Philip Guston – l’Ironie de l’Histoire au Musée Picasso

Exposition temporaire jusqu’au 1er mars 2026

Sleeping (1977)

Le nom de Guston ne m’était pas inconnu; je l’avais rencontré à la Fondation Vuitton lors de l’exposition Nymphéas, les derniers Monet et l’Abstraction Américaine en 2018 CLIC

Guston détail du rouge au centre du tableau

Exposé avec Pollock, Rothko, De Kooning, et d’autres. Je me souviens d’un grand tableau rouge complètement abstrait. je l’ai retrouvé au Musée Picasso. 

Avant de peindre des tableaux abstraits, dans les années 50, Guston a peint des grandes fresques murales, des tableaux variés, des œuvres militantes, et il est revenu à la figuration dans les années 70. C’est donc un plasticien très complet, une personnalité américaine marquante que j’ai eu le plaisir de découvrir au Musée Picasso.

Mother and Child (1930)

Philip Guston a tout à fait sa place au Musée Picasso. Mother and Child est exposé en regard de La Jeune fille au chapeau (1921) et les deux tableaux dialoguent parfaitement. On peut aussi noter des analogies avec De Chirico, Max Ernst A propos de Guernica, moins célèbre que celui de Picasso, Bombardement de Guston, traite des horreurs de la Guerre d’Espagne. Il est présenté à côté du cheval du célèbre tableau. 

Bombardement (1937)

La construction de ce tableau rond est impressionnante. On perçoit au centre l’explosion de la bombe tandis que les avions nazis survolent la ville. Au premier plan le personnage au masque à gaz à silhouette de Superman et à la cape rouge symbolise-t-il la mort (ou je fais un anachronisme?)

Esquisse pour une fresque murale – Study for Queensbridge Housing (1939)

Murals 1931 dénonce le lynchage judiciaire de 9 afro-américains accusé à tort de viol. -La fresque fut détruite par un groupe de policiers. En 1932, des peintres muralistes  mexicains José Clemente Oxoco et Siqueiras l’entraînèrent au Mexique pour réaliser des murals. L’exposition présente une vidéo de la restauration de la fresque de Morelia The struggle against Fascism, fresque de 100 m2 recouverte puis redécouverte et restaurée.

Au temps de l’Action Painting

1947 à Greenwich village, Philip Guston s’engage dans l’abstraction en compagnie de Pollock, Rothko et de Kooning. Il fréquente également John Cage et Morton Feldman. De cette époque, il réalise aussi des portraits amusants, plutôt des caricatures. je reconnais Cocteau, Apollinaire, Diaghilev et Poulenc. 

Philip Roth (1975)

Nixon Drawings

En 1969, il rencontre Philip Roth.  A la même époque,  il retourne au figuratif et fait toute une série de 73 dessins Poor Richard  exposés en face des dessins de Picasso : Songes et mensonges de Franco (1937). A propos de Nixon, du Watergate, et de sa propriété de Kaye Biscayn. Les caricatures sont féroces. je remarque les occurrences fréquentes des lunettes carrées de Kissinger. 

Poor Richard!

Je ne peux m’empêcher de penser à Mar-a-Lago de Trump, son golf, qui pourrait maintenant faire une série pareille, insolente et inspirée?

Philip Roth, de son côté a écrit Tricard Dixon et ses copains. Fuyant le scandale, Roth s’installe à Woodstock ainsi que Guston. 

Un mandarin qui joue les crétins

Studio Landscape

En 1970, Guston abandonne l’abstraction; expose des personnages encagoulés, esthétique évoquant la bande dessinée. Cet abandon lui est reproché ce à quoi il répond:

Ses tableaux récents venaient résoudre la schizophrénie dont Guston se sentait affecté : « la guerre, les évènements américains, la violence dans le monde. Quel sorte d’homme étais-je donc, assis chez moi, lisant des magazines, m’indignant de ce qui passait, puis retournant dans mon atelier pour accorder un rouge et un bleu »

Autoportrait peignant dans son atelier

Le rose qu’il emploie est une sorte de provocation : il déclare que le rose est la couleur la plus vulgaire symbolisant la bêtise. Guston se représente coiffé de la cagoule du KuKluxKlan qui symbolise le mal. Etrange inversion qu’il compare à la situation d’Isaac Babel se retrouvant avec les cosaques instigateurs des pires pogroms. 

