Philip Guston – l’Ironie de l’Histoire au Musée Picasso

Exposition temporaire jusqu’au 1er mars 2026

Sleeping (1977)

Le nom de Guston ne m’était pas inconnu; je l’avais rencontré à la Fondation Vuitton lors de l’exposition Nymphéas, les derniers Monet et l’Abstraction Américaine en 2018 CLIC

Guston détail du rouge au centre du tableau

Exposé avec Pollock, Rothko, De Kooning, et d’autres. Je me souviens d’un grand tableau rouge complètement abstrait. je l’ai retrouvé au Musée Picasso. 

Avant de peindre des tableaux abstraits, dans les années 50, Guston a peint des grandes fresques murales, des tableaux variés, des œuvres militantes, et il est revenu à la figuration dans les années 70. C’est donc un plasticien très complet, une personnalité américaine marquante que j’ai eu le plaisir de découvrir au Musée Picasso.

Mother and Child (1930)

Philip Guston a tout à fait sa place au Musée Picasso. Mother and Child est exposé en regard de La Jeune fille au chapeau (1921) et les deux tableaux dialoguent parfaitement. On peut aussi noter des analogies avec De Chirico, Max Ernst A propos de Guernica, moins célèbre que celui de Picasso, Bombardement de Guston, traite des horreurs de la Guerre d’Espagne. Il est présenté à côté du cheval du célèbre tableau. 

Bombardement (1937)

La construction de ce tableau rond est impressionnante. On perçoit au centre l’explosion de la bombe tandis que les avions nazis survolent la ville. Au premier plan le personnage au masque à gaz à silhouette de Superman et à la cape rouge symbolise-t-il la mort (ou je fais un anachronisme?)

Esquisse pour une fresque murale – Study for Queensbridge Housing (1939)

Murals 1931 dénonce le lynchage judiciaire de 9 afro-américains accusé à tort de viol. -La fresque fut détruite par un groupe de policiers. En 1932, des peintres muralistes  mexicains José Clemente Oxoco et Siqueiras l’entraînèrent au Mexique pour réaliser des murals. L’exposition présente une vidéo de la restauration de la fresque de Morelia The struggle against Fascism, fresque de 100 m2 recouverte puis redécouverte et restaurée.

Au temps de l’Action Painting

1947 à Greenwich village, Philip Guston s’engage dans l’abstraction en compagnie de Pollock, Rothko et de Kooning. Il fréquente également John Cage et Morton Feldman. De cette époque, il réalise aussi des portraits amusants, plutôt des caricatures. je reconnais Cocteau, Apollinaire, Diaghilev et Poulenc. 

Philip Roth (1975)

Nixon Drawings

En 1969, il rencontre Philip Roth.  A la même époque,  il retourne au figuratif et fait toute une série de 73 dessins Poor Richard  exposés en face des dessins de Picasso : Songes et mensonges de Franco (1937). A propos de Nixon, du Watergate, et de sa propriété de Kaye Biscayn. Les caricatures sont féroces. je remarque les occurrences fréquentes des lunettes carrées de Kissinger. 

Poor Richard!

Je ne peux m’empêcher de penser à Mar-a-Lago de Trump, son golf, qui pourrait maintenant faire une série pareille, insolente et inspirée?

Philip Roth, de son côté a écrit Tricard Dixon et ses copains. Fuyant le scandale, Roth s’installe à Woodstock ainsi que Guston. 

Un mandarin qui joue les crétins

Studio Landscape

En 1970, Guston abandonne l’abstraction; expose des personnages encagoulés, esthétique évoquant la bande dessinée. Cet abandon lui est reproché ce à quoi il répond:

Ses tableaux récents venaient résoudre la schizophrénie dont Guston se sentait affecté : « la guerre, les évènements américains, la violence dans le monde. Quel sorte d’homme étais-je donc, assis chez moi, lisant des magazines, m’indignant de ce qui passait, puis retournant dans mon atelier pour accorder un rouge et un bleu »

Autoportrait peignant dans son atelier

Le rose qu’il emploie est une sorte de provocation : il déclare que le rose est la couleur la plus vulgaire symbolisant la bêtise. Guston se représente coiffé de la cagoule du KuKluxKlan qui symbolise le mal. Etrange inversion qu’il compare à la situation d’Isaac Babel se retrouvant avec les cosaques instigateurs des pires pogroms. 

La dernière salle de l’exposition : Un monde tragicomique montre un grand tableau Black Sea 

 

Black Sea

Guston se souvient de ses origines. Né Goldstein à Montréal, d’une famille de Juifs d’Odessa dont est originaire Isaac Babel. La Cavalerie Rouge serait pour le peintre « une tragicomédie où les idéaux se fracassent contre les murs du réel dérisoirement prosaïque » l’énorme fer à cheval serait un monument à l’écrivain de la cavalerie rouge. 

