Sur la route du Midi – étape à Orange

CARNET PROVENCAL

Orange : Arc de Triomphe

L’Hôtel Ibis budget est juste à la sortie 21 de l’autoroute. Il en est séparé par la petite rivière la Meyne et assez à l’écart pour qu’il ne dérange pas du tout.

Orange est une petite ville (30.000 habitants) qui se visite à pied. L’Office de Tourisme fournit un plan avec deux itinéraires : l’Itinéraire Romain avec l’Arc de Triomphe et le Théâtre antique et l’Itinéraire historique. Comme je ne dispose que de peu de temps avant la tombée de la nuit je me dirige par le Cardo maximus (rue Victor Hugo et avenue de l’ l’Arc de triomphe). Illuminé la nuit, il a belle allure.

Sur le chemin de retour, je passe devant un joli camion-pizza « pizzas provençales » pour prendre le flyer, nous commanderons à l’heure du dîner une pizza Napoli, tout à fait différente de ce qu’on trouve en région parisienne. Garnie de beaucoup de sauce tomate aux herbes de beaucoup de fromage et surtout une décoration de pistou et une pâte aux anchois au bon goût d’ail. Délicieuse !

Grosse pluie du matin n’arrête pas la touriste !

Théâtre antique

L’Arc de Triomphe bâti au 1er siècle sur la Via Agrippa à l‘entrée de la ville d’Arausio fut érigé en l’honneur des victoires romaines sur les Gaulois de Germanicus et/ou de Tibère. Un grand panneau vertical présente un amoncellement d’armes, casques et boucliers et au-dessus des petits passages des trophées maritimes, « les dépouilles navales », proues de navires, gouvernails ..Dans les frises en haut, on devine les combats des Gaulois et des Romains.

Pour rejoindre en  voiture le Théâtre Antique, le GPS nous fait contourner le centre-ville le long de la rivière pour éviter les rues et ruelles étroites. C’est plus long que de couper à pied mais il pleut vraiment très fort. Je découvre l’impressionnant Mur extérieur, mur de scène 103 m de long, 37 m de haut, qui dépasse les maisons provençales colorées de l’autre côté de la rue.

Sous la pluie, je cherche vainement l’entrée du théâtre. Tout est bouclé. Je tourne autour de l’Ancien Forum et le site du temple où l’on rendait le culte à l’Empereur. Il y a pourtant des visiteurs dans le théâtre ! je suis prête à abandonner quand je comprends : il faut traverser la rue et prendre un billet au Musée d’Histoire une hôtesse accompagne le visiteur et ouvre la grille.

Pour 12 €, l’audio-guide est commun au Musée et au Théâtre. On peut aussi faire la visite virtuelle (avec casque, j’ai horreur de cela). Dans le théâtre, il y a même un Escape Game.

Musée

Cyclope : acrotère

Salles romaines : au rez de chaussée. Le cadastre d’Arausio est tracé sur de grande plaques de marbre blanc quadrillé en centuries qui mesurent chacune 750 m de côté. Chaque centurie est annotée avec un code d’attribution : aux colons, aux locaux, rendues aux indigènes. Des statues du théâtre antique et d’autres monuments romains sont présentée autour d’une mosaïque. Des acrotères : masques du Cyclope, d’Hercule et de Bacchus sont très réussis. Il y a aussi une sphinge avec six paires de seins.

Au premier étage, c’est toute l’histoire d’Orange qui nous est contée. Dès Charlemagne, les seigneurs d’Orange ont régné sur la petite principauté enclavée dans le Comtat Venaissin dépendant du Saint Empire. Une curieuse tradition, un concours d’arbalète se déroulait chaque année. Le gagnant qui tirait un oiseau était désigné comme « roi ».

En 1544, Guillaume 1er de Nassau devient prince d’Orange ce qui expliquerait le goût des Néerlandais pour la couleur orange. C’est aussi l’origine d’une grande présence protestante à Orange. Pendant les Guerres de Religion, Orange était une ville huguenote. Louis XIV  en a détruit les fortifications. L’annexation par la France fut reconnue en 1713 par les Traités d’Utrecht.

La Fabrique Wetter

La Fabrique Wetter (1757-1802) contribua à la richesse de la ville. Cette fabrique d’indiennes ou toiles peintes employa en 1765   jusqu’à 496 ouvriers. Elle jouissait d’une renommée internationale. De grands tableaux de Joseph Gabriel Maria Rossetti dépeignent le travail dans la fabrique. Une exposition sur les matériaux de l’industrie textile est présentée dans la salle attenante. Lin, laine, soie et produits tinctoriaux sont présentés dans des vitrines. J’ai le plaisir de voir la boule bleue : la coque de pastel à l’origine du pays de cocagne autour d’Albi.

