Sur la route du Danube – Emmanuel Ruben – Rivages

DANUBE

Je me suis laissé entraîner dans cette équipée à vélo, chevauchée effrénée de ces deux Haïdouks, cyclistes et nomades qui remontent la route du Danube de l’Orient vers sa source sur les pas des envahisseurs Huns, Avars, Magyars, Péchenègues, Turcs….et ceux des migrants Syriens ou Afghans. 

« Vous allez rouler à contresens de Napoléon, d’Hitler et de l’expansion Européenne, mon pauvre ami! Et vous avez bien raison quand on pense comment ces aventures ont terminé! »

Aventure cycliste, sportive, mais aussi littéraire. Emmanuel Ruben écrit comme il roule :  à perdre haleine dans les pistes et les chardons, paresseusement, prenant le temps d’un coucher de soleil ou de l’envol d’un héron. Il connait :

l’extase géographique, le bonheur de sortir de soi, de s’ouvrir de tous ses pores,  de se sentir traversé de lumière. 

Ambitieux, devant la copie de la Colonne Trajane de Bucarest :

il faudrait écrire un livre qui s’enroule comme la colonne Trajane, l’hélice de l’Histoire s’enroule en bas-relief où sont gravées les aventures de l’empereur Trajan et du roi Decebale sur les bords du fleuve – oui je voudrais une sorte de rouleau original du Danube, un rouleau sans ponctuation, sana alinéa; sans paragraphe, un rouleau sans début ni fin, un rouleau cyclique, évidemment car c’est cela aussi le Danube.

Partis d‘Odessa, les deux compères veulent goûter à la steppe comme les envahisseurs d’autrefois. Ils traversent la steppe,  le delta ukrainien sur des routes dangereuses ou sur des pistes poussiéreuses, traversent la Moldavie

« cinq minutes en Moldavie, une demi-heure à ses frontières »

En Roumanie à  Sulina  (=Europolis)

Sulina

« Au kilomètre zéro du Danube, à la terrasse du Jean Bart, le dernier café sur le fleuve, le capitaine Hugo Pratt buvait une bière. Cela se passait en juillet de l’année 2*** »

imagine-t-il comme incipit de son futur livre.

A Galati et Braila il évoque Panaït Istrati et ses romans Nerrantsoula et Tsatsa Minnka ainsi que Mihail Sebastian , « trop juif pour les Roumains, trop roumain pour les Juifs » et son roman prémonitoire L’accident. Dans le Baragan, le vent les freine, projetant les fameux Chardons du Baragan (mon livre préféré de Panaït Istrati). En Bulgarie, à Roussé, ils visitent la maison d’Elias Canetti transformée en studio ou répètent des groupes de rock local. 

les chardons de la steppe

Géographie et histoire :

En Bulgarie, il évoque aussi le Tsar de Bulgarie Samuel 1er (1014). Leur passage à Nicopolis est l’occasion de raconter la « grande déconfiture » selon Froissart, défaite des Croisés en 1396.  Souvenirs d’un voyageur Evliya Celebi(1611 – 1682). Visite en Hongrie du cimetière de la bataille de Mohacs (1687)…. 

La bataille de Nicopolis : la Grande déconfiture des Croisés

Leur voyage est aussi fait de rencontres :  Raïssa, lipovène parle Russe avec eux. Vlad, le compagnon de l’auteur est Ukrainien, Samuel (le héros) se débrouille en Russe, en Serbe, en Turc et en Italien. Tant qu’ils sont en Roumanie, en Bulgarie et en Serbie, ils se débrouillent bien et ont de véritables échanges avec les piliers de bistro, les passants de hasard qui les aident pour réparer les vélos. Ils passent des soirées mémorables à boire des bières  de la tuica ou rakija, ou à regarder le coucher de soleil avec l’accompagnement d’une trompette de jazz tzigane. Rêve d’une île turque disparue Ada Kaleh, Atlantide qu’ils ne devineront pas, même en grimpant sur les sommets. 

la scène la plus kusturiciene de ce voyage : trois tsiganes dans une charrette tractée par deux ânes remorquent une Trabant

 

Les routes sont parfois mauvaises. Ils se font des frayeurs avec les chiens errants

Ces chiens sauvages sont les âmes errantes de toutes les petites nations bientôt disparues d’Europe. Le nationalisme est une maladie contagieuse qui se transmet de siècle en siècle et les clébards qui survivront à l’homme porteront le souvenir de cette rage à travers les âges. 

Comme Claudio Magris, ils s’arrêtent longuement à Novi Sad en Voïvodine ou ils ont des amis de longue date, du temps de la Yougoslavie.  mais contrairement à Magris qui part à la recherche des Allemands venus en colons peupler les contrées danubiennes, Ruben reste à l’écoute du Serbe, du Croate, des Tsiganes à la recherche des Juifs disparus dans les synagogues en ruine ou dans le cimetière khazar de Celarevo. Au passage je note dans les livres références Le Dictionnaire khazar de Milorad Pavic, La treizième tribu d’Arthur Koestler (que je télécharge). Je note aussi Le Sablier de Danilo Kis. Inventaire des massacres récents ou moins récents, victimes du nazisme en 1942, ou bombardements de l’OTAN (1999) 

 « délires nationalistes de la Grande Serbie, Grand Croatie, Grande Bulgarie, Grande Albanie….etc d’où découlèrent les guerres balkaniques, La Première guerre mondiale et les guerres civiles yougoslaves. La balkanisation est un fléau qui touche chaque peuple et son voisin, une maladie contagieuse qui se transmet de siècle en siècle et de pays en pays : la maladie de la meilleure frontière »

L’arrivée en Hongrie coïncide avec les pluies du début septembre qui les contraignent à traverser la puzsta en train. difficulté de communication, les Hongrois parlent Hongrois (et pas nos deux compères) les rencontres se font plus rares. De même en Slovaquie, en Autriche, en Allemagne, les deux cyclistes n’ont que peu de contacts avec la population germanophone. En revanche, ils ont le don de trouver  des guinguettes, bars ou restos où officient Croates, Kosovars ou Serbes avec qui ils sympathisent immédiatement.

Altedorfer

Les pistes cyclables (communautaires) sont plus confortables quand ils traversent l’Autriche mais elle n’ont plus la saveur de l’aventure. Ils croisent même un grand-père de 78 ans et son petit fils de 9ans. Un couple de retraités maintiennent la même moyenne que nos deux champions, grâce à l’assistance électrique. Leurs visites de musées et châteaux se font plus touristiques. Près de Vienne  musée Egon Schiele (mort de la grippe asiatique). Visite du Musée d’Ulm : musée de la colonisation des souabes. Toujours consciencieux ils ne zappent pas le musée de Sigmaringen, ni les autres curiosités touristiques mais l’élan d’empathie n’y est plus. Legoland à Audiville, Europa-park! 

