CARNET ARMÉNIEN

La pluie tombe sur Gümri. Le contraste entre les façades de tuf rose, urbaines et sophistiquées, avec leur arches, colonnes, corniches, motifs sculptés géométriques et végétaux, avec les arrières cours immédiatement derrière les beaux immeubles qui sont campagnardes, vertes, aux arbres fruitiers fleuris (cerisiers et pêchers roses), est donc surprenant. Dans ces arrières- cours, il y a des maisons basses et même des baraques de bois et de tôle, la chaussée est de terre.

Fort de Gümri – Léninakan?
Notre première visite est pour ce fort bas et circulaire, couronnant une colline, non moins d’une sculpture de Mère Arménie qui regarde la Turquie d’un air martial. Autant la sculpture de Mère Arménie de Yerevan avait un air sympathique (de dos on pourrait croire qu’elle joue de la guitare) autant son homologue de Gümri est figée pointant le ciel d’un geste menaçant. Le fort est en chantier. Peut être que dans quelques années il sera plus intéressant à visiter.
Vieux Gümri : quand Gümri s’appelait Alexandropol…

Une promenade dans les vieilles rues est balisée par des panneaux très détaillés, expliquant les particularités architecturales ou l’histoire des maisons anciennes. Mais il n’est pas aisé de trouver tout ce qui est décrit. Le nom des rues a changé, les numéros ne correspondent plus et sont dans le plus grand désordre. Les histoires sont charmantes : celle de la maison dont la fontaine (introuvable) devait porter chance à un ménage arméno-russe avec une croix russe et une arménienne… La « maison du Traité »
….Je cherche une fontaine ancienne dont la photo illustrerait mon billet sur la Fontaine D’Heghnar de Mkrtitch Armen que j’ai beaucoup aimé. Je cherche, sans les trouver, les lieux du roman. Roman intemporel, qui raconte une ville sur plusieurs collines, une ville avec un quartier arménien, un grec, un turc…ville d’avant les Russes? Ville rêvée?

Promenade tranquille dans les rues pavées en pente où les maisons modestes alternent avec les maisons de maître. On a joué avec les couleurs du tuf. Basalte noir et tuf rouge faisant des damiers, des colonnettes. Les arbres fruitiers ont un air printanier. Je regarde par les fentes des portails de bois, entre dans les cours…Des artisans occupent le rez de chaussée, boulangers, cordonniers, photographe à l’ancienne, imprimeur…des restaurants un peu chics coexistent avec les échoppes. Ici on a briqué la façade. Là, on a ajouté un auvent de tôle disgracieux.

Nous garons la voiture sur une grande place occupée par de nombreuses banques et descendons la rue piétonnière qui conduit à la place de la Liberté où il y a la Mairie – toute neuve crème – et deux églises. L’une d’elle complète et très noire, l’église des 7 douleurs avec sa coupole au toit pointu tombé en 1988, en face la Cathédrale entourée d’un échafaudage. Un panneau raconte que pendant la période communiste, la Cathédrale était une salle de concert. Il est aussi expliqué que les clochers encaissent les secousses et protègent l’église. Dans le cas de la Cathédrale cela n’a pas dû aider, les dégâts furent spectaculaires : une photo de 1988 montre un pan de mur à la place du clocher. En 25 ans les chantiers se succédèrent et s’arrêtèrent faute de crédits. L’extérieur est pratiquement complètement remonté. Tatev, la sœur de Jack nous en racontera un peu plus : le groupe de statue qui occupe le centre de la place représente le roi Mamikonian entouré de ses guerriers, au 5ème siècle . Ce soir Vartan était censé donner son nom à la place, selon le désir du maire qui portait le même prénom. Tatev nous montre aussi le Cinéma Octobre joliment rénové.

Dans la « cour de l’église » se trouvent de magnifiques khachtkars, l’une des stèles représente le séisme du 7 décembre 1988. Les stèles sont dans el style de la ville de Djura. – très belles.
Non loin de là, on entre dans le marché. Les étals les plus photogéniques sont ceux des conserves colorées, de viande séchée, de charcuterie de saucissons et pastramis rouges. Vendus avec les épices, les semences : graines de carottes, de chou-fleurs, de melons ; les haricots noirs et blancs, mouchetés roses, sont-ils à manger ou à semer ? Il y a même de l’encens à brûler avec les graines.

Nous achetons plusieurs mélanges d’épices très odorants après les avoir gouté : de couleur orange avec du sésame, rouge avec des paillettes dorées, basilic violet et une plaque de framboise en pâte fineséchée pour 1000dram.
















