Si Lewen : La Parade, présentée par Art Spiegelmann au mahJ

Exposition temporaire jusqu’au 8 mai 2022

affiche

La Parade est une série de 55 dessins réalisés en 1950 par Si Lewen

publiée sous forme de livre, épuisé réédité en 2016, par  Art Spiegelmann . 

On peut imaginer le film de cette Parade parade militaire, comme il en fut entre les deux guerres mondiales, avec ses spectateurs curieux, peut-être joyeux où sont présentées les armées de plus en plus menaçantes. De la parade les images montrent la bataille qui se déclenche presque insidieusement, l’arrivée de la mort, jusqu’à la fin, jusqu’à cette image où les deux adversaires s’enlacent et se transpercent de leur lance. 

Art Spiegelman l’auteur du roman graphique Maus, présente dans une longue vidéo la vie de Si Lewen qui était son ami. Il raconte que Si s’était engagé dans l’armée américaine qui l’a utilisé comme traducteur et l’avait monté sur un camion équipé de haut-parleurs afin de persuader les militaires allemands de quitter le combat. Equipée très dangereuse, puisqu’il était pris pour une cible facile. Après la libération des camps, Si blesssé rentre en  Amérique. La Parade est une réponse à sa vision des horreurs de la guerre. 

Art Spiegelman

Albert Einstein a écrit à Si Lewen en 1951 :

« je trouve notre oeuvre très impressionnante d’un point de vue purement artistique. En outre, je trouve qu’elle a le réel mérite de combattre les tendances belliqueuse par le biais de l’art. ni les descriptions concrètes, ni les discours intellectuels ne peuvent égaler l’effet psychologique de l’art véritable. On a souvent dit que l’art ne devait se mettre au service d’aucune cause politique ou autre. Je ne suis pas de cet avis. « 

 

Patrick Zachmann : Voyages de mémoire au mahJ

Exposition temporaire jusqu’au 6 mars 2022

;

Patrick Zachmann est un photographe français né à Choisy-le-Roi en 1955, fils d’un juif polonais et d’une mère séfarade d’origine algérienne. 

« Je suis devenu photographe parce que je n’ai pas de mémoire » ai-je copié au début de l’exposition.

« Est-on juif quand on ignore sa religion et sa culture? » 

Pour tenter de répondre à cette question, le photographe va se lancer dans une enquête d’identité.

Il  photographie d’abord les Juifs portant l’identité la plus visible, les Loubavitch, porteurs de barbes et de chapeaux, dans leurs réunions et leurs fêtes. En 1981, à Jérusalem au Rassemblement des Rescapés de la Shoah, il fait leur portrait avec leur matricule tatoué. Enfin, il prend pour sujet des Juifs français plus anonymes, plus discrets : les linotypistes du journal yiddisch Naye Press, les commerçants du Sentier dans leurs boutiques, les musiciens, un psychanalyste, des ashkénazes se retrouvant aux Buttes Chaumont, des bals communautaires….

Ce n’est qu’après la publication de son livre Enquête d’identité qu’il abordera avec son père l’histoire familiale, histoire triste puisque ses grands parents furent déportés et sont morts à Auschwitz ; il en fera un film : La mémoire de mon père dont la musique Klezmer accompagne nos pas dans l’exposition. 

Les voyages de mémoire conduiront le photojournaliste en Afrique du Sud, à la libération de Mandela, au Chili, sur les traces disparues des victimes de Pinochet, au Rwanda où il fait le portrait des victimes tutsis.

D’impressionnantes photos panoramiques enneigées d’ Auschwitz font face à celle de Drancy où rien ne rappelle le passé.

Bouclant sa quête d’identité, Zachmann fait le voyage à l’envers à la recherche des origines de sa mère en Algérie et au Maroc où il retrouve les lieux et les synagogues, transformées en mosquées. Cette traversée de la Méditerranée est aussi le sujet d’un film Mare Mater où il interroge sa mère mais aussi les mères des migrants, restées au pays tandis que leurs fils ont pris tous les risques dans des traversées dangereuses. Témoignage de la mère, des migrants mais aussi de la séparation douloureuse de la mère et du fils. 

Les photos sont magnifiques, mais surtout l’installation raconte une histoire touchante. C’est une belle rencontre avec Zachmann . https://www.mahj.org/fr/media/patrick-zachmann

ou si vous préférez l’écouter en podcast

 

 

Histoire Dessinée des Juifs d’Algérie de l’Antiquité à nos jours -Benjamin Stora Nicolas Le Scanff

MASSE CRITIQUE DE BABELI

 

a

Cette histoire dessinée est passionnante!

