Le Mur Grec – Nicolas Verdan

 POLAR GREC

 

Je ne rate jamais l’occasion d’un petit voyage en Grèce, même s’il s’agit d’un roman policier. A travers la résolution d’une énigme, nous pénétrons dans les arcanes du pouvoir, politique ou financier. L’auteur va démonter les rouages cachés de la société.

Nicolas Verdan est un écrivain et journaliste suisse francophone (vaudois) qui connaît bien la Grèce. Le Mur Grec, paru d’abord en 2015 a été réédité en 2022.

L’action se déroule pendant la Crise dans les années 2010. L‘Agent Evangelos , proche de la retraite, est nostalgique des années anciennes où l’on fumait dans les bars,  est assez désabusé. La Troika et l’Union européenne qui met en tutelle la Grèce sont assez mal ressentis

« première mesure d’austérité imposée aux Grecs par Bruxelles : l’interdiction générale de fumer dans les
établissements publics. Dans le Batman enfumé, l’air de liberté se respire à noirs poumons. »

On l’appelle pour une affaire étrange : on a trouvé une tête coupée sur les bords de l’Evros – fleuve frontière entre la Turquie et la Grèce, qu’on appelle Maritsa en Bulgarie.  Cette frontière est très sensible : lieu de passage terrestre des migrants surveillé par Frontex.

« une plaisanterie ou quoi ? Depuis quand nous allons repêcher les cadavres aux frontières ? Les clandestins
qui meurent en tentant le passage du fleuve, il y en a bientôt un par semaine. »

La tête ne correspond pas à celle d’un migrant, plutôt à quelqu’un qui aurait les moyens de payer un très bon dentiste. L’Agent Evangelos prend l’avion pour Alexandroupoli. Je suis ravie de le suivre en Thrace ou nous avons passé des vacances en 2013, région oubliée des touristes très authentique et originale. Au fil des pages je retrouve Xanthi, les Rhodopes, les Pomaks et la via Egnatia. Souvenirs aussi de lectures de Lisières de Kapka Kassabova. Une tête coupée, cela fait penser à Orphée, Thrace, lui aussi,

« Des scènes dansantes pour représenter le déchirement du roi Penthée par les ménades, des scènes
dansantes pour raconter la mort d’Orphée, des femmes aux cheveux dénoués, portant une couronne de
lierre, elles dansent, portant la nébride, brandissant le thyrse, sous l’œil amusé du dieu, le voici trônant au
centre de l’image, Dionysos qui leur tend une coupe, elles ne supportent pas le vin, il leur monte à la tête,
elles tournent, elles tournent, leur couronne tombe sur leur visage en feu, elles mâchent une feuille, puis
une autre, elles font gicler le jus dans leur bouche douce-amère, six, sept, onze ménades,
[…]

Penthée déchiré, Orphée décapité, sa tête inconsolable pleurant encore et encore cette femme dont le seul
nom irrite les compagnes de Bacchus, ménades devenues bacchantes mais c’est Virgile qui récite, Orphée chantant à jamais, décapitation, une tête tombe, elle roule dans le fleuve Evros et la voici qui nomme encore son Eurydice »

 

Image d’autant plus relevante que la tête coupée a été trouvée près d’un bordel fréquenté par les soldats de Frontex où se déroulaient d’étranges bacchanales.

Ne nous attardons pas trop dans la poésie lyrique. Cette enquête est  plutôt classique avec des politiques opportunistes décidés à exploiter l’affaire pour mettre l’Union européenne dans l’embarras, des appels d’offre truqués pour la construction d’un mur (des barbelés) destiné à contenir les migrants. Le voilà le fameux Mur Grec qui donne le titre du livre….Mais ne spoilons pas!

L’Agent Evangelos a peu d’états d’âme. Il sait qu’il ne trouvera pas la justice, juste un peu de la vérité alors qu’on lui conseille de laisser tomber.

