Les empires nomades – Gérard Chaliand

Les empires nomades de la Mongolie au Danube

5ème siècle av. J.-C. – 16ème siècle 

les empires nomades

 Plus d’un millénaire d’Histoire racontée sous un éclairage original : les guerres entre nomades et sédentaires. le champ de bataille est immense, Partis de Mongolie, d’Asie Centrale et déferlant sur la chine, la Perse, l’Inde, l’empire romain puis byzantin, la Russie, la Pologne, Lituanie….et bien sûr, la Hongrie, la Bulgarie, jusqu’en Espagne, les hordes nomades se succèdent se sédentarisent, se pourchassent.
De retour d’Asie Centrale j’ai plaisir à retrouver Gengis Khan, Tamerlan, à comprendre l’origine de l’histoire du « prêtre Jean« , les Polovtsis du Prince Igor (Borodine). Les Chinoises des fresques du palais d’Afrosiab prennent toute leur signification, je peux enfin situer les Sogdiens que j’ai découvert à Samarcande.
Et surtout les cartes!

Gengis khan
Gengis khan

J’avais commencé mes lecture par l’excellent Tamerlan de Lucien Kehren et j’avais ramé en l’absence de cartes lisibles (il y en avait mais petites). Les cartes sont ici nombreuses, on peut s’y arrêter pour mieux comprendre le texte.

Tamerlan
Tamerlan

Une belle conclusion à toutes mes lectures de la « route de la Soie »

L’Homme qui aimait les chiens – Leonardo Padura

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Qui était »l’Homme qui aimait les chiens« ?

 

téléchargement

 

 

Dans ce gros roman, les hommes qui aimaient les chiens sont nombreux: cet homme mystérieux qui promène ses deux barzoïs sur une plage de la Havane, cet écrivain cubain devenu vétérinaire, mais aussi  Lev Davidovitch Trotski, qu’on découvre au début de son errance en exil à Alma Ata avec Maya lévrier sibérien.

 

Trois histoires s’entremêlent donc : celle de Trotski, celle de Ramon Mercader son meurtrier et celle d‘Ivan l’écrivain cubain. Toutes trois sont les facettes de l’histoire socialiste, vues de l’intérieur. La Guerre d’Espagne, les persécutions staliniennes indissociables de l’odyssée de Trotski de Turquie au Mexique en passant par la France et la Norvège et plus récemment l’histoire et la vie quotidienne à La Havane.

barzoi

Une grande leçon d’Histoire, venue du bloc socialiste, histoire différente de celle qu’on raconte en Occident. Leçon de cynisme et de manipulations. La Guerre d’Espagne perd un  de son héroïsme quand l’auteur montre que les combattants staliniens étaient plus occupés à défaire les anarchistes et le POUM qu’à vaincre les fascistes. Le Pacte Germano- soviétique devient plus compréhensible quand il explique que l’état major soviétique décimé par Staline n’est pas prêt pour la confrontation avec les nazis.

« Tout était organisé comme une partie d’échecs (une de plus!)dans laquelle tant de gens – cet individu que j’allais justement baptiser « l’homme qui aimait les chiens » et moi, entre autres – n’étaient que des pièces livrées au hasard, aux caprices de la vie ou aux conjonctions inévitables du destin? Téléologie… »

Padura, auteur de romans policiers, sait faire durer le mystère, sait aussi écrire un thriller dans la plus grande tradition des romans d’espionnage. Il joue aussi avec l’empathie du lecteur qui ne sait plus démêler les identités ou les fidélités. Evidemment, on connait le dénouement pour Lev Davidovitch, on sait qu’il mourra au Mexique, mais comment Mercader réussira-t-il? Et qui est vraiment Mercader? Les noms changent, les identité se forgent, se transforment,les personnalités sont modelées par les services stalinien, l’amour pour les chiens fait aussi partie de la manipulation.

frida kalho affiche

Que dire aussi du plaisir de croiser Frida Kalho, André Breton à Mexico « terre d’élection du surréalisme ».

 

Une autre lecture est aussi possible, la difficulté d’écrire à Cuba, l’autocensure, rejoignant l’argument du Retour à Ithaque – film de  Cantet mais scénario de Padura. C’est en revenant du cinéma que j’ai téléchargé L’homme qui aimait les chiens.

Retour à Ithaque
Retour à Ithaque

 

 

Pride – Lesbians and gays support the miners!

