CARNET PROVENÇAL
Mon dos est coincé. Je serais bien incapable de visiter le Petit Palais d’Avignon comme prévu. J’ai donc lu Mireille avec grand plaisir.
« Je chante une fille de Provence. Dans les amours de sa jeunesse. A travers la Crau, vers la mer dans les blés. Humble écolier du grand Homère, je veux la suivre ; Comme c’était seulement une fille de la glèbe. En dehors de la Crau il s’en est peu parlé. »
Mireille, c’est un peu Roméo et Juliette dans le pays d’Arles. Mireille est la fille d’un riche agriculteur, le Maître, pater familias dans la tradition romaine. Vincent, d’un vannier qui va de ferme en ferme vendre ses paniers, va-nu-pieds. Amours contrariées qui ne peut que se terminer tragiquement.
Mireille est un poème épique douze chants écrits en provençal. Frédéric Mistral se réclame d’Homère mais aussi de Virgile. Proximité de la Provence avec l’Antiquité gréco-latine. Mireille a été dédié à Lamartine qui a rédigé la préface :
« Le lendemain, au soleil couchant, je vis entrer Adolphe Dumas, suivi d’un beau et modeste jeune homme vêtu avec une sobre élégance, comme l’amant de Laure quand il brossait sa tunique noire et qu’il peignait sa lisse chevelure dans les rues d’Avignon. C’était Frédéric Mistral, le jeune poète villageois destiné à devenir comme Burns, le laboureur écossais, l’Homère de la Provence. »
Burns, aussi Byron de Childe Harold. Poète romantique ?
C’est le poème du Pays d’Arles décrit précision et lyrisme. Évocation de son histoire et de ses légendes.
Chant premier : Le Mas des Micocoules , à la veillée, les laboureurs écoutent le vieil Ambroise, chanter ses exploits sur mer. Vincent éveille l’amour de Mireille avec des aventures pourtant simples, pêche aux sangsues ou courses des garçons.
Chant deuxième : La Cueillette : Au cours de la cueillette des feuilles de mûrier Vincent et Mireille se rapprochent, Vincent grimpe avec elle dans le mûrier qui se fend. Ils trouvent un nid Mireille prend les oisillons dans son corsage…
« Chantez, chantez magnanarelles, en défeuillant vos rameaux….. »
La description détaillée des travaux des champs est l’un des charmes les plus prenants de l’œuvre de Mistral.
Chant troisième : Le dépouillement des cocons l’élevage des vers à soie est une occupation féminine. C’est l’occasion de rassembler les générations, de transmettre les contes, de rêver au prince charmant, d’avouer ses amours. J’ai beaucoup aimé ce chant où le fantastique s’invite avec la sorcière Taven.
Chant quatrième : Les Prétendants : occasion de découvrir les pêcheurs de Martigue, Le berger Alari avec une merveilleuse évocation de la transhumance, les chevaux blancs de la Camargue
« Car à cette race sauvage, son élément c’est la mer. Du char de Neptune échappée sans doute. Elle est encore teinte d’écume. Et quand la mer souffle et s’assombrit, Quand des vaisseaux rompent les câbles, les étalons de Camargue hennissent de bonheur. »
Enfin, le plus terrible, le toucheur de taureaux Ourrias :
« Des bœufs, il avait la structure, et l’œil sauvage et la noirceur, et l’ai revêche, et l’âme dure »
Par lui, arrive le drame.
Chant cinquième : Le Combat où s’affrontent Vincent et Ourrias ; combat épique où le jeune vannier s’illustre contre le redoutable adversaire. La morale est sauve, dans la nuit de la Saint Médard Ourrias est englouti dans le Rhône, la barque chavirée sous le poids de l’assassin. Et encore le chant devient fantastique avec la danse des Trèves sur le Pont de Trinquetaille.
Chant sixième : la Sorcière, Taven, aux Baux, invoque les Fées, les Follets, l’Esprit Fantastique, l’Agneau noir et la chèvre d’Or. De la description agreste de la vie des paysans de la Crau, nous sommes transportés en plein merveilleux. D’ordinaire, je suis très peu sensible aux charmes du fantastique, mais je me suis laissé transporter.
Le chant septième Les Vieillards, change de registre Maître Ambroise, le vannier vient au Mas des Micocoules, demander à Maître Ramon la main de Mireille pour son fils Vincent. De retour au Mas, Mistral va nous décrire une nouvelle coutume agricole : la Moisson, le repas des moissonneurs. Il donne des détails sur leur accoutrement, leurs outils, le travail de la terre.
Chant Huitième : La Crau Mireille désespérée, va aux Saintes-Maries supplier les patronnes de la Provence de fléchir ses parents. Occasion pour le poète de chanter la terre, les lézards, les alouettes huppées, les cigales, les papillons, la chaleur accablante de l’été, mais aussi d’invoquer un Saint local saint Gent, et la coutume du ramassage des limaçons.

Chant neuvième : l’Assemblée met en scène tous les travailleurs du mas, faucheurs, faneuses, glaneuses, bergers ou moissonneurs et bergers. Le Maître les convoque pour retrouver sa fille. Encore une occasion de mieux chanter cette Provence agricole :
« Quarante moissonneurs, quarante, Pareils à des flammes dévorantes, De son vêtement touffu, odorant, gracieux, Dépouillant la terre ; ils allaient Sur la moisson qu’ils moissonnaient, comme des loups ! [ ….]Derrière les hommes, et en longues files comme les crossettes d’une vigne, tombait la javelle avec ordre : dans leurs bras les ardentes lieuses Vite ramassaient les poignées, Et vite, pressant la gerbe D’un coup de genou, la jetaient derrière elles »
Le ton devient épique quand il convoque l’Histoire de la Provence !
« Cela ressemblait par les champs aux pavillons d’un camp de guerre : comme celui de Beaucaire, autrefois quand Simon et la Croisade française, Et le légat qui les commande, Vinrent impétueux à toue nord Egorger la Provence et le Comte Raymond »
Chant dixième : la Camargue Mireille traverse la Camargue, elle est frappée d’un coup de soleil et cde chant se termine par les visions. Même si, la veille d’une excursion aux Saintes Marie, ce chapitre m’a intéressée, je ne me suis pas laissé emporter par son délire ni par le discours mystique dont je me sens très éloignée et pas attirée du tout non plus par le Chant onzième Les Saintes même si j’y apprends qui était Saint Trophime dont j’ai visité l’église et le cloître à Arles, même si l’évocation de la Tarasque est pittoresque, et même si on retrouve le roi René…
Dans le dernier et douzième chant La radieuse mort de Mireille était inévitable, comme celle de Vincent qui arrive juste à temps pour lui toucher la main.
Ce n’est pas tant le roman d’amour qui m’a touchée que l’évocation de la vie rurale dans cette région d’Arles où nous passons une semaine. Pas un village, pas un aspect de la vie Provençale qui ne soit magnifiée et si magnifiquement chantée.
À propos d’Avignon, si la ville passe au FN, le directeur du festival risque d’aller planter ses tréteaux dans une autre ville, les retombées seraient énormes…
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@Jeanmi : je comprends votre inquiétude!
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Tiens je vois qu’il n’y a pas que moi qui m’inquiète!
Tu parles vraiment très bien de Mireille; je suis sûre que tu donnes envie de le lire. Tu as raison de dire que la campagne provençale y est est magnifiée. Le lyrisme et l’épique s’y mêlent!
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@claudialucia : perci, c’est à toi que je dois cette lecture!
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