35. San Nicolau – Monte Gordo Faja et la côte Ouest

CAP VERT 2002

Montée au monte Gordo en 4X4

Le temps est couvert. Lorsqu’on arrive au col avant Cachaço, il fait même carrément frais. La piste du Monte Gordo est très étroite. Au beau milieu devant une maison toute une foule fait du ciment. Ils aplatissent leur tas pour qu’on puisse passer au-dessus. Je me renseigne : « Est ce que la route est carrossable ? ». Une femme regarde le 4×4 et nous rassure. La montée est impressionnante, cela grimpe tout droit pendant un bon moment puis les lacets sont très serrés, des épingles à cheveux. La Suzuki est très vaillante mais comment se comportera t-elle à la descente ? Dominique n’a pas du tout confiance. Une fois engagées, nous n’avons d’ailleurs plus le choix. Nous arrivons à une maison, une grille barre la route. Il faudrait continuer à pied. Une jolie forêt d’eucalyptus et de plantes inédites aurait été bien tentante sans le soucis – que dire, l’angoisse du retour. Qui gâche tout.
D’autant plus que Suzuki refuse de repartir. Que faire ? De toute façon il faudra redescendre. Je pars quelques minutes en exploration. En d’autres circonstances j’aurais été enthousiasmée par la forêt magique avec les mousses et les lichens qui pendent, les cultures soignées dans le cratère. J’aurais cherché les caféiers censés s’y trouver. Mais dans ce matin gris et froid avec la perspective de la panne ou pire encore, je n’ai pas le cœur à herboriser.
Quand je reviens à la maison, Suzuki, refroidie, veut bien redémarrer. Nous faisons une distribution de chewing gum et de crayons aux enfants de la maison forestière, très polis.

Distribution de crayons

LA VOITURE EST MAUVAISE !!

Dominique entame la descente. Je la précède à pied pour dégager la route des passants éventuels, je baragouine « la voiture est mauvaise« . Incrédulité,- « pas de freins »-. J’explique sans doute mal, le mot portugais doit être très différent.
Dominique descend à 5 à l’heure. Les premiers virages, j’ai à peu près confiance. Si elle réussit à maintenir cette allure, cela devrait bien se passer. Ce qui m’inquiète le plus, c’est la grande ligne droite. J’ai peur que la voiture ne s’emballe.
Une vieille avec deux enfants descendent un bidon d’eau sur la tête du petit et de la lessive. Je me gare. Dominique les décharge du bidon et de la lessive. La petite fille est ravie. A un tournant, des hommes maçonnent le parapet, les femmes gâchent le ciment et surtout vont chercher l’eau pour en refaire d’autre. Elles sont 4 avec leurs seaux. J’essaie de les faire pousser, – pas moyen-, elles entourent la voiture. Je recommence : « Carro mau ! Non ! ». Celle qui porte un maillot de foot est catégorique, la voiture est très bien, pour un peu, elle la conduirait elle même. Elles ne comprennent pas pourquoi nous encombrons le passage. Je trouve la solution : « la voiture a chauffé, elle doit refroidir« . Cela, je sais le dire en Portugais, et cette explication leur convient.

Le volcan Montegordo

Heureusement, parce que Dominique, au volant, est sur le point d’exploser. La femme au maillot bleu répète doctement les explications à ses copines. Pour les freins, elle est incrédule. La Suzuki est une bonne voiture.
Dominique maintient la cadence de tortue, tous freins serrés, à pied et à main. Nous sommes presque en bas, il faut encore franchir l’obstacle du tas de ciment (on l’aplatit à nouveau). Imprévu : un âne refuse obstinément de dégager le passage. Un gamin tire de toutes ses forces sur la ficelle, l’âne coince ses sabots, rien à faire, une des maçonnes lui donne des coups de pelle (elle tape sur le harnais, pas sur l’âne). Après l’âne, je monte en voiture, la descente se termine bien mais nous avons besoin de nous refaire. Pause à la chapelle pour être au calme.
La chapelle était très belle sous le soleil, se détachant toute blanche sur le ciel bleu. Aujourd’hui, sur un fond de nuages blancs, elle ne mérite même pas la photo. De plus, il fait froid.

