LITTERATURE D’EUROPE DE L’EST – TCHEQUIE
« Téléphonez à la mairie, tout de suite, quelqu’un doit bien y être de service. C’est une négligence inadmissible, inouïe, pire que la trahison. Mendelssohn est sur le toit ! »
Prague, 1942. La Tchécoslovaquie est un Protectorat nazi, le Protecteur, Reinhard Heydrich, promoteur de la Solution Finale règne. Contrairement aux brutes incultes de la Gestapo et des SS, Heydrich est cultivé et apprécie la musique. La présence de la statue de Mendelssohn sur le toit de l’opéra de la ville lui est intolérable, il faut la déboulonner d’urgence.
« Là-haut, sur le toit, il s’agissait d’autre chose. D’une statue. D’une statue juive. Déboulonner la statue d’un
compositeur juif, ce n’était pas un péché, la statue n’allait pas se plaindre au jour du Jugement. Eh ! les voies de
Dieu sont insondables. Même une statue pouvait se faire l’instrument de sa vengeance, il avait vu ça une fois
dans un opéra. »
C’est à Prague que fut créé le Don Giovanni de Mozart le 29 Octobre 1787 et il est bien question de statue. La statue du Commandeur interviendra-t-elle? Il sera souvent question de statues dans le roman de Jiri Weil, statue de la Justice qui indisposera la responsable du magasin-entrepôt des biens des Juifs spoliés, statue d’un ange contenant un cochon du marché noir…
Burlesque comique des statues dans un contexte de tragédie. Malgré la situation de l’occupation, malgré la menace pesante de la déportation vers l’Est, on sourit et même on rit quand les ignorants commencent à déboulonner Wagner (puisque c’est celui qui a le plus long nez, caractéristique du Juif dans l’imaginaire populaire), comique amer quand on demande au rabbin d’identifier Mendelssohn, alors que les images sculptées sont interdite dans sa vision rigoriste de la religion et qu’à son idée le compositeur baptisé n’est même pas juif!
Faites encore une fois le tour et regardez bien les nez. La statue qui a le plus grand nez, ce sera le Juif. »
Penauds, les deux agents lâchèrent la corde, laissant le nœud pendant au cou de Richard Wagner.
L’histoire de la statue met en évidence la brutalité, la bêtise des occupants et des collaborateurs., la terreur que Heydrich fait régner. Nous allons suivre dans ce roman le destin des personnages, juifs ou pas qui ont approché cette statue.
Cet épisode n’est que l’ouverture du roman qui raconte aussi les prémisses de la Solution Finale avec Theresienstadt – la ville-forteresse où sont enfermés les Juifs tchèques en attente d’une déportation dans les camps d’extermination. Jiri Weil met en scène différents personnages, des Juifs menacés, ou qui se cachent, des collaborateurs, des résistants, des braves types envoyés en Allemagne…Personnages dérisoires à côté du destin, souvent sympathiques, toujours émouvants.
Jiri Weil raconte l’attentat dont Heydrich a été victime, vengeance de la statue du Commandeur. Il raconte aussi le Musée juif rassemblant les objets de culte pillés dans les synagogues. C’est dans ce musée que l’auteur a passé la guerre et a réussi à échapper à la déportation. Commencé à la fin de la Guerre, le roman a subi la censure et certains épisodes ont été remplacés par d’autres plus conformes à l’idéologie communiste en insistant davantage sur le rôle de l’Armée Rouge et de la résistance. Cette nouvelle édition du nouvel Attila présente un chapitre censuré pour notre plus grand plaisir.
Lu dans le Mois de la Littérature de l’Europe de l’Est et chroniqué également par Kathel (Lettres Exprès) et par Patrice (et si on bouquinait?)
Un grand roman, qui a tout d’un classique.
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Bonsoir Miriam, merci pour ce billet sur un livre qui devrait me plaire. C’est bien que ce genre d’ouvrage existe pour que l’on n’oublie pas. Bonne soirée.
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@dasola : pour se souvenir et pour le plaisir de la lecture, plein d’humour!
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une chronique qui donne envie!
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Je l’ai noté chez Kathel, je surligne donc, j’ai peu lu sur la Tchécoslovaquie pendant la guerre.
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Bien évidemment il m’intéresse, je connaissais cette histoire par la lecture de La carte de mendelsohn (mois belge à venir!)
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@keisha : J ai aussi lu La Carte de Mendelssohn et chroniqué : https://netsdevoyages.car.blog/2018/09/19/la-carte-des-mendelssohn-diane-meur/
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J’avais été séduit par ce livre l’an dernier, heureux de le voir ainsi mis en avant :-). Merci pour cette nouvelle participation !
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J’avais noté ce livre (chez Eeguab apparemment), mais merci de le rappeler à ma mémoire, il a l’air très intéressant !
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@Nathalie je vais aller voir chez Eegab
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