Le Câble C1 a pris son envol entre Créteil et Villeneuve-Saint-Georges

TOURISTE DANS MA VILLE

Le 13 décembre 2025, a été inauguré le téléphérique urbain long de 4.5 km reliant La Pointe du Lac (et la ligne 8 du métro) à Villeneuve-Saint Georges- Villa-Nova. En passant par Valenton, Limeil-Brévannes. Inauguration festive avec des jeux pour les enfants, des ateliers, visites naturalistes et même carnaval. La foule était au rendez-vous, surtout les familles, enfants venant des communes mal reliées par des autobus et même complètement enclavées dans des zones ferroviaires, industrielles. 

Je me suis précipitée pour un survol du territoire . On comprend vite pourquoi la solution aérienne s’est imposée pour relier les communes.

RN 406 – SIAAP (assainissement) – ligne haute tension

Les premiers obstacles évités par le téléphérique : la 4 voies RN 406 puis le terrain occupé par le SIAAP (traitement des eaux usées)malheureusement les gros yeux peints par JR que l’on découvre de la route ne sont pas visibles sur les citernes . En revanche on découvre les plans d’eau, les zones naturelles entourant les installations d’épuration. Passe le TGV. Encore un obstacle terrestre à la circulation;

Lignes SNCF à l’approche de Villeneuve-triage

l’emprise de la SNCF est impressionnante. On pourrait deviner les parkings et les endroits de déchargement des containers. Les autobus doivent contourner ces obstacles, ce qui allonge considérablement les temps des trajets.

La plage bleue.

La première station du C1 se trouve à quelques centaines de mètres de la Plage bleue, parc entourant une pièce d’eau. Lieu de mes promenades que je découvre vu du ciel. 

La seconde Valenton se trouve au pied de la pente plantée d’un agréable parc Le Parc Saint Martin traversé par la coulée verte, ou Végétale (anciennement TGVal) des arbres anciens sont complétés par de nouvelles plantations. La station La Végétale. La grosse boite argentée  de la station est perchée sur le plateau de Brie, toute proche de la nature : au dessus du Parc Saint Martin et des Bois de Granville traversé par la belle piste piétonne ou cycliste . Le Câble est coudé et fait un angle pour se diriger vers Villeneuve. Sous les cabines, le territoire est alors peu attrayant, entrepôts, constructions diffuses pavillons mais aussi caravanes, même des sortes de cabanes de jardin puis  des cimetières très étendus. De grands immeubles se succèdent ensuite. Seul attraction : du street art a été réalisé sur une façade aveugle : un magnifique héron fantaisie et plus lins un grand panneau en camaïeu rose orange cubiste moins réussi. 

Il y a foule à la station Villa-Nova, une grande queue attend pour descendre à Créteil, toujours les mêmes jeux pour enfants, une troupe de danseurs et percussionnistes, et surtout une maquette du quartier des Castors, des cheminots ont construits eux même leur pavillon dans une sorte de cité-jardin, initiative tout à fait étonnante. 

Au retour une étape à La Végétale j’emprunte la coulée verte, découvre un verger pédagogique, un champ – curieuse incursion de la vraie campagne – et la Végétale s’enfonce dans le bois. Une promenade rejoint le RER A  à Boissy Saint Léger. Un autre itinéraire va rejoindre le Bois de la Grange et le château du Maréchal de Saxe, au km 7 de la voie verte qui rejoindra au km 17 Santeny puis le Chemin des Roses, 20 km rn Seine et Marne. Le Câble est donc le moyen de faire de très belles randonnées-nature et aussi des circuits-vélo puisqu’il est possible d’emporter sa bicyclette dans les cabines. 

 

La Fissure – Carlos Spottorno – Guillermo Abril – Gallimard bandes dessinées

Classé BD Doc., je l’ai emprunté à la médiathèque sans l’ouvrir. Format BD bros album de 170 pages. Une claque!

