femme. Une rédaction d’une écriture enfantine sert de base à la réflexion : Papa a donné de l’argent à maman pour qu’elle achète à manger. Elle utilise l’argent à autre chose. Papa la bat correctement…Je m’interroge sur le « correctement ».

Ballons cristoliens

D raconte aux CM2 la fête de l’anniversaire des trente ans de son collège. En l’honneur, on lâchera 600 ballons portant des cartons expliquant l’évènement. 300 cartons ont déjà été achetés par les enfants français au profit des enfants béninois. Le public est nombreux, pour mieux entendre, ils se rapprochent, se déplaçant silencieusement, font un cercle. Elle parle aussi de l’échange de correspondance. Ses élèves sont en 5ème et ont 12 ans. Cela ne pose pas vraiment de problème. Certains élèves de CM2 sont beaucoup plus âgés, ayant même 16 ans.

Nous concluons cette visite par une séance photo dans la cour. Les maîtres alignent tous les enfants le long du vieux bâtiment au toit tout rouillé : 313 pour 6 classes. J’ai bien du mal à faire entrer tout le monde dans le champ de la photo.

 

Cotonou – Les courses pour l’Ecole Jacquot,

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Saison pluvieuse

l'école Jacquot

Pendant la nuit : plusieurs orages et de la pluie.
Le matin,  promenade sous un ciel plombé, les pieds dans l’écume mousseuse. Le petit déjeuner, avec le grand verre de jus de fruit frais et l’omelette aux fines herbes, nous paraît encore meilleur qu’avant notre départ vers le nord.

Les courses

Les courses s’avèrent bien  différentes de ce que j’imaginais. Hier,tous disaient  que nous trouverions les tôles et les fournitures scolaires dans le quartier de l’école. Le taxi emprunte les rues enfumées des pots d’échappement des innombrables motos et camions. Je pensais que la pluie aurait lavé la pollution, il n’en est rien. Elle a un peu rafraîchi l’air mais  a apporté tout un lot de désagréments : boue, et même chaussées inondées. Devant nous, une moto noyée jusqu’à l’essieu doit débarquer son passager au milieu d’une profonde flaque occupant toute la rue.

l'équipe enseignante

Les tôles se trouvent dans des dépôts de matériaux de construction étalés sur le trottoir dans un désordre indescriptible. Premier arrêt : les tôles sont de mauvaise qualité au prix de la bonne. On traverse Cotonou, je reconnais la grande Mosquée carrelée de bleu, l’église rouge et blanche. Finalement on achète dans un troisième endroits deux lots de 20 plaques, pas assez pour tout couvrir mais suffisantes pour une bonne réfection.

Fournitures scolaires

A la Libraire Notre Dame, je laisse les autres chercher le matériel et je m’intéresse à la littérature africaine. On ne trouve ni ardoises ni cahier. Les ardoises sont les nos articles préférés  Une ardoise, c’est fait pour durer ! Mais il faut y renoncer, beaucoup trop cher (1950CFA, la belle ardoise au cadre de bois comme j’avais, petite fille, presque autant celle qui a un bord en plastique fluo). Nous aurions pu nous contenter de toutes simples en plastique rugueux. Le  stock est sous clé. La patronne qui peut le sortir de la réserve ne viendra que tantôt.

La liste de la Directrice comprend des gommes, des crayons de couleur, des cahiers, des règles et des stylos à bille. Chaque article,est compté au moins trois fois. Je compte les boîtes de crayons de couleur par cinq, mais les autres comptent crayons et gommes uns à uns. Le maître vérifie, la vendeuse recompte.

On commence à bouillir d’impatience quand le vendeur manipule un par un les 133 bics cristal. Il est onze heures il faut arriver à l’école avant le départ des enfants! Je prends le relais. La facture  terminée, je passe à la caisse…La caissière vide le carton où tout était rangé et recompte.
les ballons de  la coupe du monde

Il faudrait rapporter des factures!  Ici, c’est dans la rue que se font nombre d’achats.
Thierry négocie.  Le marchandage est un spectacle réjouissant. Au milieu de la chaussée en pleine ville, au feu rouge, on vous propose des objets variés tels qu’un assortiment de couteaux, un chauffe-biberons, un lecteur de DVD un pèse personnes. Pour appâter le client, le vendeur introduit la marchandise par les vitres ouvertes des voitures. Quelque fois, il s’agit de coton-tige ou de mouchoirs en papier.

