Ravenne : Casa Masoli, notre suite au palazzo

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En rentrant de l’expo, nous découvrons notre suite au premier étage.

 Une étroite entrée (ou un large couloir) peint en jaune mène à notre domaine. Des rideaux beiges se déploient devant une haute fenêtre. Sur une très belle table ancienne, une énorme lampe, un bouquet de roses blanches, et  des revues négligemment oubliées, un chapeau en opaline complète ce décor, c’est un bougeoir assez grand pour recevoir un cierge.

De chaque côté ,deux portraits au fusain d’une femme élégante aux cheveux et yeux noirs (qui pourrait bien être notre hôtesse). Le long du mur deux chaises basses rustiques et un  pupitre. En face sur une table de campagne de bois brut, presque un établi, on a posé un bouquet de camélia et diverses dinanderie : gobelets d’étain, fruits en métal terni, animaux naïfs en poterie peinte..

 On est impressionné par le volume de la chambre dont le plafond est voûté et peint à fresques, à moitié effacés une grisaille et des médaillons.  Pour agrandir encore l’immense pièce, la glace en face de la porte, porte une sorte de couronne, non pas au sommet comme on s’y attendrait mais en bas, mordant à l’intérieur .

Un lit royal drapé  à baldaquin  est couvert d’une courtepointe rouge. Un drapé vert à motifs  floraux  s’enroule bizarement sur une ferronnerie verte.  Une  banquette recouverte de la draperie verte peut servir de lit d’appoint. Un canapé rose recouvert de cachemire est installé sous le tableau d’une femme dénudée en bas et en jarretière donne un effet légèrement équivoque.

 Sur le tapis ancien à bouquet de pivoine, une table moderne au plateau de verre posé sur un chapiteau antique, porte un bouquet fourni de dahlias rose violet dans un pot de fleur de velours vert et une rose de cire de 40cm de diamètre.

Entre les deux hautes fenêtres, des draperies décoratives tiennent lieu de double-rideaux. Une bibliothèque a été encastrée entre deux piliers dorés portant chacun deux angelots.

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La salle de bain est toute miroirs et bois précieux. Le plafond en voûte compliquée, avec le jeu des glaces se reflète et les arcades sont démultipliées. La baignoire semble être un sarcophage de marbre. J’ai dû vérifier qu’elle était bien équipée d’une bonde ? On  imaginerait des esclaves remplissant et vidant cette baignoire (on a vu cela à Cuba). Deux lavabos sont encastrés dans de l’acajou. Parquet en palissandre. .

Ravenne : Domus dei Tappeti di pietra

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Près de la rue Cavour, via Barbiani, en creusant un parking souterrain, on découvrit un palais byzantin, lui-même construit sur une villa romaine et sur une rue romaine pavée d’énormes dallées arrondies. On entre par l’église Sa Eufemia , toute petite et on découvre le musée souterrain. Des parcours surélevés sur des cheminements métalliques permettent d’admirer les mosaïques. Deux d’entre elles sont figuratives. Le Bon Berger entre deux arbres où sont perchés des oiseaux colorés se tient appuyé sur sa houlette entre deux moutons. Tout à fait dansants, le Génies qui représentent les saisons. L’hiver, habillé d’un manteau sombre avec un étrange capuchon ressemblant à un bonnet de fou, le printemps en tunique rose couronné de roses, l’automne ressemble à un Arcimboldo tandis qu’un musicien souffle dans un syrinx de roseau doré. Les Génies se tiennent pas la main et leur pas de danse est bien marqué ; les pièces du palais sont décorées de motifs géométriques très variés. Nous avons déjà vu de beaucoup plus belles mosaïques romaines. L’originalité déside dans la découverte  d’un palais byzantin du 5ème siècle presque entier.

Après cette visite, nous retournons chez notre glacier de la rue Cavour. Amusant de prendre des habitudes en trois jours !

Ravenne : La Passion selon Saint Jean sous le regard de Théodora à saint Vitale

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Au deuxième rang, derrière les officiels, curés en civil noir et deux moines en aube blanche. Le spectacle est dans la coupole. Si les curés me cachent les musiciens j’aurais toujours les mosaïques à regarder !