Pride affiche

 

Dans la grande tradition du cinéma britannique social, avec ces personnalités si diverses, si fortes, la diversité des accents et des paysages, ici au pays de Galles.

 

pride bannière

 

Dans la tradition ouvrière, solidarité des mineurs, soutien des femmes, solidarité des luttes civiques.

Générosité – hospitalité, plus fortes que les préjugés

 

Pride gaypride

 

Pride comme Gay Pride , le film commence avec la Gay Pride 1984 et se terminera avec le défilé de Gay Pride 1985. Un an de grève pour les mineurs gallois. Un an de luttes, de fêtes aussi. Années-Sida . Années dicos aussi.

 

Une belle histoire, vraie, des acteurs formidables.

 

Raphaël Jerusalmy : la Confrérie des Chasseurs de livres

ROMANS HISTORIQUES & co

Je n’aurais pour rien au monde laissé passer un livre avec un titre pareil! D’autant plus qu’il était chaudement recommandé par Dominique lire ICI

1463, la condamnation de François Villon est cassée par Louis XI, le poète disparait sans laisser de traces. Cette disparition est source d’inspiration pour le romancier qui peut imaginer une suite sans le trahir.

1463, dix ans après la prise de Constantinople.  Louis XI veut unifier la France, il entre en rivalité avec l’autorité papale, surtout en Avignon. Le pape Pie II est mort, avec lui, s’évanouit la dernière Croisade. A Florence, au vieux Cosme va succéder Laurent le Magnifique. C’est également le début de  l’imprimerie. Et le début de la Renaissance.

François Villon se trouve au centre d’une trame de machinations, au service du roi de France mais aussi des Médicis qui utilisent ses talents pour persuader l’imprimeur Fust de s’installer à Paris

« La copie de la République que Villon vient de tenir entre ses mains, Platon expose comment la cité doit être gouvernée. Ce texte confirme Louis XI dans son dessin politique […..]Le roi de France cherche à affaiblir le pouvoir du Vatican afin de consolider le sien propre. Or, une industrie naissante mine soudain la suprématie papale. A la différence des moines copistes[… ]les colporteurs de Fust assurent à leur tour en toute candeur, la distribution d’œuvres clandestines astucieusement maquillées en psautiers ou rituels très catholiques »


L’établissement de l’imprimerie de Fust n’est que la première étape de l’intrigue, il faut imprimer des œuvres  de premier plan. Et c’est là qu’intervient la Confrérie des Chasseurs de Livres. Personnellement, je n’aime ni les confréries ni les sectes, encore moins l’ésotérisme.  Pour les chasseurs  de livres, je ferais une exception.

« le lien invisible d’une passion partagée, une passion vive et intense[…] la passion pour tout ce qui touche les livres»  m’est sympathique »sous les auspices de Lorenzo le Magnifique, avec l’argent des facultés dont l’Académie platonicienne… », ils vont chercher «  les collections de la confrérie de Jérusalem, qui datent d’avant Rome même […] des historiens latins et des chroniqueurs juifs dont Flavius Josèphe… », les restes de la Bibliothèque d’Alexandrie après l’incendie.

Les aventures de Villon prennent une autre tournure, il s’embarque pour la Terre Sainte, non pas sur les chemins balisés des pèlerins mais para les sentiers détournés de la Galilée, du Lac de Tibériade. Guidé par un gitan et Aïcha la belle Berbère, il rencontre des moines, des rabbins, même un Essénien et se trouve encore au centre d’un autre marchandage, Gamliel le rabbin veut sauver les juiveries dispersées. Contre un  manuscrit portant les paroles de Jésus il veut acheter la paix et la promesse qu’il n’y aura plus de Croisades apportant la désolation dans les communautés juives européennes.

La dernière partie racontant les avatars du manuscrit précieux m’a moins captivée que le début du livre. Les textes bien réels des Anciens qui ont marqué l’Humanisme et la Renaissance, m’auraient suffi.

 

Xenophon : Anabase , à travers l’Arménie – anecdotes pittoresques

LIRE POUR L’ARMÉNIE

carte de ‘expédition des Dix Mille

L’Anabase est un souvenir du lycée. Je n’ai jamais oublié « Thalassa! Thalassa! » et j’associe ce texte à une séance-diapos de veille de vacances où la prof nous avait montré l’expédition en Dauphine avec d’autres profs du lycée à travers la Turquie, Ephèse, mais aussi la Mer Noire « Thalassa! »…

A Yerevan, au Musée historique et au Musée D’Erebouni, les conférencières avaient abondamment cité Xénophon. Il était temps de revenir au texte.