La dernière salle de l’exposition : Un monde tragicomique montre un grand tableau Black Sea 

 

Black Sea

Guston se souvient de ses origines. Né Goldstein à Montréal, d’une famille de Juifs d’Odessa dont est originaire Isaac Babel. La Cavalerie Rouge serait pour le peintre « une tragicomédie où les idéaux se fracassent contre les murs du réel dérisoirement prosaïque » l’énorme fer à cheval serait un monument à l’écrivain de la cavalerie rouge. 

J’ai découvert un artiste dont je me sens (modestement) terriblement proche, entre Roth, Babel, Pollock et Rothko. Lutte anti-apartheid, fresques sociales. Musique de Cage. Toute une Amérique qu’on aimerait voir se lever contre les horreurs actuelles.

Amazônia – Créations et futurs autochtones – au Quai Branly

EXPOSITION TEMPORAIRE jusqu’au 18 janvier 2026

coiffe de plume

Avec la COP 30 à Belem, l’Amazonie est d’actualité, occasion d’aller faire un tour au Quai Branly pour cette présentation des Autochtones d’Amazonie. 

En 2021, à la Philharmonie de Paris s’était tenue une exposition immersive des photographies de Salgadosur la musique de jean Michel Jarre  CLIC Somptueuses vues aériennes de la forêt et des fleuves, nuages….

peinture faciale

Au Quai Branly le propos est ethnologique : c’est une présentation de la richesse et de la diversité des populations autochtones dans cette région immense s’étendant sur 9 pays, où 300 langues sont parlées. Il s’agit de déconstruire les clichés et les idées reçues. 

Mogahe Gihu – Abel Rodriguez Valse

L’Amazonie, une forêt vierge ? Cette première idée préconçue  que la forêt serait un enfer vert, difficile d’accès, peu peuplé, est battue en brèche par l’archéologie. 5 vidéogrammes montrent le travail des archéologues sur un site habité depuis 6000 ans. Les fouilles montrent des vestiges d’une civilisation très ancienne. Des photographies aériennes mettent en évidence des fossés creusés, d’anciennes voies de communications, tout un réseau reliant des villages. Habitée depuis 9000 ans, l’Amazonie n’est pas une terre vierge mais peuplée au XVIème siècle de 8 Millions d’habitants. 

le territoire des ancêtres

L’exposition montre une Forêt-jardin façonnée par les hommes qui ont géré de façon durable la forêt, soignant le milieu naturel avec une connaissance très fine de ses ressources végétale mais aussi animales. 

A l’entrée de l’exposition : coiffes des jeunes garçons et installation

Créer la forêt, habiter les mondes 

Les mythes amazoniens mettent l’accent sur la transformation, dynamique créatrice qui ne s’arrêt jamais. Les humains ont la responsabilité de poursuivre la création du monde à travers des savoirs chamaniques, des cérémonies et des rituels.

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De nombreux objets colorés de plumes colorées, d’écorces, de fibres : coiffes, masques, labrets sont présentés

Couronne de plumes

mais certains confectionnaient aussi de très belles poteries pour toutes sortes d’usages : culinaires, funéraires, ou même des jouets, poupées pour les petites filles.

coupe en terre cuite

Fabriquer les humains

Contrairement à nos conceptions occidentales la frontière entre les humains et le monde vivant qui les entoure est très floue. A sa naissance il faut « fabriquer » les « vraies personnes » au cours de cérémonies de nomination, de rites de passage et d’initiations. Les corps sont façonnés avec des peintures très sophistiquées très signifiantes. Les graphismes remplissent plusieurs rôles exprimant les phases de la vie, le deuil …

Peintures corporelles

L’exposition montre des sceaux pour décorer des motifs géométriques. Une mandibule de carnivore aux dents acérées est un scarificateur. Des labrets vont transformer les lèvres. Certains masques spectaculaires en vannerie sont de taille impressionnante.

L’ennemi, les morts, les Blancs

la guêpe qui coupa la queue des hommes

Le statut d’humain n’est donc pas figé, un membre de la communauté peut devenir un esprit ou un animal. Les pratiques chamaniques intègrent aussi les rêves. Avec des cultures aussi riches et sophistiquées on est très loin des idées « civilisatrices » de la colonisation qui introduiraient la « modernité » .

Le collier des ancêtres

Au contraire, nous avons beaucoup à apprendre de ces manières d’habiter le monde.  