J’ai découvert un artiste dont je me sens (modestement) terriblement proche, entre Roth, Babel, Pollock et Rothko. Lutte anti-apartheid, fresques sociales. Musique de Cage. Toute une Amérique qu’on aimerait voir se lever contre les horreurs actuelles.

Le MAC VAL a 20 ans – Forever young

Forever Young : exposition collective jusqu’au 4 janvier 2026

Chadine Amghar : monument trottinettes emballées, parpaing, pigeon baguette de pain emballée

« A l’occasion du vingtième anniversaire de l’ouverture au public du MAC VAL l’exposition « Forever young » se tourne vers le futur : elle réunit 20 jeunes artistes pour quoi la rencontre avec le MAC VAL a constitué un moment pivot, un tournant dans leurs parcours artistique. 

Fréquentation et compagnonnages sont peut être les maîtres-mots de ce projet. En effet, elles et Ils ont grandi près et avec le MAC VAL » (extrait du texte du commissaire de l’exposition)

Maïlis Lamotte-paulet : goudron, téléphone, bonbons, télévision, nike air….

…Proche voisinage.  J’aime visiter le MAC VAL, où je me sens presque « chez moi » il y règne une ambiance amicale d’ouverture sur la ville de Vitry, sa population mélangée, le Street-Art dans les rues, le marché du samedi, et non loin, un collège où j’ai enseigné autrefois. Musée d’Art Contemporain très accessible. Ce qui est paradoxal. Pas de snobisme. Des visites guidées passionnantes.

Coco de RinneZ devant son autoportrait en Marylin de Warhol.

J’ai eu le grand plaisir d’échanger quelques mots avec la photographe Coco de RinneZ qui s’est « autoportraitisée » en Che Guevara, Basquiat, ElisabethII d’Angleterre, Frida Kalho, Basquiat, Bob Marley, Polnareff marquant ainsi les identités multiples dépassant les catégories de genre, de race, de culture.

Coco de RinneZ : autoportraits
Coco de RinneZ : autoportraits

je n’avais pas remarqué la série de peintures faciale. C’est Coco elle même qui me les a montrés. Encore plus de cosmopolitisme. Et cela va très bien à Vitry!

Mario D’Souza : Home away from Home

L’installation de Mario D’Souza est plus énigmatique : sur trois tapis fleuris l’artiste a disposé des tissus de couleur vive pliés, des cadres contenant des dessins, des oiseaux en bois, et des répliques de fruits exotiques. Devinette : d’où proviennent tous les objets? Un texte en sanscrit nous donne un indice : Mario  D’Souza est né à Bangalore. Home awimpray from Home illustre-t-il l’exil ou le cosmopolitisme?

Dessins de Mario D’Souza : mains cueillant des fruits

Rebecca Topakian née à Vincennes nous transporte avec ses photos en Arménie d’où est originaire sa famille. Certaines sont imprimées sur de curieux supports en verre ou en pierre. 

La chambre rouge de Maïlis Lamotte-Paulet (voir plus haut) est plus énigmatique. Quelle chambre a son sol en goudron? et ces parpaings emballés dans des sacs plastiques roses? Le rose fait girly, le rouge, bordel, bonbons, grenades et jus de fruit sur l’écran de télé, étonnent. Se trouve-t-on dehors ou dedans? Feuilletage des métaphores a dit le conférencier. 

Agitatrice de Chadine Amghar

Agitatrice cette planche à repasser recouverte de Toile de Jouy? L’écharpe d’un club de foot marocain montre l’ambiguïté de cet accessoire normalement féminin, ambiguïté aussi de la double culture franco marocaine. Chadine Amghar détourne les objets ménagers ainsi que les trottinettes emballées dans du polystyrène : monument à la mobilité douce ou au contraire emballage de ces trottinettes décriées. La présence des pigeons est aussi contradictoire : les pigeons, comme les trottinettes sont des malaimés. 

Jordan Roger : Burn them all

Le gentil château de conte de fées en céramique pastel suggère le Chateau de Disney. A première vue, il est bien enfantin et innocent. Si on le regarde mieux, il brûle des flammes de l’enfer. Des inscriptions assassines se découvrent ensuite. C’est une dénonciation de l’homophobie : des contes de Disney où les gays sont les méchants. Rejet même dans la famille de l’artiste qui lui a fait barrer le Roger de son nom.

Je n’ai pas pu étudier, photographier les autres installations. Dommage. A vous de faire le déplacement à Vitry!