En attendant que les musiciens ne prennent place, je détaille à la jumelle les paons et les colombes, les cailles et les hérons qui se promènent dans la verdure.

Je suis impressionnée d’écouter cette Passion sous les yeux grand ouverts de Théodora. Anachronisme ? Pas vraiment. Jérusalem estdessinée ici avec ses hautes murailles et ses tours ornées de pierres précieuses. Je  ne trouve rien qui raconte la Passion dans cette église étrangement agreste, paradisiaque avec son Mont Sinaï verdoyant, Bethlehem et Jérusalem resplendissantes. Même le sacrifice d’Isaac est paisible.

Orchestre baroque avec instruments anciens : un petit orgue haut d’1.20m montre ses petits tuyaux. Serais-je capable de distinguer viole, des violons et viole de gambe, des violoncelles ?

Entre un  homme serré dans un manteau de laine noire, enveloppé dans une écharpe. Applaudi. Le chef ? Comment va-t-il diriger en manteau ? Il s’assied sagement devant les violons.

Le chef c’est Elena Sartori, mince nerveuse, moulée dans un fourreau blanc à manches longues en tissu précieux brodé, qui serre la main aux premiers violons. Le concert peut commencer. L’homme en noir est rejoint par un autre, en costume, cravate rouge, écharpe rouge : l’Evangéliste, le ténor Stefan Zelek. Plus tard arrivera un  troisième homme (toujours écharpe), Pilate. Au premier rang juste devant moi, deux garons blonds joufflus, coiffés en pétard, boivent du Schweppes. La grincheuse en moi tique. La grincheuse a bien tort. Les jeunes garçons se retrouvent habillés en col marin debout derrière une colonne. Ce sont de jeunes solistes (14 et 16 ans) Alois Mulhbacher (soprano) et Fabian Killinger (contralto). L’homme en noir c’est Jésus, Andrea Mastroni. Il n’a pas le physique de l’emploi sa barbiche et ses sourcils effilés lui donnent une physionomie diabolique. Selon le programme, il a chanté Sarastro. Sa voix est magnifique. Peut être suis-je placée trop près ? Ce genre de réflexions est idiot !

Adolescente, je faisais hurler Bach sur le phono quand mes parents étaient en voyage. Je préparais d’énormes salades de poulet-crudité qui duraient toute la semaine, fumais des Peter Stuyvesant ou des Kool à la menthe, et écoutais en boucle la Passion selon saint Mathieu. Mais je n’avais jamais assisté à une Passion en concert.

C’est donc une expérience neuve que de suivre mot à mot le spectacle (sous les yeux de Théodora). Je n’avais jamais pensé à une telle théâtralité dans l’intervention des solistes et des chœurs. Non pas une musique d’ensemble, mais chaque protagoniste joue un véritable rôle . Le programme qui comporte le texte intégral m’a été d’une grande aide. Je ne comprends pas l’Allemand chanté mais je le lis. J’oublie que je suis au concert. On me raconte une histoire. Certes, elle n’est pas neuve et j’en connais le dénouement. Je la découvre comme une première fois.

La chef d’orchestre danse presque en dirigeant. Elle sourit aux jeunes garçons et les encourage de la voix. Elle découpe l’œuvre en scènes, ménage des silences, disparaît dans le déambulatoire, impose la voix des bois cachés derrière les violons. Le procès de Jésus occupe la majeure partie de cette Passion. Pilate (Carlo Borrarelli) est parfait. Modeste, il quittera le devant de la scène pour se joindre aux chœurs.

Les enfants viendront clore le récit « Tot ! Denn Jesu est tot… » Tandis que le chœur apaise « Ruht wohl. »

J’avais bu un cappuccino pour ne pas m’endormir, il aura été bien inutile !

Quand je rentre, notre palais est illuminé. Du lit je reconstitue les motifs de la fresque à moitié effacée au plafond, je découvre que les candélabres sont en feuillage portant de minuscules fleurettes. J’ai envie de prolonger encore cette soirée.

