Monastère de Glojené

CARNET BULGARE

le cloître du monastère de Glojené

La route, de Sofia à Glojené

Nous quittons Sofia par l’autoroute A2, en direction de Varna et de Ruse(nord-est). Dans la plaine thrace, les blés sont mûrs et les tournesols en fleur. L’autoroute traverse ensuite des montagnes chevelues couvertes d’épaisses forêts, passe sur des ponts spectaculaires et des tunnels. Nous la quittons pour piqueniquer sur les bords d’un lac à Pravetz (golf et village de vacances).

Yablanitsa, fin de l’autoroute. Le GPS nous envoie sur une petite route de campagne vers le village de Glojéné. Un écriteau bleu en cyrillique indique le monastère. On revient donc en arrière pour emprunter une mince bande de ciment qui grimpe raide dans la montagne.

Le monastère, sur son piton rocheux

le monastère perché sur son piton rocheux

Le monastère, perché en haut d’un piton rocheux, apparaît de temps en temps dans les feuillages. Au détour d’une clairière, enfin, on le découvre.

De loin, on voit surtout l’étage de planches de bois noirci dépassant sur son soubassement de pierres sèches. Sur une plateforme, on a installé de grandes tables de bois où les visiteurs boivent à toute heure de la soupe dans des bols de céramique marron aux motifs beige et noirs formant une sorte d’écossais ressemblant à la céramique des potiers d’Horezou en Roumanie.  En face, dans la salle du restaurant on regarde le Tour de France (pas très monacal).

l'entrée, dalles et lauzes

Le portail arrondi est surmonté d’une sculpture de bois avec un écusson à l’effigie de Saint Georges, on passe par une sorte de tunnel aux dalles inégales pour arriver au cloître : c’est là que nous logerons dans un bâtiment crépi de blanc aux portes et poutres noircies, au toit de lauzes. L’église est en ciment blanc. Un autre bâtiment à étage surmonte une fontaine de grosses pierres. Des marmites anciennes sont suspendues à un vaisselier de poutres noires. Deux petits musées sont consacrés à la Révolution bulgare : on montre la cachette d’un des héros Levski dans l’autre sa cellule décorée de couvertures bariolées vertes et rouge avec le tableau d’un vieux pope occupé à des travaux d’aiguille. Je remarque le poêle. Autant il fait chaud l’été, autant l’hiver doit être rigoureux.

vaisselle et vaisselier

Notre chambre, en pointe comme la proue d’un navire, a ses fenêtres équipées de double vitrage. Murs blancs, un grand lit, armoire, table et chaises en pin clair verni. Le plafond est de lattes foncées montées en arêtes de poisson, une vraie œuvre d’art. Tapis et kilims recouvrant le sol, dans des tons bleus et roses, apportent une touche chaleureuse. La douche est rudimentaire (on éclabousse les WC), le lavabo minuscule. On ne s’attendait pas du confort dans un monastère !

Nous passons l’après midi sur le pic rocheux, à dessiner, écrire et surtout étudier la nouvelle carte et y transcrire l’itinéraire. Le GPS, programmé par Balkania, nous guidera, mais nous voulons une vue d’ensemble;

19h30, dîner d’un bol de soupe du Monastère : haricots blancs assaisonnés de persil frais, délicieuse, de kebab (allongé comme une saucisse) salade de pommes de terre aux oignons et un e merveille : le yaourt bulgare de buffle aux myrtilles, épais, crémeux, ressemblant plus à du fromage qu’à nos yaourts français.

On se couche tôt à Glojéné : à 20h30, les grilles sont fermées. Nous sommes les seules touristes. Le monastère ne compte qu’un moine, jeune aux longs cheveux pas bien contenus par le petit chignon réglementaire et aux voiles noirs. L’hébergement et la restauration sont tenus par trois femmes assez jeunes, dont deux parlent français, et un  homme en short qui a passé son temps à regarder le sport à la télévision.

Après avoir trié les photos sur la vieille télé de notre chambre, je tente une promenade vespérale qui sera bien courte : le tour du promontoire rocheux. Je m’attarde au jardin où mûrissent de belles tomates et rangées de haricots. On se couche tôt, assommées de chaleur et de nouveauté.

La nuit a été fraîche en montagne, les étoiles innombrables. Le silence seulement rompu par les cloches d’un troupeau au loin. Les chauve-souris ont voleté dans le ravin.. Pas d’office nocturne, ni de chants d’église comme j l’avais fantasmé. Le jour m’a éveillée vers 6h. Je me suis habillée en vitesse pour assister au lever du soleil derrière l’église. La grosse boule rouge s’est élevée derrière les crêtes chevelues.  Dès  que le soleil a commencé à chauffer, je suis retournée dans le cloître.