Evidemment, il y a aussi les collections permanentes avec des œuvres nettement antérieures. Parmi les noms les plus connus Annette Messager, Agnès Varda, Etel Adnan…. et bien d’autres.

 

John Singer Sargent (1856 -1925) – Eblouir Paris – Orsay

Exposition temporaire jusqu’au 11 janvier 2026

Madame Pailleron

John Sargent,  arrive à Paris à 18 ans en 1874. Carolus-Duran impressionné par la qualité de ses dessins l’admet dans son atelier. Bientôt l’élève surpasse le maître. En 1879, il fait avec Manet le « pèlerinage » au Prado et copie Velazquez, puis part en Hollande avec Helleu pour étudier Franz Hals. L’exposition d’Orsay montre 3 portraits de ses collègues à la manière de Velazquez ou de Franz Hals. 

Portrait de Vernon Lee – historienne de l’art, féministe

Portraitiste virtuose, Sargent est aussi un peintre voyageur : La Bretagne, Venise, Capri lui fournissent des sujets aimables quoique un peu conventionnels et touristiques

J’ai bien aimé ses représentations de musiciens espagnols et de danse de flamenco El jaleo et d’autres danseuses 

El jaleo (Wikipedia)

Peintre-voyageur, ses carnets de croquis de marine sont intéressants .

Frances Sherborne Ridley

Peintre reconnu, il obtient des médailles et expose chaque année au Salon de grands tableaux de belles dames avec de belles robes, ou quatre petites filles à la manière des ménines. Il excelle dans le rendu des tissus, des dentelles ou des tulles fins et mousseux. On imagine les salons mondains du temps de Zola ou de Proust…mais ce ne sont pas les tableaux que j’ai préférés. Je me suis amusée de rencontrer les artistes, ses amis ou collègues : Rodin, Helleu, Monet, Gabriel Fauré

Monet peignant
Helleu dessinant

Mon préféré est la répétition de l’orchestre Pasdeloup

Répétition de l’orchestre pasdeloup

La brillante carrière de Sargent à Paris s’achène par un scandale avec le portrait de madame X, la bretelle de la robe noire qui a glissé a été jugée trop suggestive pour les bien-pensants.

madame X

Ce scandale contribuera à son départ à Londres

David au Louvre

Exposition Temporaire jusqu’au 26janvier 2026

 

Le Serment des Horaces (1784)

À l’occasion du bicentenaire de sa mort en exil à Bruxelles en 1825, le Louvre consacre à David une grande exposition. Exposition sans surprise : les tableaux majeurs sont au Louvre dans les collections permanentes. La plupart des tableaux présentés ici sont très connus, illustration des manuels scolaires. L’intérêt de cette rétrospective est de retracer la carrière du peintre et montrer son engagement politique comme citoyen pendant la Révolution puis son attachement à Bonaparte/Napoléon.

Bélisaire demandant l’aumône

De Paris à Rome (1770 -1779) et de Rome à Paris (1780 – 1783) et même Rome contre Paris

Lauréat du Grand Prix (après 3 échecs) David part à Rome où il peint de grands tableaux antiques, très classiques. Les premiers ne séduisent pas. Il découvre ensuite Caravage, Ribera et se détache du goût « rocaille » pour des compositions très théâtrales comme le Serment des Horaces

Ces grands tableaux sur des sujets antiques sont interprétés par d’autres peintres. Bélisaire a été copié pour un autre commanditaire, mais aussi peint par Vincent (1776) et Peyron (1779). Parmi les autres tableaux antiques  il y a aussi La Mort de Socrate ou La Douleur d’Andromaque.

En plus de ces tableaux héroïques on voit plusieurs versions des Amours d’Hélène et de Pâris (1789). J’ai noté déjà le goût pour le mobilier antique (lit annonçant le mobilier « empire » et le soin dans la peinture des draperies. 

David portraitiste : l’épure sans concession

Dans ses portraits David n’enjolive pas , il fait des portraits réalistes de membres de sa famille. 

David dans la Révolution (1789 – 1792) –

Le serment du Jeu de Paume (étude)

David plutôt que de peindre l’héroïsme comme dans  la Rome antique, s’engage dans l’action politique. Il a ébauché un énorme tableau du Serment du Jeu de Paume (10 mx 6 m) qui est resté inachevé, les personnages sont esquissés seul quatre d’entre eux ont les visages peints, sans doute pour faire appel à une souscription. Curieusement il a dessiné les personnages nus avec un soin particulier pour la musculature. Pourtant sur le projet ci-dessus on les voit bien habillés. 