Tout à fait pédagogique avec des repères chronologiques très clairs, des cartes si nécessaires, et surtout un récit intégrant les données nombreuses d’une histoire complexe.

Nous feuilletons l’album-photos d’une famille sans rester dans l’anecdote d’un récit familial. Le complexe politique est parfaitement expliqué. Cette histoire est riche, j’en ignorais de nombreux évènements. j’ai retrouvé avec plaisir de nombreux personnages comme Jean Daniel, jacques Derrida, ou Camus.

L’histoire des Juifs d’Algérie s’inscrit aussi dans la lutte pour l’Indépendance de l’Algérie qui est aussi évoquée.

La fin est bien sûr l’exil. L’installation à Sarcelles est graphique (dans le sens de photogénique) .

merci à Babélio et à La Découverte

Le Typographe de Whitechapel – Rosie Pinhas Delpuech – Actes Sud

LIRE POUR ISRAEL

« Il s’appelle Yossef Hayim Brenner. Il est né en 1881 à Novy Mlini, à la frontière entre la Russie et la Biélorussie.
Il est avec H. N. Bialik et S. Y. Agnon l’un des trois grands écrivains fondateurs de l’hébreu contemporain, et sans doute le plus audacieux. Sa vie est brève, il meurt assassiné lors d’émeutes arabes à Jaffa en 1921. »

Rosie Pinhas Delpuech raconte la vie de Brenner mais cette biographie, trame du livre, est entrelacée par une réflexion sur la langue hébraïque. L’auteure, traductrice de l’hébreu, s’implique personnellement dans la narration ;  elle  nous fait entendre l’hébreu actuel, le Brouhaha d’un autobus déchiffrant les accents, les langues qui se mêlent. 

« Dans mon métier – je suis transporteuse de langues –, les vacances sont rares, nous mettons longtemps à
transporter notre cargaison de mots d’une rive à une autre,

[…]
Pourquoi cette langue, l’hébreu, pourquoi ça ne me lâche pas, pourquoi ce livre sur un écrivain que je ne parviens même pas à lire, ni à traduire, mais autour duquel je tourne depuis des années ? »

Avant d’être la langue de la vie de tous les jours en Israël, l’hébreu était la langue de la religion et le retour à la Bible est une évidence. Les références anciennes, au personnage de Moïse, le bègue traversent le récit.

L’auteure situe le personnage de Brenner dans son contexte, écrivain juif russe, exilé à Londres arrivant à Whitechapel. Brenner écrit en hébreu, ce n’est pas une évidence à l’époque, le yiddish est beaucoup plus pratiqué alors, en hébreu manquent encore des vocables de la vie quotidienne, cependant. D’autres alternatives existent comme l’Espéranto  ou lz langue du pays de résidence, allemand, russe, anglais….

« Comme si, à l’orée du XXe siècle, le peuple juif laborieux, ouvrier, se découvrait non seulement sans terre et sans
abri, mais dans une détresse linguistique semblable à une détresse respiratoire. »

Whitechapel est le quartier des pauvres. Brenner s’installe en même temps que Jack London. De quelques semaines d’expérience, London rapporte Le Peuple de l’Abîme.  Brenner s’installera le 2 avril 1904 parmi les juifs démunis travaillant dans les sweatshops pour des salaires dérisoires provoquant le rejet et l’antisémitisme des ouvriers locaux qui voient en eux des immigrés gâchant les conditions de travail.

 

Même si les conditions de vie sont misérables, des journaux circulent parmi les juifs. Dès 1976, Aaron Liberman fonde avec dix ouvriers dont quatre imprimeurs l’Union des Socialistes hébraïques, en 1884 un journal rédigé en yiddish est destiné au public ouvrier; en 1885, paraît  l’Arbeter Fraynt de tendance anarchiste et yiddishisant . On croise un personnage singulier Rudolf Rocker, catholique allemand qui épouse le destin des anarchistes juifs et devient directeur de l‘Arbeter Fraynt. Brenner s’installe au dessus du local de l’imprimeur Narodiski et apprend le métier de typographe. Brenner raconte ce monde des petits journaux dans son roman Dans la détresse . Il crée une revue littéraire en hébreu qui a des abonnés en Europe et en Amérique. Malgré l’aspect artisanal de sa fabrication Brenner est célèbre. Lorsque Freud est de passage à Londres, ils se donnent rendez-vous devant les dessins de Rembrandt. Et encore, en filigrane, apparaît le personnage de Moïse

Rembrandt : le festin de Balthazar

« Dieu écrit directement avec son doigt, comme un artisan, et rien ne m’intrigue autant depuis mon enfance que ce doigt de Dieu qui montre une direction, qui écrit. Rembrandt le peint dans Le Festin de Balthazar, »

J’ai adoré cet entrelac d’histoire et d’exégèse de la Bible alors que justement la renaissance de l’Hébreu se veut laïque

Faire renaître un hébreu simple, encore gauche, détaché de son contexte religieux, ancré dans la réalité prosaïque
de l’humain. La langue, toute langue, ne peut qu’être humaine, ramassée dans la poussière et la sueur de la rue. 

