Je n’aurais pour rien au monde laissé passer un livre avec un titre pareil! D’autant plus qu’il était chaudement recommandé par Dominique lire ICI
1463, la condamnation de François Villon est cassée par Louis XI, le poète disparait sans laisser de traces. Cette disparition est source d’inspiration pour le romancier qui peut imaginer une suite sans le trahir.
1463, dix ans après la prise de Constantinople. Louis XI veut unifier la France, il entre en rivalité avec l’autorité papale, surtout en Avignon. Le pape Pie II est mort, avec lui, s’évanouit la dernière Croisade. A Florence, au vieux Cosme va succéder Laurent le Magnifique. C’est également le début de l’imprimerie. Et le début de la Renaissance.
François Villon se trouve au centre d’une trame de machinations, au service du roi de France mais aussi des Médicis qui utilisent ses talents pour persuader l’imprimeur Fust de s’installer à Paris
« La copie de la République que Villon vient de tenir entre ses mains, Platon expose comment la cité doit être gouvernée. Ce texte confirme Louis XI dans son dessin politique […..]Le roi de France cherche à affaiblir le pouvoir du Vatican afin de consolider le sien propre. Or, une industrie naissante mine soudain la suprématie papale. A la différence des moines copistes[…]les colporteurs de Fust assurent à leur tour en toute candeur, la distribution d’œuvres clandestines astucieusement maquillées en psautiers ou rituels très catholiques »
L’établissement de l’imprimerie de Fust n’est que la première étape de l’intrigue, il faut imprimer des œuvres de premier plan. Et c’est là qu’intervient la Confrérie des Chasseurs de Livres. Personnellement, je n’aime ni les confréries ni les sectes, encore moins l’ésotérisme. Pour les chasseurs de livres, je ferais une exception.
« le lien invisible d’une passion partagée, une passion vive et intense[…] la passion pour tout ce qui touche les livres» m’est sympathique »sous les auspices de Lorenzo le Magnifique, avec l’argent des facultés dont l’Académie platonicienne… », ils vont chercher « les collections de la confrérie de Jérusalem, qui datent d’avant Rome même […] des historiens latins et des chroniqueurs juifs dont Flavius Josèphe… », les restes de la Bibliothèque d’Alexandrie après l’incendie.
Les aventures de Villon prennent une autre tournure, il s’embarque pour la Terre Sainte, non pas sur les chemins balisés des pèlerins mais para les sentiers détournés de la Galilée, du Lac de Tibériade. Guidé par un gitan et Aïcha la belle Berbère, il rencontre des moines, des rabbins, même un Essénien et se trouve encore au centre d’un autre marchandage, Gamliel le rabbin veut sauver les juiveries dispersées. Contre un manuscrit portant les paroles de Jésus il veut acheter la paix et la promesse qu’il n’y aura plus de Croisades apportant la désolation dans les communautés juives européennes.
La dernière partie racontant les avatars du manuscrit précieux m’a moins captivée que le début du livre. Les textes bien réels des Anciens qui ont marqué l’Humanisme et la Renaissance, m’auraient suffi.
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« Je vais au-devant du soleil…Il flamboie à mes yeux dans les brumes colorées de l’Orient…. »
Nerval est parti à l’aventure, sansaucun plan, aucun programme. Sa relation est une série de récits à un ami dans lequel ajoute des anecdotes et même des contes.
« Tu ne m’as pas encore demandé où je vais : le sais-je moi-même ? je vais tâcher de voir des pays que je n’ai pas vus…. »
Nerval n’est pas parti en pèlerin, comme Chateaubriand ou comme Byron, il ne s’est pas chargé d’une bibliothèque comme Lamartine. Nerval pare des charmes de l’Orient, les rives du Lac de Constance dont le nom évoque Constantinople. Nerval est dilettante, il cherche la bonne fortune, s’attarde sous le charme des belles à Vienne qu’il quittera après une rupture sentimentale. Vienne est-elle encore la porte de l’Orient ? Ou seulement une étape agréable ?
Il embarque à Trieste sur l’Adriatique par un temps épouvantable, fait relâche à Corfou dont nous ne saurons rien, et, après une tempête, aborde à Cythère
« …ma journée a commencé comme un chant d’Homère ! C’était vraiment l’Aurore aux doigts de rose qui m’ouvrait les portes de l’Orient !… »
S’il commence sur le mode lyrique, il ajoute aussitôt :
Embarquement pour Cythère – Watteau
« Pour rentrer dans la prose, il faut avouer Que Cythère n’a conservé de toutes ses beautés que les rocs de porphyre, aussi tristes à voir que de simples rochers de grès. Pas un arbre sur la côte […] pas une rose, hélas ! Pas un coquillage le long de ce bord où les Néréides avaient choisi la conque de Cypris. Je cherchais les bergers et les bergères de Watteau…. »
Mais plutôt que de rester dans un inventaire prosaïque de ses déceptions, il préfère écrire un chapitre s’intitulant : La Messe de Vénus où il raconte les amours de Polyphile et de Polia, deux amants se préparant au pèlerinage de Cythère. Polyphile, c’est-à-dire Francesco Colonna, peintre du 15ème s’éprit d’une princesse italienne…Nerval, le poète s’autorise toute digression anachronique, pour notre plus grand plaisir. Mais il ne nous prive pas de la description de l’île, sous domination anglaise. Il cherche les vestiges du temple de Vénus, découvre une arche portant une inscription qu’il traduit : guérison des cœurs !