L’énorme tableau inachevé

– Auprès de Robespierre (1792 -1794)

 

Avec le rapprochement avec Robespierre, David se radicalise. Elu député de Paris à la Convention , il fait aussi partie du comité de Sûreté générale et est ordonnateur de grandes festivités . Avec la mort du roi, un culte des martyrs de la liberté  illustré par La Mort de Marat présenté avec solennité en trois exemplaires . Cette représentation est presque christique.  Un autre martyr est le jeune Bara
La mort du jeune Bara

Pour sa participation à la Terreur, David est incarcéré et a peint cet autoportrait

Autoportrait

Revenir sur le devant de la scène (1795 -1800)

Survivant de la Terreur, épuisé, David se remet au travail sans attendre l’amnistie et peint des portraits. Le plus connu est celui de Mme Récamier

Madame Récamier

 

Les Sabines montrent les femmes faisant cesser les combats et appelant à la réconciliation. Les femmes ne sont plus passives comme dans le Serment des Horaces. Elles sont venues avec leurs enfants. Hersilie, au centre du tableau s’interpose entre son père Tatius, roi des Sabins et Romulus, identifié par son bouclier.

les Sabines

« je vous aime David »/ »Bonaparte est mon héros »

David rencontre Bonaparte en 1797. Il fera des portraits . J’attendais le Sacre il n’est pas dans l’exposition! En revanche une série de portraits en 1812 de l’empereur peuvent être observés avec attention. L’heure à la pendule 4h15, les bougies consumées suggèrent que Napoléon a travaillé toute la nuit et le résultat est une accumulation de lettres et rouleaux de papier…

Exil à Bruxelles (1816 – 1825)

Mars terrassé par Vénus et les Grâces

David ne m’attirait pas tant que cela, les tableaux sont archi-connus pour la plupart. Mais l’exposition a piqué ma curiosité et présenté le personnage engagé en politique, même si souvent j’ai préféré les tableaux de ses rivaux comme le grand Jupiter et Thétis d‘Ingres faisant face à Mars terrassé... De même j’ai préféré la version de Gérard pour Psyché et Amour

 

Amazônia – Créations et futurs autochtones – au Quai Branly

EXPOSITION TEMPORAIRE jusqu’au 18 janvier 2026

coiffe de plume

Avec la COP 30 à Belem, l’Amazonie est d’actualité, occasion d’aller faire un tour au Quai Branly pour cette présentation des Autochtones d’Amazonie. 

En 2021, à la Philharmonie de Paris s’était tenue une exposition immersive des photographies de Salgadosur la musique de jean Michel Jarre  CLIC Somptueuses vues aériennes de la forêt et des fleuves, nuages….

peinture faciale

Au Quai Branly le propos est ethnologique : c’est une présentation de la richesse et de la diversité des populations autochtones dans cette région immense s’étendant sur 9 pays, où 300 langues sont parlées. Il s’agit de déconstruire les clichés et les idées reçues. 

Mogahe Gihu – Abel Rodriguez Valse

L’Amazonie, une forêt vierge ? Cette première idée préconçue  que la forêt serait un enfer vert, difficile d’accès, peu peuplé, est battue en brèche par l’archéologie. 5 vidéogrammes montrent le travail des archéologues sur un site habité depuis 6000 ans. Les fouilles montrent des vestiges d’une civilisation très ancienne. Des photographies aériennes mettent en évidence des fossés creusés, d’anciennes voies de communications, tout un réseau reliant des villages. Habitée depuis 9000 ans, l’Amazonie n’est pas une terre vierge mais peuplée au XVIème siècle de 8 Millions d’habitants. 

le territoire des ancêtres

L’exposition montre une Forêt-jardin façonnée par les hommes qui ont géré de façon durable la forêt, soignant le milieu naturel avec une connaissance très fine de ses ressources végétale mais aussi animales. 

A l’entrée de l’exposition : coiffes des jeunes garçons et installation

Créer la forêt, habiter les mondes 

Les mythes amazoniens mettent l’accent sur la transformation, dynamique créatrice qui ne s’arrêt jamais. Les humains ont la responsabilité de poursuivre la création du monde à travers des savoirs chamaniques, des cérémonies et des rituels.

.

De nombreux objets colorés de plumes colorées, d’écorces, de fibres : coiffes, masques, labrets sont présentés

Couronne de plumes

mais certains confectionnaient aussi de très belles poteries pour toutes sortes d’usages : culinaires, funéraires, ou même des jouets, poupées pour les petites filles.

coupe en terre cuite

Fabriquer les humains

Contrairement à nos conceptions occidentales la frontière entre les humains et le monde vivant qui les entoure est très floue. A sa naissance il faut « fabriquer » les « vraies personnes » au cours de cérémonies de nomination, de rites de passage et d’initiations. Les corps sont façonnés avec des peintures très sophistiquées très signifiantes. Les graphismes remplissent plusieurs rôles exprimant les phases de la vie, le deuil …

Peintures corporelles

L’exposition montre des sceaux pour décorer des motifs géométriques. Une mandibule de carnivore aux dents acérées est un scarificateur. Des labrets vont transformer les lèvres. Certains masques spectaculaires en vannerie sont de taille impressionnante.