De Ravenne vers le Delta

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L’option de rendre la ville piétonnière a été poussée à bout. Les voitures sont des intruses même là où elles peuvent rouler. La signalisation n’est pas pour elles. Cyclistes et piétons revendiquent la préséance et ne se laissent pas doubler.

La Romea, route Ravenne-Venise est infestée de camions.

Première tentative de la quitter pour rejoindre la mer. Une bande de forêt classée Natura 2000 borde la route et la plage mitée par les lidi à urbanisme approximatif. On se trompe et se retrouve à la limite de Ravenne non loin de l’embarquement des ferries pour la Croatie.

Deuxième essai un peu plus loin au nord. Les accès à la plage ont été goudronnés, chacun mène à un restaurant qui gère le parking et les installations de plage. Heureusement le 14 avril,  la plage est encore sauvage. Coquillages, bois flottés, algues et laissées de l’hiver n’ont pas encore été balayés. Mais cela commence ! Des africains avec des brouettes emportent les laissées indésirables. Pour Pâques, s’il fait encore beau, les lidi s’animeront et la plage deviendra détestable ! En attendant, je me livre à ma marche pieds nus à la lisère de la vague. L’eau est fraîche et les coquillages coupants. Je ne reste pas longtemps pieds nus dans l’eau.

Notre nouveau gite, Prato&Pozzo,  est bien différent du palais de Ravenne. C’est un bungalow dans un centre hippique qui est aussi un Centre d’observation des Oiseaux. Nous sommes en pleine Réserve Naturelle. Il suffit de marcher 100m et nous entrons dans le premier affût le long d’un bassin. Les limicoles sont nombreux. Un grand héron blanc arpente les bords d’une pièce d’eau. Le bassin suivant est rempli de plantes aquatiques ; l’eau est si immobile que la surface est un miroir. Les hirondelles qui volent bas s’y reflètent. Avant d’arriver, nous avons vu des flamands roses (pas très roses), trois spatules, des aigrettes ainsi que des canards variés, colverts et tadornes. Les tamaris en, fleurs font des haies roses très légères.

Comacchio

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La route de Comacchio longe une grande étendue d’eau tranquille comme un lac. Une lagune ? Saumâtre ou eau douce ? On le saura demain !

Comacchio a un air de Venise avec ses ponts aux arches bombées. Venise bien simplette, des barques de pêcheurs en guise de gondole. Des maisons d’un étage aux façades jaune vif, jaune pâle, vert amande. Sur les bords des canaux des restaurants proposent la spécialité du pays : l’anguille. Les monuments de brique paraissent disproportionnés, l’église est immense et son campanile très haut. La tour de l’Horloge est imposante. A Bologne, les tours étaient carrées, à Ravenne, rondes ici elles ne sont ni carrées ni rondes un peu des deux octogonales à la base.

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Je visite un musée consacrée aux bateaux romains, en vitesse, il est déjà tard.

Delta du Pô : Abbaye de Pomposa

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Sur la Romea, on  dépasse Comacchio et ses lidi quelques km plus loin le haut campanile de l’abbaye de Pomposa se voit de la route. L’église fut d’abord construite en 751 jusqu’en 874, et agrandie au 11ème siècle. Le campanile date de 1063. Comme à Ravenne,  les ouvertures sont de plus en plus grandes vers le haut. Il ne s’agit pas d’esthétique mais d’alléger la construction. Le terrain du delta est peu stable, les tours moyenâgeuses ont une fâcheuse tendance à pencher.

L’intérieur est couvert de fresques de Vitale da Bologna sur trois registres : en haut l’Ancien Testament, au milieu la Vie du Christ en bas autour des arches : l’Apocalypse, le plus original avec ses monstres à plusieurs têtes. Les groupes de scolaires se succèdent.