Egon Schiele : Durch Europa bei Nacht

Le périple se termine devant les drapeaux du Parlement Européen à Strasbourg. En route ils ont découpé les étoiles du drapeau européen

un voyage d’automne dans le crépuscule d’une Europe qui a perdu ses étoiles en traquant ses migrants

Il s’agissait bien de parler d’Europe, de faire surgir une autre Europe de cette traversée d’Est en Ouest. En route, en Slovaquie, un monument de ferraille représente le cœur de l’Europe. mais pour l’auteur :

Le cœur de mon Europe bat au sud-est entre Istanbul et Yalta, Novi  Sad et Corfou dans l’ancien empire du Tsar Samuel…

 

Szombathely et la campagne environnante

MITTELEUROPA: UN MOIS A TRAVERS L’AUTRICHE, LA HONGRIE ET LA CROATIE

Szombathely : musée de plein air

Dans un champ nouvellement retourné,  des cigognes, qui sont un peu nos compagnes, oiselles nomades.

Une ville de derrière le rideau de fer

La ville, « bouillonnante » selon le prospectus officiel, est construite d’immeubles gris – tous sur le même modèle – en barres et tours, peu avenantes. L’Office Ibusz  propose un appartement qu’il faut payer sans avoir visité. Bureaucratie : reçu en main, on nous donne des clés. Il est situé en  centre-ville dans un quartier sinistre, tours et barres. Nous arrivons chez une vieille barricadée derrière une grille d’épais barreaux. L’adresse exacte est Szent Marton (Saint Martin, celui du manteau, légionnaire romain et originaire de Szombathély). Donc : Szent Marton 35 I 2-5. C’est  une cité, pas d’ascenseur. La clé ouvre la porte.  Le désastre! Le grand appartement est dans un état de délabrement avancé, meublé années 50. La literie est propre, le tapis également. Tout le reste est plus que douteux. Cela pue la pisse et le chou.. Nous le tenons : notre souvenir des démocraties populaires, notre hébergement « chez l’habitant »- sans l’habitant- pour nous accueillir chaleureusement. Je suis démoralisée.  Curieusement, Dominique prend les choses avec philosophie et bonne humeur.

Un petit lac comme à Créteil

Szombathely : Musée de plein air

Le Musée de Plein Air est situé dans une base de loisir. Lundi, il est fermé, mais il y a un petit lac urbain, plus petit que celui de Créteil avec des pêcheurs, des joggers, nous ne sommes pas vraiment dépaysées, nous retiendrons cet endroit pour venir dîner. je refuse de manger dans notre HLM.

Dans la campagne : 

Jak : église romane

Jak possède une chapelle romane. L’occupation turque a fait disparaître la plupart des églises romanes. Les Hongrois sont très attachés à celles qui restent. Le porche est joli, le tympan rappelle celui de Vézelay. Curieusement, 4 lions gardent le porche, deux assis deux autres perchés dans des niches. En faisant le tour de l’église, nous découvrons d’autres statues protégées dans des niches.

Les frontières

Nous pique-niquons sur un banc, le ciel est gris et menaçant.

Nous continuons le circuit du Guide Nelles vers le Sud Ouest dans une région de collines, presque des montagnes. Des militaires nous arrêtent. Panique! Sommes-nous en excès de vitesse? Ils demandent simplement nos passeports. Nous verrons, plus tard, d’autres patrouilles. La frontière autrichienne est à quelques kilomètres.  Très près : la Slovénie. Curieux endroit où trois pays se touchent. Depuis les accords de Schengen nous avons oublié ce qu’est une frontière. Ici, elles sont bien gardées par l’armée.

Szentgothardt, village alpestre

Auberge campagnarde

D’après Nelles, Szentgothardt « vaut le déplacement ».Il n’a rien d’exceptionnel. C’estun petit village alpestre à la frontière autrichienne avec des massifs fleuris, une église baroque, des pâtisseries…

Nous rentrons par le chemin des écoliers par le massif de l’Örseg vanté par Nelles. Il faut se méfier de Nelles qui a t tendance à monter en épingle des curiosités très quelconques pour peu qu’un  brin d’herbe pousse de travers . Région de collines boisées et de pâturages. De longue date, une frontière gardée par des maisons de guet en hauteur formant des hameaux perchés : les szer.
La carte touristique nous indique le village de Szalafö où se trouverait un écomusée de plein air. Nous suivons de toutes petites routes de montagne traversant de belles forêts de feuillus et de résineux. Szalafö n’est jamais indiqué sur les panneaux, et même il est inconnu des passants que nous arrêtons.  Nous nous perdons.  Demandons notre chemin à une patrouille. les soldats sont ravis de la distraction. Ils nous renseignent comme ils peuvent A Szalafö on trouve de jolis hameaux souvent aménagés en gîtes ruraux mais pas de musée de plein air!  Personne n’est au courant. En revanche, il y a plein de vacanciers.

La route du retour traverse une campagne plate, plutôt ordinaire. Des grands champs de blé mûr, des maisons aux toits de tuile. Rien de dépaysant, on pourrait aussi bien être dans le Berry ou en Seine et Marne. Seule différence, les moissons sont en avance.

Nous terminons la journée avec  un pique-nique au lac.

 

Sopron – Visite de la ville, concert à Fertöd

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Vieille ville, vigne et vignerons

La vieille ville est très tranquille, pas de voitures en dehors de quelques vieilles Lada, Trabant ou Skoda qui stationnent.
Les murs des maisons basses à 1 étage sont peints de couleurs variées, un peu délavées, ocre jaune, ocre rouge mais aussi vert et même bleu foncé. De grands portails arrondis en lambris à chevrons, ouvrent sur des cours intérieures pittoresques. Nous découvrons parfois des jardins, des tonnelles de vignes, des ruelles pavées avec des escaliers de pierre extérieurs. On se croirait à la campagne. Parfois, aussi, quelques tables pour la dégustation du vin devant les caves.

Commerce frontalier

Une rue commerçante  ceinture la vieille ville. Des boutiques de luxe offrent des vêtements de marques et des chaussures détaxées pour les Autrichiens venus de l’autre côté de la frontière toute proche. Sur le trottoir, des vanneries bon marché et toute une gamme d’articles déclinant le tonneau sous toutes les variations (tonneau cache-pot, tonneau à roulette, scié en deux…).
Au coin d’une rue, un homme et une femme proposent les cerises et les petits pois de leur jardin écossés. Il y a d’innombrable boutiques de lunettes (grandes marques Dior, Carven, Lacoste…) coiffeurs et salons de beauté, pédicures, solarium, bronzarium… bijoutiers et horlogers.