Laisse tomber, Evangelos ! Ils sont contents à Athènes, tu m’as bien compris ? Tout ce qui les intéresse, la
seule chose qui compte pour eux, c’est le mur, crois-moi, et cette histoire de tête, ils disent que c’est pour
nous, parce qu’ils savent qu’on n’a pas le temps d’enquêter plus loin,

C’est un bon polar qui se lit vite, lecture facile,  addictive. Vous n’y trouverez pas de folklore grec. Ce n’est pas la Grèce pour touristes (sauf l’hôtel dans l’Imaret de Kavala, magnifique!).

 

Dans les Règles de l’Art – Makis Malafekas –

LIRE POUR LA GRECE

« C’est simple : quand une œuvre n’existe pas, tu dois l’acheter avec de l’argent qui n’existe pas. Ça marche
comme ça. Comme tout le reste, d’ailleurs. L’argent et l’art sont deux visages identiques qui se regardent dans le miroir. Le fric spécule de lui-même pour engendrer plus de fric, venu de nulle part, comme du faux argent, si tu veux. Le pognon va au pognon. Et toi, après, t’achètes le rien. T’achètes une œuvre qui n’existe pas, qui n’est, au mieux, qu’une idée. Ce rien-là vient se ventouser à l’autre rien, et ils se font un bisou. »

La Documenta 14 s’est déroulée en juillet 2017 à Athènes. l’auteur grec Makis Malafekas a situé l’action du roman Dans les Règles de l’art au cours de cet évènement. Le narrateur, Mikhaelis Krokos, écrivain grec, arrive à Athènes pour la sortie de son livre sur John Coltrane. Mauvais timing, qui se soucie de Coltrane alors que la ville bruisse d’installations et d’évènements autour de la Documenta?

L’écrivain va se trouver mêlé à une affaire très louche qui commence par le vol d’un tableau et qui va prendre une tournure sanglante avec l’assassinat d’un spécialiste dans la restauration de tableaux, puis un autre cambriolage,  des chantages et des menaces. Les évènements s’enchaînent à un rythme d’enfer dans ce thriller étonnant. 

Satire des milieux très sophistiqués et très artificiels de l’Art Contemporain où seuls les initiés peuvent apprécier œuvres et installations.

Quand on a accusé Damien Hirst d’avoir sacrifié l’Art sur l’autel de la Mort, de s’être agenouillé devant le Veau d’or de l’argent, il est allé prendre un vrai veau et il l’a plongé dans un aquarium de formol, en réponse à tous ses détracteurs. Et moi je dis QU’IL A BIEN FAIT. Parce que, précisément, il n’y a rien de mieux que de
prendre les choses au pied de la lettre  »

En revanche, il est question de gros sous, de blanchiment d’argent, un Hacker au  pseudo transparent d’Aswang menace de dévoiler tout un trafic international…Le thriller prend des allures de roman d’espionnage….

Pour celui ou celle qui espérait un peu de dépaysement en Grèce, soleil et mer bleue, c’est raté. Pas d’antiquités, ni de visites de l’Acropole. En dehors d’un court séjour à Hydra sous la canicule. Les décors sont plutôt les cafés branchés d’Exarchia, les bars gays louches, les cocktails de la Documenta. pas d’ouzo,du Lagavulin, le vin  n’est pas du retsiné mais plutôt  additionné de substances illicites. Pour le folklore grec, vous repasserez!

J’ai eu la curiosité de chercher un peu plus sur la Documenta 14 et Le Monde a une archive qui traite des aspects financiers, des rapports entre l’Allemagne et la Grèce sur fond de Grexit, de prêts, et de diplomatie. Le thriller gagne en épaisseur :

Sur le papier, l’idée d’une greffe à Athènes était louable, comme l’était l’ambition de collaborer avec des institutions helléniques moribondes. Pour autant, la Documenta n’a pas été accueillie à bras ouverts, loin s’en faut. Certains commentateurs grecs ont réduit l’opération à une tentative d’hégémonie libérale et à un tourisme de crise. De nombreux militants et acteurs culturels locaux se sont aussi sentis écartés. En riposte, la Biennale d’Athènes, qui se tenait en même temps avec un budget bien moindre, s’est intitulée « En attendant les Barbares ».