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jugement dernier, l’Enfer

 A la tête de l’un d’entre eux, un conférencier pédant donne un cours d’astronomie médiévale. Les enfants sont sages, je ne sais si cela les intéresse, moi oui. Il rappelle que les églises ne sont pas orientées au hasard, mais selon les points cardinaux. De la fenêtre au dessus de l’autel, au soleil levant, le 21 mars, le rayon doit toucher le Christ du Jugement dernier au dessus du portail. Ce n’est pas évident d’atteindre une telle précision compte tenu que les fresques ont été peintes cinq siècle après la première construction de l’église, et de la précession de l’équinoxe. Les scolaires ont-ils entendu parler de la précession de l’équinoxe ? Ce monsieur est également intéressé par les matériaux constituant les colonnes.  Il montre aux enfants la pierre de Vérone rose, le marbre grec blanc, le granite. L’église est une véritable collection de colonnes romaines, corinthiennes, byzantines ou médiévales. L’utilisation de la feuille d’acanthe témoigne de ces différences

Dans une chapelle, des documents tentent de prouver que l’inventeur de la gamme, Guido Monaco, n’était pas d’Arezzo comme je le croyais mais de Pomposa.

Dans la salle capitulaire  il reste une fresque du style de Giotto. Des panneaux racontent le déclin du monastère : en 1152 le Pô sortit de son lit inondant les terres. Ce changement géographique fut fatal au monastère. Au 11ème siècle il y avait là 100 moines, il n’en restera plus que 10 en 1306. Il fut complètement fermé en 1663. A l’abandon, il devint même un hangar pour le matériel agricole.

Des jardiniers  plantent des bordures originales  qui sentent très bon, mélangeant thym et impatiens, 8 plants de thym et 12 fleurs.

Delta du Pô : Goro, Gorino, Mesola Delizia du duc d’Este

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Torre Abate

Coupant par Bosco de Mesola nous trouvons par hasard la Torre Abate (16ème) bâtiment rectangulaire sur un pont de cinq arches, coiffé d’une pièce carrée au deuxième étage. Cette tour contrôlait les écluses. Elle faisait partie des fortifications de la muraille d’enceinte du château de Mesola. Nous avons raté la Tour Palu. La route longe le Pô sur une levée jusqu’à Goro, ensuite la circulation est réservée aux bicyclettes et aux piétons (8.9km). La route pour les voitures coupe dans le marais asséché planté de cultures maraîchères et de maïs.

Pique-nique sur le port de Gorino, port double, d’un côté des bateaux embarquent des passagers pour des croisières sur le Pô. De l’autre de nombreuses barques de pêche sont entassées dans la lagune « Valle de Gorino », vasière occupée à la mytiliculture, l’ostréiculture et la pêche des anguilles.

La brochure de l’Office de Tourisme de Pomposa propose une promenade de 4km jusqu’à la Lanterna Vecchia pour les cyclistes et les piétons. Les rares cyclistes ( Suisses) renoncent après quelques mètres. Le chemin n’est pas cyclable. Des bouteilles plastiques salissent l’environnement mais on marche bien. Il est bien tracé et longe la lagune. L’intérêt de la promenade est plutôt l’exercice physique que le paysage monotone tout du long. A droite les roselières cachent le Pô tout proche (j’entends les micros des bateaux de promenade. A gauche les marais et les vasières qu’arpentent quelques aigrette garzettes et hérons avec bien sûr les inévitables goélands. Le restaurant à la place du vieux phare a brûlé. Au bout de 40 minutes je me décide à rentrer.

Le soleil tape dur. J’ai tombé la veste, noué mon pull à ma ceinture. Le soleil a éveillé des millions de moucherons et mouches qui m’escortent et me harcèlent. J’essaie de les disperser avec forces moulinet.

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Chateau de Mesola

photo googlearth Claudio Pedrazzi

Le château de Mesola flanqué de ses quatre tours est visible de la route. Edifié en 1578 par le Duc Alfonse II, dernier duc d’Este – maitre de Ferrare – on lui donne le nom de Delizia à ce château voué aux plaisirs de la cour de Ferrare. La résidence de Mesola n’était qu’une parmi les nombreuses Delizie. Cependant, cette résidence destinée à la chasse dans la forêt environnante, est une bâtisse carrée aux 4 tours bizarrement placées aux coins. Avec son allure de forteresse et son enceite fortifiée de tours entourant un vaste territoire, on peut imaginer qu’Alphonse avait une idée secrète. On raconte qu’il rêvait d’une nouvelle cité capable  de supplanter Venise. Ce projet ambitieux ne vit jamais le jour. E, 1598, le Duché de Ferrare passa sous l’autorité pontificale. De son côté, Venise détoura le cours du Pô à son bénéfice…