Les deux hôtesses de l’Office de Tourisme nous conseillent très aimablement  et réservent par téléphone nos places au château de Fertöd pour le concert de ce soir.

Tour de Feu

Tour de gué qui domine la ville. Du balcon la vue sur les toits et la place est belle.

Musée de la Pharmacie : Semmelweis

Nous entrons au Musée de la Pharmacie de l’Ange. Les pharmacies étaient très nombreuses à Sopron. On peut admirer les bocaux de porcelaine et de verre, (photo interdite), achat de la carte postale obligé, un gros mortier de bronze, des balances de précision. Le certificat d’une sage-femme porte la signature de Semmelweis, le découvreur de l’asepsie. C’est un de « mes hommes illustres ». J’ai parlé de lui aux 3èmes. De vieilles tablettes d’aspirine Bayer sont aussi exposées.

maison Storno

La Maison Storno est un bel hôtel faisant le coin de la place. Au premier étage, de nombreux souvenirs de la ville y sont exposés dans des vitrines : miniature représentant l’armée turque de Soliman, affiche de concert de Liszt, armures et mobilier…Au second hôtel les appartements de Storno se visitent sous bonne garde d’une guide qui promène un vieux magnétophone et qui désigne les objets selon la gestuelle des hôtesses de l’air. Cet appartement est tout à fait remarquable : Storno et son fils ont restauré des demeures historiques en Hongrie et à Vienne. Les murs sont revêtus de lambris étonnants provenant  de bancs d’églises sculptés encadrant les portes. Toute une partie de la demeure est dans le style néo-Renaissance comme le palais Ferstel ou l’Opéra de Vienne. On imagine les intérieurs des immeubles du ring avec les fresques gothiques ou Néo Renaissance, les meubles noirs aux pieds tournés ou de fine marqueterie les murs sont surchargés de tableaux, miroirs ouvragés. Certains meubles sont anciens, vieux coffres italiens, chaises-masques étranges.

A midi nous nous installons sur la terrasse, c’est très agréable d’avoir un chez-soi avec une cuisine de la jolie vaisselle et une terrasse, c’est reposant et confortable après les fast food de Vienne, délicieux, mais picoré dans une barquette.

Bain Thermal

Un bain thermal connu depuis les Romains nous tente. La réalité s’avère décevante. Un hôpital qui possède une piscine thermale  est un hôpital : couloirs sinistres, accueil très désagréable. Nous payons 50 forint pour une « cabine ». On nous donne une clé et on nous introduit dans une pièce où une dizaine de femmes se déshabillent . Cela ne me gêne pas le moins du monde pas plus ici qu’au hammam.
Nous comptions sur la piscine pour mettre nos habits du dimanche pour le concert de ce soir.
La piscine est couverte, partagée en couloirs par des lignes de flotteurs rigides. A l’intérieur de son couloir, tout le monde nage sagement. Je me fais disputer parce que je ne garde pas bien ma droite. Il faut respecter le sens giratoire. Je fais six longueurs. Notre expérience balnéaire a un goût de raté.

Fertöd

La route vers Fertöd est très belle à travers des vignes avec de jolies vues sur le lac au loin et passe par de petits villages aux maisons basses.

Le château de Fertöd est vraiment ravissant. Une grille en ferronnerie ouvragée ouvre sur des jardins à la française. Dès qu’on la passe c’est la surprise : le château ne forme pas une barre comme à Schönbrunn ou au Belvédère, il est arqué entourant un jardin ovale. Cette courbure m’enchante. Face à la grille un escalier en fer à cheval, dans l’ombre, ferronnerie et statues. Comme à Schönbrunn, il est peint en ocre jaune. Les fenêtres, tout en courbes gracieuses, sont ornées de guirlandes et macarons pleins de fantaisie. Des vasques de fleurs et encore des guirlandes coiffent les ailes du bâtiment.

Nous achetons les billets 1000 forints (30F).La salle de concert est installée dans la Galerie des Glaces qui donne sur le Parc. Des chaises dorées font face à un piano à queue. Nous sommes assises aux meilleures places au premier rang..

Le concert commence avec Vivaldi (flûte, hautbois et piano), nous sommes placées si près qu’on voit très bien les clés et le jeu de la pianiste. Par la fenêtre les hirondelles semblent attirées par la musique. On dirait qu’elles apprécient particulièrement la flûte. Puis une suite italienne de Bach au piano, Telemann : flûte, hautbois piano, Donizetti sonate au piano et flûte, Weber piano et saxo, un saxo énorme très grave joué par un jeune très enthousiaste qui a l’air de beaucoup s’amuser, Schubert An der Musik, sérénade et Cimarosa : piano hautbois et flûte.

 

Ce concert est un enchantement! Dans les glaces les lustres se reflètent. Au plafond, une fresque pastel. Sur les murs blancs  se détachent des moulures dorées, tantôt des fleurs mais aussi des motifs guerriers. Aux coins des divinités portent des cornes d’abondance, l’une remplie de gerbes de blé, l’autre de fruits peints.

Danube – Claudio Magris (3)

MITTELEUROPA 

Quittant l’Autriche, Claudio Magris et ses amis (plus présents que dans le début du volume) passent le Rideau de Fer (sans que cette expression n’apparaisse dans la narration) et font halte à Bratislava . Pas de visite touristique mais plutôt une méditation entre Châteaux et et drevenitsas. Les châteaux parsemant la campagne étaient ceux des nobles hongrois, tandis que les paysans slovaques logeaient dans des cabanes de torchis et de chaumes. Magris évoque les nationalismes hongrois, tchèques et slovaques dans l’empire Hongrois en 1848, les Slovaques s’opposant plutôt aux Hongrois eux même en rébellion contre l’autorité viennoise.

Considérés comme un simple groupe folklorique à l’intérieur de la nation hongroise, les Slovaques voient niées leur identité et leur langue »

Etrange opposition entre Slovaques (producteurs de vin)et Tchèques(aux brasseries mondialement réputées), les premiers refusent de servir la bière tchèques à Magris et ses compagnons.

Magris introduit dans son essai des évènements politiques étrangers à la littérature, procès staliniens de 1951, printemps de Prague. Il faut se rappeler que le voyage s’est déroulé vers 1983, bien avant la Chute du Mur de Berlin. Quand ils rencontrent des intellectuels, il prend parfois des précautions pour  évoquer les positions politiques de ces derniers.

Aux Portes de l’Asie? est le titre de la visite en Hongrie. 