La galerie de l’eau

Dragonnier et >MOnte Gorgo dans le brouillard

A Faja, nous cherchons la galerie qui a permis d’apporter l’eau de la nappe phréatique captive sous une vallée fossile : un tunnel long de plus de 2km. Tout le monde connaît la « galeria » et nous en indique l’entrée près d’une entreprise de menuiserie. Le menuisier lui-même nous guide à la grille cadenassée: Rien à voir : une galerie cimentée avec une arrivée rudimentaire d’air de l’époque du forage. Un responsable parlant très bien le français nous commente l’ouvrage. En cette saison, la nappe est vide, on attend la pluie sur le Monte Gordo pour qu’elle se recharge, alors viendra le délicat travail de fermeture des vannes et de distribution de l’eau d’irrigation.

Faja : jardins

les jardins de Faja

Faja est une véritable oasis avec de jolis jardins des vergers enclos dans des murettes surmontées de claies en bambou. Les papayers sont magnifiques. Certains ont des branches verticales comme les cactus des westerns. Les bananiers sont florissants ainsi que la canne à sucre à la base presque rouge avec des anneaux rapprochés. Des rangs serrés de carottes, de courges, de salades de betteraves sont très bien entretenus, désherbés (il y a même des mauvaises herbes ici !). Je demande à une femme sur le bord de la route avec un sac de mangues où je pourrais acheter des papayes ou des bananes mûres. Elle appelle un jeune homme qui me demande un sac en plastique .

papayer

et disparaît un long moment puis revient avec deux magnifiques papayes orange pour 70$. Nous nous promenons dans les petits sentiers. On se  croirait dans une oasis. Les nuages sont bas, il tombe une sorte de crachin pendant quelques minutes.
Dès que nous passons le col vers Tarrafal, plus un nuage et chaleur accablante. Nous traversons la ville et continuons vers la plage, la route traverse une sorte de plaine caillouteuse très laide, le long de la montagne, des éboulis et des pierriers sans intérêt. Le village de Barril est formé de cubes de ciment le long de la plage. Sur une pointe, un joli petit phare et surprise ! Plus loin, un bosquet d’acacias de belle taille qui donnent une ombre agréable, une plage de sable fin à l’abri des gros rouleaux. Ce serait un endroit idéal si ce n’était une décharge avec des gravats et surtout des centaines de bouteilles de bière entassées. Pour gâcher encore plus cette plage merveilleuse, des pelleteuses viennent chercher du sable. Quel dommage ! Nous pique-niquons sur le bord de l’eau. Le vent rend la chaleur supportable. Je pourrais même me baigner si nous n’avions prévu de continuer l’exploration de la côte Ouest. Dès que nous reprenons la voiture, le paysage devient plus intéressant, les montagnes se rapprochent avec des reliefs imposants et des couleurs variées : cendres noires oxydées en surface orange à jaune, poussière jaune, roches rouges violacées, noires ou grises, mauves de loin. Certaines coulées se débitent en prismes. Un volcan aux pentes couvertes de cendres grises présente trois cratères emboîtés, extrêmement bien préservés. Seules quelques rigoles creusées témoignent de l’érosion, mais de loin le cône est très régulier. Au retour nous remarquerons que du côté de la mer un secteur est effondré.
Les petits acacias forment des buissons secs, ne serait-ce que pour eux. Je prie pour une pluie abondante le mois prochain. Ils semblent à la limite extrême de la sécheresse, seules quelques branches paraissent encore vivantes.

Praia branca perché au bout de la piste

Praia Branca est un très joli village à mi-pente avec des maisons colorées. Comment-peut on habiter un tel désert ?
Après Praia Branca la route pavée devient piste poussiéreuse pavée seulement aux endroits critiques. Le rivage est très découpé et rocheux. La piste contourne un canyon très étroit découpant une coulée noire formant des orgues basaltiques. La piste devient alors scabreuse. Je retiens mon souffle, transpire de peur, conduis en pensée le 4×4 . Quelques fois, on ne devine plus la suite de la route. Il semble qu’elle donne directement sur le vide. Je descends pour voir s’il y a une suite à la piste. Oui, elle continue en pente raide. Dominique, cramponnée au volant, a déjà eu son compte de frayeur. Elle est forcée de continuer. On ne peut pas faire demi-tour. Que se passerait-il si un véhicule survenait en sens inverse ? Ce n’est pas si impossible que cela. Les rochers sont habités, partout on voit des pêcheurs perchés sur les rochers. Comment sont-ils arrivés ? Finalement nous trouvons un espace assez large pour faire demi tour. La falaise en face est vierge. Pas une trace de chemin côtier, seul le roc plongeant quasiment à la verticale dans l’océan. Fin du voyage ? Fin du monde ?

Falaises du bout du monde

Au retour on retient son souffle jusqu’à Praia Branca.

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

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