Peniscola : château du Papa Luna

CARNET DE  BENICASSIM

Peniscola
Peniscola

Hier nous avons eu vraiment très chaud, la terrasse était une fournaise. Nous partons au lever du soleil entre les pins tordus près de la Tour Saint Vincent. La route court entre la côte et la montagne aux roches rouges, très escarpée, aux sommets pointus tantôt roses tantôt gris, piquetés de buissons. A Oropesa nous montons sur l’autoroute dont les chaussées sont séparées par des lauriers roses. Les vergers d’agrumes sont florissants, avec  leurs feuilles sombres vernissées. Il y a aussi des champs d’artichauts  et des choux. Plus on remonte vers le nord plus les agrumes cèdent leur place aux oliveraies et pêchers. Qui cueille les fruits ? Un château se profile sur un éperon rocheux, en contre-jour dans le soleil éblouissant, puis un autre, un peu plus loin. En face il y a un village avec une belle église.

dscn8050-copie

Peniscola est composée de deux parties : le village blanc aux maisons blotties sur un cap coiffé de son château d’une part, de l’autre une station balnéaire coquette avec une corniche soignée, une plage ratissée de frais. A la jonction des deux, un parking souterrain.

Le village ancien est interdit aux voitures – sauf exceptions –Les handicapés sont-ils une exception ? C’est un affreux gymkhana dans le village aux ruelles pentues, étroites et tortueuses. La conduite est éprouvante : Dominique ne profite pas de cette visite éclair.

Papa Luna
Papa Luna

Je monte seule au château par la rampe Felipe 2 qui passe sous un porche où un  panneau signale que Peniscola a servi de décor à des films : Le Cid d’Anthony Mann (1961), Games of Throne (2015) et une série télévisée espagnole Chiringuito del Pepe. Les rues sont pavées de petits galets disposés verticalement. Après avoir passé la Porta Fosc, je découvre l’Eglise de la Mer (18ème siècle)qui a une façade baroque mais une nef très simple.

Le château est impressionnant. Il semble en parfait état. A-t-il traversé les siècles sans dommages ? ou a-t-il été parfaitement restauré ? Une statue du Papa Luna (2007) accueille le visiteur. Ce personnage, Benoit XIII fut élu en Avignon en 1394 avec le soutien de Charles VI à condition de mettre fin à la division entre Pape d’Avignon et Pape de Rome, en démissionnant. Il causa donc la colère du roi qui fit assiéger son palais avignonnais le contraignant à l’exil. Son successeur Clément VIII fut élu, en 1411, il y avait trois papes.

Malheureusement, le château ne contient pas de souvenir du Papa Luna sauf la « salle du Conclave ».

dscn8044-copie

Les Templiers construisirent cette forteresse en 1294 sur les fondations d’un fort arabe, et ils furent expulsés par Jacques II  en 1307 (contemporain de Philippe le Bel). Elle résista aussi bien aux guerres civiles du XVIIIème siècle, aux Français et à la Guerre Civile du XXème siècle.

On entre par le Corps de Garde où l’on pouvait stocker les vivres. Les Templiers étaient riches, la région, irriguée depuis le temps des Arabes fournissait des récoltes abondantes. La pièce attenante – la salle d’armes – pouvait servir de citerne. Les chevaliers possédaient des arbalètes, des épées et construisaient aussi des machines de guerre comme des catapultes.

De l’autre côté de la cour, les Caballerizas, les écuries étaient installées dans une très belle et très vaste salle voûtée. Dans une salle attenante on projette un vidéogramme racontant la vie au château et les symboles des Templiers qui étaient la Croix pattée et la cape blanche.

dscn8049-copie

Au niveau supérieur, ouverts sur une belle terrasse, l’église et la grande salle gothique. L’église est de belles dimensions, nef rectangulaire et voûte en berceau. La grande salle est meublée, ornée de blasons brodés sur du velours grenat. Une tenture de velours fait le tour de la pièce.

dscn8053

Quand je sors du château, le village s’est réveillé. Restaurants, chambres d’hôtes et magasins de souvenirs occupent les jolies maisons blanches. Tant d’enseignes, tant de marchandises accrochées gâtent le charme. Maisons blanches, volets bleus, sempiternelles poteries, dentelles ou écharpes de soie. Nous pourrions être n’importe où en Méditerranée, Grèce, Sicile ou Tunisie. Originalité de Peniscola : les épées de bois et les écus en carton, ou l’un et l’autre en plastique.