Brenner quitte Londres en 1908, passe à Lemberg une année, hésite entre Ellis Island et la Palestine. Il accoste en février 1909 à Haïfa. 

Commence alors une nouvelle histoire, celle de la Seconde Aliya, celle des coopératives  agricoles, des communautés ouvrières. L’hébreu est alors la langue quotidienne, de Hedera au Lac de Tibériade, il n’existe pas toujours de mots pour désigner les choses. l’hébreu est façonné par des eshkenazes, L’écrivaine note

Il faudra aussi l’éclatement de l’utopie cinq ans plus tard, en 1967, pour que l’espace se fissure et que par
l’interstice s’engouffre l’arabe palestinien

Cette irruption de l’arabe remet en circulation l’ « l’arabe honteux des juifs orientaux » La traductrice ne se lasse pas d’interroger l’évolution de la langue, et j’apprécie ses digressions 

Brenner aboutit dans une cité-jardin Ein Ganim et vit dans une communauté laïque

Il se lie d’amitié avec deux grandes figures fondatrices du sionisme socialiste : A. D. Gordon et Berl Katznelson.

Elle note que sur le sionisme ils sont lucides

Herzl s’est trompé, ce n’est pas une terre sans peuple pour un peuple sans terre. Il y a des habitants, ici, les Arabes, ils tiennent à cet endroit. 

Le 1er mai 1921, les ouvriers juifs défilent avec des drapeaux rouges, la population arabe réagit, c’est une journée sanglante

Brenner succombera, victime des journées d’émeutes.

Merci à Aifelle de m’avoir signalé ce livre qui traite de trois sujets que je poursuis : l’histoire du peuple juif, l’hébreu et le rapport de la traductrice à la langue.

Personnellement, j’aurais mis 5* sur Babélio mais peut être suis-je trop subjective!

 

 

 

 

 

 

La Treizième tribu : l’empire khazar et son héritage – Arthur Koestler

KHAZARIE

Récemment, j’ai lu La mort du Khazar Rouge de Shlomo Sands un polar où il est question de l’identité juive et des Khazars, j’ai voulu en savoir plus sur les Khazars. Emmanuel Ruben, Sur la route du Danube raconte qu’il a visité un cimetière khazar à Celarovo (Serbie), il cite Le Dictionnaire khazar de Milorad Pavic. J’ai téléchargé la Treizième Tribu de Koestler en anglais et j’ai beaucoup appris sur les Khazars.

 

La Treizième tribu, l’Empire Khazar et son Héritage est un livre de 181 pages, annexes comprises. Sa première publication date de 1976. Il est composé de deux parties : L’essor et la chute des Khazars et l’Héritage.

Khazarie et voisins trouvé sur wikipedia

Qui étaient les Khazars? C’est un peuple d’origine turque, semi-nomade,  venant de l’est, comme avant eux les Huns, Bulgares? Hongrois ou Pechnègues. Leur domaine s’est étendu entre la Mer Noire et la Caspienne, du Caucase à la Volga. Ils sont venus avec leurs yourtes, puis ont construit des palais. Leur capitale Itil se situait dans le delta de la Volga; pour contrer les incursions des Vikings (Rus) ils édifièrent la forteresse de Sarkel près de Tsimliansk (Rostov-sur-le-Don).  Après avoir combattu les Arabes au 7ème siècle, le Royaume Khazar  servait à l’équilibre géopolitique entre l’empire Byzantin chrétien et les califes musulmans. Situé au carrefour des routes commerciales (Est-Ouest sur la Route de la Soie) et nord Sud, par la Volga et le Don entre la Baltique et Constantinople, le royaume Khazar vivait du commerce en prélevant des taxes de passage sur les marchandises qui circulaient.

la conversion

Selon la légende, en 740, le Kagan Bulan, aurait vu un ange dans son sommeil lui enjoignant de se convertir ….mais quelle religion  choisir?  Il fait venir des représentants des trois grandes religions monothéistes pour une grande controverse. Le choix est peut être plus politique que philosophique, garantissant l’indépendance du royaume entre l’Islam et le christianisme byzantin. Le judaïsme était bien connu des Khazars : des Juifs de Bagdad fuyant des persécutions auraient rejoint la Khazarie.