Assise sur les marches de l’église cadenassée, je fais l’inventaire des curiosités : hémérocalles  et œillets d’Inde forment une bordure autour du parvis de grandes dalles de marne gris clair (les mêmes que les lauzes). Le muret est en roche beige caverneuse – dolomite ou tuf calcaire ? -. Le cloître est construit autour de la plateforme rocheuse légèrement bombée, chiendent et chicorée en fleurs bleues en tapissent le tour. Deux petits thuyas, deux buissons de roses jaunes et un petit pêcher poussent d part et d’autres des marches. Avec des pierres grises irrégulières, on a délimité une bordure fleurie de soucis fanés, géraniums sauvages et lys défleuris. Un noisetier et un aulne ont poussé tous seuls. Des poteries ressemblant à des amphores sont disposées à chaque coin. Des piliers de bois foncé soutiennent la galerie.

Petit déjeuner complet au monastère : deux fromages différents kachkaval jaune sans beaucoup de goût et siréné ressemblant à de la féta, un œuf, des tranches de saucisson, de la confiture de myrtille et du miel.

A l’orée de la forêt, le troupeau de vaches nous barre la route. Sur le mince ruban de ciment qui rejoint la route, on ne rencontre personne, et c’est tant mieux. A l’entrée du village de Glojéné, le monastère sur son piton rocheux se voit bien. Une raide chaussée y conduit. C’est par là que le GPS comptait nous faire monter !

Sofia : Musée national Historique

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le magnifique plafond sculpté du hall

Le Musée National Historique est très très bien situé et très très bien présenté. J’ai découvert plus tard que ce bâtiment prestigieux avait été construit pour un autre usage, comme résidence du chef de l’Etat du temps du communisme. C’est un bâtiment moderne de béton très plat dans un écrin de verdure, mis en valeur par  pelouses bordées de stèles antiques provenant des tombes de la nécropole de Serdica découvertes en 2007, datant de l’Empereur Constantin (307-337).

La visite est mise en scène avec pompe /  2 groupes de trois Romains, en toge, nous accueillent en haut de l’escalier d’honneur. Les salles sont articulées par ordre chronologique autour d’une vaste entrée ronde au plafond de bois sculpté.

Nous parcourons rapidement celle de la  Préhistoire jusqu’à l’âge de bronze. Thraces et Romains se partagent la seconde salle. Contrairement au Musée Archéologique, ici cartes photos et panneaux accompagnent les objets. Collections thrace de tétra- drachmes d’argent, de casques et armures, armes de bronze et même de cotte de maille confirmant l’impression que les Thraces étaient des forgerons et orfèvres hors pairs ! Des citations de Thucydide et d’Hérodote commentent les campagnes Thrace. Au centre de la pièce, le trésor du roi Kotis (383-359 av. JC) se compose de pièces d’argenterie magnifiques surtout les rhytons d’or et d’argent d’une grande finesse. Une statuette métallique est tout à fait étonnante, très orientalisante avec des motifs animaliers d’influence perse ou syrienne.

Dans la 3ème salle, on voit arriver les Bulgares par vagues vers 630 avec leurs Khans : fac-similé d’un parchemin qui raconte les campagnes de Siméon (914), la prise d’Edirne, des copies des fresques de la Boyana que nous venons de visiter présentent les souverains.

 

Dans une dernière salle sont exposés des objets de l’époque de la domination ottomane : Corans et livres de prière, armes et céramiques d’Iznik aux tulipes et aux œillets bleus ou rouges. J’ai flashé sur une magnifique porte marquetée du 19ème siècle.

L’histoire récente, les révolutions, guerres sont au 2ème étage avec de nombreuses vitrines présentant des uniformes ; armes, imprimés moins intéressants pour qui ne lit pas le Bulgare. Une dernière exposition est consacrée aux costumes et décors du cinéma bulgare.

Ce musée est riche mais surtout le bâtiment est magnifique avec ses plafonds de bois sculptés merveilleux.