Ce paysage magyar, plein de  force mais aussi d’indolence, ce serait déjà l’Orient, souvenir des steppes de l’Asie, des Huns, des Petchenègues ou du Croissant ; Cioran célèbre la bassin du Danube en ce qu’il amalgame des peuples bien vivants mais obscurs[…]Ce pathos viscéral qui se proclame à l’abri de toute idéologie, n’est qu’un artifice idéologique. Un arrêt dans une pâtisserie ou une librairie à Budapest apporte un démenti à celui qui pense qu’à l’est de l’Autriche, on pénètre confusément dans le sein de l’Asie

Sous la botte de Staline

Magris développe les antagonismes entre le nationalisme hongrois et la souveraineté des Habsbourg. Les pages hongroises sont passionnantes quoique un peu datées. Toute l’histoire communiste, les émeutes de 1956, les luttes politiques me semblent maintenant du passé alors que tout cela était bien vivant quand Magris se trouvait là. Les longues pages consacrées à Lukacs sont-elles encore actuelles? J’ai lu (un peu) Lukacs autour de 1968,  j’ai oublié; sans doute n’y avais-je rien compris. 

Budapest

La visite de Budapest est plus « touristique » que celle de Vienne. J’ai retrouvé avec grand plaisir l’Île Marguerite, le tombeau de Gül Baba dans les rosiers, le Café Gerbaud, les maisons colorées de Szentendre avec les céramiques de Margit Kovacs, de bons souvenirs pour moi…

« Le Danube s’écoule, bavard, sous les ponts titanesques comme écrivait Endre Ady ; il parle de fugue et même de mort dans la Seine, dans ce Paris dont Budapest est comme l’image dans une glace de style empire… »

Ici, il discute encore du concept de Mitteleuropa 

« Mitteleuropa devient le mot de passe de ceux qui refusent la politique, ou plutôt la politisation systématique et totalitaire en tant qu’ingérence de l’Etat et de la raison d’Etat dans tous les domaines de l’existence. La division de l’Europe entre les deux super-grands scellée  à Yalta …« p 371

Après Pecs,  Mohacs – défaite du roi de Hongrie en 1526 et invasion turque de la Hongrie – une très belle image du violoniste dans le champ de bataille. 

Le Danube coule alors en Yougoslavie (qui existe alors), en Voïvodine, il font étape à Bela Crkva (prononciation???) chez Mémé Anka , non loin de la Roumanie, où cohabite une mosaïque de peuples, de religions, de langues : Serbes, Hongrois, Roumains, Slovaques et Ruthènes mais aussi Allemands, colons souabes venus des pontons d’Ulm, Macédoniens, Grecs, Juifs, et même des catalans venus en 1734 pour repeupler les plaines désertes après le retrait des Ottomans. Mémé Anka,native de Bela Crkva, est triestine: Magris livre de cette femme pittoresque un beau portrait. 

Village saxon

Tout proche, en Roumanie, le Banat roumain avec Timisoara pour ville principale. Timisoara ou Temesvar? Magris cite les historiettes du barbier racontées par Kappus, qu’il compare au turc Nasreddine. Les Allemands du Banat furent maltraités par le pouvoir roumain, expropriés et déportés. Ceaucescu a  finalement condamné ces déportations mais ils restent sous un contrôle étouffant.  Magris note une vie littéraire « difficile et ardente » pour ces minorités du Banat et de Transylvanie (Siebenbürgen) citant Herta Müller. Une excursion à Sibiu, Brasov, Sigishoara,en Transylvanie est l’occasion d’approfondir la culture germanique de ces Saxonsprésents depuis 1224 appelés par le Roi de Hongrie Geza II. Magris cite de nombreux écrivains de langue allemande, quelques hongrois. On note la complexité des allégeances, le pouvoir fut hongrois, autrichien, jacqueries,  révoltes et rébellions contre ces pouvoirs se sont succédés pendant les siècles.

Puisque nous sommes arrivés dans les Carpathes, comment ne pas évoquer Dracula et les Sicules? Et de Transylvanie, on glisse en Bucovine aux vignes sauvages du Pruth, à Czernowitz. Monde disparu de Paul Celan, Rezzori, Rose Ausländer…. et (c’est moi qui ajoute) Aharon Appelfeld.

Cette excursion roumaine a éloigné l’auteur du Danube, il rentre donc à Bela Crkva pour aller à Subotica proche de la frontière hongroise. Ville Art Nouveau (que cite Greveillac), kitsch selon Magris. Puis retrouve le Danube à Novi Sad encore une ville multi-culturelle. C’est dans cette région que se déroule l’histoire des Confins sorte de cordon militaire ou sanitaire formant une sorte de no-mans land entre l’Orient ou les Balkans turcs et l’Empire Autrichien. 

Belgrade ne retient pas l’auteur.

Le maréchal Tito a fini par ressembler de plus en plus à François Joseph, no pas parce qu’il s’était battu sous ses drapeaux durant la Première Guerre mondiale mais parce qu’il était conscient ou désireux de recueillir un héritage et un leadership danubien supra national

Après les Portes de Fer le Danube trace la frontière entre la Roumanie et la Bulgarie. La partie bulgare diffère du reste du livre qui se déroule dans l’ancien empire austro-hongrois. La Bulgarie a vécu des siècles sous le joug turc, Ils méprisent les turcs est le titre du premier chapitre. Point de multiculturalité comme précédemment : la guide-interprète affirme qu’en Bulgarie « Il n’y a que des Bulgares! » Et pourtant, la joie de vivre, et de boire le raki est contagieuse, le voyage semble pittoresque et agréable.  Magris conte l’histoire de la Bulgarie et fait des propositions de lecture bien séduisantes : j’ai noté les récits de Tcherkazski de Yordan Raditchkov , Sous le joug d’Ivan Vasov et Auto-da-Fé de Canetti. Nous passons par la maison dElias Canetti à Ruse.

Delta du Danube

Matoas – le titre de la partie roumaine du voyage – est le nom Thraco- Phrygien du Danube (selon Wikipédia). Magris  passe le Danube sur le POnt de l’Amitié et entre en Roumanie par la Dobroudja que les anciens ont nommée Scythie Mineure ou Istrie. « Les Istriens sont-ils les Thraces? » se demande l’auteur Triestin qui voit une analogie avec l’Adriatique, il pense à la Toison d’Or et aux Argonaute. Nous voici proches de l’Antiquité, thrace, grecque ou romaine avec Ovide qui fut exilé à Constanta 

« L’Histoire ne connaît les origines d’aucun peuple » comme disait Curtius, parce que cela n’existe pas ; c’est une création et une production de l’historiographie, qui pose la question puis se livre à des recherches pour y répondre. Toute généalogie remonte au big-bang : les discussions sur l’origine latine des Roumains ou sur la lignée dace-gète-latine-roumaine, thème privilégié de l’historiographie et de l’idéologie nationale en Roumanie ne sont guère plus importantes que le litige entre Furtwangen et Donauschingen sur les sources du Danube »

Et la boucle est bouclée!

