Peste&Choléra – patrick Deville

 

 

 

 

 

 

Yersin , depuis notre séjour à Nha Trang,  fait partie de mon Panthéon personnel. J’attendais avec impatience de lire sa biographie. Livres ou films trop désirés, trop attendus, réservent parfois des déceptions. J’ai donc ouvert le livre de Deville avec une certaine appréhension..

220 pages,  des chapitres courts, quelques pages, parfois deux. C’est un livre  concis. Le titre symbolise bien le style : Peste&choléra sans articles, sans conjonction de coordination. Rien que &. Phrases courtes, parfois sans verbe. L’essentiel. Rien de superflu.

Le personnage de Yersin a sans doute  inspiré ce style sobre. Protestant de Morges, taiseux,   Yersin est resté deux ans seulement auprès de Pasteur, deux ans médecin de marine, explorateur-cartographe ethnologue chez les Moïs et les Sédangs, découvreur du bacille de la peste à Hong Kong, planteur d’hévéa, de quinquina, amateur des premières automobiles…. Yersin est passé d’une activité à une autre avec  le même brio sans s’y attacher. Avec élégance, sans fioritures.

 

 

J’ai d’abord regretté que Deville ne s’attarde pas davantage sur les expériences : Yersin a isolé la toxine diphtérique, mais comment ? Je suis frustrée. J’attendais des protocoles expérimentaux, comptes-rendus Ce n’est pas le propos de l’auteur. Pour la découverte du bacille de la Peste Yersinia pestis, la découverte que retiendra la postérité, il est un peu plus disert, à peine.

La lecture de Peste &Choléra requiert une attention soutenue.  Racontant la longue vie de Yersin , l’auteur procède par flash- back, le vieil homme en 1940, de retour vers Nha Trang, se souvient-il ? Le lecteur dispose d’indice pour se situer dans la chronologie. Congrès de Berlin, affaire Dreyfus, Exposition Universelle, il faut dater soi-même les évènements, les chiffres auraient sans doute altéré la sobriété du style. Parfois l’auteur se met lui-même en scène, introduisant ainsi des anachronismes, si on n’y fait pas attention. Jeu intellectuel qui requiert la participation du lecteur.

Si le récit est avare en détails pittoresques, en revanche interviennent de nombreux personnages de premier plan qu’on a plaisir à rencontrer : les pasteuriens bien sûr, le Commandeur, pasteur, lui-même, mais aussi Roux, Calmette, et de nombreux autres. Avec Paul Doumer il fonde Dalat. Plus inattendus, Livingstone, l’explorateur-modèle, Rimbaud…mais aussi la « bande » des sahariens, ou celle des parnassiens, quand Yersin était à Paris avec Pasteur, celle des artistes de Montparnasse, beaucoup plus tard. Lyautey et Ho chi Minh… Et même ce pasteurien que fut Destouches – alias Céline.  Du Second Empire à la Seconde Guerre mondiale, toute l’histoire défile sous les yeux de cet original que fut Yersin. Pour le plus grand plaisir du lecteur.

C’est aussi un voyage, Yersin, médecin de marine, marin comme Loti a navigué sur la mer de Chine, entre Saigon, Manille ou Haiphong.  Médecin de la Peste, il a soigné à Hong Kong, Canton Bombay, mais surtout héritier de pasteur, il a présidé aux destinées des nombreux Instituts Pasteur éparpillés entre Brésil, Australie, Europe et Asie.

Comment reprocher alors à Deville de ne pas avoir consacré plus de place à l’expérimentation en bactériologie ?

lire aussi la critique ICI

 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

11 réflexions sur « Peste&Choléra – patrick Deville »

  1. Ses expériences bactériologistes seraient sans doute à autre livre à faire, par quelqu’un d’autre. J’ai l’intention de lire celui-ci dès que la bibliothèque l’aura.

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  2. Quand le Dr Destouches n’était pas encore Céline, il annonçait en ces termes la décadence de la France :
    – «L’alcoolisme d’abord. Il y a 1200 milliards d’alcool qui se boivent par an en France. Ça fait une belle éponge ! Je connais les vertus de l’alcoolisme, l’impression de puissance. Très dangereux. L’impression de force. D’où toutes les redondances et répétitions. Ensuite, on fume 700 milliards par an. La fumée qui donne de fausses sensations poétiques et profondes, des idées fausses aussi. Je ne croirai qu’à un buveur d’eau. Et qui ne pense pas à roter et à digérer. Parce que les pieds sous la table… Il n’y a pas de famille sans le repas de midi. Donc on commence à bouffer, apéritif, on bouffe à midi, on rote, on ballonne, on pète, on fait un tas de trucs qui sont les phénomènes de la digestion. Chez un homme très abstinent, il n’y a que deux heures par jour sur vingt-quatre d’activité. C’est déjà beaucoup. Cette hygiène janséniste, personne ne veut s’y plier. Donc on va dans le monde. On proustise. Et le peuple copie le monde, ils proustisent, eux aussi. Tout ça abrutit le bonhomme. Il meurt sans avoir jamais pensé à rien.»

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  3. Celui là je l’ai noté et je suis comme Aifelle j’attends patiemment qu’il soit disponible en bibliothèque, j’aime les histoires et les vies de scientifiques et cette peste là me tente bien

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  4. Tu as eu le nez pour ce roman bien parti pour rafler tous les prix.
    Je n’ai pas lu non plus le roman de Wajdi Mouawad malgré l’admiration que j’ai pour sa pièce de théâtre, le plus grand choc en langue française depuis Koltès. Anima donc à ajouter sur la liste de l’hiver.

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  5. Merci pour le lien Miriam, c’est très gentil 🙂
    J’aime beaucoup ce que tu dis de ce livre. C’est vrai qu’on arrive avec des attentes qui sont finalement détournées, et ce n’est pas plus mal à condition d’aimer ce genre de livre.

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