Je n’ai pas tout lu. L‘Anabase raconte la retraite des Dix Mille – Grecs partis soutenir Cyrus dans la guerre contre son frère Cléarque – de Counaxa près de Babylone où il subi une défaite jusqu’à Trapezonte (Pont Euxin). Reporter de guerre mais aussi général, Xenophon a rapporté le plus grand reportage de guerre de tous les temps!

Comme il serait passionnant de poursuivre l’itinéraire des Dix Mille à travers l’Irak, le Kurdistan, Iran et Arménie, Géorgie et Turquie! Quoique la géographie moderne a morcelé le pays des Cardouques (Kurdes) et celui de l’Arménie. Les Grecs du Pont Euxin et du Caucase ont maintenant été « rapatriés » en Grèce (lire Kazantzakis) ….

Je me suis contentée des chapitres concernant l’Arménie pour vérifier les dires des conférencières enthousiastes! :LIVRE IV Ch III : Arrivés au bord du Centritès qui sépare l’Arménie du pays des Cardouques…. qu’est-ce donc que cette rivière? un affluent de l’Euphrate? Les Grecs passent à gué, Xénophon donne tous les détails….

Le ChIV : me plonge dans la perplexité « Les Grecs se rangèrent et se mirent e route à travers l’Arménie, pays entièrement plat.. »près des sources du Tigre, « où le satrape Tiribaze y avait un palais.  » Les sources du Tigre seraient dans le Taurus et Tiribaze satrape de Sardes en Lydie. Nous voici beaucoup plus à l’ouest que je ne l’imaginais! Ou peut être la cartographie au 4ème siècle était-elle bien approximative? Dans cette Arménie plate les Grecs rencontrèrent une grande abondance de neige[….]qui tenait chaud aux hommes couchés » mon étonnement croît! – non pas que le haut plateau soit enneigé mais que cela puisse réchauffer les troupes. En revanche pas de trace de ski annoncé par la conférencière d’Erebouni. Les « vivres excellents…raisins secs, vins vieux parfumés, légumes de toutes espèces.. » concordent plus avec mes impressions d’Arménie.

Au ChV, les soldats peinant dans la neige furent pris de boulimie. Ils subirent aussi des conséquences plus graves : aveuglement dû à la blancheur de la neige, gelures et pieds gangrenés « que l’on combattait en se remuant sans jamais rester au repos et en se déchaussant pour la nuit ». Toutes ces remarques précises rendent la lecture passionnante.

C’est là qu’ils découvrent des habitations souterraines dont l’ouverture ressemblaient à un puits.J’ai autrefois en Cappadoce visité de grandes villes souterraines. « Il y avait aussi du vin d’orge dans des cratères.. les grains d’orge mêmes nageaient à la surface et il y avait dedans des chalumeaux sans nœuds, les uns plus grands les autres plus petits. Quand on avit soif, il fallait prendre ces chalumeaux entre ses lèvres et aspirer. Cette boisson était très forte si on n’y versait pas d’eau…. « 

Autre détail charmant : l’histoire des chevaux arméniens consacrés au soleil. Le comaque apprit à Xenophon à envelopper de petits sacs les pieds des chevaux pour les mener dans la neige…

Ch VI : ;les Grecs arrivent au Phase que je connais : c’est l’Araxe. bientôt ils arrivent à la mer.

Le chapitre VII réserve encore une anecdote pittoresque : l’empoisonnement avec du miel!

J’ai eu bien du mal à retrouver sur une carte moderne le voyage des Dix Mille et je crois que l’époque n’est pas propice pour refaire cet itinéraire….entre guerre en Irak, frontières fermées, troubles en Turquie..mais je me suis régalée avec cette lecture rafraîchissante.



Peste&Choléra – patrick Deville

 

 

 

 

 

 

Yersin , depuis notre séjour à Nha Trang,  fait partie de mon Panthéon personnel. J’attendais avec impatience de lire sa biographie. Livres ou films trop désirés, trop attendus, réservent parfois des déceptions. J’ai donc ouvert le livre de Deville avec une certaine appréhension..

220 pages,  des chapitres courts, quelques pages, parfois deux. C’est un livre  concis. Le titre symbolise bien le style : Peste&choléra sans articles, sans conjonction de coordination. Rien que &. Phrases courtes, parfois sans verbe. L’essentiel. Rien de superflu.