Et pour le plaisir, j’ai trouvé sur Internet les extraits du concert Aguas da Amazonia, de Philip Glass

 

James – Percival Everett

James, c’est Jim, le compagnon de cavale de Huckleberry Finn, le narrateur du roman de Percival Everett. Il raconte  leur périple sur le Mississipi. Esclave de Miss Watson, la bienfaitrice de Huck, il apprend qu’il doit être vendu à un planteur et donc séparé de son épouse et de sa fille et décide de s’enfuir vers les Etats du nord où il n’y a pas d’esclavage afin d’y gagner de quoi racheter la liberté de sa famille. Jim et Huck vont se rencontrer sur l’Ile Jackson, aménager un radeau et se laisser porter par le courant. Mark Twain, dans Huckleberry Finn raconte leur aventure et Everett ne s’éloigne pas du récit mais il ne s’attarde pas aux périls de la navigation. En effet, le point de vue de Huck et de Jim sont bien différents. Qui se soucie d’un gamin de douze ans, sans famille, petit vagabond assez aimable pour qu’on lui laisse un dollar, qu’on l’invite à dîner ? Jim est esclave en fuite, une prime importante sur sa tête  pour qui le dénoncera. Personne ne prend au sérieux la version de Huck qui serait le maître de Jim. La couleur de sa peau désigne l’esclave dans les Etats du Sud. Le sujet du livre d’Everett n’est pas un roman d’aventures mais la dénonciation du racisme et de l’esclavage.

« ce serait perdre mon temps que de vouloir discuter avec Jim. On ne peut pas apprendre à un
nègre à raisonner. » pense Huck dans le roman  de Mark Twain

Percival Everett prend à contrepied les clichés racistes qui dépeignent les Noirs comme naïfs, ignorants et crédules. Jim est instruit, même lettré. Dans la bibliothèque du Juge Thatcher, il a lu les philosophes, Voltaire et  Locke. Ces deux derniers lui parlent dans ses rêves. Dans leurs naufrages du canoë ou submersion du canoë, il ne sauve que les livres qu’il fait soigneusement sécher. En plus de ses livres Jim possède deux trésors : un morceau de verre qui fait loupe pour allumer le feu et un crayon, très chèrement acquis.

Je m’étais introduit clandestinement dans la bibliothèque, je m’étais demandé ce que les Blancs feraient àun esclave qui avait appris à lire. Que feraient-ils à un esclave qui avait appris aux autres esclaves à lire ?

Jim sait aussi décoder les langues : l’anglais logique et correct des maîtres et des livres et le langage appauvri des esclaves. Il a même enseigné comme une langue étrangère ce parler-esclave aux enfants. 

Essaie avec “sû’ que”, dis-je. Ce serait la version correcte de la grammaire incorrecte. – Ce pain de maïs,
sû’ que jamais j’ai mangé un aussi bon

Jim a une passion : l’écriture. Il veut témoigner par écrit de la condition des esclaves. Se procurer du papier, un crayon voler un carnet répondent à cette nécessité d’écriture. 

Jim a aussi une très belle voix de ténor. Au hasard de leurs pérégrinations, il est acheté/embauché dans un orchestre de musiciens qui se  produit en blackface. Episode grotesque qui serait risible s’il n’était pas tragique.

Aide-moi à comprendre, dis-je à Norman. Je dois avoir l’air d’un Noir authentique, mais il me faut du maquillage. – Ce n’est pas exactement ça. Tu es noir, mais on ne te laissera pas entrer dans l’auditorium
si ça se sait. Donc il faut que tu sois blanc sous le maquillage pour que tu puisses avoir l’air noir aux yeux
du public.
[…]
Jamais situation ne m’avait paru si absurde, surréaliste et ridicule. Et j’avais passé ma vie en esclavage.
Voilà que, tous les douze, nous descendions d’un pas martial la rue principale qui séparait la partie libre
de la ville de la partie esclavagiste, dix Blancs en blackface, un Noir se faisant passer pour blanc et grimé
de noir, et moi, un Noir à la peau claire grimé de noir de façon à donner l’impression d’être un Blanc
essayant de se faire passer pour noir.

Cet épisode de blackface fait aussi apparaître tout un camaïeu de nuances, le métis blanc de peau qui se veut noir, mais qui grâce à sa peau claire pourra passer pour un blanc et pour le maître …le chef d’orchestre antiesclavagiste déclaré qui achète Jim en insistant bien qu’il « l’embauche » amis qui ne le laissera plus partir…l’esclave qui se contente de sa servitude, celui qui fuit. La situation simpliste enfant blanc/esclave noir se complique encore quand une relation père/fils s’ébauche. Et Jim devient James . Il se découvre même un patronyme Faber, la marque du crayon. 

Même si l’auteur respecte le canevas du livre de Mark Twain qui l’a inspiré, il a créé une œuvre originale plus complexe qu’on ne l’imagine d’entrée. Réécriture très réussie.