Frank Brangwyn : dockers

Au 2ème étage deux peintres sont mis à l’honneur : Le peintre britannique Albert de Belleroche (1864-1844) ami de Toulouse-Lautrec, Renoir, Degas. Ses « femmes décoiffées » selon Renoir, ne m’ont pas impressionnée mais j’ai gardé la photo de l’Enterrement de Zola puisque je suis en train de lire Le Docteur Pascal dernier épisode de la série des Rougon-Macquart. En revanche j’ai beaucoup aimé les dessins et gravures de Frank Brangwyn(1867-1956) surtout quand il dessine les hommes au travail, dockers ou halant un bateau. Comme d’autres artistes du mouvement Arts and Crafts, Brangwyn s’est intéressé aux arts décoratifs. De beaux meubles marquetés ainsi que des céramiques de facture épurée accompagnent les tableaux. J’ai aussi remarqué une gravure d’un bateau échoué et une vue en Noir et blanc de Venise m’a plu. J’adore ces découvertes de peintres au hasard de musées de province.

Théâtre antique

Une belle averse a abrégé ma visite. Malgré les cascades qui dévalaient les gradins j’ai réussi à escalader les marches en suivant les flèches « visite panoramique ». en revanche j’ai fort peu actionné l’audioguide sous la pluie. Il y avait quand même une famille téméraire s’essayant à un Escape-Game aquatique. Ce théâtre nous est familier par les retransmissions des Chorégies d’Orange à la télévision. Je me promets d’être attentive l’été prochain. Je suis surprise par les dimensions. Ce théâtre n’a pas arrêté d’être utilisé pendant des siècles !

Cagnac-les-Mines et le Chemin des mineurs

CARNET OCCITAN

Cagnac-les Mines est situé à 6 km au-dessus de Lescure d’Albigeois en direction de Carmaux.

Depuis le Moyen Âge le charbon est exploité où il affleurait alors. Une famille noble locale de Solages obtint en 1724 le privilège d’exploiter les mines et resta aux commandes jusqu’à leur nationalisation. Déjà en 1806, 18 mineurs travaillaient à Carmaux, 1000 en 1860. La production atteint ses records en 1918. En 1985, l’Etat lança un grand projet d’extraction à ciel ouvert sur 600 ha. Fin de l’exploitation minière en 1997.

Six mineurs à la retraite ne se résignèrent pas à la disparition des traces du passé minier du bassin de Cagnac-Carmaux. Il se mobilisèrent pour arrêter les démolitions et reconstituèrent dans une galerie de 350 m les différents aspects de l’exploitation minière. En 2007 le département du Tarn prit le relai pour en faire un musée départemental. Des travaux de rénovation ont été entrepris récemment le le musée a réouvert ses portes à l’été 2023 avec des expositions temporaires.

La visite sous terre est accompagnée. J’ai visité les expositions temporaires en attendant les autres visiteurs :

BLEUE  de Cathy Conan : « de l’intime individuel à la richesse du collectif »

Bleu comme la toile des bleus de travail. « Entre les fils apparaissent les déchirures et les usures soutenues par l’inlassable rapiéçage, reprisage, ravaudage des femmes »

Des broderies au fil rouge décorent les bleus transformés en vêtements de fête, en robe de mariée…Le fil rouge relie les broderies aux portraits des femmes au travail sur une photographie ancienne. Fil rouge de la solidarité comme le clament les bleus suspendus ensembles.

C’EST AVEC EUX QUE J’AI COMPRIS de Erik Sather Jorgensen et Clara Mouillesseaux

CLIC

Est une exposition de portraits de mineurs, en très grand format accompagnés des témoignages. Une pleine page raconte le parcours professionnel des dernièrs mineurs. Pas ceux de Zola mais ceux qui ont travaillé à la fin du XXème siècle, embauchés en 1955, 1975…Attachement aux valeurs de solidarité.

MINE DE RIEN du Collectif EPONYME

Expose en plein air une série de photographie couleur, parfois très loufoques prises dans le site abandonné de la laverie de Blaye-les-Mines CLIC. On y effectuait les opérations de triage, lavage et criblage du charbon. Friche industrielle abandonnée, bâtiments rouillés, taggés où des silhouettes étranges prennent la pose. Mes recherches sur Internet m’ont appris qu’il existe aussi un film « Mine de Rien » de Mathias Mlekus (2020) tourné dans une mine abandonnée. A voir….

Des Expositions permanentes pédagogiques traitent de divers sujets :

Très belles coupes géologiques du bassin d’Albi-Cagnac-Carmaux, origine du charbon et fossiles, frise des temps géologiques, échantillon de houille et charbons….