Avant de naviguer dans les Cyclades, il passe le Cap Malée « c’est un lieu magnifique en effet pour rêver au bruit des flots comme un moine romantique de Byron ! »
Dans la rade de Syra (Syros ?) : «je vis ce matin dans un ravissement complet. Je voudrais m’arrêter tout à fait chez ce bon peuple hellène, au milieu de ces îles aux noms sonores et d’où s’exhale comme un parfum du Jardin des Racines grecques » et de nous faire une démonstration de ses connaissances «Ah que je remercie à présent mes bons professeurs, tant de fois maudits, de m’avoir appris de quoi déchiffrer à Syra l’enseigne d’un barbier … »
Mais aux moulins de Syra, sa connaissances du Grec lui fait défaut et l’entraîne dans ne sorte de chasse aux jeunes filles, en revanche il est capable de suivre une un drame helléniqueoù un Léonidas moderne avec trois cents palikares terminent la pièce par des coups de fusil.
J’aurais volontiers suivi Nerval dans d’autres aventures aussi distrayantes mais il ne s’attarde pas et fait voile vers l’Egypte.
Sa première impression est que «l’Égypte est un vaste tombeau : […] en abordant cette plage d’Alexandrie qui, avec ses ruines et ses monticules offre aux yeux des tombeaux épars sur un terre de cendre. ». En touriste, il va voir la colonne de Pompée, les bains de Cléopâtre et « je ne te parle pas d’une grande place tout européenne formée par les palais des consuls… »
Pierre Narcisse – bonaparte faisant grâce aux révoltés du Caire
Le titre de la partie consacrée au Caire : LES FEMMES DU CAIRE, est instructif. Nerval nous racontera son ascensions aux Pyramides, décrira les marchés, les palais…mais il ne se comporte pas comme les autres visiteurs. Sa première préoccupation est de découvrir les femmes égyptiennes« Arrêtons-nous, et cherchons à soulever un coin du voile austère de la déesse de Saïs. » »L’habit mystérieux des femmes donne à la foule qui remplit les rues l’aspect joyeux d’un bal masqué », écrit-il un peu plus loin. Loin d’épouser les préjugés occidentaux, il imagine que le voile procure aux égyptiennes une liberté que les européennes ne connaîtraient pas.
Son drogman, son interprète Abdallah, essaie de lui faire connaître les mœurs des Européens au Caire, l’entraîne dans les hôtels,mais « autant voudrait n’être point parti de Marseille. J’aime mieux, pour moi essayer la vie orientale tout à fait. ». Il décide de louer une maison, il doit d’abord acheter du mobilier au bazar, engager du personnel mais ce qu’il n’avait pas prévu c’est qu’il lui faudrait prendre femme. Cette aventure occupe une bonne partie de son séjour au Caire et lui permet d’entrer dans l’intimité de familles coptes ou musulmanes à la recherche d’une épouseconvenable.
« Ne vous mariez pas, et surtout ne prenez point le turban ! » lui conseille un peintre français officiant avec un daguerréotype. Abdallah, le drogman est d’un autre avis, il propose des « mariages coptes » qui, avec l’avantage d’être chrétien, ne l’engagerait que pour le temps de son séjour en Egypte – mariage temporaire, en quelque sorte, trouvées par l’intermédiaire d’un wekil – un entremetteur. L’idée du mariage temporaire heurte la sensibilité de Nerval, une dernière solution lui paraît meilleure : acheterune esclave qu’il libèrerait ainsi…
Nous voilà bien loin des relations de voyage des pèlerins ou des touristes de Cook ! Nous arrivons en pleines Mille et Unes Nuits, au Besestain – le bazar – dans les jardins de Rosette, dans un bois d’orangers et de mûriers – au Mousky… Nerval nous fait découvrir la vie quotidienne au Caire où il se promène sur des ânes ou à pied. Rencontres insolites avec les anciens compagnons de Bonaparte restés en Égypte. Nerval ne partage pas les préjugés en cours: « je trouve qu’en général ce pauvre peuple d’Égypte est trop méprisé par les Européens ».
Nous suivons ses progrès dans la langue arabe dont il ne connaît au début qu’un seul mot Tayeb bon pour tous les usages, découvrons la cuisine locale, y compris les sauterelles,
Après huit mois passés au Caire, avec son esclave Zeynab, Nerval s’embarque sur une cange sur le Nilbravant la peste qui sévit dans le delta et poursuit vers Beyrouth sur La Santa-Barbara,bateau grec en compagnie d’un jeune arménien poéte. La navigation à voile est hasardeuse :
«Pour peu que les vents nous fussent contraires nous risquions d’aller faire connaissance avec la patrie inhospitalière des Lestrigons ou les rochers porphyreux des Phéaciens. O Ulysse ! Télémaque ! Enée ! Étais-je destiné à vérifier par moi-même votre itinéraire fallacieux ! «
Contrairement à Chateaubriand et son catholicisme militant, à Lamartine qui se réjouissait d’emboiter les pas de Jésus, Nerval se présente comme « un Parisien nourri d’idées philosophiques, un fils de Voltaire, un impie selon l’opinion des braves gens ! » il est donc dénué de préjugés religieux et admire la tolérance mutuelle pour les religions diverses. C’est cette tolérance qui le différencie de ses prédécesseurs fameux et qui le rend tellement ouvert à toutes les croyances et les traditions. Devant les côtes de Palestine, il n’éprouve aucun enthousiasme mystique, mais décrit les montagnes, l’aspect de la côte et, surtout raconte la quarantaine à laquelle ils sont soumis arrivant d’une zone où sévit la peste.