 

Huckleberry Finn – Mark Twain

Pressée de découvrir James de Percival Everett (Pulitzer 2024), j’ai préféré commencer par Huckleberry Finn qui a inspiré Everett. Précédemment, j’ai lu On m’appelle Demon Copperhead (Pulitzer 2023)de Barbara Kingsolver sans avoir lu David Copperfield et j’avais regretté de ne pas avoir en tête le roman-source. Bizarre, cette attribution consécutive pour deux « réécritures » de classiques !

Comme pour tous les classiques du XIXème siècle, l’édition numérique est très bon marché mais elle est aussi aléatoire. Le fichier arrivé sur la liseuse traduit par WL Hughes, est une adaptation pour la jeunesse. J’aurais préféré l’œuvre intégrale. En revanche, elle est très joliment illustré avec des gravures anciennes. Il aurait été préférable de lire en VO le texte original puisque la langue de M. Twain est( selon Wikipédia) fondatrice de la littérature  américaine.

Huck, le copain de Tom Sawyer est le narrateur. Au début du roman, il a une douzaine d’années. Les deux compères ont découvert un trésor. La part de Huck est en dépôt chez l’avocat en attendant sa majorité. Huck est un sauvageon qui préfère dormir dans un tonneau et mener une vie libre. Miss Watson tente de lui inculquer une bonne éducation et de l’envoyer à l’école tandis que Tom Sawyer, grand lecteur de romans,  l’enrôle dans sa bande pour des aventures rocambolesques – jeux assez enfantins où on fait « comme si... » 

« Avec tout ça, dis-je à Tom, je n’ai pas vu un seul diamant. — Il y en avait des masses, répliqua-t-il, et des Arabes et des dromadaires aussi. — Pourquoi ne les avons-nous pas vus alors ? — Si tu avais lu les Aventures de Don Quichotte, tu saurais pourquoi. C’est la faute des enchanteurs. Les soldats, les mules et le reste étaient là ; mais les magiciens ont transformé la caravane en école du dimanche, par pure méchanceté. »

Ces aventures livresques ne m’ont pas passionnée.

L’histoire prend une tournure dramatique avec le retour du père  ivrogne et violent qui le bat et le séquestre, espérant mettre la main sur la fortune de son fils. Huck s’évade et se fait passer pour mort. Plein de ressources, il se cachera en pleine nature dans l’île en face de Pitsburg de cueillette, pêche et chasse. Il va rapidement découvrir un autre fugitif sur l’île : Jim, l’esclave de Miss Watson, qui veut le vendre à un planteur, le séparant de sa femme et sa fille. L’action se situe vers 1840, avant la Guerre de Sécession, dans le Missouri, état du Sud esclavagiste. Jim pense trouver la liberté dans un état du nord et racheter sa femme et sa fille. Les poursuites des habitants de Pittsburg devenant pressantes, les deux fuyards s’embarquent sur le Mississipi sur un radeau et un canoë. Ce périple sur le fleuve m’a embarquée littéralement : les dangers du fleuve, courants, brouillard, orages, épaves ou trains de bois, les péripéties n’ont pas manqué de me ravir. 

Au fil de l’eau Jim et Huck font des rencontres : deux aventuriers qui se présentent comme un Duc Anglais et même comme le dauphin Louis XVII. Ces personnages vivent d’expédients et de filouterie, ils entraînent Huck dans leurs supercheries et le lecteur tremble pour Huck parce que cela risque de très mal tourner. Huck est aussi entraîné dans une sorte de vendetta entre deux familles tandis que Jim est caché non loin de leur radeau.  Finalement après des méprises et un hasard extraordinaire, Huck arrive chez la tante et l’oncle de Tom Sawyer qui détiennent Jim dans un cachot en attendant que le planteur viennent récupérer son esclave. Contraste entre la gentillesse de ces gens et la cruauté vis à vis de Jim.

Tom Sawyer aidera à la libération de Jim. Il voudra donner un aspect « littéraire » à cette nouvelle aventure. J’ai trouvé assez pénible la tournure de cette libération avec corde à nœuds, araignées, tunnels, inutiles alors qu’il aurait été si facile d’ouvrir la porte maintenant Jim en captivité. 

Oui ; mais vous avez promis de ne pas me dénoncer. — Si l’on apprend que je t’ai gardé le secret, on me
traitera de canaille d’abolitionniste et on me montrera au doigt. N’importe, j’ai promis, je tiendrai… —
Vous vous êtes sauvé aussi, massa Huck. — Oh ! ce n’est pas la même chose ; je n’appartiens à personne ;
on ne m’a pas acheté.

