LIRE LE MARCHAND DE VENISE OU THE MERCHANT OF VENICE ?
Après avoir lu l’excellent billet de Florie recensant les 25 000 vocables de le langue shakespearienne dans le blog de claudialucia,un doute m’ a prise. Comment serais-je capable de lire la pièce dans le texte?Pourtant je suis capable de traverser tout Paris pour voir un film en VO et je zappe systématiquement un film que j’adore, Valse avec Bachir, par exemple, parce qu’Arte a le mauvais goût de le diffuser en VF.
Pour les anglicistes pressées ou fauchées, je signale également qu’il est très facile de télécharger les pièces de Shakespeare sur l’ordi. Mais là, mon plaisir a été gâché: lire sur écran me fatigue, je n’arrive pas à me concentrer, les lignes s’emmêlent, je n’y comprends rien….
Ma décision est prise : je commande l ‘édition Bilingue: GF-Flammarion (6€80)
Discipline de lecture : commencer par la page de gauche (anglais) et n’aller voir à droite que si le texte est obscur.
ActeI, 1, 140
In my school-days, when I had lost one shaft
I shot his fellow of the self-same flight
The same way, with more advised watch,
To find the other forth, and by adventuring both,
I oft found both: I urge this chilhood proof,
Because what folllows is pure inocence….
I owe you much, and like a wilful youth,
That which I owe is lost – but if you please
To shoot another arrow, that self way …
Que vient faire cette histoire de flèche dans le dialogue entre Antonio et Bassanio? Bassanio confie à son ami ses revers de fortune et son amour pour une dame. Antonio est tout à ses affaires de bateaux et à ses marchandises. Sûrement, je n’ai rien compris!
Traduction :
Quand, écolier je perdais une flèche,
Je lançais sa pareille à la même portée
En même direction, mais la regardant mieux
Pour trouver la première et, en risquant deux
Les retrouvais : je prend cet exemple enfantin
Car ce qui suit n’est que pure candeur
Je vous dois tant et j’ai, jeune fantasque,
Perdu ce que je vous dois; même s’il vous plait
Lancer une autre flèche en même direction
Que la première et je ne doute pas,
Tant je suivrai son vol, ou de trouver les deux
Ou de vous rapporter la dernière hasardée
Et de vous devoir la première avec gratitude
La traduction m’a confortée,ce n’était pas l’anglais qui était compliqué mais la fantaisie de Shakespeare! Pour emprunter de l’argent à son ami, Bassano nous raconte des histoires de tir à l’arc! Cet exemple m’enchante! Dès la première scène , me voilà avertie, je vais me perdre avec délices dans des digressions inattendues. Ses personnages n’ont cure de la logique, ni l’auteur de celle des spectateurs. Il va falloir me laisser enchanter dans des lieux incongrus, accepter des changements de décor, sauter à la scène 2 la lagune pour me retrouver dans le chateau de Belmont. Les règles classiques d’unité de temps et de lieu n’ont pas cours dans le théâtre Elisabethain.
Bassanio et Antonio conversent en vers, mais ce sont des vers qui ne riment pas je compte les pieds, 10-9-10-12,…. on est loin des alexandrins classiques! La belle dame Portia et sa servante utilisent la prose. Plus déroutant encore Bassanio et shylock commencent leur dialogue en prose, surgit Antonio et Shylock se lance dans une tirade en vers. Il me semble par la suite que les gentilhommes et des grandes dames utilisent les vers, les serviteurs la prose. Quoique Nérissa, à la fin promise à un brillant mariage, s’exprime alors en vers.
Aurais-je remarqué cela dans une traduction française?
Je me suis régalée à ce commentaire. C’est vrai que c’est génial de pouvoir le lire en anglais , cela fait voir autre chose.
Le théâtre élizabéthain est vraiment très différent du classique; c’est pourquoi Hugo (le drame romantique se réclamait de Shakespeare; pas d’ ‘unité de lieu, d’action, de temps, de règles de la bienséance ou de la vraisemblable , mélange des genres et des styles. Un régal! cela ne m’empêche pas pourtant d’apprécier le théâtre classique mais Shakespeare…!!
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