Au Liban, dans la Montagne,il est l’hôte des Maronites, mais aussi des Druzes, assiste aux batailles entre ces communautés. Un moment, il pense participer à ces combats :
«Que je puisse assister, dans ma vie à une lutte un peu grandiose, à une guerre religieuse. Il serait si beau d’y mourir pour la cause que vous défendez »
Mais dans le feu de l’action, le voilà qui reconnaît les druzes qui l’avaient si bien accueilli et que les vengeances, les destructions sans fin ne le concernent pas et il conclue
« Au fond, ces peuples s’estiment entre eux plus qu’on ne croit et ne peuvent oublier les liens qui les unissaient jadis. Tourmentés et excités soit par les missionnaires, soit par les moines, dans l’intérêt des puissances européennes, ils se ménagent à la manière des condottieri d’autrefois, qui livraient de grands combats sans effusion de sang… »
Pour être plus libre de ses mouvements dans la montagne, Nerval a laissé son esclave Zeynab à la pension de madame Carlès. Il y rencontre une jeune Druze dont il tombe amoureux. Il va donc essayer de faire libérer le père de Selma, emprisonné par les Turcs de demander sa main. Fasciné par cette religion secrète, il tente d’en pénétrer les arcanes et trouve une parenté entre leur dogme et les secrets des Rose-Croix.
Interrompant son journal de bord, il raconte, sur le ton du conte oriental, l’HISTOIRE DU CALIFE HAKEMen l’an 1000, dans les ruines du Vieux Caire. Hachich, rêves, prodiges… le conte, ou la légende est passionnante.
Encore une fois, Nerval qui a donné l’impression de vouloir se fixer au Liban reprend le voyage pour Constantinople.
Antoine Melling – Constantinople
« ville étrange que Constantinople ! Splendeur et misère, larmes et joie ; l’arbitraire plus qu’ailleurs, et aussi plus de liberté. Turcs, Arméniens, Grecs et Juifs, enfants du même sol et se supportant beaucoup mieux les uns les autres que ne le font, chez nous les gens de diverses provinces ou de divers partis. »
Encore une fois, la tolérance de Nerval est remarquable ! Curiosité de la variété des langues, des journaux, de la cuisine !
Alors qu’au Caire, il fuyait les Européens, à Constantinople, il fréquente Arméniens et européens et les Grecsqui ne sont pas touristes mais partie prenante de la vie de la ville. Les Mille et Une Nuits ne sont pas loin : un inconnu lui raconte une aventure arrivée au Sérail.
Arrivé au moment du Ramadan, Nerval ne veut pas renoncer aux fêtes nocturnes. Le seul moyen d’y assister est de loger à Stamboul :«Pensée absurde au premier abord attendu qu’aucun chrétien n’a le droit d’y prendre domicile » « eh bien ! un moyen seul existe ici,c’ est de vous faire passer pour Persan. »
Et voilà Nerval obligé de se déguiser en marchant persan pour loger dans un caravansérail. Le jour en revanche, il était libre d’aller à Péraou ailleurs, visiter ses amis chrétiens ! A nouveau, prétexte à nous raconter un conte : spectacle de Karagueuz !
De tous les voyageurs romantiques que j’ai lus, Nerval m’apparaît le meilleur compagnon avec sa grande tolérance, son absence de préjugés, et sa fantaisie.
Ainsi se termine son voyage :
« J’ai été fort touché à Constantinople en voyant de bons derviches assister à la messe. La parole de Dieu leur paraissait bonne dans toutes les langues. Du reste, ils n’obligent personne à tourner comme un volant au son des flûtes, – ce qui pour eux-mêmes est la plus sublime façon d’honorer le ciel. »
Gayané, le monastère qui se trouve à une portée de mousquet…
J’ai suivi Tavernier jusqu’en Indes. J’ai repris ce livre de retour d’Arménie. Dans le chapitre De l’étendue de la Perse, Tavernier résume la géographie de la Perse du temps du Cha-Abbas, il distingue « la Grande Arménie, en particulier la partie située entre les rivières d’Araxes et de Cyrus, aujourd’hui l’Aras et le Kur;est appelé Iran dans le pays et plus souvent Cara-Bag, qui est un des plus beaux et des plus riches endroits de toute la Perse. Les villes principales sont Erivan, Kars, Nacsivan, Zulfa et Van sur un lac de même nom et les plus grand de toute l’Asie. »
Il cite les abricots, les melons et les vignobles.