Bucarest palais de Ceaucesu

Enfin presque! Nous visitons Bucarest, le Paris des Balkans avec ses immeubles tarabiscotés, Art Nouveau des résidences fin de siècle mais aussi subissant le Hiroshima de l’urbanisme de Ceaucescu

« Les puissants dont Elias Canetti fait le portrait ont besoin pour exalter leur volonté de puissance de dépeupler les villes[…]Ceaucescu préfère chercher l’ivresse dans ce maxi-déménagement de l’Histoire et de ses vestiges… »

Des souterrains sont mis à jour, des maisons éventrées, des églises déménagées. Magris note que « la littérature aime les bas-fonds et les immondices » et cite Mircea Eliade pour son roman Le vieil homme et l’officier. 

Brauner

A Bucarest, nous rencontrons Grigor von Rizzori affectueusement surnommé Grisha et encore Cioran. Panorama d’une littérature bouffonne avec Caragiale, un Labiche roumain, qui a inspiré Ionesco et les dadaïstes. 

Rencontre avec un poète yiddisch : Bercovici et le monde de Chagall avec un peintre que je ne connaissais pas Issachar Ben Rybak. 

Enfin, à Braila et Galati : Panaït Istrati que j’attendais. Nous retrouvons le Danube et le livre se termine par une promenade enchantée dans la nature du Delta. 

Sopron : suite de la visite de la vieille ville

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Eglise de la Chèvre

Eglise de la chèvre

Sur la place principale, une colonne de la Peste, l’église de la Chèvre (une petite chèvre en bas relief se trouve au dessus du porche). L’église est petite. Elle  possède un retable baroque sans grand intérêt. Un groupe de jeunes chante à plusieurs voix.

Maisons peintes

rues aux maisons peintes

Nous parcourons les petites rues à la recherche des maisons remarquables : belles maisons peintes décorées de sculptures. C’est tranquille. Au temple Protestant, les fidèles sortent du culte. je reconnais  la dame en capeline. On décourage les touristes avec un panneau « Stop ! » Nous entrons dans des cours intérieures. Dans une galerie de peintures, des tableaux rappellent un peu Chagall, les personnages ont l’air juifs. Ils ne le sont sûrement pas d’après les bondieuseries des autres tableaux.

Rue aux Juifs

Nous parvenons à une place ronde et creuse. En son centre : une statue d’où partent des rayons dans les pavés soulignant cet aspect circulaire. La petite rue qui  rejoint la grande place s’appelle la rue aux Juifs. Une plaque commémorative rappelle la déportation des juifs de Sopron dans les camps.

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Dans la maison suivante on a retrouvé et restauré l’ancienne synagogue datant du XIVème siècle. C’est un curieux mélange de pierres anciennes de béton et de bois qui donne au bâtiment ancien un aspect contemporain. La niche où était la Thora est d’époque, mais pas la chaire octogonale en poutres de bois foncé. La salle des femmes est complètement séparée, les femmes suivaient l’office par des archères (meurtrières horizontales)de l’autre côté de la cour.

Le Mikvé est très étonnant : c’est un puits très profond (une dizaine de mètres).
Nous rencontrons des cyclistes du Val de Marne qui nous demandent de les photographier devant la synagogue. Rencontre utile, puisqu’ils nous expliquent comment nous servir de la Carte France Télécom n’importe quelle cabine publique.

colonne de la Peste


musée de la Mine

Le Musée de la Mine m’a bien plu. Comme dans tous les Musées de Sopron, nous ne sommes jamais seules. Généralement, des vieilles femmes, mal fagotées, nous suivent partout. Elles allument l’éclairage, puis nous poussent dans la salle suivante pour éteindre (? ). Ici, la visite est guidée, en Hongrois et en Allemand. La dame actionne les maquettes des engins de la mine : la roue, actionnée par la force humaine, puis un ascenseur mu par la force hydraulique, puis d’autres machines à vapeur, enfin le tunnelier qui extrait le charbon tout seul sans même avoir besoin de consolider la galerie.

On nous montre ensuite, des gravures anciennes, des lampes de mineurs. La guide est très contente de rencontrer des françaises. Autrefois, elle a appris le Français, mais ne le parle plus, elle est ravie de retrouver les expressions françaises quand je traduis l’Allemand. A la fin de la visite, elle laisse tomber les Hongrois et nous avons une visite particulière. Dans les vitrines, de très beaux minéraux et une lettre autographe de Marie Thérèse.

Musée Romain

Je vais seule visiter le musée romain. Lapidarium avec des belles stèles bien conservées et 3 statues en mauvais état .Mon billet est aussi valable pour le Musée Archéologique, très bien présenté, moderne, avec des commentaires en anglais retraçant l’histoire de Sopron de la Préhistoire jusqu’à l’installation des Magyars en passant par l’histoire romaine et la route de l’ambre de la Baltique à Rome qui passait là. Mais je ne suis plus très disponible, deux musées de suite c’est un peu trop. je n’imaginais pas que ce dernier serait aussi riche.

Déjeuner sur la terrasse : escalope de veau et carottes râpées. Notre logeuse fait le ménage et nous fait sentir que nous la dérangeons
.
Nagycenk, Istvan Szechenyi

Au château de Nagycenk nous faisons connaissance avec « le plus grand des hongrois » Istvan Széchenyi, l’artisan du développement industriel de la Hongrie au XIXème siècle. C’est lui  qui a canalisé le Danube, construit des routes et des ponts, des haras… Le personnage est passionnant ainsi que son époque qui voit arriver l’industrie en quelques décennies – passage de la féodalité à l’époque moderne.
Le château, de style classique, est bien décevant. L’audio-guide en français est en panne. Au rez de chaussée quelques salles sont meublées, à l’étage, un musée des techniques, présenté à l’ancienne. Des vitrines avec des étiquettes en hongrois  nous lassent rapidement.

Nous avions hésité entre la visite de ce château et retourner à Fertöd, et avons fait le mauvais choix. On essaie de terminer l’après midi par une baignade. Quand nous arrivons à la plage, un magnifique arc en ciel nous attend. La Pluie a rafraîchi l’atmosphère et je n’ai plus envie de me baigner. Nous  restons un peu au bord de l’eau.