Sofia : La Boyanna

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église dela Boyana

La petite église de la Boyana (ou plutôt trois églises accolées) est perchée dans la montagne.  Accessible par une route pavée très raide, et nichée dans un parc qui embaume : thuyas géants, buis, ifs et feuillus…Le gardien nous accueille dans un anglais parfait mais c’est un vieux radoteur. Nous avons l’honneur de tourner trois fois la grosse clé qui ouvre l’église (à chaque tour un vœu puisque nous sommes les premières visiteuses de la matinée). Dans la nef sont peints les deux couples de souverains qui ont commandé l’église le Sebastokrator Kalojan et Desiglava et en face Constantin Asen et sa femme Irina. Le roi porte la maquette de l’église. Un cycle de fresque raconte la vie de Saint Nicolas (que je ne connais pas) je remarque un beau tableau, une barque sur une mer grise houleuse, en face Nicolas descend du bateau et monte un escalier. L’église du fond est construite sur un plan byzantin, dominée par le christ Pantocrator. Nous nous attardons sur la Cène fameuse où les convives ont chacun une serviette dépliée, une tranche de pain triangulaire, des oignons qui ressemblent à des poireaux, et de l’ail. Vue du dehors, la petite église est ravissante avec ses toits qui se chevauchent, à ses pieds la tombe de la Reine Eléonore de Bulgarie. Une plaque commémorative rappelle un archéologue du Collège de France André Grabar (1896-1990).

Sofia : Centre-ville, Sveta Nedelya, Halles, Synagogue, Mosquée des Bains

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Sofia, la sagesse porte sa chouette comme Athéna!

La promenade dans l’architecture soviétique se termine à l’Hôtel Sheraton (ou des Balkans) sur une place animée. D’un côté l’église Sveta Nedelja (1927) de peu de charme, heureusement animée par un mariage, de l’autre une artère à la circulation infranchissable. Heureusement il y a un passage souterrain qui est aussi la station du Métro. On devine un peu plus loin la coupole de la mosquée Banya Basi(mosquée des Bains) derrière un chantier.

Sofia : mosquée des Bains

Face à cette mosquée, je découvre les Halles (Xalite) avec des commerçants de luxe : poissons crus et cuisinés, étals de fromages, salades préparées sous nos yeux, jus de fruits pressés idem, Ayran. J’achèterais tout. Derrière les Halles se trouve la Grande Synagogue fermée puisqu’on est samedi ; de style mauresque (comme celle de Budapest). Un panneau explique que c’est la plus grande synagogue séfarade etg qu’elle a été inaugurée en 1909 par la famille du Tsar. Moment de confusion avant que je me souvienne que la Bulgarie était gouvernée par des Tsars.

Sofia : synagogue

Je traverse la rue pour visiter la mosquée (burnous prêté aux femmes, il faut mettre le capuchon entier). C’est une jolie mosquée turque carrelée de merveilleux carreaux d’Iznik bleus turquoise, bleus et rouges), construite par Sinan (1489-1588).

A l’arrière se trouve le merveilleux Etablissement de Bains de style Sécession décoré de majolique malheureusement fermé.

Le chauffeur du taxi pris derrière l’église Sveta Nedelya, met en route le compteur mais il ne connait pas le chemin de la Boyana(pourtant site très visité) . A la sortie de la ville, il descend au lieu de monter dans la colline, puis demande son chemin. Nous lui avons montré la carte de notre Hôtel Villa Boyana, mais il n’a pas l’air de se repérer. Le compteur tourne. Devant un autre hôtel, Casa Boyana, nous lui demandons de descendre : 15leva, le double du prix de la course du matin ! Il reste un bon kilomètre à parcourir à pied en montée ! Surtout, nous sommes perdues.

vue sur Sofia de notre hôtel Villa Boyana

Samedi soir, sur la petite place, il y a beaucoup d’animation. Les gens font la queue à la fontaine avec des bombonnes. Le coin des jeux des enfants est plein. Sous nos fenêtres, la pizzeria a mis de la musique. Le dîner vient du comptoir extérieur du supermarché du quartier : poulet et riz aux champignons : 7.70 levas et un yaourt 500g : 0.89 levas.

La nuit tombe. Sofia s’illumine. Des feux d’artifice crépitent.

Sofia Petite rotonde et Musée archéologique

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La Petite Rotonde dans la cour monumentale

Non loin de la rue Saborna, on accède par un passage entre un  restaurant grec et une banque, à la petite église Saint George « la Rotonde » cachée dans une cour monumentale bordée de bâtiments blancs de l’époque communiste. A l’arrière de la Rotonde, se trouvent des ruines romaines : hypocaustes de petits thermes (ou salle de bain privée).

Le porche du Ministère de l’Education, de la Jeunesse et de la Science fait communiquer la cour communiste à une place bordée par la Résidence et le Musée Archéologique. Le sol est pavé des fameux pavés jaunes(en ciment tout à fait ordinaire) qui interdisaient la circulation aux véhicules non officiels. Au centre de la place coule une belle fontaine.

musée archéologique

Le Musée archéologique est installé depuis 1879 dans la Grande Mosquée du 15ème siècle. Les collections sont impressionnantes mais la présentation manque de clarté. Des bornes interactives sont mises à la disposition du visiteur mais cela bogue. Je passe sans transition de la sculpture thrace à la sculpture grecque ou romaine. Tablettes votives ou stèles funéraires portent des inscriptions grecques ou latines (parfois les deux). Une épitaphe en latin se réfère à Serdica (nom romain de Sofia), c’est celle de Titus Decius ancien serviteur de Saint André. Des petits panneaux illustrent la mythologie : ici Héraclès se repose, là, le dieu Nil, plus loin Zeus et son aigle, je pourrai rester des heures à rêver de mythologie.