La Grève de Carmaux de 1893 est illustrée de photographies d’époque. JB Calvignac, ouvrier mineur,, fut élu Maire de Carmaux. Le directeur des mines, le Marquis de Solages, également député du Tarn, voyait d’un très mauvais œil le développement des idées socialistes. Prétextant des absences au travail et l’incompatibilité de la fonction de maire avec le travail à la mine, Calvignac fut licencié. Les ouvriers se mirent en grève (1892 – 1895) La grève de Carmaux fut un des épisodes fondateurs de la prise de conscience de la force collective de la classe ouvrière. C’est aussi l’émergence de la carrière politique de Jean Jaurès CLIC. A l’époque, le charbon était la seule énergie utilisée dans les transports et l’industrie ; un arrêt de la distribution de charbon provoquait l’arrêt de l’économie, production et transports.

La Visite de la Mine

La visite de la mine débute sous le chevalement du puits n°2 où l’on voit la cage « de jour », la cage « du fond » étant 230 m au fond. On se familiarise avec cette opposition entre « le fond » et « le jour ». Dans la Salle des Machines, le Machineur était aux commandes de la « cage » (l’ascenseur). On peut voir le siège du machineur, les manettes de contrôle, les tableaux indiquant l’emplacement de la cage de jour et de la cage de fond, la guide explique les codes employés pour le transport des hommes, des cadres, des wagonnets, et même des chevaux.

Salle des machines, câbles enroulés

Nous sommes donc prêts à descendre. La cage du puits n°2, petite, ne charge que 8 mineurs. Elle descendait les hommes à la vitesse de 6m/s, les wagons 12 m/s. Les chevaux étaient trop grands pour entrer dans la cage, ils descendaient suspendus, harnachés, saucissonnés. Dans Germinal, Zola donne un très beau récit de l’arrivée du Cheval.

« Cependant ; les manœuvres continuaient dans le puits, le marteau avait tapé 4 coups, on descendait le cheval et c’était toujours une émotion, car il arrivait parfois que la bête, saisie d’une telle épouvante, débarquait morte. En haut, lié dans un filet, il se débattait éperdument ; puis dès qu’il sentait le sol manquer sous lui, il restait comme pétrifié, il disparaissait sans un frémissement, l’œil agrandi et fixe. […] Bientôt Trompette fut couché sur les dalles de fonte comme une masse. Il ne bougeait toujours pas, il semblait dans le cauchemar de ce trou obscur. On commença à le délier, lorsque Bataille dételé depuis un instant, s’approcha, allongea le cou pour flairer ce compagnon, qui tombait sous terre…. »

Ces animaux restaient 12 ans sans remonter. La conférencière raconte avec beaucoup d’empathie les conditions de travail des mineurs aux différentes époques. Depuis Germinal, les techniques ont, heureusement, beaucoup évolué. Nous suivons les progrès techniques jusqu’aux machines modernes équipées de vérins hydrauliques qui attaquent la veine, soutiennent le toit et à l’arrière comblent avec des roches la galerie exploitée. Une animation nous fait imaginer le travail de cette machine et son bruit effrayant.

Excavatrice moderne

Une autre animation simule un coup de grisou et un feu de poussière qui se propage à la vitesse du son, brûlant tout sur son passage. Les reconstitutions sont très bien réalisées. On visualise les ruines une fois que le souffle de l’explosion est passé.

Certains visiteurs qui m’accompagnent ont été eux-mêmes mineurs ou proches de mineurs. La guide a échangé avec les témoins de ce passé récent. Elle sait très bien faire passer les émotions. Elle nous raconte aussi comment les derniers mineurs licenciés ont été envoyés en Inde comme instructeurs de ces machines sophistiquées.

Cette visite ressemble à celle que j’ai fait récemment en Sardaigne à Carbonia. L’avantage de la visite en Français est la richesse du vocabulaire de la mine et des mineurs. Chaque travailleur occupe un poste précis désigné par un métier précis, machineur, herscheuse, galibot, porion….Lisant Germinal en même temps, je me suis familiarisée avec ce vocabulaire.

Le Chemin des Mineurs

D’après Visorando (6.2 km, 1h30)

Après un rapide pique-nique près du Musée, je descends le chemin des mineurs qui emprunte la Voie Verte (cyclable et piétonnière) reliant Albi. Dominque m’attendra sur le Parking de la Voie Verte près de la Déchetterie de Lescure d’Albigeois.

Avantage de parcourir une voie verte : extrême simplicité, impossible de se perdre, arrivée bien matérialisée, pas de surprise.