Plusieurs jeunes se promènent au beau milieu de la circulation avec une grappe de ballons dans un sac. Thierry  propose d’acheter ici les six ballons. D maugrée parce qu’elle n’aura pas de facture.
La négociation s’engage « Six thousand last price ! » Je devine que le vendeur anglophone est nigérian. Toute cette marchandise vendue sur le trottoir vient du Nigeria. Comme le jeune ne veut pas « casser son prix », Thierry avance brusquement la voiture, fait le tour du pâté de maison et continue le marchandage avec un autre nigérian. Le premier rapplique – six ballons d’un seul coup – cela ne doit pas se vendre tous les jours. Thierry le rudoie « j’ai fini avec toi, je discute avec l’autre ». Il avance le taxi. Combien de tours de carrefour ? La vente aura duré une bonne demi heure et les six ballons ont coûté 20 500CFA.

Dominique se prend pour Bernadette Chirac

11h50 ! Les enfants sont encore en classe.

On peut disposer les cadeaux sur une table en bois. Pile de cahiers, tas de crayons, stylos… Cela fait si peu ! Les ballons ont un franc succès.

Sur le perron, elle donne des ordres – Bernadette Chirac ! Les enfants sont ravis surtout quand on collecte les enveloppes pour les correspondants et qu’on les photographie en gros plan. Apothéose lorsqu’elle lance les ballons. Les ballons ont un franc succès

Au mois de mai, nous avons pu envoyer le produit de la vente des programmes de la Fête du collège. C’est Moronikê qui a servi d’intermédiaire. Elle a complété la somme et nous a envoyé la photo de la réception des 12 dictionnaires (initialement prévus) et celle du toit brillant que les parents d’élèves ont monté sur les classes.

Ne voulant pas nous arrêter en si bon chemin, j’ai imaginé un Jumelage entre mon collège et un collège bénéinois, mais c’est une autre histoire….

Sur la lagune

palétuviers

 BENIN 2006 : BALLONS DICTIONNAIRES ET BÊTES SAUVAGES

Derrière le Jardin Helvetia, il suffit de traverser la cocoteraie pour parvenir à la lagune.

Le piroguier s’engage dans la mangrove inaccessible.  Tous les arcs des racines aériennes des palétuviers s’emmêlent – souvenirs de Cuba –. La lagune est enserrée dans un écran vert vernissé. Au dessus, se balance la frange légère des cimes des cocotiers bordant le chemin des Pêches.

De l’autre côté de la lagune, la  campagne est plus peuplée et plus cultivée. Magnifique maison d’un Yovo (un Belge) avec parabole géante, digue privée et cheval. Petit port avec des pirogues sous un bouquet de cocotiers. Des piquets alignés ont été plantés par les pêcheurs, un cormoran s’est posé.
Des silhouettes, à contre jour, avancent dans le soir qui tombe. Des femmes traversent la lagune, habillées, dans l’eau qui leur arrive au-dessus de la taille. Elles portent sur la tête une bassine ou du bois. L’une d’elle nous fait un signe de la main. Son pagne est trempé,  ses seins sont dénudés.

 

reflets

Une pirogue remplie de bois de chauffage est actionnée par une femme arquée sur sa longue perche. Des écoliers, dans une longue barque, rentrent.
Quand le soleil descend sur l’horizon et entre dans les nuages, la surface de l’eau devient métallique. Le calme règne sur cette étendue d’eau entre Cotonou et Ouidah.

C’est notre dernière soirée béninoise. Nous reviendrons. D’ailleurs, nous n’avons pas fini; Il faudra envoyer l’argent gagné à la fête pour les dictionnaires.