J’attendais une bande dessinée, point de dessins : des photos. Soigneusement encadrées de noir, disposées comme les vignettes d’une bande dessinée. Si le sujet n’était pas aussi grave, on penserait à un roman-photo. Plutôt un photo-reportage. Très belles photos, très travaillées. Noir et blanc ou sépia avec des plages colorisées. Le gris domine ou le marron, avec des personnages colorés, des plages vertes de l’herbe parfois….Et le thème récurrent des hommes en route, des barbelés, des miradors.

Publié en Espagnol en 2016, ce reportage glaçant est prémonitoire. Il annonce les guerres actuelles, les faiblesses de l’Europe, ses fissures.

« Cela fait quelques temps que nous y réfléchissons. En suivant la frontière extérieure, la grande fissure, nous avons trouvé des dizaines d’entailles  dans le rêve européen. C’est l’immense faille des réfugiés, les brèches du nationalisme, la fermeture des frontières et l’ombre du Brexit ; le populisme et l’islamophobie, la crise qui a opposé le Nord et le sud, la f^lère d’un bloc de l’Est qui considère Bruxelles comme la nouvelle Moscou, les cassures de la Syrie, de l’Orak, fr la Lybie. Et puis il y a la Russie, une énorme crevasse sur laquelle nous voulons à présent nous pencher »

Le livre rassemble plusieurs reportages des journalistes espagnols, Carlos Spottorno, photographe et Guillermo Abril, grand reporter pour El Pais Semanal en divers points brûlants des frontières de l’Europe : Mellila et sa haute barrière que les Africains sautent. Passages de Syriens de Turquie en Europe, à Lesbos, en Thrace et en Bulgarie.

Lampedusa : ils rapportent un reportage de l’Opération mare nostrum sauvetage en Méditerranée de bateau de migrants. (2014)

Ils suivent les colonnes de migrants à travers la Hongrie, la Serbie, la Croatie, toujours des barbelés à franchir!

La deuxième partie de l’ouvrage les conduit plus au Nord et plus à l’Est : Pologne, Lituanie, Estonie, Finlande aux frontières de la Russie alors que la première guerre d’Ukraine fait rage au Dombass, avec l’annexion de la Crimée et l’intervention de Poutine en Syrie. La  présence des réfugiés est toujours là mais la menace se fait plus précise : Kaliningrad, Narva et même au delà du cercle polaire.

Les fissures dans la glace de la banquise symboliseraient elles  ces cassures   préfigurant les conflits d’aujourd’hui?

Nos cœurs déracinés – Marie Drucker

APRES LE 7 OCTOBRE

Paul Klee – légende des marais. pourquoi Klee? Exposition Art Dégénéré

J’ai écouté Marie Drucker sur FranceInter : « il y a des millions de manières de se sentir juif ou de ne pas se sentir particulièrement juif » et j’ai eu envie de lire Nos cœurs déracinés.

«Être juif, c’est se confronter à la vastitude des possibilités d’être. Cela peut être affaire de religion, de croyance, de foi, d’appartenance, de non-appartenance, de mysticisme, de culture. On n’est ni croyant ni pratiquant, mais à la question : vous êtes juif ? on se doit de répondre « oui » sans conditions. Car, plus que toute autre, notre identité est aussi faite de nos morts.»

Percutée par le 7 octobre, Marie Drucker explore ses racines, comme le suggère le titre des « coeurs déracinés »

« Exclusivement guidée par ma liberté que je crains à tout moment de perdre, je refuse d’être estampillée et réduite à cette seule part de mon identité.

Alors pourquoi m’attaquer à ce sujet hautement inflammable ?

Parce que aujourd’hui, c’est différent. Depuis le 7 octobre 2023, c’est différent. Je ressens le besoin impérieux d’explorer l’inexploré – je viens de ces familles où l’inconnu n’est pas l’avenir mais le passé, le saut dans le vide n’est pas demain mais hier. »

J’ai beaucoup aimé l’évocation de ses grands-parents qui

« avaient un amour immodéré pour la France, pour ses valeurs, et un attachement viscéral à la laïcité »

Venus d’Europe de l’Est, Pologne ou Roumanie. Attachement à la langue allemande, celle de Zweig. L’étoile jaune encadrée. Evocation de l’antisémitisme en Pologne qui a poussé à l’exil sa famille paternelle. Vie cachée pendant la guerre.