Un thriller d’espionnage, une satire des milieux de l’art contemporain sur un rythme d’enfer. Pas si mal!

Paris-Athènes (1675-1919) au Louvre

Exposition temporaire jusqu’au 7 février 2022

affiche

 

Quelques dates :  l’exposition célèbre à la fois le bicentenaire des guerres d’indépendance de la Grèce ayant commencé le 25 mars 1821 et l’entrée de la Vénus de Milo au Louvre en avril 1821. 1675 est la date de la visite de l’ambassadeur français de Nointel à Athènes et 1919 marque l’épisode de la Grande Idée – extension de la Grèce en Asie Mineure et la catastrophe qui la suivit(septembre 1922). 

Le marquis de Nointel se fait représenter devant le Parthénon

De Nointel rapporta des relevés de la frise du Parthénon : son album se « feuillette ». Il rapporta également des marbres.

D’autres diplomates comme Fauvel (1753-1858) également peintre et archéologue rapportèrent des représentations des antiquités grecques.

Philhellènes :

Theodoros Vryzakis (1861) Byron à Missolonghi.

Les massacres de Scio (1822) inspirent Delacroix . Le célèbre tableau est resté à sa place dans la Galerie du XIX ème siècle à l’étage, on ne le voit pas à l’exposition . Du même Delacroix : La Grèce pleure sur les ruines de Missolonghi accompagné d’un enregistrement sonore de Berlioz : Scène héroïque (1926)

 

la Grèce sur les ruines de Missolonghi
Ary Scheffer : les femmes souliotes
Horace Vernet : Incendie d’un navire turc.

On voit aussi une statue de David d’Angers : Jeune grecque sur le tombeau de Botzaris. 

Après la prise par les turcs de Missolonghi (1926)La France envoya une expédition militaire et scientifique de 15 000 hommes , sur le modèle de l’expédition de Bonaparte en Egypte, sous le commandement de Abel Blouet (1828-1833) qui rapporta une description de l’Expédition de Morée gros volumes  (CLIC)Patras, Milos, Délos ainsi que des statues et des objets. j’ai bien aimé la Fille de Niobé venant de Patras

Fille de Niobé

Après l’Indépendance de la Grèce, avec l’installation d’un roi bavarois Othon er sur le trône on procéda à la construction d’une Athènes nouvelle néo-classique inspirée de l’Antiquité et de Munich. l’exposition présente de nombreux plans d’architectes pour la construction de la Métropole, du Musée archéologique et du palais royal ainsi que de belles demeures cossues. entre autres architectes : Ernst Ziller (allemand) et Lysandros Kaftanzoglou (grec)

Costumes à la cour de la Reine Olga

Des peintres grecs ont été à l’Ecole de Munich, d’autres ont plutôt étudié à Paris. Un sculpteur a retenu mon attention :  Yanoulis Chalepas de Tinos.

Yanoulis Chalepas

L’Ecole Française d’Athènes fut fondée en 1846, dispensant des cours de Français à la jeunesse grecque, mais surtout entreprenant des fouilles archéologiques  : 1870 à Santorin, 1873 à Délos, 1892 à 1903 à Delphes….Ses travaux sont illustrés par une série de photographies anciennes : fouilles de Thasos, des carnets de terrain, des relevés et des reconstitutions à la plume et  l’aquarelle spectaculaires

REconstitution du temple d’Eleusis

La glyptothèque du Louvre et d’autres plâtres rendent accessibles divers chef d’œuvre de la statuaire grecque. J’ai plaisir à reconnaitre l’Aurige de Delphes, une coré parmi les autres plâtres exposés. 