« En Perse on ne se sert point de tonneaux pour mettre le vin mais bien de grands pots de terre cuits au four, dont les uns sont vernis par -dedans, et les autres enduits de graisse de queue de mouton; car sans ce vernis ou cette grains, la terre boirait le vin »
Cette coutume d’enterrer les grandes jarres était déjà de mise du temps des Ourartiens.
Dans le chapitre Arménie chrétienne Tavernier décrit Edchmiadzine
« Le premier lieu digne d’âtre remarqué en entrant en Perse par l’Arménie est celui qu’on appelle Les Trois Eglises à trois lieues d’Erivan, et ce sont trois monastères à quelque distance les uns des autres. Le plus grand et le plus beau est la résidence du grand patriarche des Arméniens ; il y en a un autre au midi qui n’est éloigné du premier que d’une portée de mousquet ; et un troisième à un quart de lieu de là vers le Levant qui est un monastère de filles. Les Arméniens appellent ce lieu-là Egmiasin, c’est-à-dire, fils unique, qui est le nom de la principale église. On trouve ans leurs chroniques, qu’environ trois cent ans après la venue de Jésus-Christ, on commença à la bâtir et que les murailles étant déjà à hauteur d’appui, le diable venait défaire la nuit ce qu’on avait fait le jour ; que cela dura deux ans ; mais qu’une nuit, Jésus-Christ apparut, et que dès ce moment-là le diable ne put empêcher que l’on achevât l’église. Elle est dédiée à Saint Grégoire pour lequel les Arméniens ont une grande vénération, et on y voit une table de pierre qui est, selon les mêmes chroniques, la pierre où Jésus-Christ se posait quand il apparaissait à Saint Grégoire. Ceux qui entrent dans l’église vont baiser cette table en grande dévotion.
Le second monastère a été bâti à l’honneur d’une princesse qui vint d’Ittalie avec quarante filles de qualité pour voir Saint Grégoire. Un roi d’Arménie l’avait fait jeter dans un puits avec des serpents dont il ne reçut aucun dommage. Il y vécut quatorze ans par grand miracle; et depuis de temps-là, les serpents de deux ou trois lieues à la ronde ne font aucun mal. Ce roi idolâtre ayant voulu jouir de cette princesse qui était très belle et de ses compagnes surmontèrent par leur vertu la violence qu’il leur voulait faire, et de rage de ne pouvoir venir à bout de son dessein, il les fit toutes mourir. Voilà ce que les Arméniens racontent au sujet de la fondation de ce monastère…«
caravansérail
J’aimerais aussi citer Tavernier quand il raconte la vie des caravanes et des caravansérails….
Athina est née en Crète. Des Crétois elle tient cette résistance. Élevée comme un garçon, elle est instruite par un pope qui lui enseigne le Français, l’anglais et la révolte. Elle se fait accepter des jeunes kapitans.
« …..- La révolte, c’est le sentiment le plus grand qui existe. La révolte, c’est comme quand le vent souffle et que rien ne l’arrête ; c’est comme les vagues lorsqu’elles se déchaînent et qu’elles fouettent les rochers… – Qu’est-ce qui la provoque, papas ? – Elle naît de l’injustice. L’injustice est pareille à l’eau qu’on chauffe dans une marmite. Quand elle bout trop longtemps, elle déborde : c’est cela la révolte. – Ce que je n’arrive pas à m’imaginer, c’est ce qu’on ressent vraiment à ce moment-là… Est-ce quelque chose de physique, un peu comme la faim ou la soif ? – Oui, répondit-il. On éprouve une sorte d’illumination, d’extase. On ressent le besoin de renverser l’ordre établi. On a la conviction de pouvoir changer les choses et, aussi, l’impression de ne pas avoir tort parce qu’on est dans le camp de Dieu. – Vous voulez dire que Dieu est toujours dans le camp des révoltés ? – Oui, affirma le pope en hochant la tête. Dieu prend toujours le parti de la Liberté. »
« Le pope, se servant de son encensoir comme un fléau d’arme« , tue un Turc. Athina entre en résistance pour le libérer et doit fuir à Chios, où elle est témoin des massacres (l’enfant grec de Victor Hugo).
J’ai plaisir à retrouver des lieux que j’aime, Ierapetra, Chios ou Rhodes.
Ce roman historique fait réviser toute l’histoire des luttes pour l’Indépendance de la Grèce. Roman historique pédagogique : Athina rencontre les chefs de guerre. Kanaris devant Chios, l’envoie à Athènes puis elle se bat avec Botsaris. A Missonlonghi elle assiste à la mort de Lord Byron, combat avec les Souliotes, et tombe amoureuse d’un Français, officier de Napoléon qui a préféré épouser la cause hellène plutôt que de faire allégeance à Louis XVIII. Siège de l’Acropole. Retour à Chios. l’auteur en profite pour détailler les alliances (et les félonies). Chios ne sera pas libérée. Escale à Rhodes – visite guidée de la vieille ville – pour Lamartine!Enfin, la Crète et pour finir le sacrifice du monastère d’Arkadi.
En 300pages, une histoire amoureuse avec un français philhellène s’est terminée. Les Crétois étaient vêtus de braies et de bottes avec leur foulard noir à pompons. On a cueilli les olives, dégusté des mezzés…. visité l’Acropole…. le must du tourisme et l’essentiel de l’histoire. Les combattants on dit souvent « la Liberté ou la Mort« ! Rien d’original!