Koestler se réfère aux textes connus, relation d’Ibn Fadlan, mais aussi correspondance entre un Juif de Cordoue, textes byzantins. C’est vraiment un essai historique loin du roman historique. un important corpus de notes et références dans les annexes montre le sérieux de cette étude. .

L’empire Khazar atteindra son apogée à la fin du VIIIème siècle, vers le milieu du IXème siècle le Kagan demanda l’aide des byzantin pour construire la forteresse de Sarkel destinée à contenir les incursions des Vikings ou Rus. Constantinople se servait du royaume Khazar comme bouclier protecteur contre les navires Vikings comme aux siècles précédents contre la bannière verte du Prophète. Une alliance entre les Khazar et les Magyars confortait la position du Kagan.

Toutefois, au tournant du millénaire , l’annexion en 862 de Kiev par les Rus, les guerres et les alliances entre Constantinople et les Vikings/Rus puis le baptême de la Princesse Olga de Kiev en 957 annoncent le rapprochement entre les deux puissances au détriment des Khazars. Vladimir occupa Cherson  en 987 sans même une protestation byzantine. La destruction de Sarkel en 985 marqua la fin de la puissance Khazar. Les hordes mongoles de Gengis Khan au début du XIIIème siècle puis la peste Noire 1347-8 signent la chute de l’empire Khazar.

L’héritage

Avec la destruction de leur état, plusieurs tribus Khazar se joignirent aux magyiars en Hongrie, certains ont combattu en Dalmatie en 1154 dans l’armée hongroise. La diaspora khazar suivit la migration vers l’Ouest des Magyars, Bulgares de la Volga,  Kumans, etc…La formation du Royaume de Pologne se fit au moment du déclin de l’empire Khazar 965. les immigrants khazar furent les bienvenus en Pologne et en Lituanie, de même que les Allemands qui apportèrent leur savoir-faire. parmi ces population s’installèrent aussi les Karaïtes, une secte juive fondamentaliste emmenés comme  prisonniers de guerre en 1388. Koestler montre l’apport démographique  considérable formant d’après lui le noyau de la communauté juive eshkenaze. Tandis que le féodalisme polonais a graduellement transformé les paysans polonais en serfs la communauté khazare surtout urbaine a formé un réseau d’artisans, marchands de bestiaux, cochers, tailleurs, bouchers… caractéristiques du Shtetl. Selon Koestler, la construction de charrettes, la profession de cocher spécifique des communautés juives aurait une origine khazar rappelant les peuplades semi-nomades qui utilisaient des chariots tiré par des bœufs ou des chevaux.

L’usage du yiddisch proche de l’Allemand conduit à penser que les juifs polonais ou russes seraient venus de Rhénanie et d’Allemagne. Après une grande digression sur l’historique des communautés juives d’Europe de l’Ouest Koestler soutient que ces migrations à la suite des persécutions pendant les Croisades et après la Grande Peste ne marquent  pas de déplacement en masse et que l’usage du yiddisch pourrait avoir une autre origine, linga franca dans tout ce domaine parce que les Allemands formaient une population éduquée qui influençait les juifs du shtetl.

S’en suit ensuite une longue étude pour prouver qu’il n’existe pas de fondement scientifique à l’existence d’une race juive. Etude fastidieuse des caractères comme la forme du nez, la taille, ou les groupes sanguins. Comme, depuis longtemps, le concept de race n’est plus scientifiquement fondé, je ne m’attarde pas sur cette partie du livre.

Cette idée que les Juifs Ashkénaze auraient des origines turques et  asiatiques complètement distinctes des origines de la Diaspora venant de Palestine après la Destruction du Temple perturbe certaines traditions et certaines notions comme celle de « Peuple élu » et se trouve à la base du roman de Sand La mort du Khazar Rouge. 

Je serais curieuse de lire ce que Marek Halter a écrit

Dans mes recherches sur Internet j’ai eu la très désagréable surprise de trouver que les Khazars avaient inspiré antisémites et conspirationnistes qui ont imaginé des conspirations khazares impliquant Rothschild ou même Soros. Evidemment j’ai prudemment refusé d’aller plus loin et de cliquer sur les vidéos ou les liens de peur d’importer de très nauséabonds cookies.