Glyptothèque :

Une vidéo explique les recherches récentes autour de la colonne portant les danseuses de Delphes qui soutiendraient l‘Omphalos – le nombril du monde. Un puzzle virtuel est reconstitué sur un écran avec les explications intéressantes

Delphes : colonne portant les danseuses soutenant l’omphalos

parmi les nombreux thèmes traités ici, la couleur. Après les fouilles de Cnossos et de Mycènes, les archéologues ont réintroduit la couleur et essayé de montrer l’effet produit de ces statues et bâtiments polychromes.

le parthénon en couleurs!

L’exposition se termine par des œuvres modernes de peintres au tournant de 1900.

En conclusion : une exposition très variée par les thèmes abordés qu’il faut absolument voir!

Mort aux Hypocrites – Petros Markaris

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J’ai attendu avec impatience la parution du nouvel opus de la série policière du commissaire Charitos (juin 2021 en français – 2020 Grèce) . C’est donc un tableau tout à fait contemporain de l’état de la Grèce que Markaris va dresser. La Crise Grecque est-elle derrière nous? l’économie grecque décolle-t-elle? On peut se référer à Markaris pour prendre le pouls d’Athènes. 

En m’approchant, je vois que dans les petites assiettes, il y a du maquereau et de la truite fumés, et des sardines. J’en déduis que nous aurons une soupe. Mania apporte une casserole et Adriani commence à servir la soupe aux haricots. Le premier à lui témoigner son admiration est Uli. – Je vois que tu as un faible pour notre plat national, lui dit Zissis.

Plaisir de retrouver la famille de Kostas : Katerina vient de donner naissance à Lambros, ainsi nommé en l’honneur de Zissis, l’ancien communiste gérant d’un refuge pour les Sdf (mon personnage préféré), Adriani – fort affairée avec son petit-fils –  confectionne comme toujours des plats délicieux (soupe aux haricots et tomates farcies). Je me demande bien si un jour Markaris ne nous gratifiera pas d’un livre de recettes de cuisine (des écrivains très fameux l’ont fait avant lui). L’évocation des saveurs grecques est toujours un grand plaisir pour moi, d’ailleurs je me prépare à cuisiner une moussaka!

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Plaisir de me promener dans les embouteillages d’Athènes, bien sûr je ne connais pas toutes les rues, mais quand même….

L’administration en Grèce est une suite de cavernes, monsieur le commissaire. Et plus on avance, plus elles sont ténébreuses et doivent être explorées avec précaution. Je suis parvenu à traverser les cavernes jusqu’à la fonction de proviseur. Kaplanis, lui, était un troglodyte virtuose. Non seulement parce qu’il savait comme personne parcourir les cavernes, mais parce qu’il avait la capacité d’en créer, impraticables pour les autres.

Le commissaire et toute son équipe nagent en plein brouillard : attentats à la bombe, revendications calligraphiées, victimes irréprochables. Qui se cache sous le nom Armée des Idiots Nationaux, redresseurs de tort luttant contre les Hypocrites?  je ne vous en dirai pas plus, je déteste quand on spoile un polar.

 

Le Séminaire des Assassins – Petros Markaris – Seuil

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Plaisir renouvelé que de découvrir une nouvelle enquête du Commissaire Charitos dont je suis les aventures, la carrière et la vie familiale depuis maintenant de nombreuses années. Avec lui, je sillonne Athènes dans sa Seat souvent bloquée dans les embouteillages légendaires, et j’y prends plaisir au point de ressortir le plan d’Athènes ou de demander les trajets à Googlemaps.

Ses romans font l’état des lieux de la situation économique et politique de la Grèce contemporaine. Certains sont regroupés dans la Trilogie de la Crise, les plus anciens se réfèrent à l’histoire plus ancienne, régime des Colonels et luttes antifascistes. Volontiers critique envers la bureaucratie qui paralyse souvent les réformes nécessaires. Adriani, la femme de Charitos représente la tradition, les coutumes religieuses et le bon sens populaires. Lambros Zissis, l’ancien communiste retraité dans l’humanitaire rappelle une gauche encore vivante. Katerina, la fille avocate et Phanis, médecin, figurent une nouvelle génération. Le Séminaire des Assassins a pour cadre les universités athéniennes.