Évidemment, rien de comparables aux écrits de Kazantzaki ou de Byron, Châteaubriant, et Lamartine. Mais un digest bien écrit et bien fait. Tout le monde n’a pas le temps de lire des centaines de pages!
Récit d’un voyage sur les traces de deux moines byzantins Jean Moschos et Sophronius au temps de Justinien, au fil des pages du Pré spirituel. Parti du Mont Athos fin juin 1994, il rejoindra l’Europe vers Noël de l’oasis de Kharga en Haute Égypte. En route il prendra ses lettres de crédit au Patriarcat Orthodoxe du Phanar à Istanbul, cherchera les vestiges byzantins des monastères de Turquie, de Syrie, de Palestine ou des déserts Égyptiens.
C’est aussi un reportage d’un journaliste chevronné sur les communautés chrétiennes d’Orient et leurs problèmes actuels. La diversité des églises m’a étonnée : Arméniens restés en Turquie ou dispersés après le génocide de 1915 dans toute la région. Souriens s’exprimant en turoyo, proche de l’araméen que parlait Jésus, Grecs Orthodoxes directs héritiers de Byzance, Maronites du Liban, Coptes, pour les chrétiens actuels, sans compter les hérétiques du temps des moines byzantins : monophysites, nestoriens, zoroastriens,messaliens, marcionites; mêmes adorateurs du démon!
Kharga : bagawat nestoriens
Compte-rendu érudit de l’exploration des textes anciens et des vestiges antiques. Érudit ne veut pas dire ennuyeux, au contraire! Rien n’est plus réjouissant, même drolatique que les luttes contre les démons -surtout ceux qu’on chasse des feuilles de laitue à grands renforts de signes de croix- les imprécations contre le pape de Rome et les francs-maçons. Une foule de détails raconte la vie des ermites, des stylites, perchés sur leur colonne, adulés comme des champions de football ou des vedettes de cinéma.
Sainte Catherine : autrefois il n’y avait aps de pporte d’entrée le visiteur était hissé
Roman d’aventure. Dalrymple traverse des zones de guerre larvée ou ouverte. Les affrontements entre les forces armées turques et le PKK font rage au sud de Dyarbakir. Si la Syrie d’Assad est un havre de calme, Beyrouth porte encore les stigmates de la guerre et certaines régions sont sous le contrôle des factions maronites, du Hezbollah ou de l’armée syrienne. Sans parler de l’occupation de la Cisjordanie. Le livre se termine sur des carnages en Haute Égypte par les islamistes contre des Coptes. Journaliste, Dalrymple sait trouver les moyens de est souvent suivi parcelle des services de sécurité. On sent la peur.
Loin des « croisades bushiennes » :
…. »au début de mon voyage je m’étais attendu que le fondamentalisme soit partout leur principal ennemi. Or les choses n’étaient pas si simples.
dans le sud-est de la Turquie , les chrétiens syriaques étaient pris dans une guerre civile entre deux nationalismes, l’un kurde, l’autre turc[….]. Au Liban les maronites récoltaient ce qu’ils avaient semé, et les vendanges étaient amères, leur inaptitude à forgé un compromis avec les musulmans avait entraîné une guerre civile[….] quand au dilemme des palestiniens, il était encore d’une autre nature. [….] seule l’Égypte voyait sa population chrétienne menacée par la résurgence déclarée du fondamentalisme…. »
écrit-il en conclusion.
Cette attitude nuancée est encore plus intéressante quand il cherche les points de convergence entre le christianisme oriental avec l’Islam plutôt que les divergences. Et ces convergences sont nombreuses. Les lieux de cultes communs existent et un certain syncrétisme: l’intercession de Saint Georges à Beit Jala près de Bethléem où les chrétiens situaient le lieu de naissance du Saint, les Juifs, la tombe du Prophète Elie et les musulmans la ville natal d’un saint de la fertilité appelé El Khidr. Moschos et Sophronius parcourent la région quelques années avant la conquête arabe.
Les Perses ont pris Jérusalem en 614 et l’ont gardée quinze ans, jusqu’en 629. Les musulmans prennent donc une ville affaiblie en 638. (Wikipedia)
la nouvelle religion s’est imposée graduellement semble-t-il dans la mosaïque des hérésie et parfois l’hostilité locale aux byzantins.
A chaque étape, un va et vient incessant s’opère entre le texte de Moschos, l’histoire antique ou byzantine et la réalité actuelle. Certaines analogies sont frappantes. Dans certains monastère, il semble que le temps se soit arrêté. En Égypte, à propos des exactions des islamistes un moine répond :
« côté de ce que nous avons subi par le passé, nos ennuis actuels ne sont rien/
– de quoi voulez vous parler au juste?
– Eh bien, des massacres de Dioclétien, par exemple/. c’était de la persécution! »
J’ai dévoré ce gros bouquin de 500pages, le temps d’un week-end.
C’est le retour de l’exilé au pays natal – le Liban – jamais nommé. Après plusieurs décennies, Adam répond à l’appel d’un « ancien ami » mourant. Retrouvailles, mais aussi décalage entre celui qui a fuit et a gardé les mains propres, et ceux qui sont restés dans les conflits inextricables et qui ont dû se compromettre.