Juifs d’Orient – une histoire plurimillénaire à l’Institut du Monde Arabe

Exposition temporaire jusqu’au 13 mars 2022

L‘IMA poursuit avec Les Juifs d’Orient la série : Hajj pèlerinage à la Mecque et Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire avec la même ambition et la même approche chronologique dans un Orient qui s’étend de l’Atlantique à la Perse et à l’Arabie. Coexistence millénaire des Juifs et des Musulmans .

brique funéraire – Espagne IV -VI ème siècle

La chronologie remonte à la destruction du premier temple (586 av JC) et l’exil à Babylone, puis à la destruction du second temple (70)et l’interdiction  aux Juifs de vivre à Jérusalem qui devient Aelia Capitolina (130)

Des papyrus trouvés dans l’Île Eléphantine sont datés 449 – 427 – 402 av JC

Des objets illustrent l’époque romaine : lampes portant la ménorah en décor,(Egypte, Tunisie, Maroc) des ossuaires de marbre, mosaïques de la synagogue de Hammam Lif (Tunisie)  avec des inscriptions en latin. magnifique vase de Cana en albâtre.

Doura Europos traversée de la Mer rouge

La synagogue de Doura Europos (Syrie 244 -245) fut entièrement peinte à fresques sur des thèmes bibliques. On entre dans une petite salle où les photographies des fresques ont un aspect saisissant. On s’y croirait. C’est une surprise totale. Je n’imaginais pas de telles peintures figuratives. 

Doura Europos scène du Livre d’Esther

Un dessin animé montre la rencontre du prophète Mohamet avec les tribus juives de Médine qui se soldera mal.

En parallèle une peinture de J Atlan  rappelle la figure de la Kahena (reine berbère, peut être juive qui mourut en 703 dans les Aurès combattant les invasions arabes;

Dans une petite salle un documentaire nous montre la Gueniza du Caire et les  autographes de Maïmonide. C’est très émouvant de voir ces documents : en plus des écrits religieux on découvre même la punition d’un écolier qui a fait des lignes, répétant 500 fois que « le silence est d’or » on imagine le garçonnet turbulent! Dans une vitrine sont exposés des manuscrits et même celui de la main de Maïmonide (la photo était floue à travers le verre) .

Une salle reproduit la synagogue de Tolède je remarque le sceau personnel de Todros Halevi fils de Don Samuel halevi Aboulafia de Tolède. 

Souvenir de pèlerinage à Jérusalem (affiche)

Le Temps des Séfarades raconte la vie des Juifs à Istanbul avec des photos anciennes et d’amusants souvenirs de pèlerinages à Jérusalem

Istanbul, les trois religions

Le temps de l’Europe avec un grand tableau de Crémieux, des photos de classe de l’Alliance Israélite évoque l’Algérie et la colonisation française. En face des dessins et aquarelles de Delacroix, Chasseriau montre l’intérêt pour l’orientalisme. 

tikim pour la Torah

La vie des communautés juives au tournant du XXème siècle 

montre des objets venant du Maroc (vêtements, bijoux, objets)

bijouxMaroc

 

bijoux et photos du Yémen . Un film m’a étonnée : un pèlerinage  à la Ghriba de Djerba, ces Juifs semblent sortis de la haute Antiquité alors qu’il a été filmé en 1952. La Ghriba était bien vide lors de nos passages il y a 3 ans. 

Ctouba : contrat de mariage

Dans une salle, des photos de familles marocaines, algériennes et tunisiennes montrent l’exil vers la France ou le départ en Israël. Un monde disparu.

La fin de l’exposition montre la création de l’Etat hébreu et ses conséquences : départ des juifs marocains (Aliya spirituelle pour ces populations très religieuses, mais aussi émigration économique de villageois très pauvres), l’arrivée des Juifs Irakiens, accueillis au DDT alors qu’ils avaient revêtu leurs plus beaux habits. Déchirements de ces Irakiens établis depuis l’Exil à Babylone bien avant l’arrivée des Arabes.

Une vidéo très joyeuse de Yemennight 2020, Talia Collis jeunes yéménites rappeuses préparant la mariée avec le maquillage au henné, danses et musique aux paroles ironiques sur le pays où coule le miel, le lait, les dattes….j’aimerais retrouver sur Internet cette vidéo.

Cette exposition est très ambitieuse, peut être trop. Très riche en documents, peut être trop. Qui trop embrasse, mal étreint. Je me suis sentie un peu perdue dans tous ces témoignages très touchants mais pas toujours bien mis en évidence. Il y avait matière à plusieurs expositions.