Nous quittons Vienne pour Sopron

MITTELEUROPA : UN MOIS A TRAVERS L’AUTRICHE, LA HONGRIE ET LA CROATIE

Sopron caves a vin

8h1/2, nous quittons la Pension Kraml avec un peu de regrets. Il reste tant de choses à voir : le Musée d’Ephèse, les maisons des musiciens, … Mais aussi avec soulagement : tout est si cher ici! On ne peut même pas s’attabler à une terrasse et boire un café !

Boulevard de ceinture jusqu’au Nord. Karl Marx Hof  nous apprécions mieux l’ampleur de la cité ouvrière.

Grinzing

La route s’élève dans la colline jusqu’à Grinzing qui est encore dans Vienne. On se croirait à la campagne avec de jolies villas dans des jardins et les Heuriger, genre de guinguettes, petits restaurants peints en ocre, tonnelles et tables dans les jardins.
A la sortie de Vienne, la route monte en épingles à cheveux. Au détour d’un virage : un chevreuil. Nous sommes presque au sommet à Kohlenberg, la vue sur Vienne est magnifique quoiqu’un peu embrumée.

« Révisions» . D’un côté : le Danube, de l’autre un quartier de maisons d’Hundertwasser étincelant sous le soleil, coiffé d’une sorte de cheminée portant un bulbe comme un œuf doré.

Autoroute vers la Hongrie

Autoroute vers la Hongrie, peu de circulation, campagne plate, les moissons ont commencé.

Arrivée à Sopron vers 11h30, Comme d’habitude, nous faisons trois fois le tour de la ville (petite) avant de trouver l’Office de Tourisme.

Chambre chez l’habitant

Très efficace l’employée fait la réservation d’une chambre chez l’habitant pour 4500 forint. Pour 135 F, notre chambre est meublée sans recherche, mobilier passe-partout, peinture vert criard, moquette grise, télé-satellite, une salle d’eau avec douche et WC. Nous avons la disposition d’une cuisine à partager avec un frigo, un micro-onde et de la jolie vaisselle en porcelaine. Des tables sont installées dans la salle commune. Il y a aussi une terrasse agréable.

Lac Fertö

lac Fertö



La route traverse des petits villages aux maisons charmantes. Le tourisme est très développé. Partout on voit des écriteaux « Zimmer frei », des restaurants de plein air et des marchands de vannerie. Mais tout cela est au stade de l’initiative individuelle, pas d’hôtels énormes ni d’enseignes lumineuses ou de boutiques affreuses.

La plage est payante 7000 forints, (21f) aménagée avec une grande pelouse ombragée, des cabines, des douches de plein air et une rangée de guinguettes en bois offrant du vin blanc, du poisson frit,  des hot-dogs et des glaces. Comme c’est vendredi, il n’y a pas trop de monde et nous trouvons un endroit calme. L’eau est boueuse. Mes pieds s’enfoncent de plusieurs dizaines de centimètres dans la vase. Il faut nager sans relâche. Le vent s’est levé et pousse l’eau vers le sud. J’ai peur de me laisser entraîner par le courant, je sors. Ce n’est pas le même plaisir qu’à la mer. Par cette première journée chaude je suis bien rafraîchie .Cela donne un air de « vacances » après le tourisme intensif à Vienne.

Nous nous promenons sur un ponton de bois qui dessert une rangée de chaumières installées sur des plates-formes avançant dans le lac. Ce village lacustre est curieux. Les maisons sur pilotis sont énormes et rivalisent d’originalité dans la découpe du toit de chaume. A l’arrière de maisons des roseaux, des canaux. Les oiseaux sont nombreux, les hirondelles se posent sur les planches, c’est bien curieux de les voir à terre. Les planches craquent et bruissent sous nos pas.

La carrière

carrière

Au retour nous nous arrêtons dans une carrière spectaculaire qui me rappelle les latomies de Syracuse. Une « salle de spectacle »y est installée. Ce soir et demain, on y jouera la Bohème. Nous assistons par hasard à une répétition (sans musique malheureusement).

Juste après le passage de la frontière est construite une cité commerciale dans le plus pur style capitaliste américain : un hypermarché, des boutiques, un cinéma des grands parkings…Nous trouvons tout ce dont nous avons besoin : salade au choix, charcuterie, crémerie dans avoir besoin de parler, à la caisse on accepte les cartes de crédit.
En ville il y a de nombreux petits commerces comme chez nous autrefois.

Concert baroque

Toits de Sopron

Retour à 7 h à l’auberge. Il faut faire vite pour ne pas rater le concert baroque.  A 7h40, la messe n’est toujours pas terminée, dès que les fidèles sortent, je vais aux renseignements et me fais refouler par une grosse dame à chevelure blanche étincelante dans un gros chignon parce que j’ai à la main une pomme et mes cigarettes. Je ne vais quand même pas manger ou fumer dans une église !
L’église est très, très baroque, des angelots de bois peint grimpent partout. Un berger en sandales avec sa harpe (le roi David ?) est juché sur le rebord du retable en équilibre. Des religieux de bois en habit blanc et bleu de taille humaine peuplent l’église, au plafond, une fresque pastel. Ici le baroque est tout de dorure et de bois peint.

Avant le concert, le spectacle est dans l’assistance très nombreuse. Une dame âgée porte une capeline et des gants de fil blanc. Certaines toilettes sont élégantes, des robes longues, d’autres tenues sont simples, on est venu au concert en famille avec les enfants. A l’entrée des choristes, l’église s’illumine, au début je ne reconnais pas les morceaux, puis deux cantates de Bach et Händel.

Dîner sur la terrasse.

 

Vienne : Belvédère

MITTELEUROPA 2001 un mois en AUTRICHE, HONGRIE, CROATIE

Belvédère

Jardin Alpin

Récréation-nature au jardin Alpin, un peu sauvage. De nombreux végétaux semblent réduits comme des bonsaïs. Un ajonc espagnol forme des petits coussins ronds, on le dirait taillé à la cisaille. De minuscules bassins renferment des nymphéas nains. Je remarque le marcottage dans des sacs en plastique sur un érable pourpre du Japon et sur des azalées. J’ai parlé souvent de cette technique aux élèves sans l’avoir jamais vue en vrai.

Pique-nique au jardin botanique, plutôt un parc sauvage très ombragé. Nous avons acheté au Naschmarkt des sushis.

Belvédère

Belvédère détail

Le Belvédère est un magnifique palais décoré de nombreuses statues. Encore un petit Versailles sur une colline dominant un jardin à la française!

