Judas – Amos Oz – l’éloge de la traîtrise?

LITTERATURE ISRAELIENNE

Judas
couverture de l’édition en portugais

Merci à Babelio et aux éditions Gallimard de m’avoir permis de lire en avant première Judas d’Amos Oz avec le plaisir de la la découverte!

Amos Oz est un auteur que je suis depuis longtemps. J’ai toujours plaisir à me plonger dans son univers. Judas se déroule à Jérusalem dans l’hiver 1959-1960. La ville est encore divisée. Le souvenir de La Guerre d’Indépendance et du siège de Jérusalem est encore présent.

Schmuel Asch est étudiant. Il rédige un mémoire sur Jésus dans la tradition juive. Son amie vient de le quitter, son père, de faire faillite. Il trouve un travail singulier : tenir compagnie à un septuagénaire infirme, Wald, quelques heures en soirée, lui faire la conversation, lui servir du thé… en l’échange du gîte et du couvert. Dans la maison règne Atalia, femme belle mais étrange, qui fascine Schmuel.

Schmuel est un garçon sensible mais véléitaire, maladroit, révolutionnaire, solitaire. J’ai mis du temps à m’attacher au personnage « révolutionnaire de pacotille, tout juste bon pour le café du commerce… » . Son histoire d’amour pour Atalia, plus âgée que lui, indépendante qui joue de son pouvoir de séduction, ne m’a pas intéressée. Ce genre d’histoire ne mène à rien, Wald l’avait prévenu dès le début.

Un des thèmes de ce roman est la perception de Jésus par les Juifs au cours des siècles et les rapports entre le christianisme et la judéité de Jésus. Controverses moyenâgeuses perverses auxquels les rabbins et érudits doivent se soumettre…

« Ce qui ne m’empêche pas de me demander ce que seraient devenus le monde et les Juifs s’ils n’avaient pas rejeté Jésus. Je n’arrête pas de penser à celui qui l’a livré à ses ennemis pour trente pièces d’argent. Cela vous paraît logique à vous?Judas était riche et possédait des terres à Kerioth, paraît-il. Trente pièces d’argent! Trois fois rien. Le prix moyen d’un esclave.

Le personnage de Judas : le traître, dans la tradition chrétienne, le Juif, lui paraît essentiel. Que Jésus soit juif ou pas, n’est pas le plus important dans le rejet des Juifs par les Chrétiens, c’est plutôt l’identification des Juifs à Judas, le traître. L’hypothèse de Schmuel est que Judas est au moins aussi important que Jésus dans la naissance de la nouvelle religion.

Ce serait lui qui aurait orchestré la crucifixion croyant  que le  miracle aurait lieu qui persuaderait toute l’assistance,  et tout Jérusalem, de la mission de Jésus. Judas aurait eu trop confiance. Plus que Jésus lui-même, qui ne voulait pas aller à Jérusalem.

En revanche, Shealtiel Abravanel, le père d’Atalia, est un personnage original et passionnant dont on découvre l’identité et les idées au cours du roman. Schmuel va mener l’enquête aux archives pour comprendre comment ce dirigeant sioniste a disparu de l’actualité à la veille de la résolution de l’ONU donnant naissance à l’Etat d’Israël. L’unanimité s’est faite autour de Ben Gourion pour la partition de la Palestine et la création d’un Etat juif. Unanimité sauf Shaltiel Abravanel contraint de démissionner. Abravanel, le traître, qui s’est cloîtré dans la maison où travaille Schmuel.

« Ils l’appelaient traître parce que, en 1947 et même en 1948, en pleine guerre d’indépendance, il ne démordait pas de l’idée que la décision de créer un Etat juif constituait une erreur tragique. »

Le thème du traître met en parallèle Judas et Shaltiel Abravanel. Encore faut-il définir la traîtrise!

« Il écouta Schmuel s’étendre sur le mot « traître » qu’il fallait plutôt interpréter comme un titre d’honneur. »

Traîtres, le Général de Gaulle, qui a donné l’indépendance aux Algériens? Le prophète Jérémie? Abraham Lincoln?, les officiers allemands qui tentèrent d’assassiner Hitler? Théodor Herzl fut accusé de traîtrise parce qu’il avait envisagé la création d’un Etat Juif hors de Palestine. Même Ben Gourion quand il accepta la partition du pays en deux états…..

Ce livre s’inscrit aussi dans une réflexion sur la création de l’Etat Juif, remet en causse une unanimité aussi bien dans la Communauté juive que dans le concert des nations à l’ONU en 1947-48.

Abravanel : « Après de longues années de discussions avec ses amis en Palestine et dans les pays voisins, il était parvenu à la conclusion que la principale préoccupation des Arabes tournait autour de la supériorité des juifs en matière de compétence, de technologie, d’ingéniosité et de motivation[….]d’après lui, il redoutait moins le petit embryon sioniste que le géant destructeur qu’il contenait en germe… »

Abravanel, qui se disait sioniste et qui avait travaillé dans les institutions sionistes du temps du Mandat britannique  en arrivait à une remise radicale de la notion d’Etat :

« Abravanel ne croyait pas à l’idée d’un état. Pas même binational. ni à une confédération judéo-arabe. Pour lui, un monde morcelé en une centaine de pays avec des postes-frontières, des barbelés, des passeports et des drapeaux, des armées et des monnaies différentes était une illusion archaïque, primitive, meurtrière, un anachronisme qui ferait long feu…. »

Les idées d’Abravanel, si décalées, si minoritaires, peuvent elles trouver un écho actuellement? Le roman qui se déroule il y a plus d’un demi-siècle, ne le dit pas.

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

14 réflexions sur « Judas – Amos Oz – l’éloge de la traîtrise? »

  1. Bonsoir Miriam, tu es la troisième personne à chroniquer ce roman (en bien). Je l’ai noté. Et puis la littérature israélienne m’intéresse. Bonne soirée.

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  2. un livre que j’ai mis à mon programme de rentrée, Amos Oz est un auteur que j’apprécie et le sujet me tente beaucoup
    je n’ai pas lu complètement ton billet j’y reviendrai le moment venu

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  3. Si je me souviens bien, la sculpture s’appelle: « Le baiser »…Au present, ils ont commence ici une sorte de collecte publique pour acheter une sculpture de Brancusi qui coute 11 millions Euro…La sculpture est dans la propriete d’une famille d’ici et s’apelle: « Sagesse de la Terre »

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  4. Ha j’avais raté ce billet. Mais pour l’instant je n’ai pas trop envie de me lancer dans le roman (j’ai pourtant écouté l’auteur à la radio récemment, fort intéressant)

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  5. J’ai beaucoup aimé ce livre. Il pose des questions, affirme des idées inedites pour moi et decrit des événements sur Israël…

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