Après midi à la plage : les plages de Palau et d’Arzachena

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le rocher de l'ours
le rocher de l’ours

Vers 15h nous abordons la partie balnéaire de la journée : l’exploration des plages de Palau réputée  pour ses côtes magnifiques en face des îles de la Madeleine. Nous allons rendre visite à l’Ours du Cap de l’Ours, rocher énorme connu depuis l’Antiquité comme amer pour les marins et cité par Ptolémée.

Pour la baignade, premier essai à Cala Capra toute petite crique au pied de l’Ours. Une route très soignée serpente dans une résidence très chic avec des parkings ombragés et numérotés, des massifs de bougainvilliers et des palmiers cachant les villas invisibles. Au bord de l’eau, un gardien de parking très stylé aux allures de majordome ou de réceptionniste de palace, nous fait comprendre très poliment qu’il est impossible de garer la voiture. Calme et volupté sur le bord de la petite plage (bien peuplée) parasols tous pareils et bambins pataugeant dans l’eau limpide.

Porto Mannu : on traverse une nouvelle résidence (un peu moins chic ?) pour aboutir à un vaste parking. Coup de chance : une famille remballe son matériel et libère un emplacement. Une allée conduit à la plage  50m plus loin. La plage est partagée en deux, à droite parasols bleu marines, lits alignés pelouse verte et beaucoup d’enfants, à gauche une plage moins aménagée avec quelques rochers, des tamaris, des parasols multicolores et sièges de plage, aimable désordre. La baie est bien abritée par la Punta Bianca et le Golfo del Saline et en face les îles de la Madeleine. Le vent lève quelques rides à la surface de l’eau, rien de méchant. De très gros yachts sont à proximité. Comme d’habitude, je longe les bouées parallèlement à la plage éprouvant le grand plaisir d’être assez loin de la foule, de nager seule mais dans un espace sécurisé. Je croise deux jeunes sur un matelas pneumatiques et un homme d’un certain âge. C’et tout ! Je regarde le paysage, les rochers de granite sans me lasser. Les jolies villas au toit de tuiles brunes presque plats s’intègrent dans la colline sans que rien ne dépasse si ce n’est la touffe d’un palmier ou la tache violine d’un bougainvillier trop vif. Ces villas, bien construites, pas choquantes, jolies mais bien présentes m’agacent. Quand nous les avons traversées j’ai remarqué les poubelles du tri. Parce qu’on trie beaucoup en Sardaigne. C’est même une véritable obsession. Partout sont alignés les containers en plastique multicolore, jaune papier, vert le verre, bleu les plastiques, grise alu, brune….Il faut un mode d’emploi que personne ne nous a donné. Ploucs, nous ne savons que faire des reliefs du pique-nique ni des pelures d’oranges du petit dèj. Il faudrait les sacs spéciaux  biodégradables pour « umido », les ordures organiques. Nous utilisons les sacs des légumes des supermarchés. Nous avons tout faux ! Tandis qu’ici chez les riches, on trie au risque de voir les poubelles dépasser. On brûle du carburant dans les Porsche Cayenne ou les grosses Mercedes, mais on trie ! On a la clim, mais on trie ! On bétonne écolo. Je ressasse ces pensées en nageant.

Porto Mannu, yachts et au fond les îles de la Madeleine
Porto Mannu, yachts et au fond les îles de la Madeleine

Nous cherchons d’autres plages. Plusieurs criques minuscules sur le bord du Golfo del le Saline. Des voitures stationnent sur les deux côtés de la petite route. Chaque fois qu’il est possible de descendre , une famille a planté son parasol, un pêcheur ses cannes. Le vent souffle. Il fait un peu frais après mes exploits de tout à l’heure.

On arrive à Cannegione qui dépend d’Arzachena : longue plage plate, restaurants lettini, vraiment beaucoup de monde. Peut être simplement parce que c’est dimanche 17h. Peut être lundi ce sera désert. Retour par la montagne parsemée de rochers granitiques, parcours très pittoresque sous la belle lumière de la fin de la journée.

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Castelsardo

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Deux routes pour Castelsardo : l’une par Sorso et les vignes, l’autre le long de la côte et une très belle forêt de pins.

L’arrivée sur Castelsardo est spectaculaire le château-fort  couronne un éperon rocheux accompagné d’un très haut et mince campanile. Les maisons colorées se blottissent au flanc des collines en amphithéâtre au dessus du port de pêche. Le port s’insinue dans la terre par une étroite échancrure. Arrêt photo : des casiers sont posés sur le quai : Castelsardo a pour spécialité la langouste. La plage de Marina di Castelsardo juste au dessous du bourg est  en sable blanc entre des rochers de trachyte rouge, de l’eau transparente. Une petite buvette avec des chaises en plastique rouge.