C’est aussi le roman de l’amitié indéfectible entre une bande d’étudiants qui refaisaient le monde, dans le début des années 70, quand il était de l' »air du temps » d’être « de gauche » et détaché de son appartenance communautaire. Le roman commence par une interrogation sur le concept d' »ancien ami », différent de l’ami de longue date, « l’ancien ami », c’est celui qui ne serait plus un ami aujourd’hui. Est-cer possible de rejeter ses amis? Comment se retrouver 25ans après une séparation, après que la bande se soit dispersée aussi loin qu’en France, au Brésil ou aux Etats Unis? Comment se retrouver au moment de la maturité quand les idéaux de jeunesses ont été oubliés si ce n’est bafoués?
C’est aussi l’analyse de l’historien – Adam est professeur d’histoire – du basculement de l' »air du temps »qu’il situe en 1 979 quand les révolutionnaires sont passés de la gauche communiste à l’islamisme avec l’arrivée de Khomeiny en Iran et à l’ultra-libéralisme avec Thatcher et Reagan. Analyse du communautarisme.
Les amis d’autrefois pourront-ils se réunir autour du souvenir de l’un d’eux décédé?
Une exposition très copieuse qui s’intéresse d’abord aux manuscrits et éditions des Mille et Une Nuits, on connait diverses versions, différentes influences du IXème siècle au XIX ème. Bien difficile de décider quelle est la version originale!
Viennent-elles de la Perse? de L’Inde? de Baghdad d’Haroun-El -Rachid? du Caire? La première salle présente donc les manuscrits en arabe avec leurs calligraphies, quelques illustrations, mais aussi les premières traductions en Français par Galland (1701) ou plus récentes par Mardrus (1898 à 1904) dédiés à Mallarmé, éditions anglaises, allemandes, russes….l’histoire des Mille et Unes Nuits est tout un roman, les suites également!
On passe ensuite dans une salle au plafond étoilé – lieu d’écoute – confortablement assis dans des alvéoles, on peut écouter un conte, ou plus grâce à des écouteurs.
La visite est loin d’être terminée. L’IMA nous a installé plusieurs salles pour recréer l’ambiance orientale des contes. Merveilleux objets des palais, cuivres, poteries, bijoux, coffres et portes de marqueterie…. mais aussi des photos du Caire, de Damas. Témoignages historiques, archéologiques mais aussi très kitsch, tous les aspects sont envisagés.
Une projection d’un film de Méliès (20minutes) se déroule dans des palais d’un Orient de fantaisie. Une salle Sindbad le Marin nous emmène en Inde, en Chine…La salle Aladin et la lampe merveilleuse est encore plus étrange, exposant des lampes à huiles yéménites ou égyptiennes de Siwa, récentes mais aux allures antiques qui voisinent avec un projecteur (lampe magique). On peut même visionner des films aussi grand public qu’Ali Baba à allure de Popeye, ou japonais…
Et toujours le personnage de Shéhérazade…. comme fil conducteur ou comme récitante. Ballets russes et danse du ventre. Telle est la richesse de l’expo!
Nous suivons le cortège funéraire d’Alexandre le Grand avec les pleureuses.
Alexandre le Grand d’Angelopoulos
Alexandre est un personnage que je croise souvent: au Louvre, à Naples, à Siwa et à Perpérikon, en Bulgarie où les oracles lui ont prédit la gloire, même dans une exposition sur l’Afghanistan au Musée Guimet même dans le film de l’Homme qui voulait être roi…ou l’Alexandre le Grand d’Angelopoulos.Plusieurs versions de la Légende d’Alexandre ont traversé les siècles. J’ai bien aimé celle de Lacarrière.
Gaudé livre sa version poétique du mythe. Chant funèbre en prose, lente épopée au rythme du pas des caravanes dans la première partie, de Dryptéis, la princesse perse mariée à Hephaistion, compagnon d’Alexandre, de Nemrou sa servante et de la vieille Sisygambis, la vieille pythie, diseuse de mort, tapie dans les ruines de Persépolis. Au galop effréné du cavalier sans tête Ericléops qui a dépassé l’Indus où Alexandre avait arrêté sa conquête et qui a atteint les rives du Gange, Ericléops qui rapporte le message du roi indien, son défi qui ranimera Alexandre et le ramènera à la vie.
Au palais de Babylone où agonise Alexandre, on sent se nouer les intrigues, les rivalités entre les femmes et les compagnons qui se disputerons la succession de l’empire. Alexandre meut au mitan du livre.
La deuxième partie raconte l’étrange errance de la dépouille d’Alexandre. Qui détiendra son corps, détiendra le pouvoir. Au rythme des centaines de pleureuses vers la Macédoine, puis traversant le Nil, enfin vers l’Orient. Au delà de la mort, la voix d’Alexandre commande encore. Il ne sait pas mourir avait dit la pythie. Il ne connaît ni le repos, ni la fin de ses conquêtes.
Affranchi de la « vérité » historique, Gaudé imagine cet étrange entre-deux, entre terre et enfer. Déjà dans la Mort du Roi Tsongoron devinait cette fascination, Dans la Porte des Enfers, elle était explicite. Alexandre dont on ne connaît pas la sépulture , cénotaphe vide en Alexandrie, introuvable correspondait tout à fait à cet univers.