Le personnage de Yersin a sans doute  inspiré ce style sobre. Protestant de Morges, taiseux,   Yersin est resté deux ans seulement auprès de Pasteur, deux ans médecin de marine, explorateur-cartographe ethnologue chez les Moïs et les Sédangs, découvreur du bacille de la peste à Hong Kong, planteur d’hévéa, de quinquina, amateur des premières automobiles…. Yersin est passé d’une activité à une autre avec  le même brio sans s’y attacher. Avec élégance, sans fioritures.

 

 

J’ai d’abord regretté que Deville ne s’attarde pas davantage sur les expériences : Yersin a isolé la toxine diphtérique, mais comment ? Je suis frustrée. J’attendais des protocoles expérimentaux, comptes-rendus Ce n’est pas le propos de l’auteur. Pour la découverte du bacille de la Peste Yersinia pestis, la découverte que retiendra la postérité, il est un peu plus disert, à peine.

La lecture de Peste &Choléra requiert une attention soutenue.  Racontant la longue vie de Yersin , l’auteur procède par flash- back, le vieil homme en 1940, de retour vers Nha Trang, se souvient-il ? Le lecteur dispose d’indice pour se situer dans la chronologie. Congrès de Berlin, affaire Dreyfus, Exposition Universelle, il faut dater soi-même les évènements, les chiffres auraient sans doute altéré la sobriété du style. Parfois l’auteur se met lui-même en scène, introduisant ainsi des anachronismes, si on n’y fait pas attention. Jeu intellectuel qui requiert la participation du lecteur.

Si le récit est avare en détails pittoresques, en revanche interviennent de nombreux personnages de premier plan qu’on a plaisir à rencontrer : les pasteuriens bien sûr, le Commandeur, pasteur, lui-même, mais aussi Roux, Calmette, et de nombreux autres. Avec Paul Doumer il fonde Dalat. Plus inattendus, Livingstone, l’explorateur-modèle, Rimbaud…mais aussi la « bande » des sahariens, ou celle des parnassiens, quand Yersin était à Paris avec Pasteur, celle des artistes de Montparnasse, beaucoup plus tard. Lyautey et Ho chi Minh… Et même ce pasteurien que fut Destouches – alias Céline.  Du Second Empire à la Seconde Guerre mondiale, toute l’histoire défile sous les yeux de cet original que fut Yersin. Pour le plus grand plaisir du lecteur.

C’est aussi un voyage, Yersin, médecin de marine, marin comme Loti a navigué sur la mer de Chine, entre Saigon, Manille ou Haiphong.  Médecin de la Peste, il a soigné à Hong Kong, Canton Bombay, mais surtout héritier de pasteur, il a présidé aux destinées des nombreux Instituts Pasteur éparpillés entre Brésil, Australie, Europe et Asie.

Comment reprocher alors à Deville de ne pas avoir consacré plus de place à l’expérimentation en bactériologie ?

lire aussi la critique ICI

 

Voyage d’un européen à travers le XXème siècle – Geert Mak

LIRE POUR L’EUROPE

Emprunté à la bibliothèque, à la suite d’un billet passionnant de Dominique, ce gros livre (1057pages avec les notes) m’a tenu compagnie pendant deux semaines et je vais le rendre à regrets.

Le plan de l’ouvrage est symbolique : en 1999, Geert Mak, journaliste néerlandais, entreprend un voyage de 12 mois qui le conduit dans sur les lieux-mêmes où se déroule l’Histoire. Le sommaire, sous forme de calendrier, résume  le XXème siècle

JANVIER – 1900-1914 : Amsterdam – Paris – Londres – Berlin – Vienne

FÉVRIER – 1914-1918   Vienne- Ypres – Cassel- Verdun – Versailles

MARS – 1917-1924    Stockholm – Helsinki – Petrograd – Riga

AVRIL – 1918-1938   Berlin – Bielefeld – Munich – Vienne

MAI 1922-1939    Predappio – Lamanère – Barcelone Guernica – Munich

JUIN 1939-1941   Fermont – Dunkerque – Chartwell – Brasted – Londres

JUILLET  1940-1944 Berlin – Himmlerstadt – Auschwitz – Varsovie – Leningrad -Moscou

AOUT 1942-1944 Stalingrad – Odessa -Istanbul- Céphalonie- Cassino – Rome-Vichy-Saint Blimont