L’ennemi, les morts, les Blancs

la guêpe qui coupa la queue des hommes

Le statut d’humain n’est donc pas figé, un membre de la communauté peut devenir un esprit ou un animal. Les pratiques chamaniques intègrent aussi les rêves. Avec des cultures aussi riches et sophistiquées on est très loin des idées « civilisatrices » de la colonisation qui introduiraient la « modernité » .

Le collier des ancêtres

Au contraire, nous avons beaucoup à apprendre de ces manières d’habiter le monde.  

Et pour le plaisir, j’ai trouvé sur Internet les extraits du concert Aguas da Amazonia, de Philip Glass

 

Kandinsky La Musique des Couleurs à la Philharmonie

Exposition temporaire jusqu’au 1er février 2026

..Composition

Avant tout, équipez vous de l’audioguide qui se déclenchera au moment opportun devant chaque œuvre! Mais une fois que j’ai eu l’audioguide et le smartphone dans l’autre main pour les photos, je n’ai pas pu prendre de notes comme à l’accoutumée. Je vais donc illustrer la B.O. !

La B.O.

• Richard Wagner, Prélude de l’opéra Lohengrin, 1850

le plus russe des œuvres présentées?

• We praise Thee (chant russe orthodoxe)

Toussaint

• Arnold Schönberg, Trois pièces pour piano opus 11. Mässige (modéré), 1909

Arnold Schoenberg

• Arnold Schönberg, Quatuor à cordes en fa dièse mineur opus 10. Mässig (modéré), 1907-1908

Le Concert avec le piano de Schoenberg

• Alexandre Scriabine, Poème de l’extase opus 54, 1907

• Modeste Moussorgski, Tableaux d’une exposition, 1874

• Johann Sebastian Bach/Anton Webern, Ricercata (Fugue à six voix), extrait de L’Offrande musicale BWV 1079, 1935

Fugue

• Hanns Eisler, 8 Klavierstücke opus 8, n° 7 andante, 1925

• Alban Berg, Concerto « À la mémoire d’un ange », 1935

..

 

La visite se déroule donc en musique. En plus des tableaux sont présentées aussi des études, des dessins, et de grandes animations en musique projetées sur de grands écrans, il semble qu’on voit le tableau se construire en rythme, des triangles, des cercles bougent, dansent, changent de place. Les Tableaux d’une expositions ont été mis en scène à Dessau à l’école du Bauhaus. Curieuse mise en abyme d’une exposition de peinture que Moussorgski met en musique et qui inspire Kandinsky pour une nouvelle mise en peinture, couleurs synesthésiques? formes dansantes? Architecture. Une autre projection XXL sur un écran : le Salon de musique (1931) conçu pour l’exposition d’architecture de Berlin . 

Composition X (1939) écoute : à la mémoire d’un ange – Alban Berg

Agnès Thurnauer – Correspondances – Musée Cognac Jay

 marie Thérèse de SavoieExposition temporaire jusqu’au 8 février 2026

Emmanuelle Kant « Portrait Grandeur Nature « et Angelica Kauffmann Autoportrait en bacchante

Le Musée Cognac Jay réunit les collections XVIIIème siècle des fondateurs de la Samaritaine.  Rue Elzevir, non loin de Carnavalet dans un joli hôtel particulier, l’hôtel Donon. Les pièces d’exposition sont particulièrement soignées avec des boiseries d’époque. Les tableaux et bibelots sont présentés avec des meubles précieux . Même hors exposition la visite des collections permanentes vaut la visite. 

Salon Boucher une des plus belles pièces du musée

Dans Correspondances, Agnès Thurnauer projette un éclairage contemporain sur l’art du 18ème siècle et plus particulièrement sur cette période-clé où les femmes peintres, comme Vigée-Lebrun, savantes La marquise de Chatelet ou Madame de Staël ont su s’imposer dans un monde masculin. Deux « Portraits Grandeur Nature » EMMANUELLE KANT et FRANCOISE BOUCHER  gros badges comme des pins monstrueux donnent le la. Exposition radicalement féministe. 

