CARNET DE CASAMANCE

Le Musée IFAN – Théodore Monod – est situé Place Soweto dans l’ancien Palais du Gouverneur (1936) : belle bâtisse Art Déco (version sobre) jaune, à l’entrée surmontée d’une coupole dans un ardin de palmiers. Un peu plus loin, un pavillon jaune plus vif est rehaussé de blanc où se tiennent les expositions temporaires. Entrée 5000francs pour les étrangers (2000 pour les sénégalais). Selon le guide Evasion, le Musée est riche de milliers de pièces collectées dans toute l’Afrique occidentale, du Bénin au mali en passant par la Côte d’Ivoire. Seules quelques unes sont visibles selon une présentation un peu désuète mais pédagogique par thèmes. A notre arrivée Madame NDour, une dame en tenue traditionnelle rose, se propose pour commenter la visite et la rendra passionnante.
Le premier thème abordé est la Fécondité introduite par un masque sur une « robe » de raphia la Déesse Nimba
Ses seins tombant témoignent de nombreux allaitements. Son nez recourbé évoque le bec du calao qui symbolise également le sexe masculin.
Le calao est symbole de maternité chez la femme et de fécondité pour la terre.
Mme NDour nous montre aussi un groupe de deux statues féminines, l’une est épanouie, le visage souriant, les mains écartées sur son ventre fécond, la seconde a « l’air stressée », elle referme ses mains sur son ventre stérile. La fécondité est la grande affaire des femmes. Une vitrine contient des « poupées de fécondité » togolaise qui servent aussi de jouets aux petites filles. La conférencière revient sur les rites de fécondité et sur le Kagnalène. Selon elle, 80% des femmes prises en charge par ce rite mettent au monde des enfants en se libérant du stress.
On passe ensuite aux colliers de protection des bébés ou des mères portés à la ceinture, ou au cou, colliers de séduction, gros colliers pour « casser le cou » des bébés, colliers parfumés.
Le second thème est celui de l’Initiation

Initiation des jeunes filles à la puberté pendant laquelle la jeune fille apprend à s’occuper de son mari et de sa maison. Les initiatrices sont masquées. Un curieux masque porte un haut de forme, symbole de dignité. J’avais entendu d’initiation, mais jamais de la bouche d’une femme. Les guides locaux nous parlaient surtout de l’interdit et du secret.
Une série de masques diolas ornés des cornes du bétail illustre l’initiation des garçons. L’initiation est l’école de la vie sociale. Il existe aussi une seconde initiation « boukout » qui ne se déroule que tous els 20 ou 25ans, l’homme doit venir, toutes affaires cessantes profiter de cette occasion qui ne se représentera peut être plus. Trois masques de guinée Bissau résument les trois étapes : l’hippopotame, animal incontrôlable avant l’initiation le taureau fougueux et brutal, au cours de l’initiation, enfin la vache calme et docile figure celui qui est initié.
Chez les Bassari, filles et garçons sont réunis dans des cases communes et doivent prouver qu’ils snt capables d’avoir des enfants. Le mariage à l’essai est concluant, ou non. Chez eux la jalousie n’est pas de mise.
Tissage de longues bandes sont consacrées aux grandes occasions : offerte aux mariages dans des corbeilles, on posera le bébé pour son baptème, et ce linge servira aussi de linceul.
Quelques objets sont un peu étranges comme cette chaise royale ornée du calao reposant sur 4 personnages, deux femmes devant deux hommes derrière : « le roi est soutenu par son peuple » dit la guide.
Une machine à repasser les beaux boubous de bazin amidonnés qui ressemblent à de la toile cirée et qui sont raides et brillants. Sur un cylindre, on pose le vêtement qui est battu avec des bâtons ressemblant à de petites massues.
Les portes de grenier racontent la vie de leur propriétaire : un serpent désigne un vieillard…

Le dernier thème concerne les rituels agricoles. Chez les Bambaras, au Mali, le cimier rend hommage à l’antilope qui a appris aux hommes à cultiver. Un masque, très beau cimier rassemble de nombreux symboles : les dents du crocodile rappellent la nécessité de l’eau, les courbes du caméléon figurent la patience, les cornes de l’antilope, la rapidité. On trouve aussi les tresses de la femme pour la fécondité, avec le bec du calao.
Certains masques ont des fonctions de contrôle social : si quelqu’un a fauté (vol, adultère) on l’humilie sous l’arbre à palabres. Souvent le coupable prend la fuite et préfère tout abandonner à la honte d’être désigné. D’autres masques doivent faire peur comme les Revenants.
Je remercie chaleureusement la guide pour cette visite.
A l’étage une exposition temporaire est consacrée à la Lutte Sénégalaise – sport national – aux lutteurs. Mor me rejoint et me sert de guide ; Il connait bien les lutteurs et tient à me raconter lui-même les champions et leurs gris-gris. Il y a des portraits et affiches. Ces hommes musclés (parfois gras) qui prennent des poses avantageuses ne m’attirent pas spécialement.
L’exposition Intitulée : Force&Fierté 30 ans de photographie de la photographe Angèle Etoundi Essamba, en revanche m’a enthousiasmée ! Si je suis une fidèle de Photoquai je visite rarement des expositions de photos. Je m’intéresse généralement plus à l’aspect documentaire qu’à l’esthétique de l’œuvre elle-même. Ici, l’image contient une telle force que j’en ai été vraiment remuée. La série de photographie en noir et blanc est d’une grande puissance. Noire, l’artiste qui travaille parmi les blancs joue de symboles. Elle joue des rayures, des zébrures, des griffures blanches sur le corps, le visage ou le vêtement. En couleur, elle donne un visage aux femmes invisibles de Ganvié la cité lacustre béninoise, aux travailleuses des mines…De très belles photos en couleurs célèbrent les matières africaines, la terre, le bois mais aussi l’eau. Etoundi Essamba a aussi donné sa chance à un collectif de jeunes photographes sénégalais qui profitent de sa notoriété pour présenter leurs œuvres.