Certains bas-reliefs tranchent par leur originalité : ceux de Stara Zagora gravés sur du schiste rouge portant un aigle bicéphale, un lion, un pan, un flûtiste. Au dessus de l’escalier qui conduit à la galerie, bien abimé mais spectaculaire : Le Cavalier de Madara (8ème siècle) nous parle des khans bulgares, des steppes …

J’avoue avoir été distraite devant les fresques byzantines de la galerie. Les salles latérales ont éveillé ma curiosité. J’ai enfin trouvé la tête en bronze de Seuthès  qui a motivé notre voyage en Bulgarie après avoir visionné un documentaire sur ARTE. Les Thraces étaient de fameux orfèvres et fondeurs. Le trésor de Golyama découvert en  2004, d’autres tumulus ont livré des objets de bronze, d’argent ou d’or d’une qualité remarquable. J’ai aimé les deux rhytons d’argent à tête de bovins, la couronne en feuille de laurier d’or et le masque funéraire en or de Svelitsa.

les fresques de la coupole de l'église Saint Georges

A la sortie du Musée, il tombe quelques gouttes. Retour dans la cour de l’Hôtel Sheraton (alias cour communiste) pour voir l’intérieur de l’église Saint George avec les 3 ou 4 couches de fresques superposées qui s’enroulent autour de la coupole. Les enduits ottomans les ont cachés pendant plusieurs siècles et par conséquent protégés. Nous serions bien restées plus longtemps à détailler les registres : les prophètes, les anges et le Christ Pantocrator, mais la dame qui vend cierges et cartes postales et qui surveille qu’on ne prenne pas de photos a fermé prématurément (et même enfermé D qui en a profité pour faire des photos).

Sofia: Promenade dans le centre

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marché aux puces

Quittons Alexandre Nevski, de l’autre côté de l’avenue se trouve le Synode des Evêques, bâtiment Art Nouveau décoré d’une frise en majolique et d’une mosaïque figurant des ecclésiastiques voilés de noir. Un peu plus loin, le Marché aux Puces commence par un étalage chatoyant d’icônes à vendre. A côté, des peintres exposent leur production profane, il y a même des figurines et des vélos en fil de fer. Dans  un bric à brac militaire, on trouve des souvenirs de l’Armée Rouge comme des insignes nazis, des casquettes, des chapkas, un  casque allemand même une figurine d’Hitler, des boussoles (perfectionnées), des poignards à cran d’arrêt, des matriochkas(à l’effigie d’Obama et de Sarkozy, la matriochka Hollande n’est pas encore arrivée). Dans ce déballage, je trouve ce que je cherchais depuis longtemps : le remplaçant de mon Laguiole acheté pour mes 50 ans derrière la basilique d’Orcival et perdu il y a moins d’un an, un canif très fin muni d’une tige métallique qu’on peut fixer à sa poche comme un stylo, 10 levas (5€). Au premier plan, des caméras sur pied, derrière sur un tréteau, des appareils-photos anciens d’un modèle soviétique inconnu de nous, au loin la statue du « Victor Hugo » bulgare. Encore plus loin, un groupe de statue de bronze aux silhouettes massives et rugueuses sur une pelouse.

Église russe saint Nicolas

Tournant le dos à Alexandre Nevski, nous nous dirigeons vers le centre-ville, passant devant la jolie église russe Saint Nicolas (1900) aux frises vernissées bleues aux toits brillants et aux bulbes dorés. On passe devant le Musée d’Histoire Naturelle : le squelette d’ un éléphant d’Inde se tient sur ses deux pattes postérieures.

 

Le beau bâtiment jaune aux stucs blancs de la Galerie Nationale se trouve devant un beau jardin où on s’attable pour le premier apéro des vacances. Leçon de Bulgare frappé pour café frappé et vino pour vin. Pour moins de 6levas (3€) nous faisons une pause confortable dans un café chic.

Première priorité : distributeur de monnaie. Curieusement les banques les plus répandues sont les banques grecques Pireus ou Emporiki. Par chauvinisme on va à la BNP (pas de distributeur).