Inconvénients : marcher sur une route dure, en plein soleil pendant la première moitié. Des petits arbustes ont bien été plantés pour faire une haie mais il faudra encore attendre plusieurs années pour qu’ils donnent de l’ombre. Autre inconvénient : les cyclistes sont rois, les piétons n’ont qu’à se garer.

Le sentier descend une pente très raide. A droite : une vaste implantation de panneaux solaires. A mi-chemin l’église Saint Delmaze est bien à l’ombre sous un bosquet d’arbres.

La fin de la randonnée est plus agréable parce qu’à l’ombre de grands arbres.

 

 

 

Faith Ringgold – artiste féministe et engagée au Musée Picasso

Exposition temporaire jusqu’au 2 juillet 2023

Autoportrait 1965

Découverte d’une artiste afro-américaine puissante !

Parcourir l’exposition rétrospective Faith Ringgold c’est découvrir une plasticienne  marquante utilisant diverses techniques . C’est aussi parcourir 60 ans de l’histoire américaine, de 1963 où fut proclamée la fin des discriminations raciales et où Martin Luther King a prononcé son fameux discours « I Have a Dream« 

Série Black light : invisible woman 1968

Black is beautiful : En 1968, Faith Ringgold  peint sa série Black Light 

Dans cette série, elle peint 6 portraits presque identiques sur une sorte de nuancier où le fond passe du brun foncé au beige

American peopleSerie US Postal Stamp commemorating the Advent of Black Power (1967)

les créations de Faith Ringgold illustrent les luttes de Black Power (1967)

En novembre 1970 : The People ‘s Flag show , exposition à Judson Memorial Church où le drapeau américain et la carte des Etats Unis furent détournées, les organisateurs, dont Faith Ringgold furent arrêtés pour profanation du drapeau national. 

1971 AMERICA FREE ANGELA (papier découpé)

Angela Davis fut emprisonnée en 1970. Un autre collage est ouvertement féministe. les couleurs Rouge/Vert/Noir sont les couleurs panafricanistes. 

WOMAN FREEDOM NOW (1971)

 Faith Ringgold découvre à Amsterdam les peintures sur tissu tibétaines et népalaises qui l’inspirent pour une série textile où elle peint Martin Luther King et abord la question de l’esclavage dans la série de Tankas  Slave Rape 

1974 tanka Slave Rape

Elle utilise la tradition des Quilts (patchwork) que les femmes américaines réalisent en famille et coud des bordures autour des peintures sur tissu, autour des bordures un texte très dense raconte l’histoire de la peinture dans Bitter nest

Quilt : french collection les demoiselles d’avignon

la French collection est aussi une série de Quilts dont celui des Demoiselles d’Avignon

Quilt french collection Café des artistes

Dans le café des artistes on peut reconnaître Toulouse Lautrec, Utrillo, Gauguin, Van Gogh en compagnie d’artistes américains et Faith Ringgold elle-même.

Gospel performance raconte la mort d’un couple d’Afro-américain, couple de mannequins et des endeuillés . 

Gospel Performance : the flag is bleeding (1997)
Certaines œuvres sont très colorées comme les tournesols 

Faith Ringgold est aussi impliquée dans le mouvement plus récent Black Lives Matter. Le combat pour les Droits Civiques n’a toujours pas abouti! 

Kimono au Quai Branly

Exposition temporaire jusqu’au 28 mai

Le kimono est un des symboles de la culture japonaise.

Pendant l’ère Edo (1603-1868) , le kimono est associé au « monde flottant » avec  divertissement et érotisme  ; le kimono est  un moyen d’afficher son statut social.

« monde flottant » divertissement sur l’eau

Les kimonos atteignent un tel degré de sophistication que des des lois somptuaires ont été édictées pour freiner les surenchères. Broderies, fils d’or, paysages illustrant des poèmes connus comme le « Temple d’Ishiyima »

Au temple d’Ishiyama
La lune éclairant
Le petit lac de Grèbe
est aussi merveilleuse
Qu’aux baies de Suma et Akashi

Les broderies ou les teintures sont variées. il existe des kimonos masculins et féminins, des kimonos d’été légers et des sur-kimonos.

Le Japon est fermé-théoriquement – au commerce, les échanges uniquement par l’intermédiaire  des Néerlandais, pourtant certains tissus ont parcouru une longue distance de Coromandel (Indes), par la Thaïlande et même parfois d’Angleterre. Les kimonos sont présentés avec un luxe d’accessoires en laque ou écaille ou métaux travaillés : peignes, boites pour maquillage, peignes, aiguilles à chignon. Des estampes illustrent la toilette

une élégante à sa toilette

1859 : ouverture du Japon au commerce extérieur avec l’ère Meiji les hommes adoptent le costume occidental et le kimono devient un apanage des femmes gardiennes de la tradition. En même temps, le kimono devient à la mode en Europe et aux Amériques. Victoria et Albert firent l’acquisition d’un kimono en 1891, représentation de Madame Butterfly (1904) et déclinaison du kimono en toutes sortes de modèles pour l’exportation : robe de chambre  pour l’Ecosse (bien chaude) robe imitant un kimono

Robe ou kimono?

