CARNET ARMÉNIEN
La route M2 qui va vers le sud et l’Iran traverse des montagnes très vertes découpées par le ravinement où des roches rougeâtres dépassent – chicots rocheux – vers les sommet? il y a encore des névés. Un troupeau de vaches est gardé par le berger à cheval. Dans un creux, coule la rivière Arpa, tumultueuse, bordée de saules. Quand le terrain est plat on cultive la vigne et des arbres fruitiers. D’énormes rochers arrondis proviennent d’une ancienne coulée que la route a découpée.
Vaik : grosse bourgade composée de quelques barres HLM roses carrelées de tuf mais aux balcons rouillés.
Dans une étroite vallée, sous des pitons rocheux le torrent Darb, gonflé par la fonte des neiges, est sorti de son lit, les arbres au milieu du courant. Les rives sont aménagées pour le pique-nique : tables et bancs sous de petits auvents. Le paysage est volcanique Le col est à 2344m, à cette altitude, les arbres sont encore hivernaux. La route fait des épingles à cheveux Un lourd camion iranien gravit la côte au ralenti. Je le croyais arrêté. Il négocie les virages avec lenteur.

A Saralanj, des paysans vendent des asperges sauvages vertes et violettes ainsi que de curieux petits bulbes blancs. La montagne ruisselle de partout. Juste après le village, nous nous arrêtons derrière un buisson d’aubépine aux bourgeons prêts à éclater. Petit film panoramique. Je me retourne et découvre le Mont Ararat, dans le creux de la vallée ! Un peu plus loin,, le village d’Ughedzor est adossé à la pente. Les névés sont proches.

Nouvel arrêt-photo sous le col. Mon cahier a disparu. Il était presque terminé : 6 jours de voyage, 90 pages de notes, des heures à écrire. J’en aurais pleuré. Le matin-même comme il était presque fini, j’avais pensé le remiser dans la valise. Je n’arrive pas à me résoudre à cette perte. De plus, il souffle un vent puissant qui pourrait l’entraîner au loin dans le vallon. En courant je descends la route pour rejoindre les emplacements où j’ai pris des photos. Rien ! je cherche à reconnaître le buisson d’aubépine. J’enjambe la glissière métallique pour fouiller les buissons. On retourne jusqu’aux vendeurs d’asperges. Rien !
Il avait glissé sous mon siège.

Vorotan Pass (2344m) est souligné par un étrange monument : sorte d’arche inachevée avec un aigle sculpté. Un panneau avec un dromadaire annonce « Route de la Soie ». On peut rêver aux caravanes remplacées par les énormes camions iraniens. Sur le côté, un peu plus bas, une bizarre installation ressemble à un chevalet de mine abandonné, des bâtiments en ruine. Qu’a-t-on extrait ici ? Un grand lac occupe la vallée. Les affleurements sont hétérogènes : blocs de différente taille, moraine ou débris pyroclastiques ? Les silhouettes des vaches se détachent sur ces alpages très verts.
Gorhayk est un village aux maisons basses et aux meules de paille très hautes en pyramides pointues. Grande station-service – moderne caravansérail. Auprès du lac une zone humide, ressemblant à un delta où serpentent les bras d’eau d’une rivière inconnue. D’innombrables pylônes de tout calibre se dressent dans la plus grande anarchie. Sur une éminence on a construit une tour carrée surmontée d’un fatras d’antennes et de paraboles. La route rénovée file droit en mont gagnes russes sans un virage et entaille des mamelons révélant des couches de cendres de différentes couleurs finement stratifiées.
Le plateau est une pelouse de pâturages verts en cette saison, en été on doit imaginer une steppe. L’image des caravanes occupe mon imagination. Près du village, les champs sont labourés. Six tracteurs sont garés dans les champs. Sur le bord de la route : un étrange pont en ciment permet de faire de la mécanique en plein air.
Zorats Kar

Peu après Sissian une route de gravier conduit aux alignements mégalithiques de Karahunj : menhirs et cromlech, en ligne ou en cercle. Certaines mégalithes sont percés de tous arrondis ce qui conduit à interpréter le site comme un observatoire astronomique. Je m’amuse à cadrer les photos dans ces ouvertures. Les Arméniens sont très fiers d’affirmer que ces alignements sont plus anciens que Stonehenge (7500ans selon le Petit Futé, 5000-4000 selon Kaplanian) . Les supports des panneaux explicatifs sont encore sur place mais les explications se sont envolées.
Retour sur M2. Dans un petit bar, je demande les toilettes. La dame, d’un geste, m’indique la petite cabine métallique à une cinquantaine de mètres de là, toute rouillée. Il faut d’abord trouver l’entrée. Deux planches écartées sur une fosse profonde de 2 ou 3m. C’est aéré ! Heureusement que mes poches étaient bourrées de kleenex !
Le route est maintenant très mauvaise, creusée de nids de poules. Chaque conducteur a sa stratégie personnelle pour les éviter, descendre sur le bas côté, se déporter à gauche. Des réparations sont en cours. Une équipe de cantonnier creuse au marteau-piqueur des carrés, une autre équipe remplit les trous à la pelle avec un mélange de gravier et de goudron. Pas de rouleau compresseur en vue.


…Ah, le commerce « au bord de la route », comme chez nous…
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@George : je me rappelle bien des ventes de fruits et de légumes en juillet sur les routes roumaines mais ce qui est extraordinaire ici c’est qu’il n’y a encore rien dans les jardins, la neige est à peine fondue et déjà on ramasse les plantes sauvages. Par ailleurs est-ce que quelqu’un connait ces bulbes?
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Le passé est peut-être moins fort et abouti qu’A propos d’Elly et Une séparation, mais il me semble plus profond, plus dense que les autres, le roman de l’exil et du regard croisé et surtout dé-Croisé orient/occident. Et il ose filmer le petit peuple parisien en lutte, qui n’existe généralement pas en dehors du monde du théâtre, du cinéma ou de l’édition. C’est un film que j’ai revu deux fois et dont chaque vision a densifié la précédente. La deuxième fois, j’ai trouvé la jeune adolescente meilleure que Bérénice Bejo, et Ali Mossafa et Tahar Rahim époustouflants.
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