Drancy, le Dr Drucker, le grand père,  est médecin du camp « Abraham Drucker s’est bien comporté » selon Serge Klarsfeld. Installation du cabinet médical en Normandie.

« n’est-ce pas cette condition extraterritoriale, sans contrainte de frontières, qui a donné le meilleur du
judaïsme et tant apporté à l’Europe et au monde ? Puisque les Juifs ont, de tous temps ou presque, été
détachés de la question territoriale, la préoccupation majeure était alors la circulation des idées. Le vrai
territoire est celui de l’échange oral, qui fonderait notre identité malgré nous »

La suite est une réflexion sur l’identité juive, les rapports avec le sionisme : indifférence du côté paternel, ou adhésion au sionisme pour le côté maternel. Confiance dans l’Europe, rempart contre l’oubli. Maternité.

Et pour terminer ce crédo :

« je crois aux sciences humaines, à la littérature, au cinéma comme valeurs refuges et échappatoires. malheureusement c’est vers la télévision et les réseaux sociaux que nous nous tournons par paresse… »

Crédo désabusé de l’ancienne journaliste après le 11 septembre et le 7 octobre quand l’actualité est traitée par les chaines d’information continue 24 h/24  et les téléspectateurs voraces d’images, de son, de violence. Sans parler des réseaux sociaux.

J’ai aimé cette voix lucide qui parle de notre monde.

Toutes les vies de Théo – Azoulai Nathalie

APRES LE 7 OCTOBRE…

Giacometti et Rothko

Depuis le 7 octobre, je suis saisie de « Judéobsession » comme l’a écrit Guillaume Erner dont je suis justement en train de lire le livre. Ecoute  compulsive de podcasts sur l’antisémitisme, les Juifs, la Shoah. J’ai découvert Toutes les vies de Théo en même temps que L’Annonce d’Assouline sur Répliques : la Littérature face aux attaques du 7 octobre. En même temps que l’Annonce, j’ai téléchargé Toutes les vies de Théo. Autant le livre d‘Assouline m’a parlé, autant j’ai été agacée par celui d’Azoulai

Théo, à moitié allemand par sa mère, à moitié breton, rencontre Léa à une séance de tir sportif, en tombe amoureux et l’épouse. La mère de Théo pour vaincre sa culpabilité d’allemande vis à vis de la Shoah, est ravie de cette union avec une juive, une sorte de rédemption par son fils. Ils ont une fille Noémie. le 7 octobre va déchirer cette union.

« Elle dit que l’histoire l’avait prise par le col, qu’elle l’obligeait à retourner dans sa niche. »

Léa se sent renvoyée à son identité juive, solidaire d’Israël. Théo se sent exclu. Il rencontre une plasticienne libanaise, en tombe amoureux et épouse la cause palestinienne sans réserve. Mais la belle est volage et il va se retrouver abandonné

La fracture que le 7 octobre peut induire dans un couple mixte, je la comprends ; son analyse m’aurait passionnée. Fracture réelle pour de nombreux juifs s’éloignant d’amis proches et de relations, de militants, et surtout de toute une gauche qui maintenant les rejette. Je pensais trouver cela dans le livre.

« On aurait voulu inventer ta vie, Théo, qu’on n’aurait pas osé, dit Léa. Tu auras passé la première moitié à
vouloir être juif et la deuxième à vouloir être arabe. – Et toi, à vouloir oublier que tu étais juive puis à t’en
vouloir d’avoir voulu l’oublier, dit-il du tac au tac. – Au moins, moi, je me débrouille avec ce que je suis.
Mais qui sait, un jour, tu seras peut-être toi-même… »

Mais non, plutôt une caricature. Je n’ai pas pu m’attacher à la personnalité de Théo réduite à son attraction vers les Juifs puis les Palestiniens. Il est dessiné en creux, amoureux de l’autre différente, puis retourne à son identité. J’aurais aimé voir vivre la famille de Léa, comprendre les réactions différentes au départ des deux soeurs Léa et Rose qui vivent un mariage symétrique et un divorce aussi prévisible. Cette symétrie me semble bien artificielle. Quant à la conversion de Noémie au catholicisme puis son retour au judaïsme, cela m’ a paru bien superficiel.