Ces kimonos sont présentés avec un luxe d’explications techniques : matières, teintures, broderies (teinture à la pâte de riz, par ligature…) .

Surkimono rouge de la mariée brodé de grues

La dernière partie de l’exposition est résolument moderne. On y découvre l’usage actuel du kimono : essentiellement rituel : mariages, ou présentation d’enfants au temple shinto

kimonos d’enfant

A côté des kimonos dédiés à la tradition et aux cérémonies, toute une section de l’exposition montre l’inspiration très moderne dans le monde du spectacle et de la haute couture. Des stars comme David Bowie, Björk, Freddie Mercury ont porté des costumes de scène très japonisants. Sans parler de Starwars

le kimono au cinéma : Starwars et Kurosawa

Enfin nous assistons à un défilé Haute Couture avec Galliano (entre autres) et des créations modernisant le kimono pour en faire un article ultra-moderne comme un kimono « camouflage » ou l’obi est remplacé par une ceinture de cuir, ou une version costume et toutes sortes de variations

Défilé de mode contemporain

j’ai beaucoup apprécié la chimère Waxafrica

Waxafrica

Un de mes préférés

Sur les routes de Samarcande – Merveilles de Soie et d’Or – à l’Institut du Monde Arabe

Exposition temporaire jusqu’au  4 juin  2023

Ikats

De Soie et d’Or sont les maîtres-mots de cette exposition, si vous attendiez des caravanes à travers les steppes de l’Asie Centrale, des khans ou l’ombre de Gengis Khan et de Tamerlan vous resterez peut être sur votre faim. 

Broderies or sur le Chapan de l’émir

Cette exposition célèbre les textiles prestigieux de Boukhara, Samarcande, Tachkent, manteaux d’apparat, souzanis, tapis et bijoux. 

Dès l’entrée nous sommes accueillis par les dorures des tenues d’apparat des émirs de Boukhara : Shah Murad (1785-1800), Mohammad Alim Khan, Nasrulla Khan et du dernier Mohammad Amir Khan (1911-1920). Le titre de la section est : Pouvoir et Apparat. les Chapans étaient de lourds manteaux de tissus précieux, velours, brocard, soie, rebrodés d’or et incrustés de pierreries. la sériciculture fut rétablie en Ouzbekistan au 8ème siècle et les brodeurs travaillaient dans l’atelier de la citadelle d’Ark de Boukhara. La Broderie était un art exclusivement masculin, on disait que l’or se ternit des mains et du souffle d’une femme. 

Apparat équestre

En plus des chapans somptueux, tout un apparat équestre rappelle que l’émir de Boukhara s’inscrit dans la tradition des grands conquérants. Les selles de bois peint, les dagues incrustées de pierres précieuses, les boîtes à Coran décorées de cornaline, les harnachements du cheval argent et turquoise sont d’un luxe inouï

harnachement de cheval : turquoise, argent et or

les bottes de cuir, les calottes sont brodées d’or

 

Chapans colorés des femmes. Réalisés à la fin du 19ème siècle le premier m’évoque un peu l’Art Nouveau. 

Pour les femmes moins d’or mais des couleurs suivant un code établi selon l’âge, les jeunes filles en rouge, après 30 ans bleu ou vert, les femmes âgées en couleurs plus ternes.

Nous entrons alors dans l’univers des femmes, dans le domaine de la maison avec les Suzanis qui sont de grands panneaux décoratifs brodés à l’aiguille par les femmes réalisés au sein du foyer

Suzani

la réalisation des suzanis peut prendre des années entières. Le résultat témoigne de la patience et de la créativité de la future mariée

les motifs le plus souvent végétaux varient selon les provenances

Suzani de Tachkent

En plus de ces panneaux brodés, les femmes réalisent aussi des tapis : le nouage des tapis est exclusivement féminin. Différentes techniques et styles sont exposés comme les tapis à poil épais, les tapis velours, les tapis brodés et même les tapis feutrés des éleveurs nomades.

le tapis ci dessus est réalisé avec de longues et fines bandes cousues, le métier étant très étroit.

j’ai été étonnée de ne pas retrouver les « tapis Boukhara » rouges et noirs . j’aurais bien aimé savoir pourquoi ils ne figurent pas dans cette exposition.