Belvédère : salon doré

Dans les salles « au tournant du siècle » nous trouvons un Schiele très grimaçant impressionnant, un seul Kokoschka décevant, et bien sûr des Klimt somptueux : le célèbre Baiser mais aussi Judith et le Portrait d’Adèle Bloch Bauer, tout en dorure, motifs géométriques, d’yeux, spirales. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’ils ont dû influencer Hundertwasser dans l’utilisation des couleurs métallisées et des spirales.

Ticket d’entrée : grotesque de Messerschmidt

Les tableaux suivants paraissent plus ternes. Mes préférés sont un Van Gogh avec des champs encore verts un Munch où la lune se reflète dans la mer.

Egon Schiele

Dominique m’a demandé un jour comment on reconnaît un chef d’œuvre d’une croûte ; impossible de répondre en théorie. Dans ces collections inconnues, au premier regard, sans préjugé, et sans regarder les étiquettes, j’ai tout de suite sélectionné Van Gogh et Munch (quant à Monet, j’avais reconnu Giverny).

Klimt : Judith

Puis on passe aux peintre plus anciens les symbolistes m’avaient déjà paru sinistres à l’Expo 1900, et Makart à l’unisson avec les constructions du Ring.

Belvédère Salon

La deuxième partie de l’exposition, séparée par un salon de marbre, s’appelle « l’ère Biedermeier » (1815 –1848), représente la montée en puissance de la bourgeoisie et présente donc des tableaux accrochés dans des intérieurs bourgeois ; 3 tableaux d’un même peintre : un énorme bouquet de fleurs et deux scènes avec des paysans : on dirait des photos tant le peintre est habile, à cette époque, la photo n’existait pas encore et la précision et la ressemblance étaient sûrement des valeurs plus importantes que maintenant.
Paysages romantique, montagne.

Avant de descendre au Belvédère, une pause pour se délasser les pieds. Nous passons par de très beaux jardins, une sorte de labyrinthe de charmilles, des parterres fleuris .Dans le palais baroque nous cherchons les grotesques, têtes grimaçantes de Messerschmitt. Nous passons donc rapidement devant les tableaux, un peu blasées,  puis cette période n’est vraiment pas ma période préférée en peinture. C’est le palais lui même qui retient notre attention : une galerie des glaces petite mais harmonieuse avec des reflets à l’infini, une pièce chinoise toute dorée et très finement ouvragée, décorée de porcelaines, de petites appliques avec encore des effets de miroirs.

Dans l’Orangerie, c’est l’art médiéval qui retient plus notre attention. Nous voyons encore beaucoup de dorures. Finalement ce procédé est plus banal qu’il ne me paraissait.

La ville vue des jardins du Belvédère

Nous rentrons à pied, en passant devant un monument aux morts Russes, portique incurvé, laid à souhait, précédé d’un immense jet d’au dans un bassin. Derrière Karlskirche, nous empruntons la Panigelstrasse, calme et cossue

Danube (2) Claudio Magris – Café Central à Vienne

MITTEL EUROPA – LIRE POUR VOYAGER

Magris consacre 70 pages à l’étape viennoise de son épopée danubienne. Pèlerinage littéraire plutôt qu’excursion touristique : aucune description des musées ou châteaux, même les parcs sont oubliés.

Le chapitre est intitulé « CAFE CENTRAL »  ce sont les lieux privilégiés de la vie intellectuelle viennoise et c’est là que Magris choisit de faire ses rencontres. Je fais la connaissance avec Peter Altenberg, mannequin de bois qui lit encore son journal au Café Central (j’ignorais jusqu’au nom de ce poète) . Un autre habitué des lieux était Trotski 

C’est aussi ici que s’asseyait Bronstein, alias Trotski, à telle enseigne qu’un ministre autrichien, mis au courant par les services secrets qu’une révolution se préparait en Russie, avait répondu « Et qui devrait la faire; en Russie, la révolution? Ce M. Bronstein peut être qui passe ses journées au Café Central? »

La maison de Wittgenstein n’existe plus, à sa place l’ambassade de Bulgarie, amusant?

La baronne Marie Vetsera n’aimait pas la musique de Wagner, et disait même qu’elle ne pouvait pas le souffrir ; aussi lorsque l’Opera de Vienne inaugura avec l’Or du Rhin un cycle Wagner, cette aversion fut un prétexte pour ne pas aller à l’Opera….

Elle allait rejoindre l’archiduc Rodolphe de Habsbourg. Et c’est ainsi que l’auteur introduit le drame de Mayerling!

 

A nouveau, nous croisons Joseph Roth, puis Karl Kraus et au hasard de cette lecture je glane le titre d’un roman de Jules Verne : Le Pilote du Danube que je télécharge sur le champ (mauvaise pioche, il est numérisé avec les pieds et illisible).

Au Café Hawelka nous attend Elias Canetti

Sur la Karlsplatz on célèbre par une exposition le tricentenaire du siège de Vienne par les Turcs (1683) occasion d’un rappel historique.

Après les célèbres cafés, Magris poursuit son pèlerinage dans les cimetières où l’ont voit la tombe d’Altenberg, celle de Schoenberg.

Impossible de ne pas évoquer l’Anschluss, et les suicidés de 1938 comme Egon Friedell.

Au café Landtmann : Lukàcs

Puis visite des maisons de Joseph Roth et de Freud, Berggasse 19..

Avant de quitter l’Autriche, il s’arrêtera à Eisenstadt, ville de Haydn : Là où se trouve Haydn, rien ne peut se passer!

Je viens de lire le retour des trains de nuit pour fin 2021. Je vais réserver un aller pour Vienne et cette fois-ci, je relirai Magris avant de partir!

Vienne : Secession,

MITTELEUROPA : UN MOIS A TRAVERS L’AUTRICHE, LA HONGRIE ET LA CROATIE

Metro Karlsplatz (Otto Wagner)

Métro Karlsplatz, notre point de ralliement.  Il fait un temps magnifique pour prendre des photos des pavillons du métro d’Otto Wagner, de la Karlskirche et du pavillon Sécession. En attendant l’ouverture du Pavillon, nous faisons un tour au Naschmarkt.

Pavillon Sécession

Pavillon Secession

Le Pavillon Sécession est très sobre avec seulement quelque ornements et surtout un dôme de feuilles dorées. Devant la porte, des topiaires dans des vasques bleues, posées sur de grosses tortues de bronze. La porte en bronze est  très belle.

Pavillon Secession : entrée

Fresque de Klimt

Klimt : le Géant Typhée

La fresque de Beethoven de Klimt court sur les murs d’une vaste pièce rectangulaire. Des femmes transparentes volent allongées. Seule leur chevelure est colorée. Des plages dorées, en relief, font ressortir les cheveux peints et les vêtements colorés. Sur un autre mur, un singe énorme avec des ailes bleues et un corps de serpent, figure un monstre géant : Typhée avec ses trois filles les Gorgones menaçantes. Sur le troisième côté la fresque se termine par les chœurs de la IXème symphonie.