De Smyrne, Chateaubriand va à Constantinople chercher les firmans qui lui permettront de poursuivre son voyage jusqu’en Terre Sainte. Il ne veut pas rater Troie, mais n’y parvient pas.
J’attendais avec impatience la description deConstantinople. L’écrivain ne s’y attarde pas . Il tombe mal, au moment de la révolte de Roumélie.. Mais surtout il « n’aime visiter que les lieux embellis par les vertus ou par les arts. Je ne trouvais dans la patrie des Phocas et Bajazet, ni les unes ni les autres… »
A Jaffa, le voyage change et le ton aussi. En pèlerinage, Chateaubriand est reçu par des religieux. Il s’attachera à reconnaitre les Lieux Saints. Le voyage devient alors plus aventureux. Comme le tourisme moderne génère un cortège d’arnaques en tous genres, les pèlerinages sont l’occasion de pillage, de rançons et de violence. Alors qu’il avait traversé la Morée pourtant infestée de klephtes, d’armatoles et de bandits en une parfaite sérénité, en Palestine,il doit, pour éviter les tracasseries des autorités, se mettre sous la protection de tribus qui se disputent la « protection » des pèlerins, se déguiser, cacher son identité pour atteindre le Jourdain et la Mer Morte.
Ces aventures pimentent le récit un peu trop piétiste à mon goût. Chateaubriand prend au pied de la lettre les Ecritures, il trouve la Maison de Pilate, reconnait la Probatique (citerne où l’on purifiait les brebis des sacrifices). Je m’agace un peu de la naïveté de celui qui croit qu’Hélène a vraiment retrouvé la Vraie Croix…Le pieux pèlerin, en quête des décors de ses Martyrs, ne nous épargne aucun détail. La précision de ses descriptions, son exégèse des textes est d’une réelle maniaquerie. Vais-je encore le suivre ? Et bien oui, parce qu’il mène rondement l’enquête des Sépulchres des Rois et à nouveau adopte la démarche de l’archéologue, ou de l’historien de l’art examinant les indices avec minuties, démontant les diverses hypothèses.
prise de Jérusalem par les Croisés via Wikipédia
Jérusalem est le siège du saint Sépulcre mais c’est aussi le théâtre des Croisades. Les chevaliers passionnent Chateaubriand (il me semble qu’un ancêtre croisé était évoqué à Combourg). Il adopte un parti extrémiste :
« Qui oserait dire que la cause des Guerres Sacrées fut injuste ? Où en serions-nous, si nos pères n’eussent repoussé la force par la force ? Que l’on contemple la Grèce, et l’on apprendra ce que devient un peuple sous le joug des Musulmans… »
Peut être est-ce ce souvenir des Croisés qui fait embrasser aux Occidentaux la cause des Grecs chrétiens ? Peut- être cette réflexion explique pourquoi Chateaubriand n’a pas aimé Istanbul ? Son antipathie pour les Turcs qui lui ont procuré les firmans et qui lui ont facilité le voyage, est viscérale. C’est pourtant méconnaissance de l’histoire, du sac de Constantinople par les Latins en 1204. Je n’ai que peu de sympathie pour les Croisades sanguinaires et pour le fanatisme, pas plus d’ailleurs pour … »Saladin (qui) ne voulut pas entrer dans la mosquée convertie en église par les chrétiens sans en avoir fait laver les murs avec de l’eau de rose. Cinq cent chameaux suffirent à peine pour porter toute l’eau de rose employée pour cette occasion…. »
Pour décrire Jérusalem, Chateaubriand cite l’Evangile, Flavius Josèphe , mais aussi le Tasse et Racine. Quelle poésie, ces vers d’Athalie ! Quelle surprise de lire en italien La Jérusalem délivrée « poème des soldats : il respire la valeur et la gloire, et comme je l’ai dit dans les Martyrs sembler être écrit sur un bouclier… »
On ne plane pas toujours dans les cimes de la poésie : Chateaubriand ne nous fait grâce d’aucun détail même le carnet des courses consignées par son drogman Michel (en italien, avec des fautes dit l’écrivain, je ne les ai pas trouvées). Il a vite vaincu mon agacement laïc et a su m’enchanter. La conclusion de son séjour à Jérusalem est l’adoubement à l’ordre de chevaliers du Saint Sépulcre dans l’église du Calvaire à douze pas du tombeau de Godefroi de Bouillon. Quelle fin romanesque, et romantique ! » avec ce brillant diplôme de chevalier on me donna mon humble patente de pèlerin…. »
Le retour par l’Egypte, la Tunisie et l’Espagne est écrit avec beaucoup moins de détails et d’un ton très alerte. A son escale d’Alexandrie, il remonte le Nil de Rosette au Caire pour voir les pyramides, rencontre des « mamelouks français » anciens soldats de Bonaparte restés en Egypte au service de Mohamad Ali Pacha, portant de longues robes de soie et des turbans blancs…A Alexandrie il relève les inscriptions de la colonne Pompée »au très sage Empereur protecteur d’Alexandrie Dioclétien, Auguste Pollion préfet d’Egypte », hasard qui s’articule avec les Martyrs ?