Un merveilleux Canaletto est accompagné de 7 petits tableaux de nuages avec l’inscription NOW.  Commentaire de  Agnès Thurnauer :

« une œuvre est plus contemporaine du regard que l’on pose sur elle que de l’époque où elle a été produite »

La plasticienne va orienter le regard du visiteur, établir des Correspondances entre les œuvres du 18ème S. et son travail exposé. 

La salle suivante aura pour thème : Le Corps à l’Œuvre 

Sleepwalker – Vénus de Poncet et au sol matrices de lettres

 Il faut aussi confronter cet ensemble à l‘Odalisque de Boucher où le corps de la femme est livré comme objet de désir. Sleepwalker accumule les mots de l’artiste acrylique … académique … composition… dyptique… et par dessus le texte, le corps de l’artiste, nue de dos apparait sujet et non pas objet . L’artiste s’affirme créatrice et n’a pas peur à se représenter nue. 

Perrette et le pot au lait (détail)

Performance au féminin occupe la salle suivante .

La figure centrale est Perrette et le Pot au Lait de Fragonard présenté ainsi par les Frères Goncourt

« La laitière du pot au lait montre ses jambes et pleure comme une naïade sur son urne brisée »

Regard masculin érotisé. Perrette pleure-t-elle ses rêves de fortune ou sa vertu perdue?

Agnès Thurnauer : Le Corps à l’œuvre

Ce n’est plus une petite fille éplorée mais une femme puissante dont les seins gonflés rappellent le lait perdu. Elle montre ses jambes bien campées au sol. Seules les couleurs sont celles de Perrette!

Lire, Ecrire, Se Représenter

Emilie e Breteuil Marquise du Châtelet

Cette salle met à l’honneur des femmes majeures du Siècle des Lumières. la figure centrale est Emilie de Breteuil, marquise du Châtelet, mathématicienne, physicienne, traductrice de Newton, représentée ici avec un compas. 

Madame de Staël citée sur la cimaise :

Les femmes : « tantôt elle sont tout, tantôt elle ne sont rien. Leur destinée ressemble à quelques égard à celles des affranchis chez les empereurs, si elles ont du pouvoir, on leur rappelle, si elles sont esclave on opprime leur destinée… »

Prédelles entourant Marie Thérèse de Savoie

Agnès Thurnauer expose les portraits d’autres femmes savantes intercalés entre ses Prédelles noter l’homophonie prédelle/près d’elles.

Le Goût du 18ème siècle

Bonheur du jour

nous entrons dans les collections permanentes avec toutes sortes de bibelots, tableautins, médailles, porcelaine de Meissen. Coup de cœur pour les meubles marquetés et surtout les joli Bonheur du Jour. 

Il faudrait aussi montrer les statuettes, les tableaux d’Hubert Robert, de Boucher, Fragonard…..Je ne pouvais pas fair l’impasse sur l’âne de Balaam de Rembrandt

Rembrandt Ane de Balaam

 

Si je n’ai pas été convaincue par toutes les œuvres d’Agnès Thurnauer abusant de procédés répétitifs avec les lettres, en revanche le regard féministe décalé en fait une merveilleuse pédagogue. Elle guide notre regard, nous apprend à interpréter une œuvre. C’est aussi une féministe résolue qui met en avant des artistes un peu oubliées. 

les mondes de Colette à la BnF

Exposition temporaire jusqu’au 18 janvier 2026

le Monde de Colette(1873 – 1954) est vaste et varié. On entre dans l’intimité de la famille à Saint- Sauveur- en -Puisaye, on feuillette l’album photos de Willy, et on découvre les maisons de Colette, Rozven , en Bretagne offerte par Missy, découverte de sa collaboration avec le peintre breton Mathurin Méheut

Plus tard, à Saint Tropez à la Treille Muscate avec les gravures de Dunoyer de Segonzac ou la peinture de Camoin

La Treille muscate Dunoyer de Segonzac

Flânerie dans les paysages de Colette entre photographies, manuscrits, lettres et cartes postales ainsi que beaux livres. On n’est pas à la BnF pour rien.

Série de dessins à la craie de Louise Hervieu

Colette a été très attentive à la nature, aux plantes du jardin,  aux chats et même aux plus petits animaux dessinés ici par Louise Hervieu (1878-1954) contemporaine de l’auteur du Dialogue de Bêtes présenté ici. Un herbier (1949) a été illustré par Raoul Dufy

Un mur est consacré à l‘Enfant et les Sortilèges de Ravel dont Colette a composé le livret en 1925, aquarelle des costumes, photographies de scène de cette féérie-ballet et même quelques moments du spectacle dans une mise en scène récente. 