Toujours en restant dans l’univers féminin les bijoux sont présentés dans des vitrines: souvent argent et cornaline, parfois or, turquoises pour les plus sophistiqués.

L’exposition se termine par un feu d’artifice coloré : le travail de la soie (vidéo passionnante) et installation des Ikats soieries teintes.  Ikat est un mot indonésien voulant dire « attacher » ou « nouer » En Ouzbekistan o n nomme Abrbandi et c’est un des symboles de l’identité ouzbèke. la teinture est réalisée quand le fil de trame est installé sur le métier. On procède à des ligatures de plusieurs fils. La teinture qui en résulte est un peu floue, « nuageuse » 

Ikats

En plus des textiles,  des tableaux de peintres du début du XXème siècle sont intéressants, certains cubistes, d’autres fauves.

Musée de Cluny : Rénovation!

TOURISTE DANS MA VILLE

La Dame à a Licorne

Les Provinciaux et Touristes étrangers visitent Paris mieux que les Parisiens! C’est souvent à l’occasion d’une de leur arrivée que je visite les collections permanentes d’un musée. pour les expositions, l’urgence me presse. C’est donc la visite de Claudine et Francis qui m’a décidée à retourner aux Thermes de Cluny devant lesquels je passe avec indifférence. 

Et ils viennent d’être rénovés!

Je suis passée avec beaucoup de scepticisme par la nouvelle entrée en ferronnerie contemporaine rouillée comme il se doit, en râlant que la jolie cour gothique de l’Hôtel des abbés de Cluny avait quand même plus d’allure!

Frigidarium

Et c’est injustifié parce que cette rénovation met en valeur les Thermes que j’avais toujours négligés. Il est d’ailleurs judicieux de descendre directement au Frigidarium où sont exposés les antiquités romaines : remarquables Piliers des Nautes Les thermes font un hall d’exposition extraordinaire (comme à Rome où j’avais vu dans les Thermes de Dioclétien les œuvres d’Henry Moore). 

Têtes des rois de Juda

Des vestiges provenant des églises et des monastères de la Région Parisienne sont mis en valeur. Ces têtes géantes de Notre Dame de Paris ont été retrouvée relativement récemment. Elles avaient un temps servi de bornes. Toute une série de chapiteaux romans me fascinent.

tissu copte

le parcours est chronologique, logiquement, après les Gaulois et les Romains, la Salle 2 propose un véritable trésor des couronnes d’or et de pierreries du trésor wisigothique  de Guarrazar(7ème siècle) suspendues sont entourés de vitrines contenant des merveilles orientales comme les tissus byzantins ou coptes et surtout les ivoires finement ouvragés.

Ivoire

le XIème -XIIème,  entre Roman et Gothique,  livre ses trésors. mais c’est avec les vitraux qu’on a les plus belles surprises : c’est rare de pouvoir les contempler à hauteur d’homme, généralement on se dévisse le cou sans distinguer les détails que les verriers de l’époque ont soignés.

vitraux

Il faudrait de nombreuses visites pour s’attacher à chaque style, chaque provenance. La Sainte chapelle (1241-1248) nous enchante.

Nous sommes restés longtemps à admirer un coffret en ivoire : l’Assaut du Château d’Amour d’une finesse exceptionnelle et que le sujet profane nous a séduit

L’Assaut du château d’Amour
l’Assaut du Château d’Amour

Ces ivoires (parfois os) sont pour moi un véritable coup de cœur

 

 

 

 

 

 

j’ai aimé ces Saintes Barbe si douces et ces Vierges

Sainte Barbe

Tant de sculptures, lesquelles choisir?

Le chef d’oeuvre du musée est bien sûr la tapisserie de la Dame à la Licorne mais ce n’est pas la seule tapisserie. j’ai bien aimé ces départs à la Chasse

Départ à la chasse

ou les vendanges

Vendanges

et le bain qui racontent la vie quotidienne

Le bain

la tapisserie de la licorne est si merveilleuse qu’elle mériterait à elle-seule un billet de blog. Et que dire de la Tapisserie de Saint Etienne que j’ai tout juste entraperçue, j’était fatigué, comme repue. Il me faudra revenir!

Musée Guimet : Le fil rouge de Chiharu Shiota

JAPON:ART CONTEMPORAIN

Chiharu Shiota détail

Chiharu Shiota est une plasticienne japonaise  née au Japon en 1972 mais travaillant depuis 1996 à Berlin. Artiste mondialement connue, elle a représenté le Japon à la Biennale de Venise. 

Guimet lui offre une « carte blanche », elle déploie son fil rouge dans la Rotonde puis on peut la suivre dans les étages.