Les deux plages sont fort belles : une petite se niche à l’arrière du port, une grande bordée de palmiers et d’immeubles luxueux.

Nous poussons vers le nord jusqu’à Benicarlo qui n’a rien de mieux à nous offrir.

Si nous rentrions maintenant nous pourrions nous baigner à Benicassim qui est sans conteste la plage la plus belle de la région. Nous pourrions griller les sardines pour déjeuner.

Alcala de Xivert : façade baroque
Alcala de Xivert : façade baroque

Nous rentrons donc par la N-340 qui traverse au plus près les vergers d’agrume et d’amandiers. Nous la quittons pour jeter un œil à l’église de Alcala de Xivert, très baroque, très décorée. Même la base des colonnes est sculptée et au sommet, un homme à terre gesticule et grimace. Le village se prépare à la fête du 9 octobre et suspend des écussons en toile de jute en travers de la rue principale de la Purissima. Les autres rues sont tranquilles. On achète des fruits et légumes dans un Frutas y verduras où ils sont beaucoup plus beaux et surtout beaucoup moins chers qu’au supermarché. Je me sers moi-même sans façon. Le patron interrompt une conversation en arabe pour me servir en espagnol. De nombreuses femmes voilées bavardent sur le pas de leur porte. Sont-ce les anciens Sarrazins d’avant 1232 et 1492  ou les cueilleurs de fruits ?

Valence commerçante : Marché central et Lonja de la Soie

CARNET DE VALENCE

dscn7904-copie

Glissement progressif vers les heures espagnoles, nous reculons le petit déjeuner : inutile d’arriver trop tôt.

Marché Central

marché central : façade
marché central : façade

A 9h30, la plupart des rideaux de fer des boutiques sont baissés dans les rues allant au marché. Les scooters ont remplacé les tables des restaurants sur les places. Sur les terrasses autour du marché on parle surtout français. Des comptoirs sont adossés au marché. On y vend de la paella à emporter, des ustensiles pour la faire : gigantesques plateaux et  les réchauds à gaz circulaires assortis. De l’autre côté de l’entrée principale on sert de l’horchata ou du chocolat et des churros. On ne se lasse pas de photographier la coupole surmontée d’étranges girouettes. Tous les étals du marché sont bien achalandés. Des rangées de jambons alignés sont suspendus par les pieds dont on voit les sabots bien astiqués, on vend bien sûr les célèbres patas negras dont on n’a même pas indiqué le prix. Légumes et fruits sont d’excellente qualité mais les prix sont parisiens.

Cuire la paella!
Cuire la paella!

La halle aux poissons est extraordinaire. Nous y découvrons poissons et crustacés dont nous ne soupçonnions pas l’existence. Ce poisson allongé, est-ce une murène ? « congra ». Langoustines et cigales de mer sont disposées artistiquement. « vous voulez quelque chose ? « demande la vendeuse lorsque nous les photographions.

Crustacés!
Crustacés!

Lonja de la Seida

Lonja de la Seida
Lonja de la Seida

10h,  c’était au 16ème siècle la Bourse de la Soie. Avec le Pass Education c’est gratuit, je prends l’audio-guide (3€) et j’en suis bien inspirée, il est passionnant.