SEPTEMBRE 1944- 1956  Bénouville – Oosterbeek – Dresde – Berlin – Nuremberg- Prage-Budapest

OCTOBRE 1956-1980 Bruxelles – Amsterdam – Berlin – Paris -Londes – Lisbonne -Dublin

NOVEMBRE 1980- 1989 Berlin – Niesky – Moscou – Tchernobyl

DECEMBRE 1989-1999 Bucarest – Novi Sad – Srebrenica – Sarajevo

Le voyage est réel. L’auteur confronte les villes visitées en 1999 avec les lieux où se sont déroulés les épisodes les plus marquant du siècle. Il cherche des traces qu’il trouve (des hôtels, la villa sur le bord du Wannsee où s’est dessinée la solution finale) ou qu’il ne trouve pas ( les restes du ghetto de Varsovie, un bout de trottoir) .

Surtout il rencontre les acteurs de l’histoire, interroge leurs descendants, ou cite des écrits, études ou romans. La bibliographie est impressionnante. Il dresse des portraits saisissants de Guillaume II raconté par son petit-fils, Lénine dans le wagon plombé,   Churchill dans son manoir, De Gaulle, Kohl… mais aussi de personnages moins connus en France. Deux Néerlandais, interviennent . Max Kohnstamm, un des acteurs de la Communauté européenne du charbon et de l’Acier, précurseur de l’Europe actuelle, collaborateur de Jean  Monnet, prend la parole à la première personne. Il m’a fallu prendre du recul pour me rendre compte que ce n’était plus Geert Mak le narrateur. Même procédé pour Rudd Lubbers, ancien premier ministre des Pays Bas, lui aussi acteur de l’Union Européenne. La surprise fut moindre, j’étais déjà prévenue. Histoire des Grands Hommes, mais aussi quotidien d’inconnus, dans cette frontière mouvante de la Pologne et de l’Allemagne, à Novi Sad en Serbie… foule de personnages que j’aimerais retenir.

Comme correspondant de guerre, l’auteur excelle. Il raconte les tranchées, Ypres ou Verdun, le blitz sur Londres ou Coventry mais aussi Stalingrad, les bombardements alliés sur Berlin ou Dresde, les bombardements américains sur les ponts serbes, Srebrenica…Les récits de guerres n’ont jamais été mes lectures préférées mais il faut dire que j’ai été scotchée.

Auschwitz se trouve au cœur du livre, pile au milieu. Comme le noyau incompressible du siècle. Il me semble que tout a été raconté pour en arriver là, depuis les premières manifestations viennoises du tout début du siècle, depuis le traité de Versailles, la débâcle des spartakistes et de la République de Weimar, mais aussi les complaisances de la collaboration, des milices, des voisins. Geert Mak raconte, explique, démontre, que la déportation des Juifs n’était pas une fatalité, que la Bulgarie n’a rien cédé, ni le Danemark.

Il faut attendre 660 pages pour retrouver la Libération, l’arrivée des Russes à Berlin.

Je suis impatiente : comment Geert Mak va-t-il raconter mon 20ème siècle, les années 50 et après, ce qui a été pour moi l’actualité? J’ai hâte de confronter mes souvenirs à son analyse. Éclairage néerlandais mais beaucoup de voyages à l’Est : Prague et le procès Rajk, 1956 à Budapest bien sûr. L’Indochine, l’Algérie, c’est loin de l’Europe et la décolonisation est traitée rapidement. Vu de Paris, c’était cela l’actualité! 1968 occupe une place de choix. 68, ce n’est pas que Nanterre ou la Sorbonne! Cohn Bendit est cité 2 fois, quand même! Les années de plomb qui ont suivi en Allemagne et en Italie sont racontées. je retrouve mes souvenirs, avec du recul. Curieusement, l’auteur a zappé deux phénomènes issus de 68   : l’Écologie et le Féminisme. Je ne lui en tiens pas rigueur, le livre est déjà si gros! Mais là aussi je ne m’y retrouve pas. J’espérais aussi plus d' »Europe »(comunauté européenne).

1989,  9 novembre,chute du mur. 1989 année charnière. Le livre est passionnant. L’auteur non emmène en Pologne à Gdansk,  à Prague,  Noël à Bucarest. 89, année de tous les espoirs.

La dernière décennie se termine à Sarajevo après des années de guerres balkaniques. Désillusions? Le pire est à venir, mais ce sera le 21ème siècle.