 

 

Retour à Lemberg Philippe Sands

HOLOCAUSTE/PROCES DE NUREMBERG

Lemberg, capitale de la Galicie province autrichienne, Lwow polonaise après la Guerre de 1914-1918, Lviv ukranienne où se côtoyaient Polonais, Juifs, Ukrainiens. Philipp Sands mène l’enquête sur les traces de son grand- père Léon Buchholz, né en 1904 à Lemberg, discret tellement discret sur son passé.


Sands est avocat, juriste auprès de la Cour Internationale, spécialiste en Droit International. Retour à Lemberg revient sur le Procès de Nuremberg où les dignitaires nazis et bourreaux furent jugés : parmi eux, Hans Frank, avocat, conseiller du Führer et Gouverneur de Pologne occupée qui est passé par Lemberg en 1942. Sands fait la biographie de deux juristes qui  ont étudié à Lemberg et siégé au Tribunal de Nuremberg et apporté leur contribution au Droit International. Hersch Lauterpacht, professeur de Droit International, et Raphael Lemkin, procureur et avocat. Ces trois personnages ont échappé aux massacres en ayant émigré à temps mais ont perdu dans l’Holocauste pratiquement toute leur famille. Lauterpacht introduit dans le Droit International la notion de Crime contre l’Humanité, tandis qu Lemkin définit le concept de Génocide. Pour le lecteur moyen, ces deux concepts recouvrent à peu près la même chose, mais pas pour le juriste : Le Crime contre l’Humanité considère les individus et les responsabilités individuelles, principalement dans le cadre des crimes de guerre. le Génocide, en revanche considère des groupes persécutés en tant que groupes comme les Juifs par les nazis, ou les Tsiganes. Une grande partie du livre s’attache à ces deux concepts, leur acceptation ou leur refus par les puissances alliées à Nuremberg. Pour moi qui n’ai jamais étudié le Droit, cet aspect de l’essai de Sands est tout à fait nouveau et intéressant.  

Cette enquête, presque policière, méthodique, imaginative, s’appuyant sur de maigres preuves, parfois une signature, un graffiti,  à l’envers d’une photo, est tout à fait passionnante. Sands cherche des témoins, il est temps, les survivants sont bien vieux

J’ai pensé à deux lectures récentes : Les Disparus de Mendelsohn et Faux Poivre de Sznajder, enquêtes sur des parents morts  dans l’Holocauste. Les Disparus sont sans doute plus littéraires, mais l’aspect juridique du Retour à Lemberg m’a beaucoup intéressée. 

le Retour du Hooligan – Norman Manea

LIRE POUR LA ROUMANIE

 

« Hooligan ? Qu’est-ce qu’un hooligan ? Un déraciné, un non-aligné, un marginal ? Un exilé ? 

Un déraciné, un exilé, un dissident : est-ce cela, être un hooligan juif ? Et l’anti-parti, l’extraterritorial, l’apatride
cosmopolite qui te parle, quelle sorte de hooligan est-il ? »

Norman Manea, écrivain roumain, exilé aux Etats Unis depuis 1988, accompagne un ami musicien à Bucarest en 1997 où il n’est jamais retourné. Ce livre s’articule en plusieurs parties, tout d’abord avant le départ, les hésitations de celui qui a fui le régime communiste. Il a écrit un essai critiquant le soutien de  Mircea Eliade  au mouvement nationaliste La Garde de Fer antisémite, a été accusé de blasphème et de trahison par les patriotes locaux  et par la presse de la nouvelle démocratie. Critique aussi de l’écrivain  juif Sebastian qui  ne s’est pas désolidarisé de Mircea Eliade . Les  Hooligans sont justement le titre d’un livre Eliade. Sebastian a aussi  utilisé  le mot « Hooligan »  dans un ses titres Comment je suis devenu un hooligan? Ce livre s’annonce donc comme très littéraire en ce qui concerne la littérature et l’histoire roumaine. Heureusement, j’ai déjà entendu cette histoire dans plusieurs livres (Eugenia de Lionel Duroy et Athénée Palace de Rosie).

 

Après ces préambules, Manea raconte son histoire et celle de sa famille à Suceava, en Bucovine, histoire d’une famille juive dans les années 30, « années hooliganiques » qui sera déportée en Transnistrie en 1941, et reviendra en 1945 à 9 ans. En même temps que le communisme s’installe en Roumanie, le jeune garçon est enrôlé comme pionnier tandis que son père, comptable dans une sucrerie, se voit offrir la carte du parti et promu directeur du « commerce socialiste ». L’utopie  séduisante, tout d’abord, se révèle mortifère. Piégé, son père est condamné aux travaux forcés dans le camp de Periprava. Norman Manea, ingénieur hydraulicien, mène sa carrière d’écrivain et son travail d’ingénieur. La seule solution pour survivre : l’exil. Nombreux sont ceux qui ont émigré, en Israël ou ailleurs. Manea ira aux Etats Unis, accueilli par une université en 1988. 