A la fin du 15ème siècle l’édifice fut commandé à deux architectes, la parfaite Salle des Colonnes est l’œuvre de Pere Comte. La Lonja doit témoigner du prestige et de la richesse de Valence. Le 15ème siècle est le siècle d’or de Valence où le commerce de la Méditerranée convergeait. C’était la ville la plus peuplée de la péninsule ibérique. La Lonja devait aussi être un espace commercial fonctionnel. Elle servait de bourse au commerce de la soie et des marchandises arrivant à Valence, une banque et le « tribunal de la mer ». Sur la place voisine (Doctor Collado) se tenait la Lonja de l’huile dont il ne reste rien, un vénérable olivier a été planté pour rappeler son souvenir ;

L’audioguide, complété par un plan plastifié m’entraîne d’abord dans la rue pour avoir une idée générale du bâtiment : plan en L autour d’un patio planté d’orangers. D’un côté la haute salle des colonnes et perpendiculairement, le Tribunal de la Mer bâti sur trois niveaux, chacun dans un style différent : roman, gothique et Renaissance. Dans le niveau supérieur, des macarons portent les portraits des rois d’Aragon. Dans le 7ème et le 8ème se trouvent les rois Catholiques.. Au dessus de leurs têtes les créneaux forment une couronne.

Gargouille
Gargouille

La visite continue à l’extérieur. L’audio-guide très pédagogique introduit un vocabulaire architectural précis. On remarque la finesse des sculptures des menaux à motifs végétaux : lierre, chardon (il ne parle pas d’acanthe mais de chardon) ; un petit escargot s’est glissé au pied de la sculpture. Les linteaux sont de toute beauté. Les arcs sont surmontés d’une croix végétale. Je pense à la richesse des décors manuélins portugais, plus récents d’un siècle et utilisant des symboles marins mais dont la finesse, la richesse et la luxuriance sont comparables.

dscn7914-copie

L’édifice est surmonté de gargouilles se détachant sur le ciel bleu intense. Sans l’audioguide je n’aurais pas remarqué la créature ailée, grimaçante introduisant son sexe dans une poterie (je n’aurais jamais imaginé une telle interprétation grivoise. Un homme, plus lin, bouche ouverte criait de douleur, mordu par un monstre.

les armes de Valence portées par des anges
les armes de Valence portées par des anges

Au coin, face au marché, les armes de Valence sont portées par eux anges. Cette sculpture a été peinte par Sorolla pour rappeler un épisode historique : le soulèvement de la ville contre l’invasion napoléonienne au cris du paieter(le fendeur de bois d’allumage).

la salle des colonnes
la salle des colonnes

Après ce tour, j’entre dans le patio puis je m’arrête devant le portail de la salle des colonnes, sculpté de personnages et d’entrelacs végétaux d’une extrême finesse : les vices et les péchés sont représentés, les personnages prennent des poses lascives et même scatologiques : l’un d’eux montre ses fesses tandis qu’un autre joue de la musique, tentation diabolique sans doute. A l’intérieur, les scènes sont encore plus explicites : une femme recueille dans deux bols les excréments de deux personnages. Ultime bassesse ou recyclage de la matière ?

plutôt scato!
plutôt scato!

Huit colonnes torses soutiennent un plafond nervuré très haut. Pour donner encre plus de légèreté, l’architecte, Père Comte, a supprimé les chapiteaux, une ligne horizontale rappelle leur emplacement traditionnel. Les larges baies allègent les murs où sont adossées d’autres colonnes ; elles éclairent la salle tandis que le pavage de marbre noir brillant reflète la lumière. Les nervures partent des colonnes, autrefois le plafond était peint d’un ciel étoilé, les clés de voûte, ronds colorés en rouge ou en vert.

colonnes torses et plafond nervuré
colonnes torses et plafond nervuré

Dans le mur l’escalier en colimaçon creux est une prouesse architecturale supplémentaire de Père Comte.

A l’entrée de la chapelle éclairée par un beau vitrail, les armoiries de la ville de Valence sont surmontées par une chauve-souris. Occasion pour l’audio-guide de rappeler une anecdote historique : pendant la Reconquista le roi d’Aragon Jacques 1er fut alerté d’une attaque nocturne des Maures par la chauve-souris qui l’éveilla en battant du tambour.

Le salon des consuls de la mer a un plafond de bois sculpté et doré magnifique.