Le voyage du bateau commandé par un Ragusois pour atteindre Tunis est une véritable Odyssée.
Tunis, c’est bien sûr Carthage et la ville de Didon. Chateaubriand en profite pour citer Virgile et Strabon mais surtout pour nous faire une magistrale leçon d’histoire antique en évoquant les personnages fameux, Hannibal et Scipion l’africain, Massinissa, mais aussi Sophonisbe. Guerrier virils s’affrontent, femmes fatales que Didon et Sophonisbe ! la leçon d’histoire ne s’arrête pas sur les ruines fumantes de Carthage. La république romaine s’effondre, l’empire lui donnera un nouveau lustre. Saint Augustin, les Barbares complètent le tableau.
Conclusion terrible de l’itinéraire : « …..la mort de Saint Louis si touchante, si vertueuse, si tranquille, par où se termine l’histoire de Carthage….[……] Je n’ai plus rien à dire aux lecteurs ; il est temps qu’ils rentrent avec moi dans notre commune patrie…. »
Encore mille mercis à Claudialucia qui m’a entrainée dans l’aventure romantique sur les pas de Chateaubriand. D’abord à Saint Malo et Combourg, maintenant sur l’Itinéraire. Des années du lycée, j’avais gardé une image rebutante de Chateaubriand. Avec la suffisance de l’adolescence j’avais décidé, sans lire plus loin que Lagarde et Michard, que l’auteur de Mémoires d’Outre-tombe, du Génie du Christianisme ou des Martyrs ne pouvait être qu’un infâme raseur. Nous étions une classe dissipée, Polyeucte en avait fait les frais : lue avec l’accent pied noir, la pièce avait acquis un pouvoir comique délirant.
Il a fallu attendre des décennies pour que je me décide à suivre Chateaubriand et je ne l’ai pas regretté. En 1806, trois ans avant Byron, 9 ans après que les Iles Ioniennes ne deviennent français par la paix de Campoformio, il entreprend seul le Pèlerinage aux Lieux saints, le voyage en Orient, embarque à Trieste sur un vaisseau qui le mène à Modon(Methoni) et à Coron au sud du Péloponnèse qu’on appelait alors la Morée.
Au large d’Otrante
«… j’étais là sur les frontières de l’antiquité grecque, et aux confins de l’antiquité latine. Pythagore, Alcibiade, Scipion, césar, Pompée, Auguste, Horace, Virgile avaient traversé cette mer…. »
L’érudit se double d’un aventurier. Il traverse la Morée, évitant le Magne en révolte contre le Sultan, accompagné de Joseph à son service, d’un janissaire pour la sécurité, d’un guide grec, il chevauche dans des contrées sauvages. Le pacha de Morée installé à Tripolizza le reçoit, lui accorde les firmans qui lui donneront le droit de voyager – même au frais du sultan , ce dont il n’abusera pas. Entrevue pittoresque, épisode comique du refoulement de Joseph qui avait cru bon de s’enturbanner. Le Pacha veut savoir si Chateaubriand a combattu en Egypte, lui-même a été fait prisonnier des Français à Aboukir ! L’étape suivante est Mystra où il cherche Sparte et le tombeau de Leonidas, s’essaie à l’épigraphie : a-t-il retrouvé le socle de cet autel du Rire ?
« …L’autel du rire subsistant seul au milieu de Sparte ensevelie offrirait un beau sujet de triomphe à la philosophie de Démocrite… »
Quel plaisir de chevaucher avec un poète érudit qui se promène avec émotion sur les bords de l’Eurotas, visite Mycène où il retrouve le tombeau de Clytemnestre et d’Egisthe, et Corinthe. Poursuivant les antiquités, c’est aussi un observateur de ses contemporains. Un épisode symbolise la tyrannie des agas et des pachas sur les pauvres grecs :
« le commandant (le pacha)se leva avec effort, prit sa carabine, ajusta longtemps entre les sapins et lâcha son coup de fusil. Le Turc revint après son expédition, se rasseoir sur sa natte aussi tranquille t bonhomme qu’auparavant. Le paysan descendit à la garde, blessé en toute apparence car il pleurait et montrait son sang. On lui donna cinquante coups de bâtons pour le guérir…. »
Un carton, pour montrer son habileté de tireur et la valeur de sa carabine !
Il visite Athènes accompagné par un antiquaire –on dirait archéologue aujourd’hui – Monsieur Fauvel. Athènes n’est plus qu’une pauvre bourgade :
« O Solon ! o Thémistocle ! Le chef des eunuques noirs propriétaire d’Athènes et toutes les autres villes de la Grèce envient cet insigne bonheur aux Athéniens… »
Le capitaine autrichien qui devait le reprendre au Cap Sounion ne l’a pas attendu. Il traversera l’Archipel – les Cyclades – sur les petites embarcations grecques, jusqu’à Tinos puis sur une felouque hydriote jusqu’à Smyrne ayant pour équipage une famille. Quel plaisir de naviguer avec lui, passer près deScyros où Achille passa son enfance, Délos célèbre par la naissance de Diane et d’Apollon, par son palmier : Naxos qui me rappelait Ariadne, Thésée Bacchus….Scio…la felouque était lavée, soignée et parée comme une maison chérie…. »