Colette ne fut pas seulement écrivaine à succès des Claudine promue par Willy. Quand elle se sépare de son mari elle doit gagner sa vie sur scène dans le Music Hall dans le monde et le demi-monde. L’exposition scénarise l‘Envers du Music Hall toujours avec des photographies d’époque, des affiches de spectacles, des portraits de Polaire, Missy, de la Belle Oterocostume de scène du Faune et un portrait de Matisse, de très beaux dessins et même une lettre.

Portrait de Colette par Matisse

« Etes-vous pour ou contre le second métier de l’écrivain? »interroge Colette à propos de l’ouverture de son institut de beauté.

Colette a pratiqué bien plus que deux métiers: saltimbanque, écrivaine, journaliste. Une section entière de l’exposition montre la journaliste qui écrivit dans le Temps et d’autres journaux plus de 1200 articles. Envoyée spéciale au Maroc, à New York… chroniqueuse judiciaire racontant les procès monstres comme Landru ou Violette Nozière, chroniqueuse sportive (c’est plutôt inattendu!).

la vagabonde

S’écrire , Colette se met en scène et en même temps brouille les pistes. Est-elle Claudine(1900)? ou Renée dans la Vagabonde (1910), Léa dans Chéri (1920) Proust qui se racontait aussi l’admirait. 

Une conversation avec Jean Cocteau quand Colette était alitée dans son lit-radeau la montre plaisantant, vantant l’oisiveté…

J’aime toujours ces expositions à la BnF où littérature, édition, arts plastique, photographie sont toujours très bien présentées. Expositions dans le calme sans la foule.

 

Georges Mathieu – Geste Vitesse Mouvement – à la Monnaie de Paris

Exposition temporaire jusqu’au 7 septembre 2025

La bataille de Bouvine (250cmx600cm)

Mathieu est un plasticien familier par le Logo d’Antenne2, le revers de la pièce de 10F, les Affiches d’Air France, le trophée des 7 d’Or

Revers de la pièce de dix francs

C’est aussi le personnage mystérieux qui habitait Rue Léopold II dans un hôtel élégant devant lequel je passait en allant au Lycée Molière, dont nous guettions les apparitions et les voitures somptueuses.

 

 

Cette rétrospective à la Monnaie de Paris me semblait tout à fait à sa place mais je ne soupçonnais pas l’œuvre monumentale. Les trois énormes tableaux de 6 m de longueurs qui occupent la plus vaste salle : La Bataille de Bouvine, Les Capétiens partout, La victoire de Denain m’ont étonnée.

Capétiens partout

 Je n’imaginait pas une telle résurrection de la peinture d’histoire et surtout pas dans cette version abstraite  d‘Abstraction lyrique. Autre originalité : ces tableaux ont été peints en public, en un temps record, avec des mises en scènes spectaculaires. Pour la Bataille de Bouvine; Mathieu était costumé et a fait traverser Paris au tableau sur une carriole.

La victoire de Denain

Le happening a été filmé. On voit Mathieu sauter brandir de très longs pinceaux, comme des lances ou des épées et danser une étrange chorégraphie. Les thèmes m’interpellent comme cet Hommage à Louis XI.Un peu plus loin, une salle entière, L’Attrait du Grand siècle rend hommage au Maréchal Turenne, à Delalande à Vauban, et toute une composition présente Louis XIV  en majesté dans l’appartement de la Rue Léopold II

Louis XIV

Dans la salle intitulée Limbes les œuvres sont plus anciennes des années 40 montrent la proximité avec le dripping de Pollock et avec l’allemand Wols. Un voyage au Japon inspire des calligraphies presque orientales, beaucoup plus sobres noir et blanc avec parfois une touche de rouge. 

la Tour de Villebon

Frédéric Rossif a réalisé un portrait du peintre, lui donnant largement la parole pour qu’il explique sa création et sa théorie de l’abstraction lyrique. Il l’a filmé peignant un tableau : la technique est corporelle et très physique? Il commence à se frotter à la toile imprimant deux bandes colorées de son corps, puis il imprime de grands motifs tournant, sorte de calligraphie. Des gants de toilettes en guise de pinceaux XXL pour des tracés épais, des pinceaux de peintre en bâtiment puis des pinceaux plus fins montés sur de longues tiges. il saute, recule, avance. Enfin il écrase des tubes de couleur (acrylique ou gouache) pour donner du relief. Ecrase, recommence, frotte…C’est une gestuelle surprenante. Improvise-t-il ou a-t-il un plan préconçu? 