Déjeuner rue Saborna dans un self service qui ne paie pas de mine mais qui doit quand même être chic au vu des magasins qui l’entourent, Cartier est juste en face. Aubergine farcie et une sorte de Moussaka avec des poivrons jaunes et une salade mélangée : concombre, chou et carottes dans du yaourt (8.70 leva). Les passants de cette rue bordée de boutiques de luxe n’ont pourtant aucune prétention à l’élégance : hommes en short bermuda et grosses sandales et à peine mieux pour les femmes.

Sofia : Musée des icônes dans la crypte d’Alexandre Nevski

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les saints cavaliers Démétrios et Georges

A 10h, la crypte d’Alexandre Nevski ouvre ses portes.

Ce musée des icônes renferme une collection, bien mise en valeur dans cette crypte par un bel éclairage. Malheureusement très peu d’explications sont données, seulement la date, le titre et l’église d’où elles proviennent.

Les icônes sont plus récentes que celles que nous avons admirées en Crète récemment. Les plus anciennes datent  du 18ème mais la plupart 19ème . Elles sont originales, différentes des icônes grecques que nous connaissons ou des fresques roumaines. Plus naïves, plus colorées. Les têtes de Saint Georges et de Saint Démétrios sont disproportionnées, comme celles de Jésus et de la Vierge. Les tons sont très vifs : rouge tranche sur orange avec deux bleus francs.

Entrée à Jérusalem

Saint Georges de Yoanina est très original avec sa jupe plissée comme les fustanelles des evzones. Dans le coin, un ange lui lance un collier de perles un peu comme s’il l’attrapait au lasso.

jugement de Pilate

Un Jugement de Ponce Pilate est tout à fait intéressant : les personnages brandissent de sortes de cartons, un peu comme des bulles de BD . Sur un trône, un personnage coiffé d’un turban est vautré dans un coin Jésus, mains liées, est assis sur un tabouret. Au milieu du tableau se tient un personnage énigmatique – une femme ? – La profusion de coiffures exotiques, turbans, chapkas, bonnets, toques, et barbes donne une atmosphère orientale.

 

La Vierge Source de Vie est un thème que nous avons vu récemment en Crète à Aghia Triada, près de Hania. La Vierge Crétoise occupait le centre du tableau, ici elle a été recouverte de dorures qui se sont effacées sa silhouette est évanescente tandis que la fontaine luxuriante se déverse dans un

Sofia : Alexandre Nevski et Sveta Sophia

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Cathédrale Alexandre Nevski

Notre première visite est la Cathédrale Alexandre Nevski, emblématique de Sofia.

Tout un enchevêtrement de dômes et coupoles verts ou dorés qui ondulent, surmonte un édifice de pierre blanche ciselée, avec des bandeaux en frise comme certaines églises de  Roumanie.

Le narthex est revêtu de mosaïques Art Nouveau aux couleurs pastel qui me rappellent celles de la cathédrale de Liepaja (Lettonie) construite à la même époque 1904 de dimensions analogues.

les marbres de la cathédrale Alexandre Nevski

L’intérieur de l’édifice est très sombre. Un grand lustre est entouré de 4 moyens et d’autres plus petits, seuls deux d’entre eux sont allumés. Les vitres translucides des ouvertures verticales ne dispensent que peu de lumière. L’iconostase, la chaire, les baldaquins sont très richement ornés et faits de marbres précieux. Le marbre blanc de l’iconostase est rythmé de colonnettes de marbre vert et de porphyre. Il est ciselé de motifs variés de pampre de vigne, d’oiseaux de paons. De nombreux animaux sont sculptés : taureau, aigle, lion (pour les évangélistes). Toute la hauteur des tambours des dômes sont peints de grandes fresques – entre pompier et symbolistes – qui ne me disent rien. Il règne dans cette église une curieuse ambiance : peu de fidèles, plutôt des touristes mal fringués, un groupe d’Israéliens avec une palestinienne voilée, une famille va embrasser les icônes mais laisse le petit garçon au volant de sa voiture électrique. Cette église plutôt russe au nom d’un guerrier russe du 13ème siècle est un peu étrange.

Sveta Sophia

L’église de brique Sveta Sofia  est l’antithèse de la grande cathédrale. D’abord, elle est très, très ancienne. C’est elle qui aurait donné son nom à Sofia.  Fondée au 4ème siècle d’après des panneaux, de Justinien selon le Petit Futé. Bâtie en brique rouge aux lignes très simples contrairement aux dômes et coupoles. Aussi lumineuse que sa voisine est sombre. Impression d’espace, de respiration mais aussi de recueillement. Son plan en croix s’apparente à celui d’une église latine. La nef est très haute, très lumineuse, d’une grande sobriété. Une belle animation règne dans les parages. Des femmes habillées de belles robes brandissent des bouquets. Un taxi livre des boites de gâteaux. Un baptême vient  de se terminer. Une vieille dame en long manteau et en fichu toute courbée vide les fons baptismaux en étain dans un seau en plastique blanc. Le pope vient chercher une nouvelle bouteille de vin et une d’huile de tournesol (ordinaire). Une nouvelle famille se présente avec une jolie petite fille en robe rose imprimée. A la tribune, une chorale de femmes chante. Les gens allument de fins cierges les uns aux autres.

