Chaudun – trois ouvrages racontent le destin de ce village des Hautes Alpes abandonné

 

Estive

Monsieur le Ministre, Nous soussignés, habitants de la commune de Chaudun […] avons l’honneur de vous
adresser respectueusement la requête suivante. Il n’est douteux pour personne qu’un des tristes privilèges
conférés par la nature au département des Hautes-Alpes est celui de compter parmi les plus pauvres et parmi
ceux où les conditions de l’existence sont les plus rudes et les plus précaires. Les montagnards alpins, sans cesse
aux prises avec les difficultés les plus lourdes et les plus imprévues, disputent péniblement à un sol rebelle et à
un ciel peu clément les chétives ressources qui suffiront à peine à nourrir leur famille. Pour ces déshérités de la
nature, le combat de la vie est terrible, continuel et souvent fatal.

Privé de toute communication avec les villages environnants, enfoncé dans les replis abrupts de rochers dénudés,
Chaudun est éloigné d’environ 19 kilomètres de son centre d’approvisionnement. L’élévation des montagnes,
l’extrême déclivité de leur pente, le mauvais état des sentiers rendent le parcours du pays excessivement difficile
et périlleux. 

Vaincus par l’indigence, nous avons l’honneur de proposer au gouvernement l’achat du territoire de notre
commune. »

p. 44  du livre de L Bronner

Chaudun évoque tant de promenades en montagne en Dévoluy où j’ai passé mes vacances d’été pendant plus de trente ans.

Col de Rabou

Chaudun, c’était à l’ombre du Pic de Bure, entre Dévoluy et Champsaur,  une montagne sauvage au delà du col du Noyer du  col du Rabou où je n’ai pas eu le courage d’aller seule tant l’endroit est perdu. Vague souvenir d’une randonnée accompagnée il y a si longtemps.  Je m’y suis installée souvent au-dessus du Col de Rabou avec mes jumelles cherchant mouflons et chamois ou surveillant les rapaces : une fois j’ai même vu un aigle chassé par un vol de choucas agressifs. J’aurais dû emprunter le sentier des bans en balcon au dessus du vallon.  Chaudun est resté le graal, inatteignable pour la randonneuse solitaire. 

Dès que j’ai vu le titre « Chaudun, le village sacrifié » de Jean Luc Fontaine je l’ai téléchargé dans la liseuse, sans me douter qu’il existait un autre livre « Chaudun, la montagne blessée » de Luc Bronner (Seuil) que j’ai également téléchargé sans même m’en rendre compte. Un troisième ouvrage Le destin brisé d’un village français de Pierre Bussière raconte l’histoire de ce village que les habitants, qui,  dans une pauvreté extrême, l’ont cédé à l’Etat et ont dû  abandonner leurs maisons en laissant la porte de leur maison ouverte. 

Chaudun, le village sacrifié de Jean-Luc Fontaine 

J’ai  commencé par le livre de Jean-Luc Fontaine : Les trois premiers chapitres se déroulent à Chaudun

« Ce village de bouscatiers têtus est l’un des plus pauvres du canton, il est bâti là, coincé entre ces hauts sommets enneigés une grande partie de l’année.

(…)

Pour survivre les habitants n’ont d’autre solution que de continuer inlassablement à couper des arbres. »

Alimenter en énergie les machines de la Révolution Industrielle. a la fin du siècle, ils ont tout déboisé:

« Là où il y a encore quelques années la forêt prospérait, rien ne repousse, sans les racines qui s’ancrent sous terre et maintiennent le sol, les éboulements deviennent fréquents, les sangliers, chamois et bouquetins s’en vont ailleurs, privant les chasseurs d’un gibier bienfaiteur. Arides, les versants deviennent dangereux. »

En dehors du bois, quelques troupeaux et de pauvres champs. Mauricette, petite bergère, privée d’école parce que fille, a appris seule à lire et rêve de liberté et de grands horizons. Avec son amoureux Elzéard, ils s’enfuient à Marseille avant que le village ne soit déserté. La suite du roman raconte les amours de Mauricette et de sa fille , Marie,  née en Argentine revenue à Marseille en 1939 juste avant que n’éclate la guerre. Résistance, déportation, Marie, se cache à Chaudun sous la garde d’ Elzéard.

Je suis un peu déçue, pas assez de vie en montagne. Le roman s’est éparpillé dans la romance.

Une belle surprise tout de même :  déplorant le déboisement, Mauricette a semé des glands, Elzéard poursuit les semis de la bergère, et rencontre un certain Jean Giono . Elzéard serait-il le héros de L’Homme qui plantait des arbres que j’ai tant aimé? 

Chaudun, la montagne blessée de Luc Bronner (Seuil)

Contrairement au roman précédent qui est une fiction, le livre de Bronner est une enquête historique rigoureusement menée sur tous les témoignages que l’auteur a pu trouver, au cimetière et à l’Etat Civil, dans les registres de l’armée, dans les documents de la paroisse et de l’évêché, les rapports de l’Inspection Académique, des Eaux et Forêts…  et dans la Presse de l’époque.

Et le résultat est passionnant! Nous imaginons la vie du village dans ses moindres détails, de la naissance à la mort des habitants. Nous connaissons leurs noms (quelques familles), le nom des maires, des curés ou des instituteurs. L’auteur a même retrouvé l’inventaire du mobilier de la pauvre église. Nous connaissons la taille, la forme du menton et du nez des conscrits pour le Service militaire (l’armée est une bureaucrate tatillonne).

Pas de roman, pas de fiction, mais tant de détails de la vie.

L’Homme qui plantait des arbres n’est pas  un berger-ermite. Il n’aurait pas pu rencontrer Giono dans sa randonnée, c’est un fonctionnaire des Eaux et forêts :  Le Vérificateur général du Reboisement. On ne planta pas au hasard des promenades des glands dans des trous mais on fit appel à des équipes de planteurs, parfois des italiens

« la République veut effacer le désastre des humains ; la République va donc replanter des arbres par milliers, en réalité par millions, une fois l’homme parti.

Les équipes de planteurs se composent généralement de 30 à 40 personnes,

63 000 feuillus et 3 363 280 résineux, des mélèzes, des pins noirs, des épicéas, des pins cembros, des pins à crochets, des pins sylvestres.

Chaudun, ce sont des millions d’arbres qui ont été plantés après le départ de l’homme… »

 

Renaissance de la montagne :  en l’absence d’activités humaines, la nature a retrouvé ses droits, la biodiversité est remarquable, le loup est revenu, une orchidée rare pousse. Un territoire difficilement accessible est devenu une réserve intégrale. Et l’auteur nous livre avec gourmandise l’inventaire de ces richesses nouvelles, flore et faune.

Il existe un troisième ouvrage racontant l’histoire de Chaudun : c’est le livre de Pierre Bussière : Le destin brisé d’un village français (pocket) je l’ai inscrit dans mon pense-bête de babélio, pour plus tard! 

 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

6 réflexions sur « Chaudun – trois ouvrages racontent le destin de ce village des Hautes Alpes abandonné »

  1. Je ne connais pas très bien cette région et pas du tout l’existence de ce village. Je serais plutôt attirée par le deuxième livre, celui de Luc Bronner.

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