Au fil de leur navigation, Huck prend conscience de la condition d’esclave de son ami. Au début, il a des remords de ne pas renvoyer Jim à sa propriétaire, Miss Watson qui est aussi sa bienfaitrice. Les abolitionnistes sont des canailles très mal considérés dans le Missouri. Les deux fugitifs tissent une relation d’amitié. A plusieurs reprises Huck va sauver Jim.

puis, je songeai à moi. On saurait que Huck Finn avait aidé un nègre à prendre la clef des champs, et si,
un jour ou l’autre, je regagnais ma ville natale, je n’oserais plus regarder les gens en face. Tom Sawyer lui même refuserait de me serrer la main. Plus j’y songeais, plus ma conscience m’adressait des reproches et
plus je me sentais coupable. D’un autre côté, je pensai à ce long voyage durant lequel Jim avait si souvent
tenu le gouvernail à ma place plutôt que de me réveiller. Je le voyais sautant de joie le matin où nous
avions failli nous perdre dans le brouillard.

Anti-esclavagiste, Huck? Il le devient progressivement mais les très, très nombreuses assertions racistes témoignent des mentalités du Sud

Je vis que ce serait perdre mon temps que de vouloir discuter avec Jim. On ne peut pas apprendre à un
nègre à raisonner.

Et ce n’est pas gagné, Huck veut sauver son ami. Il reste prisonnier des préjugés et il s’étonne même de la bienveillance de Tom Sawyer.

Voilà un garçon bien élevé, ayant une réputation à perdre, dont la famille avait toujours manifesté un
profond mépris pour les abolitionnistes et qui n’hésitait pas à se couvrir de honte, lui et les siens, en
protégeant un nègre évadé ! Non, je n’y comprenais rien. Moi, c’était différent. Jim était mon ami,

En tout cas, si on veut supprimer le n-word et récrire Huckleberry Finn, il y a du boulot!

Et maintenant la suite à venir dans James!

Wes Anderson – revue DADA / the Phoenician Scheme – Exposition à la Cinémathèque

UN FILM/UN LIVRE/UNE EXPO

 

Babélio a proposé dans l’Opération La Masse Critique le numéro 289 de la Revue DADA je l’ai coché.

Je suis inconditionnelle de la Revue Dada qui s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux amateurs d’art. Son coup d’œil décalé, les ateliers de création – Brico-studio -proposés aux plus jeunes mais passionnants pour les grands, ses « Artualités », actualités des diverses expositions à Paris ou à Berlin…Diversité des sujets qui dépassent le titre de Wes Anderson. 

Wes Anderson est le réalisateur de The Grand Budapest Hotel que j’ai beaucoup apprécié (vous pouvez réaliser grâce à DADA votre propre maquette illuminée avec une boîte à chaussures) . Vous pouvez aussi admirer la maquette du film à la Cinémathèque. J’ai aussi aimé A bord du Darjeeling limited mais j’ai loupé les autres opus. Je comptais bien me rattraper avec DADA et la Cinémathèque. 

Tout d’abord, j’ai vu le dernier film : The Phoenician Scheme mais il ne m’a pas convaincue. J’ai admiré le travail du photographe avec ses cadrages de génie. La salle de bain est absolument bluffante! J’ai pris plein de couleur dans les mirettes avec ses décors étonnants. La BO m’a aussi séduite, bravo à Alexandre Desplat et à Stravinsky en passant. Encore des machines et des maquettes virtuoses . Sans parler des costumes et des accessoires. Des secrets dans les boîtes à chaussure…. Comme une visite dans un musée de l’illusion, ou dans un mausolée, où dans une galerie-photos. 

Généralement, on demande à un cinéaste de raconter une histoire avec des personnages qu’on a envie de suivre, d’aimer ou de détester. Et là…déception, je n’ai rien compris. Les scènes se succèdent dans ces décors et costumes mirifiques. Et ne s’enchaînent pas. On comprend vaguement que Zsa Zsa Korda, homme d’affaire multimilliardaire veut léguer sa fortune à sa fille inconnue et nonne. On devine qu’il est poursuivi par des concurrents qui attentent à sa vie violemment, Sza Sza réchappe à 6 crashes de son avion…Serait-il immortel? Je n’ai aucune sympathie pour ce personnage, ni pour la fille déguisée en bonne sœur, peut être un peu plus pour l’entomologiste dont je n’ai pas bien saisi le rôle. 