Un guide raconte à des touristes italiens que cette église est préférée des Bulgares: elle a toujours été un lieu chrétien et c’est là qu’ils préfèrent effectuer leurs cérémonies familiales. Ce n’est pas tout à fait vrai. Sveta Sofia fut transformée en mosquée au 16ème siècle. La basilique byzantine fut détruite et reconstruite à plusieurs reprises (1818 – 1859), la dernière restauration est très récente.

Devant l’église Sveta Sofia une inscription en Latin et un texte en Grec attirent mon attention : ce sont les Edits de Lactance (311), premier acte de reconnaissance du christianisme par l’empereur  Galerius à Serdica (nom romain de Sofia) où il était en cure. Cet édit a été proclamé dans la capitale Nicomédie  devant les 4 Augustes Galerius, Maximus  Daia, Lucinus et Constantin, deux ans plus tard en 313 fut proclamé d’Edit de Milan.

Odessa Transfer – Chroniques de la mer Noire – Collectif ed. Noir sur Blanc

BALKANS/

Le soir de notre retour de Crète, sur Arte nous avons visionné le documentaire :Seuthès, le roi Thrace, et c’est ainsi que notre voyage en Bulgarie s’est décidé! Depuis je n’ai pas quitté les Balkans (tout en restant dans ma chambre). Premier voyage cinématographique, onirique et envoûtant Le Regard D’Ulysse d’Angelopoulos qui m’a emporté par taxi, train et même péniche à travers la Grèce,  l’Albanie, la Macédoine, la Bulgarie et la  Roumanie pour arriver à Sarajevo en pleine guerre. Second voyage sur les mêmes itinéraires avec Maspéro dans Balkans-Transit illustré par Klavdij Sluban.

Odessa transfer m’offre un périple autour de la Mer Noire dans le même registre. Cet ouvrage rassemble 14 textes écrits par 14 auteurs différents, rangés dans l’ordre des aiguilles d’une montre.

Le voyage commence en Géorgie à Batoumi « BATOUMI: UNE VILLE A L’ODEUR DE FUITE » d‘Aka Morchildazé. Reportage? texte poétique?Pas plus que les autres textes, j’arrive à le définir.

EAU AMERE (Istanbul et la rive turque de la mer Noire) d’Eminé Sevgi Özdamar est une sorte de méditation à la suite de l’assassinat de Hirant Dink à Istanbul. » Mer Noire, Mer Noire, Ta mer est devenue Noire«  Ece Ayhan. Méditation poétique, souvenirs anciens d’une mer hospitalière, dispensatrice de bonheur alors qu’Arméniens, Grecs, Turcs se parlaient : « Dans le fond de mon sein , tout au fond de moi, entre les algues il y a une vieille femme morte qui s’appelle Kiriaki Sergianadou. Écoutez vous trois cette vieille Grecque du Pont chanter une chanson populaire en turc. … » Elle m’appelle (dit la Mer Noire) Efksinos Pontos . Efksinos signifie qui donne le bonheur…..Eminé, la Turque, retrouve le langage de la Mer Noire à Thessalonique, la Grecque et pleure l’Arménien assassiné.

SUR LA ROUTE D’ISTANBUL  est une sorte de carnet de route d’un journaliste polonais, Andrzej Staziuk, qui se souvient qu’autrefois Pologne et Lituanie s’étendaient jusqu’à la Mer Noire combattant les Ottomans. Toujours à cheval, dans les steppes... »pas des chevaux de mer : des chevaux cosaques, tatars, turcs, sarmates, scythes ou mongols »..…,mélangeant le Baroque et le byzantin…

L’ÎlE DES BIENHEUREUX racontée par Sybille Lewitscharoff, au large de la Bulgarie entre Burgas et Varna existe-t-elle vraiment? « elle a surgi de la mer une nuit, alors que les mortels ordinaires ignoraient tout du malheur et de la haine que les Bulgares attireraient bientôt sur leurs têtes ». Qui est donc Haralampi Oroschakoff? le texte se termine avec de déroutants Macédoniens…..