Les errances du Pô ne devraient pas me surprendre : étudiante en 3ème cycle j’avais reconstitué d’’anciens lits d’un fleuve disparu dans les Corbières. Les strates entrecroisées sont des marqueurs de dépôts fluviatiles dans un delta. Les incidences politiques de ces errances n’ont de cesse de m’étonner. Etrange aussi que le Pô empruntait le même lit que le Reno actuel. Un caprice du fleuve mit fin à la richesse de Pomposa. Venise comme Ferrare rêvaient d’en détourner le cours.

Comacchio : Pêcheurs d’anguilles et excursion sur le valle en bateau

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casone des pêcheurs d’anguille

Promenade matinale sur la digue

La route sur l’Argine Agosta, entre Valle de Comacchio et canal, est très fréquentée ce samedi matin. Les pêcheurs sont alignés, sans doute pour un concours.

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Le bateau de 11h est déjà complet. Je réserve pour 15h et nous allons faire un tour sur la digue le long de la saline qui paraît à l’abandon peuplée de nombreux flamands roses. Ces derniers vivent en eau salée ou saumâtre. Les adultes ont le dessous des ailes bien rose, les juvéniles sont moins colorés. En face de l’autre côté de l’eau se détachent les silhouettes des clochers de Comacchio. Un panneau raconte l’histoire de la ville qui passa sous la domination de Ferrare en 1325 puis sous l’autorité du Pape avec le Dévolution en 1598 jusqu’à l’unité italienne en 1858. C’est une belle promenade matinale à pas vifs sous un beau soleil. Je rencontre de nombreux cyclistes. La bicyclette est le mode de déplacement le plus adapté au Delta. Les distances sont trop grandes pour le parcourir à pied. Il n’y a pas de dénivelée. Le vélo passe partout. On peut en louer au musée des Marinati, notre agriturismo Pozzo& Prato en prête.

Manufattura dei Marinati

Les marinati ne sont pas des mariniers comme je l’avais pensé d’abord. Ce sont des marinades. La manufacture, une conserverie d’anguilles, a été transformée en musée. Elle a encore une activité en saison. La rue est bordée de longues arcades jusqu’à l’église des Capucins qui cachent l’entrée de l’usine. Une série de cheminées de brique dépasse du toit, sur le flyer la photo est spectaculaire, nous n’arrivons pas à l’imiter.

La première pièce a une baie vitrée qui donne sur un canal, on a installé une vitrée bleue où sont présentés les barques marota ou marutini : embarcations complètement fermées, fines et plates destinées au transport des anguilles vivantes. Le bois est fendu de nombreuses entailles horizontales si bien que l’eau baigne le chargement. Les anguilles arrivent vivantes à destination parfois très lion jusqu’à Naples. Les pêcheurs se déplaçaient dans des barques pointues et rapides.

Dans la salle suivante tout un mur est occupé par les cheminées où l’on fume les anguilles, préalablement coupées en tronçons et enroulées sur de longues broches horizontales, une douzaine par foyer, superposées. Dans un troisième local les anguilles marinent dans  d’énormes tonneaux de saumure ou de vinaigre. On pèse et conditionne les poissons. La machine à emboîter les conserves fonctionne encore ; La fabrique des marinati reprend du service à l’automne au moment de la pêche à l’anguille. Les quantités ont considérablement baissé.