 

Le 8-octobre – Généalogie d’une haine vertueuse – Eva Illouz – Tracts Gallimard

APRES LE 7 OCTOBRE …

Dana Schutz : Fanatics

Le 7 octobre, l’horreur, le pogrom, le séisme. Déchirement. Urgence de vérifier qui va bien, qui est touché… Sidération.

Mais, pourquoi Eva Illouz  a-t-elle choisi  le 8 octobre ? 

« Pourquoi ce 8 octobre a-t-il été la date où la compassion, même froide et convenue, s’est aussi
mystérieusement absentée ? »

Comment, devant l’horreur des crimes, des viols, des enlèvements de bébés, la jubilation de certains intellectuels s’est exprimée? Non pas les foules  de Gaza, Beyrouth, ou  Damas. On aurait compris mais celle d’universitaires américains, canadiens, suédois qui ont théorisé cette jubilation.

« Le négationnisme et la joie face à la fureur annihilatrice du Hamas continuent d’être pour moi, une énigme obsédante »

la déclaration de Andreas Malm, écologiste de l’université de Malmö est particulièrement choquante : 

« la première chose que nous avons dite dans ces premières heures [du 7 octobre] ne consistait pas tant en des mots qu’en des cris de jubilation. Ceux d’entre nous qui ont vécu leur vie avec et à travers la question de la Palestine ne pouvaient pas réagir autrement aux scènes de la résistance prenant d’assaut le checkpoint d’Erez : ce labyrinthe de tours en béton, d’enclos et de systèmes de surveillance, cette installation consommée de canons, de scanners et de caméras – certainement le monument le plus monstrueux à la domination d’un autre peuple dans lequel j’ai jamais pénétré – tout d’un coup entre les mains de combattants palestiniens qui avaient maîtrisé les soldats de l’occupation et arraché leur drapeau. Comment ne pas crier d’étonnement et de joie»

De la résurgence de l’antisémitisme en France, de l’absence de Macron à la manifestation contre l’antisémitisme, ou des déclarations aberrantes de Mélanchon,  il n’en est pas question dans ce livre qui se concentre sur l’aspect théorique de ce qui se nomme outre-Atlantique la « French Theory« .

French, à cause de Foucault, Derrida, apparue sur les campus américains dans les années 1970 « Antiaméricanisme, anticapitalisme et anticolonialisme en constituaient les fondements »

L’essai de Eva Illouz a pour but d’analyser et de démonter cette théorie. je l’avais écoutée à la radio ICI J’ai eu envie de la lire. Cette lecture s’avère ardue pour qui n’est pas familier du vocabulaire des sciences humaines. Elle permet de mettre des concepts précis derrière le mot très très flou et connoté politiquement de « woke » qu’elle n’utilise pas. L’analyse marxiste se trouve dépassée , remplacée par le pantextualisme

« l’extension de la métaphore du texte à la vie sociale, ce que j’appelle le pantextualisme.
[…]

La déconstruction de Jacques Derrida a peut-être été la forme la plus aboutie du pantextualisme. »

On s’éloigne des catégories habituelles s’appuyant sur des faits pour décrypter des textes. Eva Illouz introduit un nouveau concept : le pouvoirisme

les notions de « discipline », de « surveillance » et « d’orientalisme» n’étaient certes pas marxistes mais
faisaient du pouvoir le signifié ultime à extirper des textes. Ce pouvoir était abstrait et sans agent et
englobait la totalité des pratiques textuelles et des sphères sociales. […]

J’appelle cette position épistémologique le « pouvoirisme

Marx avait situé le pouvoir dans la propriété, dans les moyens de production et le contrôle des termes du
contrat de travail. Pour Max Weber, le pouvoir était défini par la capacité de prendre des décisions pour les
autres et (ou) d’affecter leur comportement Les deux conceptions du pouvoir sont empiriques et font la
distinction entre ceux qui ont du pouvoir et ceux qui n’en ont pas. Le pouvoirisme ne veut pas et ne peut
pas faire cette distinction, parce que le pouvoir est vu comme constitutif de toutes les relations sociales.
[…] le pouvoirisme, la critique des textes était plus qu’un exercice d’herméneutique : elle devenait une
performance morale de la dénonciation.