Klimt : fresque Beethoven

Installations d’art Contemporain

Deux expositions d’art contemporain : une installation d’un vidéaste dans une sorte de tunnel surélevé en Skaï avec des écrans de télévision : des gens friqués parlent, un verre à la main, une piscine,… aucun intérêt.

Encore une installation à l’étage supérieur : des vêtements sont pendus ou posés sur le sol, des dessins sont suspendus. Sur l’un d’eux la « gestion du bonheur » formulée comme un problème de robinets avec des débits, des fuites.. Sur une banderole toute l’histoire du XXème siècle est schématisée de façon très marxiste avec des flux de capitaux, des rouages, des entonnoirs (dépression) un réseau enserrant l’Europe figure le nazisme.

Klimt : choeurs de la 9ème en lévitation


Opéra

Nous allons à pied à l’Opéra qui fait meilleure figure sous le soleil. Ressemblance avec Garnier, en moins bien, et avec le palais Ferstel, renaissance Italienne.

Tramway D jusqu’à la Gare du Sud.

 

Danube : Claudio Magris -(1) De la Forêt Noire à Vienne

MITTELEUROPA : LIRE POUR VOYAGER

Le Danube à Ratisbonne

Le Danube, est souvent enveloppé d’un halo d’antigermanisme; : c’est le fleuve le long duquel se rencontrent se croisent et se mêlent les peuples les plus divers; alors que le Rhin est le gardien mythique de la pureté de la race. C’est le fleuve de Vienne, de Bratislava; de Budapest, de Belgrade, de la Dacie…C’est le ruban qui ceint[…]l’Autriche des Habsbourg….

C’est un livre-fleuve qui va emporter le lecteur à travers l’histoire et la littérature germanophone (allemande mais plutôt autrichienne), dans les remous et l’érudition.  Ma lecture est entrecoupée de pauses. J’ai autour de moi, mon téléphone intelligent qui va faciliter mes recherches (dates et hommes illustres, écrivains connus ou méconnus de moi), un stylo et mon carnet pour prendre des notes, un crayon pour souligner. Lecture laborieuse? Non, plutôt jubilatoire!

2850 km de la source à la Mer Noire!

Mais au fait où est donc la source? Magris, tel les explorateurs des sources du Nil remonte le courant, et surprise : il trouve deux sources, deux ruisselets qui couleront vers la mer. Deux petites villes de Forêt Noire revendiquent cet honneur : Donauschingen et Furtwangen. Pour authentifier ses recherches Magris se réfère à un ouvrage ancien L’Antiquarius du Danube de Johann Hermann Dielhelm (1785). Après la controverse des sources, il pose un nouveau dilemme : Mitteleuropa « hinternationale » ou tout-allemande?

 » depuis la Chanson des Niebelungen, Rhin et Danube se font face et se défient. Le Rhin, c’est Siegfried, la virtus et la pureté germanique[…]Le Danube c’est la Pannonie, le royaume d’Attila; c’est l’Orient »

Me voilà avertie, je vais naviguer aussi bien dans l’histoire, la géographie que dans le mythe et les légendes! Il suffit de se laisser embarquer, ne pas refuser les paradoxes. 

A chaque étape, une rencontre, parfois plusieurs. Studieusement, je note  la page, la ville, le personnage.

P. 60 Messkirche : Heidegger revendiquant son appartenance au monde paysan de Forêt Noire, mais dont le culte de l’enracinement a flirté dangereusement avec le fascisme. En philosophie, je ne suis pas compétente. 

 

 

 

p. 64 Sigmaringen : Céline à la suite du repli de Laval et de Pétain. 

p.78 Ulm « A main nues contre le Reich » : un frère, une soeur, Hans et Sophie  Scholl, furent exécutés en 1943. Récit de l’enterrement de Rommel. Presque 40 ans après la fin de la guerre, les souvenirs sont encore prégnants. D’Ulm, sont parties les barges de colons allant peupler le Banat, les Souabes du Danube. Première occasion de rencontrer Grillparzer et Joseph Roth à propos des conquêtes napoléoniennes. Roth ayant écrit Les Cent jours et Grillparzer ayant écrit une pièce sur le roi Ottokar II de Bohème. Moins sympathique, Mengele

 

 

 

L’épopée napoléonienne a laissé la tombe vide d’un Grenadier, héros de l’Indépendance américaine combattant de la République et un monument à la gloire des peuples allemands en lutte contre Napoléon.

 

p. 133 : Ingolstadt : Marieluise Fleisser écrivaine des année 1928-29, compagne de Brechtéclipsée par la gloire du dramaturge. 

Le pont de pierre de Ratisbonne

p.141 : Ratisbonne . Son pont de pierre fut considéré comme la « merveille du monde ». Ville importante au 15ème et 16ème siècle. Elle fut le siège de la Diète permanente du Saint Empire Romain Germanique . Kepler y séjourna, étudia en plus de l’Astronomie la structure du flocon de neige! 

p.153 : Straubing se déroula une tragédie . La jeune Agnes Bernauer fut noyée après accusation de sorcellerie seulement parce que le fils du seigneur local l’avait épousée, mésalliance. Elle fut noyée dans le Danube et l’on dut entortiller sa chevelure pour la faire couler. « Dommage que ce ne soit pas Marieluise Fliesser qui ait écrit cette histoire  » regrette Magris, Hebbel qui l’a chroniqué s’est fait l’avocat de la « violence de droit », défendant la Raison d’Etat tandis que Grillparzer a traité la même thématique dans La Juive de Tolède

p.175 : Linz , ville prisée par Hitler a échappé de peu à l’urbanisme que le Führer lui destinait. S’y est déroulée une histoire d’amour entre Goethe et Marianne Willemer. Goethe y rédigea le Divan occidental-oriental qui comporte des poèmes de la main de Marianne Willemer (bien sûr signés par Goethe)

p.197 : Mauthausen

p.202 :  Saint Florian : la plus grande abbaye baroque d’Autriche. Bruckner, Altdorfer

Altdorfer : Saint Florian (détail)

p. 225 : Dans la plaine humide du Danube Konrad Lorenz menait ses expériences avec ses oies.

p.226 : nous assistons aux derniers instants de Kafka  

J’ai pris beaucoup plus de  notes que j’aurais pu transcrire. J’ai éliminé celles qui concernent des écrivains ou personnages que je connais seulement de nom ou complètement inconnus pour moi : Jean Paul, Stifter et beaucoup d’autres.