Bref, je n’ai rien compris. Est-ce grave docteur?

la Sagouine – Crache à pic – Antonine Maillet

CANADA – ACADIE

Le pays de la Sagouine

Le décès d’Antonine Maillet, le 17 février 2025,m’a donné envie de la relire et de la faire lire aux blogueuses.eurs plus jeunes qui ne l’aurait pas connue. J’ai lancé une lecture commune ICI et réservé à la bibliothèque Pélagie-la- Charrette qui avait remporté le Goncourt en 1979.

J’ai ressorti mon petit volume de la Sagouine que j’ai découverte sur place « au Pays de la Sagouine », à Bouctouche au Nouveau Brunswick , reconstitution de l’ancien village avec acteurs-habitants en costume d’époque. La Sagouine – frotteuse de parquets, raconte en 16 monologues la vie du village. 

« C’est point d’avouère de quoi qui rend une persoune benaise, c’est de saouère qu’a va l’avouère »

La Sagouine

Crache à pic (317p.) est un roman d’aventure, roman du temps de la Prohibition (années 1930), roman de marins puisque l’héroïne Crache à pic, est capitaine d’une vieille goélette, roman acadien qui se déroule sur les côtes des Provinces maritimes et celles du Maine (pour la contrebande). C’est aussi un roman très drôle avec des scènes hilarantes qui se succèdent mais que je ne divulgâcherai pas pour vous en laisser la surprise. 

 – Au nom de la loi! qu’il réussit à crier. Arrêtez!

Et la goélette vint se cogner à la coque du bateau des garde-côtes, en laissant tomber les voiles au pied du mât… comme la plus innocente petite fille du monde qui a déjà avalé toute la confiture et n’a plus rien à cacher. […] Crache à pic avait aperçu, flottant autour de son embarcation, une douzaine de fanions rouge et noir tombés du ciel comme de petits pains bénits.

Sainte Mère de Jésus-Christ! qu’elle s’est écriée, les trappes à homards!

Et à coup de poings dans le dos, elle poussait ses hommes jusqu’à la proue.

jetez le homard à l’eau qu’avait commandé le capitaine. Tobie et Jimmy, allez me qu’ri les caisses de vin et enlignez-mes sur le pont….

 

Pour le dépaysement total, il vous faudra vous familiariser avec le Français d’Acadie différent de celui du Québec, et très différent de celui de France. A l’oral, j’ai été très surprise et j’ai mis quelques jours à tout comprendre.  Par écrit, cela le fait très bien. C’est une langue très savoureuse.

L’ombre d’Al Capone plane, Dieudonné riche bootlegger canadien dépouille les paysans naïf en achetant leurs terres et en spéculant sur les gramophones… je n’en dirai pas plus. Vous allez passer un bon moment.

 

Relisons Antonine Maillet!

CANADA / NOUVEAU BRUNSWICK

Notre album photos des vacances 1998 au Nouveau Brunswick

Le meilleur hommage qu’on puisse faire à une autrice c’est de la relire, de la faire lire!

Je vous propose une lecture commune, disons à la fin mars pour laisser le temps de retrouver ses livres éparpillés dans nos bibliothèques.

Avec Pélagie la Charrette, Antonine Maillet a obtenu le Prix Goncourt

Mon préféré reste la Sagouine découverte sur place à Bouctouche, mis en scène dans la reconstitution de son village, avec l’accent (pas facile pour une parisienne, les Acadiens se sont bien moqués de notre français

 

Joséphine Baker – Catel&Boquet – Casterman écritures

« vous savez, mes amis, que je ne mens pas quand je vous raconte que je suis entrée dans les palaces de rois et de reines, dans les maisons des présidents. Et bien plus encore. mais je ne pouvais pas entrer dans un hôtel en Amérique et boire une tasse de café. Cela m’a rendue furieuse. »

Quand on a parlé de la panthéonisation de Joséphine Baker je ne la connaissais pas du tout . Cela évoquait « j’ai deux amours… », la ceinture de bananes, mais rien d’extraordinaire à mes yeux. J’ai découvert son rôle de résistante et cela me suffisait pour imaginer sa présence au Panthéon. 

Catel&Boquet m’ont fait découvrir Olympes de Gouges et, puis récemment, Anita Conti avec la même volonté de mettre le projecteur sur des femmes oubliées ou méconnues.