 

 

Lire pour l’Afrique : Bruce Chatwin – Le vice-roi de Ouidah

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Bruce Chatwin est un véritable écrivain. Pas seulement un écrivain voyageur. D’ailleurs, son voyage au Bénin a été écourté pour cause de coup d’état.

Le Vice roi d’Ouidah est un vrai roman d’aventure historique. Chatwin s’inspire d’un personnage réel très ambigu, marchand d’esclaves ami du Roi d’Abomey. J’imaginais le personnage honni et je découvre sur la place du marché aux esclaves une plaque au nom de Chacha, surnom de  De Souza, que Chatwyn appelle Da Silva. Le livre nous transporte dans le sertao brésilien. Allers et retour entre le  Brésil  et le Bénin actuel. Métissages, la capitale du Bénin n’est elle pas Porto Novo et lees vieilles maisons coloniales ne sont-elles pas qualifiées de brésiliennes?

Terrible ambiguité du commerce des esclaves que souligne cet ouvrage passionnant.

Lire pour l’Afrique :Florent COUAO-ZOTTI : L’Homme dit fou et la mauvaise foi des hommes

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Uécrivain béninois ! Mais quel Bénin tragique et noir !

Les histoires se déroulent dans la nuit sans éclairage des quartiers fangeux de Cotonou.

Ce recueil de nouvelles commence par l’histoire d’un amant qui fait l’amour à une morte assassinée. La  suivante n’est pas plus optimiste: une très jeune fille avorte de l’enfant d’un viol. Le violeur est son oncle qui l’a contaminée par le virus du SIDA. L’Homme dit fou et la mauvaise foi des Hommes est à  peine moins triste. Que dire de celui qui a perdu son bébé et qui veut se venger de la sorcière qui aurait causé la mort de son enfant ? Et de la fin d’un enfant-adulte, voleur, qui avale le pendentif en or qu’il a chapardé au marché,  se fait poursuivr, manque de se noyer, et finit par se faire écraser par une voiture en traversant la voie dans sa fuite éperdue

Lire pour l’Afrique- Dominique SEWANE: Le souffle du Mort – les Batammariba (Togo, Bénin)

Lire pour Voyager/Voyager pour Lire

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J’ai trouvé ce gros livre (850p) au Musée du Quai Branly, à la sortie de l’exposition Bénin. Si j’avais lu le titre je ne l’aurais peut être pas acheté, le Souffle du Mort m’aurait peut être rebutée. Mais j’ai seulement lu le mot « Batammariba », vu les silhouettes au sommet de la Tata….Le livre n’est pas resté longtemps en attente sur ma table de nuit. Il m’a accompagnée pendant plusieurs semaines.Je me suis trouvée fascinée. Il a hanté mes pensées.

La première fois que j‘ai entendu parlé de Bétammaribé, c’était à la sortie du parc de la Pendjari. Etienne, le gérant de l’auberge m’avait demandé comme un service de descendre un  de ses hommes malade. Nous avions trouvé Félix, notre passager, installé sur le toit de la 4X4. Il avait repéré pour nous les lions à proximité de l’hôtel. En revanche, la rencontre avec un gros éléphant menaçant l’avait effrayé, il s’était glissé dans l’habitacle par la fenêtre arrière quand l’éléphant avait secoué ses oreilles. Je lui avais fait cadeau du lait en poudre que nous transportions avec nous depuis Cotonou pour sa petite sœur et il  nous avait quittés à la Cascade de Tanougou. C’est lui qui  nous avait montré les campements démontables des Peuls et leurs troupeaux. J’avais senti une nuance de mépris de ce sédentaire pour les nomades. « Je suis Bétammaribé » avait il affirmé.  C’est ensuite, en lisant Hampâté Bâ que j’avais découvert l’immense fierté et la noblesse des Peuls. 