« nous avons affaire à un acte terroriste impliquant du parathion, monsieur le ministre, dit le chef, alors nous
pouvons être fiers. La Grèce aura gagné une fois de plus le premier prix d’originalité. « 

« Voilà qui renforce l’hypothèse terroriste, dit-il. La plupart des terroristes, en Grèce du moins, ont fait des études
supérieures. »

Je ne spoilerai pas en dévoilant l’enquête. Trois professeurs, ministres, secrétaires d’état, sont assassinés les uns après les autres. Le commissaire et son équipe vont avancer dans le brouillard de ce milieu fermé où le scandale doit être évité à tout prix.

Ma chère Adriani, dit Aryiro, tu es un vrai cordon-bleu. Ce repas est un poème.

L’héroïne, à mes yeux, est bien Adriani et sa cuisine. Les touristes seront peut être surpris d’apprendre que moussaka, salade grecque et côtelettes d’agneau servis dans les restaurants pour touristes de Plaka ou des bords de mer, ne forment qu’une infime partie de l’ordinaire des Grecs qui préfèrent les légumes farcis, les feuilletés aux poireaux, épinards ou herbes des montagnes qui n’ont pas d’équivalent chez nous, les ragoûts..

 à table, je vois les légumes farcis annoncés, mais aussi des aubergines imam. En entrée, des betteraves à l’aïoli
accompagnées de maquereau fumé.

.Je me délecte des spécialités d’Adriani et de ses amis. Zissis se débrouille aussi. Kostas qui aime les brochettes est raillé par les véritables amateurs.

Je chercherai les opus de Markaris que je n’ai pas encore lus et dès que j’aurai mis la mains dessus, je serai transportée à Athènes. Et toujours avec le sourire (ou franchement le rire aux éclats car j’apprécie aussi l’humour de l’auteur.

Mourir en scène – Christos Markogiannakis – Albin Michel

LIRE POUR LA GRECE

Un détour livresque par Athènes!

J’étais impatiente de découvrir cet auteur et une série policière nouvelle. Un peu trop impatiente!

L’intrigue se déroule dans le milieu du spectacle ; pas de bouzouki, ni de folklore. L’artiste Neni Vanda est la « Star grecque absolue« , version pop. Aucune allusion à la musique grecque traditionnelle que je prise. Ce sont des shows à grand spectacle à grand renfort de technologie. C’est au cours de la soirée d’adieu, spectacle qui devait être une apothéose avec une scène flottante face à la plage, que Neni Vanda trouve la mort assiste sur un trône jaillissant des flots portant un bouquet de fleurs sous les acclamations des fans.

Le commissaire Markou interrogera classiquement la famille de la vedette très impliquée dans la carrière de la chanteuse, ses imprésarios successifs, frère et sœur qui gèrent aussi les placements financiers, le président du fan-club qui manage aussi les réseaux sociaux, le garde du corps. Rien que de très banal . La personnalité de l’enquêteur est terne,  « le fait de n’avoir aucun goût bizarre ou illicite le condamnait à ne pas être un personnage littéraire ». Sa vie est au travail. On ne lui connaît ni famille ni amis, à peine des collaborateurs. Ses seules distractions : la lecture de romans policiers et l’opéra, notamment la Callas. 

L’intrigue est originale, bien conduite. Le livre se lit bien mais ne laissera pas de souvenirs marquants.

Heureusement que Pétros Markaris vient de publier en français un nouvel opus Le séminaire des assassins. Il me tarde de retrouver le commissaire Charitos, la cuisine d’Adriani, le embouteillages dans les rues d’Athènes, ses collaborateurs et son regard aigu sur la société grecque.

 

le Pays des Pas Perdus – Gazmend Kapillani

MASSE CRITIQUE

 

La dernière page de Gazmend Kapellani, lu à la suite de notre voyage en Albanie fut un coup de cœur, j’ai poursuivi la découverte de cet écrivain albanais, mais qui écrit en Grec avec Je m’appelle Europe, toujours avec bonheur.