J’ai apprécié la construction de courts chapitres toujours bien situé, dans le temps et dans l’espace, retraçant la vie de l’héroïne. J’ai bien aimé le graphisme et surtout le soin dans le décor et l’architecture. La biographie est suivie de tout un appareil de notes : chronologie, fiches biographiques des personnages secondaires croisés dans la BD, bibliographie…

J’ai découvert l’enfance à Saint Louis, Missouri, misérable, certes, mais tellement musicale. Joséphine avait une personnalité bien marquée et dès le plus jeune âge, a manifesté son indépendance. Elle se marie à 13 ans pour devenir une femme, se fait remarquer dans les bars et théâtres par son physique, son don pour la danse, ses facéties et sa personnalité. Remariée à 16 ans, elle ne se soumet pas à ses maris et mène toujours sa carrière de vedette  jusqu’à Broadway où elle se fait remarquer par Caroline Dudley, épouse d’un diplomate français qui l’entraîne à Paris. Après les Ballets russes, les ballets suédois, le ballet mécanique qui mobilisent l’avant garde, elle a l’idée d’une Revue Négre en faisant venir des musiciens et danseurs américains. Sidney Bechet est avec elle sur le paquebot qui traverse l’Atlantique. 

En Europe, pas de ségrégation, Joséphine peut entrer dans tous les lieux à la mode. C’est pour elle, un véritable soulagement et elle en sera toujours reconnaissante à Paris. Elle connaît un véritable triomphe. Le lecteur a le plaisir de croiser au fil des pages tout le gratin, de Cocteau au Corbusier, Colette, Georges Simenon et tant d’autres.

Pendant la guerre, son engagement dans la Résistance la conduit en Afrique du nord, Maroc et Algérie et même dans la Corse nouvellement libérée où elle vit un crash aérien (sans conséquences)

Vedette internationale, elle enchaîne les spectacles et les tournées, les extravagances aussi. Elle retourne voir sa famille et retrouve la ségrégation. Elle aura toujours à cœur de lutter pour les Droits civiques des Noirs, cause dans les lieux publics huppés blancs des scandales et se voit même accusée de communisme. On la découvre auprès de Martin Luther King….

Son utopie famille arc-en-ciel composée de 11 enfants adoptés, d’origines, religions, couleurs différentes, dans son château des Milandes la mènera à la ruine financière. Mais c’est une autre histoire.

Notez que le livre a été publié en 2016 et  la panthéonisation date de 20 21.

Une belle collection de femmes illustres! je viens d’emprunter Kiki de Montparnasse que je vais découvrir.

Barbara Chase-Riboud au Palais de Tokyo et au Louvre et Porte Dorée

Exposition temporaire

Quand un nœud est dénoué, un dieu est libéré

Barbara Chase-Riboud

Barbara Chase-Riboud est à l’honneur cette année à ParisSon œuvre se déploie dans huit musées parisiens prestigieux, dont Le Louvre, Orsay, le Quai Branly…

Ses sculptures trouvent leur place parmi toutes les installations du Palais de TokyoSes sculptures noires, colonnes doubles ou stèles, s’alignent dans une pièce noire . Sur les cimaises, des tableaux blancs, textiles. Fils noués qui accompagnent les grandes colonnes  noires et lisses. Ces bronzes rendent honneur aux femmes noires et aux luttes pour les droits civiques. 

Prise au dépourvu je n’ai rien compris à cette installation monumentale.

En revanche, j’ai beaucoup aimé, dans la petite salle attenante, l’écoute  de ses poèmes lus en anglais avec texte bilingue projetés sur l’écran From Memphis and Peking.  Textes évoquant les voyages à travers le monde, des villes, peut-être adressées à son mari la photographe Marc Riboud. 

Barbara Chase-Riboud est l’auteure de La Virginienne qui relate l’histoire d’amour de l’esclave Sally Hemings et de Thomas Jefferson, 3ème Président des Etats Unis.

Plus je recherche, plus Barbara Chase-Riboud m’intrigue. Deux podcasts ont occupé ma matinée de marche en forêt. Le premier des Midis de Culture est centré sur l’exposition actuelle

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture/barbara-chase-riboud-artiste-plasticienne-70-ans-de-creation-enfin-celebres-1268651

et le second, d‘Affaires culturelles est plus ancien.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaires-culturelles/barbara-chase-riboud-est-l-invitee-d-affaires-culturelles-6002190

Cette rencontre sur YouTube permet de mieux la connaître

Barbara Chase Riboud au Louvre

Et comme la personnalité de cette artiste m’a beaucoup intéressée, je me suis précipitée au Louvre pour voir 3 autres œuvres.