La Libération d’Orleans par Jeanne d’Arc, presque figurative

Je suis perplexe : impressionnée par ces oeuvres puissantes Impressionnée mais pas franchement convaincue. D’abord je n’ai aucune empathie pour le personnage imbu de lui-même. Presque à l’égal de Dali.  C’est peu dire! Le génie en moins. C’est aussi répétitif. Décoratif mais répétitif. De plus, l’exaltation des batailles médiévales, du faste des rois, n’est en rien ma tasse de thé. Par tradition, ou par provocation, Mathieu s’affirme royaliste. je fais fonctionner à fond mes convictions anti sectaires, et ouvre mon esprit. Cela ne fonctionne pas avec moi!

En revanche, l’exposition Street Art où 4 plasticiens actuels ont peint les cimaises présentant des oeuvres de plus petites tailles de Mathieu, fonctionne bien.

Niki de Saint Phalle -Jean Tinguely – Pontus Hulten au Grand Palais

Exposition temporaire jusqu’ au 4 janvier 2026

Affiche de l’Exposition – Hon à Stockholm

Exposition d’une collaboration d’un trio : Jean Tinguely (1925-1991), Niki de Saint Phalle (1930 – 2002) , deux artistes et un conservateur de musée Pontus Hulten qui partageait l’« anarchisme joyeux » des deux plasticiens et qui  s’est impliqué pour faire connaître au public les œuvres novatrices et ouvrir les musées à un art ludique et rebelle. 

Gismo ferraiile, roues diverses..

Mieux qu’un mobile qui oscille au vent Tinguely a construit des machines capables de se déplacer, de rouler sur les innombrables roues, de bringuebaler dans un bruit de ferraille. Sculpture cinétique bruyante.

Gismo parade dans les rues de Paris

 

Méta-matic

Méta-matic est une machine créative, sur le rouleau s’inscrit à l’encre le résultat des tressautements, une vidéo montre que les œuvres dessinées  par la machine sont distribuées aux passants.

Tinguely : Le Bal des pauvres

L’exposition du Grand Palais présente ces machines de Tinguely animées pendant quelques secondes. Il suffit d’attendre . Certaines se mettent en marche à grand fracas comme le Bal des pauvres où casseroles et gamelles s’entrechoquent et où la jambe du mannequin ne déhanche. Au mouvement s’ajoute le bruit qui deviendra carrément infernal sur des machines plus volumineuses pour finir avec cet Enfer

l’Enfer

Pontus Hulten a rencontré Tinguely dès 1954 et a donné toute sa visibilité à cette œuvre cinétique au Musée de Stockholm, le Moderna Museet dont il est conservateur pour l’exposition « Rörelese i konsten«  Le mouvement dans l’art(1961).

Nana de Niki de Saint Phalle.

  C’est là qu’il offre à Niki de Saint Phalle en 1966, l’espace pour « Hon-en kathedral » , la sculpture géante de la Nana enceinte allongée  qui accueille le public entrant dans son vagin dans une exposition d’art moderne (des reproductions). Pour la construction de la statue gigantesque Pontus Hulten a mis la main à la pâte, une vidéo raconte cette aventure et toute une salle est consacrée à Hon, affiches, croquis préparatoires et même un  morceau de la géante qui a été démantelée depuis. 

En 1977 Pontus Hulten vient à Paris pour la conception du Centre Pompidou dont il devient directeur et qui accueillera plusieurs expositions majeures  « Le Cocrodrome de Zig& Puce » (1977) « Exposition Niki de Saint Phalle » (1980) et une rétrospective Tinguely (1988-1989).

Jean jacques Rousseau dans la série des Philosophes

Après le décès de Tinguely en Suisse en 1991, avec Niki de Saint Phalle, il réalise le Musée Tinguely à Bâle. 

Une salle entière est consacrée au Cyclop de Milly-la-Forêt que j’ai vu à plusieurs reprises. Il faut le voir sur place pour mieux se rendre compte. CLIC  Comme la Fontaine Stravinsky(1983) œuvre commune  de Niki de Saint Phalle et Tinguely.

Niki de Saint Phalle : King Kong (1962)

Les réalisations de Niki de Saint Phalle sont très variées, violentes et provocatrices comme les Tirs documentés par des vidéos d’époque et deux tableaux résultats de ces tirs. le film de Céline Salette (2024)  Niki CLICdonne des clés pour interpréter cette violence . J’avoue ne pas aimer cette peinture à a carabine.

Accouchement rose

Comme Tinguely, elle assemble des objets de récupération mais sans le mouvement . Ses constructions sont souvent dérangeantes comme cet accouchement rose agglomérant des poupées et jouets, monstres et fibres. King Kong montre la ville de New York menacée par des avions de guerre tandis que les masques des puissants de l’époque Kennedy, Castro, le Général de Gaulle etc…

Inquiétant ce couple ?