A l’étage on projette une vidéo des films des années 50 avec des enfants en casquette, des femmes avec les coiffures de l’après-guerre. Les pêcheurs rapportent les anguilles vivantes dans des paniers, tranchent les têtes à la hache, les enfilent sur les broches, les femmes emballent… Il y a aussi des photos du film de Soldati (1955= la Donna del Fiume)

Cabanes sur pilotis

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Pique-nique sous la digue où sont installées les cabanes des pêcheurs qui ressemblent aux trabucchi du Gargano  ou aux carrelets de Gironde, avec leurs filets carrés remontés avec tout un système de poulies, poteaux, câbles. Des passerelles  de planches conduisent aux cabanes sur pilotis. Hier tout était en dormi. Aujourd’hui, samedi, les propriétaires s’activent. Certains pêchent avec leur grand filet et remontent de tout petits poissons argentés dans des épuisettes, d’autres tondent la pelouse autour de l’escalier qui monte à la digue, d’autres encore bricolent. Cette animation serait  très sympathique sans le bruit des moteurs ou des groupes électrogènes.

Excursion en bateau

De loin, le bateau ressemble à un autobus avec sa proue arrondie, son toit et ses bancs parallèles. Les passagers sont tous équipés d’appareils-photos et de jumelles.  Au dernier moment montent les spécialistes avec des téléobjectifs à rallonge. L’un d’eux est des dimensions d’un bazooka, avec le pare-soleil doublé de tissus de camouflage militaire. Dès qu’un oiseau passe, il le vise en rafales, cela fait un bruit agressif. Je n’avais pas pensé au recul. Je reçois le coude du tireur dans la figure et migre au dernier rang. Enfin la naturaliste arrive. Nous partons pour deux heures de promenade !

Les hérons sont alignés  mais les vedettes sont les flamands roses. Leur présence est nouvelle ils viennent de Camargue comme les chevaux du delta. Avocette, aigrettes garzettes s’envolent. La guide s’enflamme : elle vient de repérer les milans. Estivants dans le delta ils arrivent en principe plus tard. Le sirocco de la semaine dernière leur a fait traverser la Méditerranée en avance. Tout le monde grimpe, debout sur les bancs pour prendre de la hauteur et observer les nids des goélands dans l’herbe de la digue, à peine visibles, plutôt herbe écrasée avec deux ou trois œufs verts mouchetés de noir, plus gros que des œufs de poule.

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Le bateau fait halte dans un casone : maison basse crépie de rouge orangé, couvert de tuile sur une île où il sert d’abri aux pêcheurs.. Jusque dans les années 50 ils mettaient quatre heures pour rentrer à Comacchio. La pêche de l’anguille est collective. On la pêche à l’automne, par des nuits sans lune avec du vent en bourrasque. Les pêcheurs qui ne pouvaient rentrer chez eux pouvaient passer plusieurs jours au casone. Nous atteindrons plus tard deux autres casone séparés par un chenal. Dans l’un se trouvait le chef de pêcherie ; Il était même équipé d’un téléphone et la pièce du chef était parquetée, luxe dans le delta où ne poussent que des tamaris arbustifs !

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Dans l’autre casone se trouve une fumerie où nous trouvons les mêmes équipements qu’à la Manufattura ce matin.

La guide naturaliste montre comment on piégeait les anguilles dans un dispositif triple où des poteaux plantés en V permettaient de prendre d’abord le tout venant, puis le poisson blanc enfin les anguilles. Elle raconte le cycle des anguilles qui naissent et meurent dans la Mer des Sargasses. Les prises se raréfient à cause de la surpêche. Dans d’autres pays on pêche les civelles sans attendre qu’elles aient atteint l’âge de se reproduire. Une autre cause plus insidieuse décime les effectifs : toutes les anguilles pêchées seraient femelles. La cause de ce déséquilibre, les œstrogènes des pilules contraceptives mais surtout les phtalates composant des matières plastiques. La guide est intarissable sur els effets nocifs des phtalates dont on vient d’interdire l’usage dans la fabrication des biberons. Selon elle, ils seraient présents dans d’autres plastiques y compris dans les bouteilles d’eau :

          « je ne bois plus jamais d’eau en bouteille. Je filtre l’eau du robinet ! »               affirme-t-elle.

Un peu abattus par ces déclarations, un  peu fatigués et frigorifiés par le petit vent frais qui vient de se lever, nous rentrons sans mot dire. Seules les « photographes » montrent les clichés à qui veut les regarder.

