Film noir, film choral où cinq histoires s’entremêlent dans le quartier d’Ajami à Jaffa.
Le film s’ouvre sur le meurtre en plein jour, en pleine rue d’un enfant qui change une roue, il s’achève sur la course éperdue d’un autre enfant de 13 ans, un rêveur, qui a tiré pour sauver son frère.
Règlements de comptes sur fond de racket, vendetta touchant une famille indifféremment de l’âge ou de l’occupation, trafic de drogue, tension inter-communautaire, Arabes israéliens, juifs, musulmans, chrétiens, bédouins, palestiniens… tous vivent sous tension.
On pense aux films d’Audiard, Regarde les hommes tomber ou de Battre mon coeur s’est arrêté , films virils en opposition au Jaffa de Keren, Yedaya avec la magnifique Ronit Elkabetz.De la folie des hommes, d’une fusillade incompréhensible une famille est tombée dans l’engrenage. La disparition du frère entraîne parallèlement l’officier de police dans une haine implacable. De la misère,de l’impossibilité de gagner honnêtement leur vie, les jeunes gens cherchent à dealer, tellement maladroitement…Et que dire de la mort de Binj? suicide par overdose de celui qui a transgressé la frontière entre juifs et arabes?Que dire de l’attitude du patron du restaurant? Patriarche de cette bande disparate de jeunes hommes tout juste sortis de l’adolescence, aidant Omar à acheter la paix avec le clan bédouin, cachant Malek palestinien illégal, faisant régner la bonne humeur et la gentillesse jusqu’à ce que son honneur de père pointilleux ne se sente touché.Ambigüe aussi l’attitude du policier, cherche-t-il à nettoyer le quartier des trafiquants ou est-il mu par sa vengeance personnelle?
Disproportion des réactions policières quand un juif est poignardé et quand l’enfant arabe est descendu.J’ai écouté avec beaucoup d’attention les dialogues, la facilité qu’ont les arabes israéliens à passer de l’arabe à l’hébreu, le nombre sidérant d’expressions en hébreu passées dans leurs conversations entre eux. L’incapacité totale, en revanche des israéliens à s’exprimer en arabe.Beauté et misère de Jaffa, quartier oriental de la si-occidentale Tel AvivJ’ai tellement aimé la fin : ouvrez les yeux!

quelques temps plus tard…. je me repasse le film dans ma tête.
Pourquoi tant de violence?
Hypothèse féministe, la première qui surgit: violence machiste dans un quartier où les femmes sont confinées à la maison. première séquence : la petite fille refuse de servir son voisin mais à la maison docilement rend le même service. Quasi absence des femmes? Voire, la mère d’Omar assiste aux négociations et même si on qualifie ce dernier, 19 ans de « chef de famille », a son mot à dire. Quasi-parité des femmes du côté juif, dans la famille de Dando où la sœur et la mère sont plus vaillantes que le père anéanti. De même dans les deux couples mixtes. Si je suis attentive, je trouve les femmes!
Deuxième hypothèse : le rapport à la loi. Ajami subit la loi du plus fort, la loi de la rue, du racket, des dealers. Au voisin qui prétend aller ce plaindre à la Mairie de nuisances causées par les brebis les jeunes vautrés sur la voie répondent qu’ici, il n’y a pas de Mairie!
Vacance des pouvoirs publics? Sûrement pas s’ils s’exercent par la police brutale exerçant une autorité arbitraire. En tout cas, absence de légitimité. Où est le permis et l’interdit? L’interdit, c’est pour Malek de sortir du restaurant puisqu’il est clandestin. Le trafic de drogue ne lui apparaît qu’une infraction mineure, juste un peu plus dangereuse qu’une autre. La loi est-elle celle qui s’exerce dans ce tribunal ancestral du désert où est-ce celle des juifs? Binj qui essaiera de rappeler les règles d’une perquisition aux policiers le paiera très cher. Ajami, zone de non-droit, d’autorité non reconnue.
Et on en revient à la question politique majeure du conflit israélo-arabe, des droits des arabes isréliens, et de l’occupation…