 

chihuharu shiota

oeuvre réalisée pendant le confinement. Impression d’enfermement. Dérisoires objets minuscules prisonniers du fil rouge qui tisse un plafond comme la toile d’une araignée.

Pionnières – Artistes dans le Paris des années folles au musée du Luxembourg

Exposition temporaire du 2 mars  au 10 juillet 2022

Suzanne Valadon : La chambre bleue

Il y a 100 ans déjà, dans le Paris des années 20, les femmes qui avaient gagné leur liberté en remplaçant les hommes dans les usines, les transports… Dans l’euphorie de la paix retrouvée, Paris était une fête et de nombreuses femmes artistes venues de tous les horizons ont été pionnières aussi bien dans la peinture, la sculpture, la photographie, le cinéma, les arts décoratif, la danse ou la littérature.

les Droits des Femmes

marevna : La mort et la Femme

L’exposition du Luxembourg est ambitieuse parce qu’elle tente de replacer ces pionnières dans le contexte de la société. En introduction à l’exposition : un document vidéo montrant les femmes travaillant dans une usine d’armement, conduisant un autobus, agentes de voierie…Faisant face à l’écran : une carte qui montre les origines de toutes les artistes présentées dans l’exposition, de la Russie, à l’Amérique, l’Inde et toute l’Europe. Un tableau montre aussi les luttes pour le droit de vote refusé par trois fois au Sénat, le droit de se syndiquer (1920).

Chana Orlof ; moi et mon fils

Comment les avant-gardes se conjuguent au Féminin

mela Muter : femme au chat

De nombreuses femmes connues ou oubliées maintenant sont proposées : littérature et cinéma : comment Sylvia Beach et Adrienne Monnier ouvrent chacune une librairie, cinéma de Germaine Dulac et courts-métrages de Loie Fuller,

Vivre de son art

Sophie Taueber : marionnette le roi cerf

Vivre de son art est la condition première de l’indépendance des femmes. Certaines ont inventé de fabriquer des marionnettes, des poupées-portraits (Sophie Taueber, Marie Vassilieff, ou des tableaux textiles d’Alice Halicka, sans parler de Coco Chanel

Marie laurenin : portrait de coco chanel

Représenter les corps autrement

De nouveaux modèles féminins apparaissent comme les Garçonnes, les sportives (1919 premier match de football féminin, Suzanne Lenglen) . De nouvelles stars comme Joséphine Baker, ou Suzy Solidor brillent dans le monde du spectacle.

Les femmes se représentent chez elles sans le regard du désir masculin, chez soi sans fard.

Tamara Lempicka

Une salle entière est dédiée à Tamara  Lempicka qui revendique un regard érotique sur le désir des femmes pour des femmes. 

Claude Cahun

Pionnière aussi pour le Troisième Genre avec les photos de Claude Cahun et les tableaux de Gerda Wegener mettant en scène son mari Lili Elbe, trans. 

Gernda Wegener : la sieste

Pionnières de la Diversité

Pionnières venues du Brésil : Tarsila Do Amaral ou d’Inde, des Etats Unis.

l’exposition se termine sur un feu d’artifice avec American Picnic.

C’était une exposition très dense (trop dense) très riche qui aurait peut être mérité un peu plus d’espace que les salles étroites du Luxembourg. Orsay ou Grand Palais (Petit?) avec la disparition des jauges Covid, on se bouscule. j’aurais aimé rester plus longtemps pour tout lire, mieux regarder les documents vidéo mais il y avait vraiment trop de monde de 15h à 16h. chosir un autre créneau.

Anni et Josef Albers, L’Art et la Vie au Musée d’Art Moderne de Paris

 EXPOSITION TEMPORAIRE du 10 septembre 2021 au 9 janvier 2022

 

Une rétrospective chronologique où les œuvres d‘Anni et celles de Josef Albers se répondent, se complètent, de leur rencontre au Bauhaus en 1922,  leur exil américain en 1933 à la suite de la fermeture du Bauhaus avec l’arrivée des nazis où ils partent enseigner au collège de Black Mountain . 

Bauhaus Josef Albers vitrail « éclat dans la grille

 Bauhaus

« le but de toute activité artistique est la Construction«  Gropius

Chaque étudiant doit rejoindre un atelier, Josef Albers entre au Bauhaus en 1920 dans l’atelier de verre. Avec la crise économique qui règne alors en Allemagne il est contraint d’utiliser des objets récupérés à la décharge et crée des assemblages avec des matériaux composites. 