De l’analyse critique on glisse vers la dénonciation, acte politique ou moral, en tout cas loin de la rigueur universitaire pour atteindre toutes les approximations, la concurrence entre les dénonciations et toutes les outrances sont les bienvenues. L’oubli de l’histoire est acté. 

« Elles racontent le monde à travers des catégories narratives qui effacent le chaos de l’histoire, l’ordonnent
moralement et créent une nouvelle intuition morale : la cause palestinienne, même défendue par un
groupe génocidaire, est intrinsèquement bonne, Israël, même quand il répond à une attaque, incarne le
mal. »

Et enfin, la concurrence victimaire qui est la négation de l’horreur de la Shoah, les Juifs n’étant plus perçus comme victimes mais comme privilégiés.

« L’antisémitisme et l’antisionisme sont devenus des marqueurs-clés de l’identité sociale grâce à deux
processus sociologiques sous-jacents : la concurrence socio-économique et victimaire des minorités »

Instinctivement, je saisis ces concepts de  « pantextualisme », « pourvoirisme » mais je me trouve intellectuellement bien démunie! A l’heure de l’Intelligence Artificielle et des Fake News, il va être bien difficile pour le citoyen lambda de séparer le vrai du faux. Et j’ai peu d’espoir du côté des universitaires.

Anatomie de l’Affiche Rouge – Annette Wieviorka – SeuilLibelle

ENTRE HISTOIRE ET MYTHE

incipit 

« Le  février Missak Manouchian entre au Panthéon, avec son épouse Mélinée. L’histoire mérite d’être connue et reconnue. Missak, le militant, le résistant est une figure digne d’être honorée. Mais je suis saisie par un double sentiment, celui d’une injustice à l’égard des  autres résistants étrangers fusillés en même temps que lui par les nazis et d’Olga Bancic guillotinée ; celui d’un malaise devant un récit historique qui distord les faits pour construire une légende »

Ce court essai (46 pages) est une leçon d’histoire, rigoureuse.

La légende de l’Affiche Rouge a été construite à plusieurs reprises.

Par les nazis d’abord, qui ne firent pas figurer tous les résistants mais surtout les juifs, ce qui correspondait à la propagande de l’époque. Choisir parmi les résistants du FTP-MOI ceux qui étaient juifs quitte à qualifier Celestino Alfonso de « juif espagnol »de « ne pas mettre sur l’affiche » le français Rouxel. Attribuer un nombre fantaisiste d’attentat à chacun. Les mettre en scène….Sur les 23 condamnés seuls dix figurent sur l’affiche, 7 juifs sur les dix présents alors qu’ils étaient douze sur les vingt trois fusillés…

Tous étaient FTP-MOI . Missak Manouchian ne remplaça Boris Holban qu’en aout 1943. Officiellement, le « groupe Manouchian » n’a jamais existé sous ce nom, affirme l’auteur….

Annette Wieviorka étudie dans le détail les personnalités de ces combattants du FTP-MOI, loin de la légende ou de la propagande sans éluder la trahison .

Légende de l’Affiche Rouge entretenue par le poème d’Aragon publié dans l’Humanité en 1955 dont elle livre une première version. . En 1959 Léo Ferré le met en musique, reprise par de nombreux artistes jusqu’aux rappeurs  et Feu Chatterton.

Légende portée au cinéma  ici encore des libertés sont prises par rapport à l’histoire.

La panthéonisation a privilégié la légende à la vérité historique, privilégié deux héros à la reconnaissance du collectif

« Le « groupe » est donc devenu un couple, plutôt glamour, les « étrangers » les seuls Arméniens ; les Italiens, Espagnols, Juifs de toutes nationalités et les Français, compagnons de ce combat solidaire, passent au mieux au second plan, deviennent invisibles ou noyés dans la vaste catégorie des « étrangers » privés de noms. »

Saine lecture en temps de « réécritures de l’histoire » et de « vérités alternatives »

Journal d’une invasion

LIRE POUR L’UKRAINE

Giacometti et Rothko

Le Journal télévisé nous livre chaque jour des images de villes dévastées, de tranchées, de militaires en treillis…nous nous sommes habitués à ces nouvelles d’une guerre qui dure, dure….J’ai eu envie de mettre des individus, des Ukrainiens derrière ces images inhumaines, de voir des hommes vivre.