Colonne d’or sous la Pyramide du Louvre

En majesté, sous la Pyramide s’élève fièrement la colonne dorée. Mise en évidence dans un emplacement d’honneur,  voire…La pyramide est beaucoup plus grande qu’on ne l’imagine. Vue du dessous, elle est presque invisible. D’ailleurs, je suis passée sans la voir à ma visite précédente au Louvre. Il existe bien un escalier qui permettrait de l’approcher, interdit aux visiteurs. Trop loin pour pouvoir vraiment apprécier le travail du bronze à la cire perdue.

La Cape de Cléopâtre

Barbara Chase Riboud a visité dans sa jeunesse l’Egypte et ce voyage a beaucoup compté pour elle. La Cape de Cléopâtre est exposée dans le Département des Antiquités Egyptiennes. Pour parvenir à la statue, il faut parcourir toutes les salles et c’est un véritable plaisir de redécouvrir les statues, objets, instruments de musique…Tout à côté du plafond astronomique de Dendara. 

Découverte entre les granites sculptés: la Cape de Cléopâtre

Le lit de Cléopâtre se trouve dans la Salle des Caryatides dans le département des Antiquités Grecques. Il me faut donc retourner sur mes pas, retraverser les salles égyptiennes, descendre de nombreuses marches, en remonter autant parcours initiatique? 

Salle des Caryatides

Le lit de Cléopâtre est aussi constitué de plaquettes carrées de bronze mais elles sont mats. Ces sculptures sont accompagnées par les vers tirés de l’Opéra Portrait of a Nude Woman as Cleopatra, publié en 1987.

Lit de Cléopâtre

Non loin de là,  l’Hermaphrodite est couché sur son lit de marbre.

hermaphrodite endormi

Barbara Chase Riboud dans le Salon des Laques au Palais de la Porte Dorée

Le salon des Laques du palais de la Porte Dorée

j’ai continué ma poursuite des sculptures de Barbara Chase Riboud

Alors que j’avais été déçue de la mise en scène au Louvre, ici les sculptures Zanzibar noir et Zanzibar doré sont mises en majesté.

Zanzibar noir rehaussé de soie rouge
Zanzibar doré dans le Salon des Laques

les deux stèles s’accordent parfaitement avec les laques noires et les panneaux dorés, les œuvres se répondent.

Il reste encore cinq musées pour découvrir le reste de l’exposition. Je visiterai sans doute Orsay, Le Musée Guimet, le Quai Branly d’ici la mi-janvier mais cela fera l’objet d’un autre billet!

Les Forceurs de blocus – Jules Verne

LECTURE COMMUNE : BOOKTRIP EN MER

L’idée de lecture commune Book Trip EN MER me plait bien et à la suite de Claudialucia

Le Douanier Rousseau : Bateau dans la tempête

J’ai téléchargé cette nouvelle de Jules Verne qui est inépuisable, et me déçoit rarement. Lecture facile, une aventure en mer, mais aussi historique et instructive. une des conséquences de la Guerre de Sécession est l’arrêt de l’exportation de coton par les Etats Confédérés

La plus importante matière de l’exportation américaine manquait sur la place de Glasgow. La famine du coton, pour employer l’énergique expression anglaise, devenait de jour en jour plus menaçante

Coïncidence amusante, je viens de terminer les mémoires de Davidoff – le Juif qui voulait sauver le Tsar, et cette demande en coton a été à l’origine de la fortune des ancêtres des Davidoff avec l’essor de la culture du coton en Ouzbékistan. 

Un négociant écossais affrète donc un navire particulièrement rapide qui forcera le blocus de Charleston, livrant des armes aux Confédérés, sans se soucier des causes du conflit et de l‘abolition de l’esclavage. La moralité du commerce apparait en filigrane

« mais enfin il dut reconnaître, entre autres choses, que la question de l’esclavage était une question principale
dans la guerre des États-Unis, qu’il fallait la trancher définitivement et en finir avec ces dernières horreurs des temps barbares.

[…]je ne vous répondrai que par un mot : je suis négociant, et, comme tel, je ne me préoccupe que des intérêts de ma maison. Je cherche le gain partout où il se présente.

[…]
Ainsi, quand vous vendez aux Chinois l’opium qui les abrutit, vous êtes aussi coupable qu’en ce moment où
vous fournissez aux gens du Sud les moyens de continuer une guerre criminelle ! »

Bien sûr, il y a le plaisir de la navigation, une histoire d’amour qui se trame (cousue de fil blanc), presque une bataille navale…. de l’action, des surprises. Un bon, mais court Jules Verne!