Anni Fleischmann est admise en 1922 dans l’atelier textile « la classe des femmes »

Anni : 1925 tenture : soie, coton, acétate

Josef utilise aussi des plaques de verre dépoli peintes

Josef : verre dépoli

Il semble que les motifs et les constructions se répondent. Les lignes horizontales rappellent le bâtiment neuf de l’école à Dassau. Une vie sociale intense s’y déroule. Josef qui s’adonne aussi à la photographie y fait de très beaux portraits d’Anni mais aussi de Klee et de Kandinsky. Les photographies sont présentées en diptyques ou mosaïque.

Le Bauhaus est une école de design où l’on réalise des meubles et des objets usuels : tasse en verre ou compotier. 

typographie Bauhaus

1933 nouveau départ en Amérique

Anni et Josef partent enseigner dans un collège expérimental au Black Mountain college . De très belles vidéos montrent cet enseignement original où la devise est « Open eyes » . On voit Josef exposer ses théories sur la couleur, effectuer un pliage de papier zigzag, démontrer bandes de papier en main que 1+1 =3 et même parfois 4. Anni raconte qu’elle a enseigné le tissage sans métier à tisser réalisant des assemblages et collages avec des graines, des tortillons de papier simulant le tissu. 

Apparition de la couleur

« Je crois que l’art est parallèle à la vie. La couleur, selon moi, se comporte comme un être humain[…] de deux manières distinctes : d’abord dans son existence autonome, puis dans sa relation à autrui » 

En 1947 Josef réalise toute une série de Variants et de Constellations . le variants, comme leurs noms l’indiquent, sont des tableaux colorés avec des variations de couleurs sur une structure analogue. 

 

Découverte des arts précolombiens

Entre 1935 et 1967 les Albers effectuent une douzaine de voyages au Mexique, Pérou et Amérique latine. Une belle collection de statuettes précolombiennes occupe une vitrine. Josef photographie pyramides et paysages. ils rapportent également des textiles.

Tentures

 

 

Anni fabrique des bijoux avec des objets usuels de la vie quotidienne : joints et rondelles, anneaux de plastique entiflés sur des rubans de gros grain coloré.

collier réalisé avec une bonde d’évier, des trombones..

Sur le mur faisant face aux bijoux sont exposés des dessins de Josef sur le thème des noeuds et enchevêtrements

 

josef : noeuds

Commande religieuse :pour la synagogue B’nai Israel Woonsocket Rhode Island

Ark panel

A côté des grandes tentures, Anni réalise aussi des petits formats comme des tableaux.

Hommage au carré

hommage au carré

De 1950 à 1976 Josef peint plus de 2000 tableaux sur le thème du carré. les cimaises de deux grands salles en sont remplis. Là, j’ai un peu décroché!

The Power of my hands au Musée d’Art Moderne

Exposition temporaire jusqu’au 22 Août 2021 

Je ne pouvais pas rater cette exposition féministe et très originale.

Le cartel présentant les œuvres précise que ces créations sont faites directement à partir de la vie quotidienne et des activités domestiques. La Sphère privée s’étend à la créativité et à la politique.

In the power of my hands – Tapisserie faite avec des nattes de cheveux artificiels

En effet ces plasticiennes utilisent les textiles, la terre, et même les tresses de faux cheveux des coiffures africaines . Mais j’ai aussi été bluffée par la modernité de ces œuvres qui utilisent largement la photographie et la vidéo.

« Mombathiseni de Bullieweze Siwani – il faut entendre les vagues des vidéos
textile
Dyptique de Njideka akunyali Crosby

Les techniques utilisées sont souvent métissée, composites avec surimpression photographiques et très sophistiquées. l’artiste nigériane vit à Los Angeles,.

Ana Silva : broderies sur sac

Ana Silva, Angola, a brodé des  femmes en fines broderies sur de la toile à sac servant à emballer des vêtements de seconde main arrivant en Afrique : dénonciation de la surconsommation de l’industrie de la mode.

D’autres œuvres dénoncent les violences faites aux femmes, ou l’impossibilité de représenter le sexe féminin.

Reinata Sadimba : Femme en train d’accoucher

j’ai beaucoup aimé la vidéo de Wura Natasha Ogunju (USA/Nigéria) dont est tirée l’affiche de l’exposition : Will I still carry water when I am a dead woman? Des femmes au visage masqué mais à la tenue courte, short ou robe courte trainent des bidons dorés qui les entravent. Elles défilent  dans les rues d’une ville nigériane dans l’indifférence des passants.

Comme le titre en anglais l’indique, ces artistes viennent presque toutes de l’Afrique anglophone, Afrique du Sud, Nigéria, Zimbabwe sauf Angola. C’et une région de l’Afrique que je ne connais pas du tout et j’ai été très dépaysée.