Kourkov, l’auteur des Abeilles Grises  m’a appris que la guerre a commencé en 2014 et qu’avant l’invasion russe de 2022 elle se poursuivait avec ses cortèges de destructions. J’ai beaucoup aimé ce livre j’ai donc lu Le Pingouin et l‘Oreille de Kiev .polar historique se déroulant en 2019.

Le journal d’une invasion se présente donc comme un Journal de bord où l’auteur note au jour le jour ses réflexions

le 29.12.2021.« Adieu Delta! bonjour omicron! » Ainsi commence ce journal à la veille de la nouvelle année.

le 3.01.2022« Pas un mot sur la guerre! » Alors que les présidents font leur vœux : Porochenko, l’ancien le premier, Poutine ensuite et Zelensky enfin. « Kyiv est imperturbable restaurants et cafés pleins à craquer »

05.01.2022 :un récit de Noël,  des réflexions sur les séries télévisées ukrainiennes regardées aussi bien par les ukrainiens et les russes, le journal relate des visites entre amis, des considérations sur les cantines scolaires….j’apprends beaucoup de chose sur la vie quotidienne des Ukrainiens avant l’invasion

« Entre le virus et la guerre » Un mois avant l’invasion l’auteur passe quelques jours à la campagne. Nous faisons la connaissance de ses voisins. les maisons d’édition ont des problèmes d’approvisionnement de papier. Il évoque aussi les problèmes linguistiques et la réécriture de l’histoire « corrigée comme un roman ». Smartphone et sauna entre amis, modernité et traditions…Ce n’est pas encore un journal de guerre mais on la sent s’approcher.

le 23.02.2022, à la veille de l’invasion la tension est palpable, mais ce n’est pas encore la panique, note l’auteur qui a de nombreux projet : un film d’après son roman, un cours sur l’histoire du roman policier.

Le 24. 02.2022, « Dernier bortch à Kyiv » . L’auteur se préoccupe des étrangers, étudiants, amis qui vivent à Kyiv. .

Début mars, ils commencent à ressentir la réalité de la guerre et partent se réfugier à la campagne puis encore plus à l’Ouest.  On partage leur exode et celui des Ukrainiens plus loin du front. L’auteur  raconte d’autres exodes, des déportations, des traumatismes historiques comme la tragédie de l’Holodomor et le Goulag. Dans ce journal, se mêlent vie quotidienne, réflexions politiques et historiques. Et toujours avec humour!

le 08.03.2022  le titre est « Quand le pain se mêle de sang » la boulangerie a été bombardée. On ne peut pas toujours écrire dans la légèreté! 

…Ainsi jusqu’au mois de juillet, Kourkov nous fait partager son quotidien et ses réflexions. Et comme c’est un excellent conteur on ne s’ennuie jamais.

Merci pour ces tranches de vie qui nous rapprochent des Ukrainiens en guerre.!

 

Comment ça va pas? Conversations après le 7 octobre – Delphine Horvilleur – Grasset

APRES LE 7 OCTOBRE….

 

Comme un déchirement, qui s’étire.

Une blessure qui s’envenime.

Besoin de lire, d’écouter des voix amies, familières, je me précipite sur toute lecture amie, Delphine Horvilleur, dès la sortie de son livre, Valérie Zenatti aussi, et puis Albert Cohen, Ô vous, frères humain. 

Des soupçons. Soupçons d’antisémitisme dans ce que je considérais être ma famille politique, soupçons de connivence avec l’impensable, impensable à Gaza pour les otages, impensables massacres.