 » Captivité et liberté ne cesseraient jamais, au cours des quarante années suivantes, leurs improbables négociations, leurs compromis et complicités de tous les instants, leurs escapades vers des refuges, des compensations secrètes. L’Initiation se poursuivait, et le prisonnier attaché au pilier de granit socialiste persistait à rêver, comme tous les prisonniers, de délivrance et d’évasion. Mais entre-temps, il s’était lui-même enchaîné, Ulysse immature, à sa table à écrire. »

Après avoir fait part de ses doutes, de ses craintes, de ses hésitations, il raconte par le menu son retour, une dizaine de jours du 21 avril au 2 mai 1997. L’écrivain  célèbre est invité à des festivités officielles, au Séder de Pâques de la Communauté juive. Il retrouve ses amis, ses anciens collègues. il voyage à travers le pays. Plus éprouvant, il se rend sur la tombe de sa mère qu’il n’avait pas revue. Et c’est l’occasion de présenter toute une galerie de personnages, intellectuels ou politiques. Occasion aussi de faire le point sur la situation du pays après la chute des Ceausescu. C’est intéressant mais il y a des longueurs pour le lecteur qui ne connaît pas la Roumanie et les arcanes de sa bureaucratie. J’ai préféré la première partie, plus personnelle, plus intime.  

Ce qui me retenait en Roumanie n’était pas la religion ni le nationalisme, mais la langue, et les chimères qu’elle me
faisait entrevoir. Et aussi, naturellement, pour le meilleur et le pire, ma vie entière, dont elles étaient l’essence.

C’est aussi une réflexion sur l’identité. L’écrivain est attaché à la langue roumaine. Religion ou nationalisme ne le concernent pas, écrire en Roumain, entendre parler Roumain constituent le principal de la personnalité de l’auteur.

C’est bien sûr une critique mais critique avec humour!

Un milicien envoyé d’urgence dans le grand hôpital psychiatrique de la capitale resta interdit devant les fous qui, se
contaminant mutuellement, s’écriaient allégrement ici et là : « À bas le communisme ! À bas le Conducător ! »
Alors qu’il s’apprêtait à les arrêter, il s’était heurté à l’opposition du directeur. « Nous sommes dans
un asile de fous. De fous, ne l’oubliez pas ! » Ce à quoi le policier rétorqua, avec un parfait bon sens :
« Fous ? Comment ça, fous ? Mais alors, pourquoi ne crient-ils pas : “Vive le Communisme, vive le
Conducător” ? » Il formulait, sans le vouloir, toute l’ambiguïté de la maladie nationale.

 

 

 

 

Chagall, Modigliani, Soutine…Paris pour école, 1905 – 1940 – MAJH

Exposition temporaire jusqu’au 31 Octobre

Sonia Delaunay – Philomène 1907

Chagall, Modigliani, je les aime tant que je ne raterais pour aucun prix une exposition qui leur est consacrée. D’ailleurs, dans l’exposition du MAJH, je vais naturellement les admirer.

Zak : marionettistes

Cependant, ce sont les moins connus, ceux que je découvre dont j’ai envie de parler. Zak, que je ne connaissais pas du tout, Jules Pascin portraitiste et dessinateur

Jules Pascin : Alfred Flechtheim en toréador 1925

Kremègne, découvert au musée de Céret, dont l’œuvre est variée

Kremègne

Et les sculptures de Lipchitz et de Chana Orloff qui me touchent énormément.

Lipchitz : marin à la guitare

et cette maternité si tendre

Chana Orloff : maternité

Nombreuses découvertes et plaisir de retrouver des œuvres connues.

Toutefois, le propos est L’école de Paris qui aurait réuni pendant plusieurs décennies une foule d’artistes juifs, russes ou polonais, hongrois, tchèques, allemands, venant de toute l’Europe, fuyant le numérus clausus des universités russes, les pogromes, la pauvreté ou tout simplement attirés par la vie artistique de Montparnasse ou des ateliers parisiens.