Delta du Pô : un dimanche à la mer

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 Cabane de pêcheur sur le Valle de Comacchio

Tout près de Prato&Pozzo la digue entre le Valle et le canal est équipée de petits parkings, passing places, pour que les véhicules se croisent mais aussi miradors pour l’observation des flamands roses et des chevaliers d’Italie aux longues pattes rouges. Un peu plus loin, en contrebas, le traghetto(bac) fait ses allers-retours. J’avais appris ce mot à Venise, je ne savais pas que le traghetto  pouvait  être un transport plus rustique qu’une gondole comme une plate-forme relevée aux deux bouts. On prie les conducteurs de monter et de descendre adagio ce qui na qu’un rapport lointain avec la musique !

Le village de S. Alberto est bloqué par une fête rurale ; Il est pavoisé aux couleurs italiennes. Le nombre de drapeaux m’étonne. Chez nous, on ne hisse pas les couleurs à sa fenêtre à moins d’être sympathisant FN ou supporter de foot un soir de finale ! Il semble que ce soit différent en Italie, peut être à cause des Fêtes des 150 ans de l’Unité Italienne !

Pour ce dimanche, nous avons envie de mer. Comacchio s’enorgueillit de ses sept lidi. A la jumelle sur la digue du Valle j’ai vu de grands immeubles modernes hideux et je crains le pire ! Au moins, au début avril, les lits de plage n’encombreront pas le sable.

Casal Borsetti construit de part et d’autre du canal que nous avons traversé avec le traghetto . Un pont de bois, arche légère enjambe le canal, utilisable uniquement  par les piétons et les cyclistes. Station tranquille. Le restaurant de plage a sorti son menu (20€) mais ni lits de plage ni parasols. Courte promenade et courses pour le pique-nique. A la sortie, nous traversons un complexe touristique à peine terminé : maisons à étage au toit en berceau  et balcons métalliques, dernier cri à al mode contemporaine, duplexes aux larges baies. A l’agence on voit en projet une marina dans un  canal en colimaçon. Immobilier haut de gamme !

Retour sur la Romea

Nous évitons les premiers lidi que j’ai vus à la jumelle. Peut être aurons nous plus de chance avec les plus éloignés Lido di Scacchi ou Lido delli Nazione ? Immeubles barrant la vue sur mer, pas de promenade lungamare. Quand, par hasard, on aperçoit l’eau entre deux cabines il n’y a pas moyen de se garer ! Théoriquement (sur la carte) on pourrait rejoindre le Lido de Volano sans retourner sur la grande route. Dans les faits les sens interdits inopinés compliquent tout et nous errons dans les villas et immeubles lamentablement. Retour sur la Romea !

Sortie Lido de Volano

On entre dans la campagne, double des cavaliers sur le bord d’un étang ; Nous reprenons espoir. Une bande de forêt protégée par des grillages est entrecoupée d’accès à la plage (ou plus exactement au restaurant qui exploite son morceau de plage). Enfin, dernier chemin, parking possible et une plage libre ! Enfin, pas pour longtemps : de gros engins de chantier – arrêtés aujourd’hui dimanche – sont là pour des aménagements substantiels.

Je médite pendant ma promenade pieds dans l’eau. Puisqu’on est arrivé à chasser les fumeurs des espaces clos, les voitures des centres-villes, il ne devrait pas être impossible de nettoyer les plages de toutes ces verrues horribles tels que palmiers en plastique, igloos multicolores châteaux-forts mauves. On pourrait aussi interdire de bloquer avec des murs en parpaings ou des planches le passage sur le sable. Cette volonté existe-t-elle ? La clientèle du centre-ville historique avec boutiques de luxe, restaurants huppés, magasins d’antiquité, tolère à peu près les limitations de circulation. Les bénéfices des flâneries piétonnières compensent largement les incommodités des livraisons. Les « Italiens moyens » qui « consomment de la plage » n’ont rien à voir avec les bobos à vélo. Quelqu’un a-t-il jamais envisagé une « nationalisation de la plage » ou une Loi Littoral comme en France. En passant je me félicite encore de l’existence de cette Loi Littoral !