Delphine Horvilleur écrit :

« Moi par exemple, j’avais l’habitude, sur les réseaux sociaux, d’être une « sale gauchiste, trop libérale, qui
manquait de respect aux traditions ». Je m’y étais faite. Et là, je ne comprends plus rien. L’arbitre a dû changer,
parce que soudain je suis devenue une « raciste, sioniste, complice de génocide ». Parfois, je poste des messages »

Les réseaux sociaux me rappellent sans cesse ce cauchemar. Liker? utiliser cet imoticone qui pleure. Dire que cela ne va vraiment pas, comment?

 

« Oy a brokh’… À mes oreilles d’enfant, ces trois mots suscitaient une étrange conscience d’appartenance. Non
pas à un judaïsme dont je me fichais pas mal, à une tribu ou un groupe religieux, mais à une sorte de confrérie humaine : une fraternité de la poisse, une confédération internationale du pas-de-bol, dans laquelle quoi qu’il arrive je pourrais toujours m’engager. »

Si éloignés des discours martiaux, ces trois mots yiddisch qu’on aurait pu reléguer à un temps révolu. Pas révolu du tout l’antisémitisme qui surgit là où on l’attendait le moins.

« Depuis le 7 octobre, c’est comme si nos langages ne parvenaient plus à dire, nous trahissaient constamment ou se retournaient contre nous. Les mots qu’on croyait aiguisés ne servent à rien, et ceux qu’on croyait doux n’apaisent personne. Les images, caricaturales et manipulables, ont pris le relais, sur nos écrans. Les yeux
subjugués abrutissent un peu plus nos oreilles et nos cerveaux. »

Malgré les trois citations que j’ai copiées, ce n’est nullement un livre pleurnichard, il est parfois amusant, toujours instructif comme ces références aux textes quand Jacob devient Israël, et boiteux…

Une réflexion lucide : Ca ne va vraiment pas!

Israël – L’agonie d’une démocratie – Charles Enderlin – Seuil Libelle

LIRE POUR ISRAEL

Ce très petit livre  (55 pages, format -12.5cmx17cm), un peu plus épais qu’un tract, est paru le 29 septembre 2023 alors que des foules manifestaient à Tel Aviv pour la Démocratie . Huit jours plus tard, l’horreur…Beaucoup de choses ont changé mais c’est toujours un livre indispensable.

Charles Enderlin fut le correspondant d‘Antenne2 à Jérusalem de 1981 à 2015. Son visage nous est encore familier et plus encore sa voix. Chaque jour devant la télévision, je peste que les journalistes (même très pros, excellents) se succèdent et changent alors qu’Enderlin assurait une permanence garantissant une analyse approfondie de chaque évènement. 

Cet opuscule livre l’historique des idées qui aboutissent à la mise en place, le 28 mai 2023, d’une Agence gouvernementale de « l’identité nationale juive » par Benjamin Netanyahou aboutissement des théories de son père Bension, adhérant  en 1928 au parti révisionniste de Jabotinsky . Il présente également les théories du messianisme moderne du rabbin Kook, l’idéologie des colons et leur média Nekouda et leurs émules Moshé Koppel, Israël Harel.

Rappel des différentes étapes de la montée de la Droite nationaliste

  • 2011, « loi dite de la Nakba » permettant de refuser toute subvention aux organisations commémorant la Nakba
  • 2014 attaque contre des dirigeants d’ONG comme Breaking Silence (vétérans témoignant contre l’occupation, B’Tselem, et.  associations israéliennes « accusées d’être des taupes complices du terrorismes ».
  • 2016 nouvelle loi sur les financements  » transparence des organisations soutenues par des entités étrangères ». 

Sans parler du jugement rabbinique déclarant Rabin « rodef » légitimant ainsi son assassinat….

  • 2022     entrée en scène  de Smotrich et de Ben-Gvir au gouvernement, ouvertement racistes et suprémacistes à des postes décisionnaires
  • 2023 projet de changement de régime du système judiciaire

« les ânes du Messie se sont rebellés »

Le lendemain, les manifestations de masse se sont organisées et ont continué pendant des mois.

Ceux que je prenais pour de doux rêveurs en costume folkorique, attendant le Messie en priant dans leurs quartiers réservés s’avèrent aussi de dangereux idéologues…glaçant!