Gazmend Kapellani écrit des variations sur le thème de l’exilé, de la recherche du bonheur du migrant, de la critique de la dictature terrible qui fut celle d’Enver Hoxa.

Son ouverture aux autres cultures, son empathie pour l’humain le rendent sympathique.

Au décès de son père, ancien dignitaire communiste, Karl (en l’honneur de Marx bien sûr )retourne dans sa ville natale en Albanie et retrouvé son frère Frédéric ( Engels). Celui qui est parti et celui qui est resté, fidèle au père à sa ville à ses racines. Tout les oppose. Pourtant le lecteur perçoit sa bienveillance.

Occasion de raconter l’ histoire de la ville l’ arrivée des partisans d’ Enver Hoxa et la chute du régime. Scène baroque que le déboulonnage de la statue. On s amuse dans ce livre. Récit émouvant aussi de massacres en Grèce. Le nationalisme est un poison dans les Balkans.

Nostalgie de l exilé. Recherche d un monde meilleur si l’histoire est balkanique elle est aussi universelle.

Main basse sur Athènes – Gentrification – Kostas Fassoulopoulos – ed. Monemvassia

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C’est toujours avec plaisir que je me promène dans Athènes,à pied, virtuellement ou en lisant. Les romans policiers sont souvent le meilleur moyen de pénétrer dans des lieux où la touriste (même curieuse) n’oserait jamais entrer. J’ai donc coché avec conviction la case de la liste de la Masse Critique de Babélio et me suis réjouie de recevoir ce cadeau de la Maison d’Edition Monemvassia dont je suis très curieuse de connaître les ouvrages.

L’éditeur note dans le sous-titre :

MAIN BASSE SUR ATHÈNES Un thriller politico-social dans l’Athènes de la crise

Dans le 4ème de couverture, je trouve la définition de la Gentrification :

« opération immobilière consistant à chasser les pauvres des centres-villes par des procédés plus ou moins licites, puis à rénover leurs logements avec l’aide de l’Etat, pour les revendre beaucoup plus cher »

J’aime Athènes, le sujet m’intéresse, voilà qui devrait me plaire!
Un bémol cependant : je n’aime pas les voitures, ni celles de collection, ni celles qui sont puissantes, ou chères….je préfère de loin marcher où prendre les transports en commun.
Toute la partie mécanique, voiture de prestige ou courses de moto, m’ennuie prodigieusement.

En revanche, toutes les manœuvres pour capter les investisseurs étrangers, fussent-ils mafieux laissent au romancier place à toutes sortes de manipulations, coups tordus et rebondissements qui sont les ressorts d’un bon thriller. La dénonciation du racisme, des sentiments anti-migrants est toujours saine.

Une lecture distrayante, même si je ne ferai pas d’infidélités au Commissaire Charitos de Petros Markaris qui a nettement plus d’envergure.

Play : Menis Koumandaréas

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Koumandaréas est l’auteur de La Verrerie et du Fils du concierge, deux romans que j’avais trouvés charmants d’une simplicité étonnante, mettant en scène des gens ordinaires avec une telle maîtrise que l’histoire vous prend et vous émeut. 

« j‘ai du mal à comprendre comment cet homme, né dans un milieu aisé avec langues étrangères et musique, a plus tard parlé pour le compte de vagues employs, de dames en perdition dans le métro et de gamins d’Omonia »

Play est un  roman autobiographique. Un jeune journaliste demande une interview d’un écrivain célèbre pour une revue littéraire. Le jeune homme transcrit les cassettes enregistrées sur un magnétophone – d’où le titre Play . Quatre soirées et en épilogue, une conversation (non enregistrée à la terrasse d’un café), où l’écrivain monologue et se raconte. 