Quelques jours plus tard, dans la 4X4 de Duran, nous avions visité le pays Somba de Natitingou à Boukoumbé. Curieuse expérience que cette expédition à la recherche des Tatas Sombas, ces magnifiques forteresses de terre dans l’Atakora. La beauté de l’architecture nous incitait à prendre photo sur photo malgré l’opposition des habitants. Une femme s’était précipitée sur la 4×4 et j’avais cru qu’elle allait gifler Dominique ou lui arracher l’appareil photo. Pourquoi étions nous si mal perçues ? C’est seulement après l’intercession de Maurice que nous avions été invitées dans une tata et chaleureusement accueillies. L’ »auberge » de Maurice nous avait aussi beaucoup plu. Quand nous somme revenues l’année suivante, notre seule exigence dans l’élaboration du circuit était de  dormir une nuit dans la tata en ciment de Maurice. Malheureusement Maurice n’avait pas fait le nécessaire et nous l’avons trouvé complètement saoul à une cérémonie dont nous n’avions pas élucidé le sens et nous sommes redescendus dormir à Natitingou. Sentiment d’inachevé de cette visite. Comprendre ce qui s’était passé ce soir là… comprendre pourquoi nous étions si étrangères…

Ce livre devait donner l’explication.

Dès l’introduction, j’ai été attirée on seulement par le sujet mais aussi par l’auteur. Dominique étant un prénom mixte, je n’avais pas pensé que l’anthropologue serait une femme. Et une femme dont je me sens très proche par la génération post soixant-huitarde et les racines. J’ai beaucoup aimé la façon dont elle se met en scène dans son étude. L’observateur n’est jamais neutre dans une telle enquête. Cela m’a plu que ce soit le regard d’une femme. J’ai aussi apprécié son ambition de faire paraître ses travaux dans cette Collection Terre Humaine en compagnie en Jacques Lacarrière dont l’Eté Grec m’a servi de guide en Grèce ou de Dominique Fernandez, et de Mahmout Makal. Ambition d’être un écrivain avant tout plutôt qu’une universitaire publiant sa thèse. Et de ce fait, la lecture est très agréable.

Je n’imaginais pas la complexité de la religion animiste des Batammariba. Chez ces hommes restés longtemps nus et considérés comme « primitifs » le respect du savoir non écrit des Anciens est fondamental. Importance du nom, nom prononcé ou interdit, complexité des généalogies et des réincarnations. Extrême sophistication des cérémonies et en même temps tolérance inimaginable. Poésie. Alors que toute mystique me rebute habituellement j’ai lu jusqu’au bout cette analyse très fine de leur religion.

Impossible de quitter ce livre pourtant si gros. Je l’ai lu avec attention jusqu’au bout. Il n’a pas répondu aux questions que je me posais sur nos aventures béninoises.  Pourquoi tous ces villageois étaient-ils si alcoolisés ? Etait-ce la condition pour entrer en transe ? Ou était- ce une corruption moderne de leurs traditions, l’alcool comme compagnon de l’irruption des fripes, des mobylettes et de la modernité. Dominique Sewane fait peu allusion à cette imprégnation lors des cérémonies auxquelles elle a assisté.

Dominique SEWANE : Le souffle du Mort – les  Batammariba (Togo, Bénin) Terre humaine Poche

Lire pour l’Afrique : Christian DEDET : Au Royaume d’Abomey

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Carnets de voyage d’un écrivain qui est aussi médecin. Dedet connaît bien le Bénin.

L’auteur se trouve à Grand Popo lors de la manifestation Ouidah 92. Il raconte  les cérémonies vaudoun. J

J’ai commencé la lecture avant notre premier voyage à Cotonou. J’avais été étonnée de ce  parti pris. Je ne mesurais pas l’importance de cette  culture animiste. Les expériences de transes observées par Dedet sont bien différentes des cérémonies auxquelles nous avons assisté. Maintenant je comprends l’intérêt d’un anthropologue pour le vaudoun. Les cérémonies d’Abomey auxquelles nous avons assisté ont sûrement été des éléments majeurs du voyage.

Abomey, ses cérémonies et ses palais. Parfait livre de chevet pendant notre voyage