Indenbaum : La Ruche

Ecole? c’est paradoxal parce qu’il n’y a pas eu une seule école, ni un style particulier, parce que chacun a trouvé son atelier :le Bateau lavoir, la Ruche, qui fut peinte à plusieurs reprises par Kremègne et Indenbaum, qui accueillit Soutine, Modigliani, Brancusi (la liste est si longue…).

Artistes Juifs ou Cosmopolites? Sûrement les deux, quand Paris était une fête!

Chagall : Apollinaire et Cendrars

Cependant ces artistes juifs, artistes reconnus et célèbres durent aussi subir l’antisémitisme de certaines élites. L’exposition met en évidence la renaissance d’une conscience juive avec la parution de revues juives de langue française.

Les mots de la fin sont ceux de Chagall : un long poème en Yiddisch et en Français « Pour les Artistes martyrs « (1950)

Chagall encore, pour le plaisir!

Mendelssohn est sur le Toit – Jiri Weil

LITTERATURE D’EUROPE DE L’EST – TCHEQUIE

« Téléphonez à la mairie, tout de suite, quelqu’un doit bien y être de service. C’est une négligence inadmissible, inouïe, pire que la trahison. Mendelssohn est sur le toit ! »

Prague, 1942. La Tchécoslovaquie est un Protectorat nazi, le Protecteur, Reinhard Heydrich, promoteur de la Solution Finale règne. Contrairement aux brutes incultes de la Gestapo et des SS, Heydrich est cultivé et apprécie la musique. La présence de la statue de Mendelssohn sur le toit de l’opéra de la ville lui est intolérable, il faut la déboulonner d’urgence.

« Là-haut, sur le toit, il s’agissait d’autre chose. D’une statue. D’une statue juive. Déboulonner la statue d’un
compositeur juif, ce n’était pas un péché, la statue n’allait pas se plaindre au jour du Jugement. Eh ! les voies de
Dieu sont insondables. Même une statue pouvait se faire l’instrument de sa vengeance, il avait vu ça une fois
dans un opéra. »

C’est à Prague que fut créé le Don Giovanni de Mozart le 29 Octobre 1787 et il est bien question de statue. La statue du Commandeur interviendra-t-elle? Il sera souvent question de statues dans le roman de Jiri Weil, statue de la Justice qui indisposera la responsable du magasin-entrepôt des biens des Juifs spoliés, statue d’un ange contenant un cochon du marché noir…

Burlesque comique des statues dans un contexte de tragédie. Malgré la situation de l’occupation, malgré la menace pesante de la déportation vers l’Est, on sourit et même on rit quand les ignorants commencent à déboulonner Wagner (puisque c’est celui qui a le plus long nez, caractéristique du Juif dans l’imaginaire populaire), comique amer quand on demande au rabbin d’identifier Mendelssohn, alors que les images sculptées sont interdite dans sa vision rigoriste de la religion et qu’à son idée le compositeur baptisé n’est même pas juif!

Faites encore une fois le tour et regardez bien les nez. La statue qui a le plus grand nez, ce sera le Juif. »

Penauds, les deux agents lâchèrent la corde, laissant le nœud pendant au cou de Richard Wagner.

L’histoire de la statue met en évidence la brutalité, la bêtise des occupants et des collaborateurs., la terreur que Heydrich fait régner. Nous allons suivre dans ce roman le destin des personnages, juifs ou pas qui ont approché cette statue.

Cet épisode n’est que l’ouverture du roman qui raconte aussi les prémisses de la Solution Finale avec Theresienstadt – la ville-forteresse où sont enfermés les Juifs tchèques en attente d’une déportation dans les camps d’extermination. Jiri Weil met en scène différents personnages, des Juifs menacés, ou qui se cachent,  des collaborateurs, des résistants, des braves types envoyés en Allemagne…Personnages dérisoires à côté du destin, souvent sympathiques, toujours émouvants. 

Jiri Weil raconte l’attentat dont Heydrich a été victime, vengeance de la statue du Commandeur. Il raconte aussi le Musée juif rassemblant les objets de culte pillés dans les synagogues. C’est dans ce musée que l’auteur a passé la guerre et a réussi à échapper à la déportation. Commencé à la fin de la Guerre, le roman a subi la censure et certains épisodes ont été remplacés par d’autres plus conformes à l’idéologie communiste en insistant davantage sur le rôle de l’Armée Rouge et de la résistance. Cette nouvelle édition du nouvel Attila présente un chapitre censuré pour notre plus grand plaisir.

Lu dans le Mois de la Littérature de l’Europe de l’Est et chroniqué également par Kathel (Lettres Exprès) et par Patrice (et si on bouquinait?)