Il raconte ses années d’enfance, d’apprentissage. Ils évoque de façon très vivante le quartier d’Athènes, la place, ses cafés. On comprends rapidement par allusions à ses écrits que l’écrivain n’est autre que Koumandaréas lui-même. Play devient donc une auto-biographie écrite par un journaliste inventé par Koumandaréas lui-même; Jolie pirouette littéraire.

« Un écrivain, mon jeune ami, vit en permanence entre les deux aspects du monde, le réel et l’imaginaire, si l’on peut ainsi grossièrement les définir. Aucun des deux ne lui suffit. Un schizophrène abdique d’ordinaire devant son mal ; l’écrivain, à travers l’écriture, tend à la guérison »

De littérature, il est beaucoup plus question que de la vie personnelle que Koumandaréas livre fort peu. De création littéraire :

« …mais c’est peu à peu qu’on devient romancier, en regardant, en observant, en meurtrissant sas vie, pour pouvoir la décrire dans son état natif, faire d’elle, un mythe… »

Il raconte aussi la vie à Athènes, ses rencontre avec des gens simples dans les cafés et avec les écrivains athéniens. Comme son interlocuteur lui demande ses influences littéraires   Il passe en revue tous les auteurs connus – ceux que je connais comme Kazantzaki qu’il rejette « parce qu’il a un talent de conteur, dit-il,  mais il a donné à voir une Crète qui n’avait pas d’existence, dans une langue qu’aujourd’hui personne ne parle ni n’écrit. Voilà pourquoi les étrangers qui le lisent en traduction sont ceux qui le comprennent »

Séféris, est à part, « c’est autres chose, dit-il, ne mélange pas ; lui était un poète »

Il en cite de nombreux écrivains grecs par allusions, que les Grecs comprennent sûrement mais que j’ai eu du mal à décoder (malgré les notes de bas de page précises) .

Pour les écrivains étrangers, Lorca, Tennessee Williams, sont cités mais plutôt caricaturés, mais surtout Melville et Faulkner et enfin Tchékov, sans aucune réserve.

Avec ce panorama de la littérature grecque, ce roman clôt  ma série de lectures grecques de très agréable façon. Je reviendrai à Koumandaréas, maintenant je vais m’éloigner d’Athènes et découvrir une nouvelle île : la Corse

 

 

 

Le Cœur de Marguerite – Vassilis Alexakis

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Vassilis Alexakis conte la Grèce, les allers-retours Paris/Athènes, l’Exil et les mots, grecs ou français. J’aime sa façon de conter et suis rarement déçue.

Le Cœur de Marguerite est un roman d’amour, non pas de la passion amoureuse fulgurante, ou adolescente, ni du roman conjugal, mais de ces amours floues dont on ne sait si elles vont durer.

Le narrateur est un célibataire endurci, qui a bâti sa vie autour de maîtresses nombreuses, il tombe amoureux de Marguerite, mariée, mère de deux enfants. Marguerite quittera-t-elle son mari ou se contentera-t-elle de cette relation?

Le narrateur est un cinéaste documentariste qui réalise des films pour la télévision sans véritable succès, il rêve écrire depuis tant d’années. Il voue une admiration sans bornes pour Eckermann, un écrivain allemand qui a fui l’Allemagne, exilé aux USA puis en Suisse. Et justement, il offre à Marguerite un exemplaire d’un  des romans d’Eckermann. Puis il commence à écrire son roman, inspiré par Marguerite. Roman? ou journal de bord de l’amour qu’il lui voue?

Le roman d’amour m’a laissée froide. En revanche,  j’ai beaucoup aimé tous ces jeux autour d’Eckermann et du narrateur. Autour de Faust aussi : le père du narrateur, acteur, joue Méphistophélès, et bien sûr, le choix du prénom de Marguerite n’est pas une coïncidence.

J’ai aussi beaucoup aimé les allusions aux îles, Santorin, Andros, l’île des armateurs, Tinos où la héros a une maison.

J’aime la petite musique d’Alexakis qui parle d’écriture, de mots,  même si  cela ne semble pas le cœur du sujet.