Après cette journée de farniente nous rentrons au gite avec tous les automobilistes du dimanche. Même sans les camions de la semaine, le trafic de la Roméa est stressant : files en accordéon, arrêts imprévus et freinages en urgence, sans parler des cinglés qui doublent toute la file en coupant la ligne blanche.

17h30 Retour à Prato&Pozzo. J’emprunte un vélo et retourne sur la digue. Les vélos en libre prêt sont lourds et robustes mais ils n’ont pas de dérailleur. Pour grimper sur la digue je suis obligée de mettre pied à terre. En haut, rouler est un véritable plaisir. Après le  traghetto, la digue est interdite aux voitures. Je pédale sans crainte sur un beau chemin blanc entre canal et anciennes salines où des milliers de flamands roses très bruyants pêchent avec leur fameux bec plongé dans l’eau, avançant à pas comptés.

Menu poisson

La salle à manger de Prato&Pozzo est pleine de clients. Le menu du dîner est spécial : salade de calamars, céleri, câpres, un petit morceau de poisson frit tartiné de crème d’anchois, salade et tomate. La cuisinière passe avec un bol de minuscules crevettes frites dans une pâte à beignets très légères (le menu des flamands ?) On mange tout, tête et queue.

Le risotto crémeux bien jaune aux moules est délicieux.

Secundo piatto : encore du poisson frit merluzza mais aussi minuscules poulpes. Comme chaque soir il y a des pommes de terre ce soir,  accompagnées d’oignons confits entiers farcis de chapelure, sucrés, doux et fondants.

du Delta du Pô à Ferrare

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le traghetto sur le canal

Sur la route de Prato&Pozzo à Ferrare

Au lieu d’aller chercher la grand route à Argenta nous avons suivi la digue,  longé un  canal dans des terrains agricoles. D’énormes canons arrosent les cultures avec l’eau du canal. Blé, pois, asperges qu’on récolte à la main.

 Et toujours ces installations de méthane !  Une recherche sur Internet me le  confirme : on exploite bel et bien un gisement de méthane dans le delta.

On passe Anita appelé ainsi en l’honneur de la femme de Garibaldi qui mourut à Comacchio. Elle ne fut pas seulement la femme d’un homme célébrissime mais également une femme intrépide et combattante.

A Pontemaggiore nous ne trouvons pas le château Delizia d’Este promis par la brochure.

Arrivée à Ferrare

L’arrivée sur Ferrare est facile. Le pont sur le Pô de Volano donne un bon repère pour se situer sur le plan du G. du Routard. Dès qu’on entre dans le Centre historique (interdit aux voitures) commence le casse-tête. Non seulement on a dû être filmé par les cameras, mais encore il y a des sens interdits qui nous empêchent de progresser logiquement. Des passants nous ont tracé un itinéraire mais la rue Mazzini est interdite complètement à la circulation. J’empoigne la valise verte et parcours au pas de course la Via della Vittoria où se trouve notre Pensione delli Artisti. La dame prend son temps pour m’explique sur le plan comment rejoindre le Parking Centro Storico, elle faxera notre numéro d’immatriculation à la police pour nous éviter une lourde contravention. A son insistance à propos du fax, je comprends qu’on a déjà été filmé dès qu’on a pénétré la zone interdite et que l’amende n’est pas une plaisanterie. Heureusement la voiture est garée sur une place destinée au déchargement. Je retourne pour chercher la valise bleue qui roule. Tellement précipitée que j’en oublie le G du Routard et mon cahier sur le comptoir de l’hôtel. Dès l’entrée de la rue je trouve le patron avec un diable qui est venu à ma rencontre.

Les panneaux lumineux du Parking indiquent « Complet ». On insiste. Il reste des places. Le péage est à l’heure 3.2€ au maximum par jour et 1€ la nuit. On peut même louer une bicyclette à la sortie. C’est vraiment très raisonnable !

Lundi est un mauvais jour pour visiter Ferrare : tous les musées sans exception sont fermés. Restent les églises et les extérieurs. La Pensione est très bien placée dans l’ancien Ghetto à 20m de la Via delle Volte, rue moyenâgeuse – aux multiples arches qui l’enjambent – et à deux minutes de la cathédrale et de la belle place Trente e Trieste.