le Retour du Hooligan – Norman Manea

LIRE POUR LA ROUMANIE

 

« Hooligan ? Qu’est-ce qu’un hooligan ? Un déraciné, un non-aligné, un marginal ? Un exilé ? 

Un déraciné, un exilé, un dissident : est-ce cela, être un hooligan juif ? Et l’anti-parti, l’extraterritorial, l’apatride
cosmopolite qui te parle, quelle sorte de hooligan est-il ? »

Norman Manea, écrivain roumain, exilé aux Etats Unis depuis 1988, accompagne un ami musicien à Bucarest en 1997 où il n’est jamais retourné. Ce livre s’articule en plusieurs parties, tout d’abord avant le départ, les hésitations de celui qui a fui le régime communiste. Il a écrit un essai critiquant le soutien de  Mircea Eliade  au mouvement nationaliste La Garde de Fer antisémite, a été accusé de blasphème et de trahison par les patriotes locaux  et par la presse de la nouvelle démocratie. Critique aussi de l’écrivain  juif Sebastian qui  ne s’est pas désolidarisé de Mircea Eliade . Les  Hooligans sont justement le titre d’un livre Eliade. Sebastian a aussi  utilisé  le mot « Hooligan »  dans un ses titres Comment je suis devenu un hooligan? Ce livre s’annonce donc comme très littéraire en ce qui concerne la littérature et l’histoire roumaine. Heureusement, j’ai déjà entendu cette histoire dans plusieurs livres (Eugenia de Lionel Duroy et Athénée Palace de Rosie).

 

Après ces préambules, Manea raconte son histoire et celle de sa famille à Suceava, en Bucovine, histoire d’une famille juive dans les années 30, « années hooliganiques » qui sera déportée en Transnistrie en 1941, et reviendra en 1945 à 9 ans. En même temps que le communisme s’installe en Roumanie, le jeune garçon est enrôlé comme pionnier tandis que son père, comptable dans une sucrerie, se voit offrir la carte du parti et promu directeur du « commerce socialiste ». L’utopie  séduisante, tout d’abord, se révèle mortifère. Piégé, son père est condamné aux travaux forcés dans le camp de Periprava. Norman Manea, ingénieur hydraulicien, mène sa carrière d’écrivain et son travail d’ingénieur. La seule solution pour survivre : l’exil. Nombreux sont ceux qui ont émigré, en Israël ou ailleurs. Manea ira aux Etats Unis, accueilli par une université en 1988. 

 » Captivité et liberté ne cesseraient jamais, au cours des quarante années suivantes, leurs improbables négociations, leurs compromis et complicités de tous les instants, leurs escapades vers des refuges, des compensations secrètes. L’Initiation se poursuivait, et le prisonnier attaché au pilier de granit socialiste persistait à rêver, comme tous les prisonniers, de délivrance et d’évasion. Mais entre-temps, il s’était lui-même enchaîné, Ulysse immature, à sa table à écrire. »

Après avoir fait part de ses doutes, de ses craintes, de ses hésitations, il raconte par le menu son retour, une dizaine de jours du 21 avril au 2 mai 1997. L’écrivain  célèbre est invité à des festivités officielles, au Séder de Pâques de la Communauté juive. Il retrouve ses amis, ses anciens collègues. il voyage à travers le pays. Plus éprouvant, il se rend sur la tombe de sa mère qu’il n’avait pas revue. Et c’est l’occasion de présenter toute une galerie de personnages, intellectuels ou politiques. Occasion aussi de faire le point sur la situation du pays après la chute des Ceausescu. C’est intéressant mais il y a des longueurs pour le lecteur qui ne connaît pas la Roumanie et les arcanes de sa bureaucratie. J’ai préféré la première partie, plus personnelle, plus intime.  

Ce qui me retenait en Roumanie n’était pas la religion ni le nationalisme, mais la langue, et les chimères qu’elle me
faisait entrevoir. Et aussi, naturellement, pour le meilleur et le pire, ma vie entière, dont elles étaient l’essence.

C’est aussi une réflexion sur l’identité. L’écrivain est attaché à la langue roumaine. Religion ou nationalisme ne le concernent pas, écrire en Roumain, entendre parler Roumain constituent le principal de la personnalité de l’auteur.

C’est bien sûr une critique mais critique avec humour!

Un milicien envoyé d’urgence dans le grand hôpital psychiatrique de la capitale resta interdit devant les fous qui, se
contaminant mutuellement, s’écriaient allégrement ici et là : « À bas le communisme ! À bas le Conducător ! »
Alors qu’il s’apprêtait à les arrêter, il s’était heurté à l’opposition du directeur. « Nous sommes dans
un asile de fous. De fous, ne l’oubliez pas ! » Ce à quoi le policier rétorqua, avec un parfait bon sens :
« Fous ? Comment ça, fous ? Mais alors, pourquoi ne crient-ils pas : “Vive le Communisme, vive le
Conducător” ? » Il formulait, sans le vouloir, toute l’ambiguïté de la maladie nationale.

 

 

 

 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

4 réflexions sur « le Retour du Hooligan – Norman Manea »

  1. Un peu de…. « critique avec humour »:

    Un milicien offre une vase a son chef en cadeau. Il la laisse sur le bureau de son chef, mais face contre le bureau. Le chef vient, voit le vase, l’examine et dit :
    « Regarde ça, il m’offre un vase en cadeau. Où diable mettre les fleurs, car c’est bouché ».
    Et après l’avoir tourner : « Et la base de la vase est cassé !”

    Q : Pourquoi trois miliciens et un chien marchent-ils toujours ensemble dans la rue ?
    R : Pour avoir 12 classes (lycee) et une langue étrangère.
    (la condition obligatoire pour etre milicien:finir le lycee(12 classes/ans d’etude) et savoir parler une langue etrangere)
    Q : Pourquoi les miliciens marchent-ils trois à la fois ?
    R : L’un sait ecrire, un autre sait lire, et le troisième garde les intellectuels…

    Dialogue entre deux miliciens :
    – Dis-moi, Jean, tu trembles, qu’est-ce qui t’est arrivé ?
    « J’ai sorti du réfrigérateur depuis un moment. »
    – Pourquoi?
    « Eh bien, mon chef, ne nous avez-vous pas dit que les miliciens devaient être de sang-froid ? »

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