Takis Theodoropoulos raconte LA CONQUÊTE DU PONT EUXIN, je me retrouve en pays de connaissance : Jason, les Argonautes, Médée sont des personnages familiers. 

« Pour quelle espèce de raison la poésie grecque, et ce depuis ses tout  premiers pas, a-t-elle à ce point surestimé la figure d’Ulysse, et n’a-t-elle fini par s’intéresser à celle de Jason que des siècles plus tard? »

Euxeinos (hospitalier) ou Axeinos la Mer Noire?La mer familière aux Grecs est la Méditerranée, l’Égée avec toutes ses îles.

Theodoropoulos raconte aussi l’Anabase (le seul texte que j’aie déchiffré en VO) ….

PONTOS AXEINOS est le titre du texte de Mircea Catarescu, écrivain roumain qui, de Constanta  évoque la figure d’Ovide exilé là. Ovidiu, prénom si répandu en Roumanie, ….devant une Mer Noire prise dans les glaces. Écrivain des métamorphoses.

Justement, MÉTAMORPHOSES est le titre de la nouvelle suivante d’Attila Bartis, Roumain d’expression hongroise, ou Hongrois(?) (Le canal du Danube et la péninsule Balkanique) en est le sous-titre, évoquant Kafka dès les premières lignes. Kafkaïenne est l’entreprise de travail forcé comparée à la tectonique des plaques censée engloutir la péninsule balkanique. Griffonnages sur la relégation d’Ovide, griffonnages sur l’empire ottoman, griffonnages sur divers centres d’intérêt, griffonnages qualifie-t-il ses écrits qui auront pour titre Métamorphoses et non pas La Métamorphose, clins d’œil à Ovide et à Kafka.

L’ÉTÉ DES SCARABÉES DE 2 MAI (le littoral roumain de la Mer Noire) de Katja lange-Müller est une nouvelle plutôt pessimiste.

Nicoleta Esinencu est Moldave et écrit en vers 7km(de Chisinau au septième kilomètre) raconte les mécomptes des Moldaves qui ont vu leur vie se compliquer, les tracasseries administratives les empêchant de rejoindre la Mer, les divers trafics…

Karl-Markus Gauss, écrivain autrichien, évoque Odessa dans L’INCESSANTE MIGRATION

« Décision fut prise en 1794de faire jaillir de terre une ville où l’on attirerait des représentants de nombreuses nationalités grâce à de multiples privilèges – liberté religieuse… »

Habitée par des Russes, des Juifs, des Arméniens, des Grecs, des Ukrainiens, des Bulgares, des Allemands, classique pour la Mer Noire, mais aussi des Levantins, des cubains, des Africains, Coréens et Malais…. cosmopolite ,berceau des génies de la musique son marché aux légumes est tout aussi coloré!

LE PASSEPORT DE MARIN (la côte de la Crimée) de Serhiy Zhadan est une nouvelle mettant en scène des jeunes perdus entre trafics et  beuveries, des ouvriers moldaves abandonnés dans un chantier arrêté. Assez désespéré ce futur post-soviétique!

Soviétique ou Post-soviétique, LES ENFANTS D’ORLIONOK  de Katia Petrovskaïa? Un camp de jeunes pionniers dans la grande tradition pédagogique de Nadejda Kroupskaïa avec ses spoutniks, ses enfants-garde-frontière les « Guetteurs« , le « camp des Komsomols » et pourtant les éducateurs sont des soutiens de Poutine et le texte est contemporain.

Enfin, un dernier reportage sur l’Abkhazie referme le tour de la Mer Noire. UNE CHANCE DE REJOINDRE LE MONDE  de Neal Ascherson analyse la situation de ce micro-pays entre Géorgie et Russie. J’aurais été bien incapable de situer l’Abkhazie avant de lire ce livre.

Dans mon résumé j’ai oublié de signaler les très belles photos en Noir et Blanc – c’est aussi le nom des éditions – panoramiques pris sur les plages de la Mer Noire. Elles ne correspondent  pas toujours au pays des textes où elles sont intercalées. Qu’importe si les parasols et les baigneurs bulgares se trouvent entre la Crimée et la Moldavie?

C’est un livre que je rendrai à regrets à la bibliothèque. Un livre que j’aurais aimé garder, relire au retour de  notre visite à la Mer Noire. Extraordinaire diversité et en même temps parfaite cohérence dans la construction. Chaque texte est à sa place et la lecture n’est jamais décousue. Poésie et reportage, reportage et roman, imaginaire et réalité.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Comitadjis – Albert Londres

LIRE POUR LES BALKANS

LES COMITADJIS (le terrorisme dans les Balkans) (1932) dans les ŒUVRES COMPLÈTES d’Albert Londres présentées par Pierre Assouline Arléa est un texte court d’une cinquantaine de pages.

Tout d’abord, c’est une lecture fort plaisante : le style incisif, l’inventivité, l’humour d’Albert Londres, font d’un reportage vieux de 80 ans un livre qui n’a pas vieilli malgré les changements historiques. Des chapitres courts, parfois une demi-page, des phrases courtes, un rythme d’enfer. Londres met en scène les Comitadjis – combattants de lOrim (Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne) – dans leur milieu naturel : les quartiers de Sofia, la montagne et les capitales européennes, avec une précision dans les détails, cinématographique.

Lecture historique :

L’Orim est née en 1893 dans le but de délivrer la Macédoine du joug turc, crée par deux instituteurs de langue bulgare Damian Groueff de Monastir et Péré Tocheff de Prilep. L’insurrection fur déclenchée en 1903. La réaction du Sultan fut terrible, les Bachi-bouzouks se rendirent coupables des pires exactions:

…..« On promène des têtes. A des cous pendent des colliers d’oreilles…. »

… »vaincues les bandes déplumées ont gagné les hauteurs, refuge des grands oiseaux. Sur leurs ailes étendues dieu voit le sang qui sèche.

   Tels étaient les Comitadjis de l’An III du siècle XX. »….

Après la lecture de Kazantzaki, je ne suis pas tellement dépaysée. D’ailleurs c’est Zorba qui m’a fait connaître les Comitadjis et c’est dans guerre entre Grecs et Bulgares que le héros découvre la triste inanité des luttes fratricides au nom de la patrie:

« ….La patrie, tu dis…tu crois ces balivernes que racontent tes bouquins. C’est moi que tu dois croire. Tant qu’il y aura des patries, l’homme restera une bête, une bête féroce…Mais oui, dieu soit loué! je suis délivré, c’est fini! »… Alexis Zorba, Kazantzaki

La suite de l’histoire des Balkans est plus confuse. En 1912, Bulgarie, Grèce, Serbie et Monténégro déclarèrent la guerre à la Turquie qui fut battue. mais la Macédoine fut coupée en trois morceaux attribués à la Bulgarie, la Grèce et la Serbie.

Dans le camp des vaincus de la Première Guerre Mondiale, la Bulgarie perd l’occasion de réclamer la part de Macédoine qu’elle revendique; « Le traité de Neuilly a consacré le droit des Serbes », analyse Londres. Il s’en suit en Serbie une serbisation des macédoniens, suppression des écoles bulgares, modification des patronymes, interdiction de la langue bulgare….Les comitadjis poursuivent la lutte, l’ennemi n’étant plus le Turc mais la Serbie. « Repoussant les raisons d’Etat; bousculant les sages, piétinant la diplomatie,  ce sont eux qui, en pleine paix, franchissaient la frontière yougoslave,  portant chez l’ennemi le fer et le feu, incendiant les villages…. »

Mais en 1924, l’Orim se scinde, un nouveau chef apparait et fait régner en Bulgarie une vraie Terreur Blanche. De montagnards haidoucs, les comitadjis se modernisent, deviennent citadins, l’organisation devient un véritable gouvernement parallèle au gouvernement bulgare officiel. Coexistent le gouvernement du roi de Bulgarie qui lève ses impôts et gouverne, et l’Orim qui lève aussi ses impôts, réquisitionne des véhicules,  a sa justice, fait régner son ordre, assassine les opposants, et qui a même ses représentants à Vienne ou en Italie…et cette situation perdure des années puisque le reportage d’Albert Londres eut lieu en 1932.

J’avais déjà compris en lisant Balkans-Transit de Maspero, que les Balkans étaient un mélange complexe de populations. J’en ai une confirmation historique. De quelle Macédoine se revendiquaient les comitadjis? De Salonique à Sofia, Skopje ou Monastir? Les comitadjis étaient ils bulgares ou macédoniens? On voit donc en germe les conflits de la fin du 20ème siècle.

Analyse du terrorisme

Une autre lecture d’Albert Londres est possible. Sans s’attacher à l’histoire des Balkans, on peut aussi admirer la façon dont le journaliste démonte les rouages d’une organisation « secrète », comment elle recrute, enrôle des miséreux, joue sur la pauvreté, comment elle rançonne, comment elle garde une certaine légitimité auprès de la population malgré son caractère délictueux. Comment elle est gardienne de la moralité. Comment aussi, la faiblesse des institutions étatiques et les complicités extérieures autorisent ce double gouvernement. Je pense aux mafias, aux terroristes actuels….

Roman d’aventure, aussi, la façon dont l’enquêteur se mêle aux terroristes, les attend trois midis de suite à l’hôtel….