 

Castelsardo vu du port
Castelsardo vu du port

Le château-fort a été restauré. Je recopie les indications d’un panneau :

«      –  1102 : la République de Gênes a donné Castelgenovese à la famille Doria

–          1297 : le Pape Boniface VIII a échangé la Sardaigne  à Aragon avec la Sicile. Les Doria n’ont pas voulu céder la place conquise avec de grands sacrifices.

–          Mariage entre Eleanor Arborea et Brancaleone Doria

–          1448 : conquête définitive par Aragon. Le château prend le nom de Casteslaragonese

–          1720 : transfert à la Maison de Savoie il devient Castelsardo.

Castelsardo, rampe et murs du château
Castelsardo, rampe et murs du château

Le château contient peu de témoignage de cette histoire glorieuse. Un musée de la vannerie occupe les très belles salles médiévales. Les plus belles pièces sont très bien mise en valeur : les paniers confectionnés par les bergers, utilisés par les paysans, les grands silos cylindriques tissés, les corbeilles pour faire le pain et pour tous les usages, les nasses pour les anguilles ou les langoustes. Les barques en roseaux des pêcheurs de Cabras sont exposées.

Nous déployons le magnifique parasol jaune offert par les Tchèques d’Orosei et nous installons sur les rochers rouges de Marina de Castelsardo pour un nouveau piquenique venant de chez le traiteur d’Auchan avec des  arancini (boulettes de riz aux pois et jambon) et des brochettes de « poisson » qui s’avère être du surimi.

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L’eau est merveilleuse de transparence et de calme. Je nage en parfaite sécurité et observe à loisir le décor : dans un sens les roches percées de grosses cavités rondes avec des cristaux et  inclusions de roches blanches et au retour je regarde la colline, le château, les maisons multicolores. On a porté un  soin particulier aux couleurs. Les façades sont presque toutes polychromes : l’intérieur des balcons est différent de la façade, parfois les murs changent de couleur selon l’étage. Le jaune domine souligné par du marron, vert sur beige, même bleu…Sur la corniche, se sont installées les terrasses  de nombreux restaurants aux enseignes blanches peintes de lettres rouges. C’est très gai.

15h30, on reprend la route pour refaire un arrêt sur la dune où je fais une bonne heure de marche le long de la plage de Marina di Sorso.

le fils de Bakounine – Sergio ATZENI

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Qui fut Tullio Saba ?

cvt_Le-Fils-de-Bakounine_4217 (1)Ce court roman est une série de récits de ceux qui l’ont connu.

« Va à Guspini, les Guspinois ont une bonne mémoire, c’était l’un des leurs, ils savent tout, si tu demandes, ils raconteront. « 

Guspini est une petite ville au pied de Montevecchio, le site minier que nous avons visité cet été, mine de zinc et de plomb fermée dans les années 80, village fantôme encore très habité par les souvenirs.

« C’était un brave garçon. Mineur. Camarade. Même dirigeant du parti. Un peu fou. »

Courts récits, dialogues, monologues le plus souvent dont on ne connait pas toujours l’auteur,

«façon de raconter désordonnée, incohérente, j’entortille tous les fils… »

C’est donc l’histoire de cette ville minière des années 30, des temps du fascisme aux années 50. Histoires de mineurs mais aussi d’artisans, de commerçants, de petits trafics, de curé et d’anticléricaux…de luttes syndicales et politiques

Bakounine était le père de Tullio Saba. Cordonnier aisé : vingt ouvriers travaillaient à coudre des souliers pour la mine. Personnage complexe qui régalait à sa table le patron de la mine mais qui proférait des paroles anarchistes plus pour agacer le curé que par conviction et avait ainsi  gagné son surnom.

Le fascisme a ruiné la cordonnerie et les conditions de travail à la mine se sont durcies. Dérisoires manifestations des mineurs écrivant le nom de Staline au plus profond des galeries du puits Giovanni ou fêtant le 1er Mai en accrochant un drapeau rouge au clocher de l’église.

En 1942, Tullio Saba part à la guerre, les récits divergent. Fut-il un héros libérant Naples avec les américains ? Fut-il un profiteur du marché noir ?

La guerre finie, il revient à la mine, devient un dirigeant politique….

Plus on avance dans le roman, plus je m’attache au personnage, aux récits un peu désordonnés, foutraques, histoires pittoresques que les Guspinois ont racontés.

Padre Padrone – L’Education d’un berger sarde Gavino Ledda

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Hutte de berger près de Thiesi

 

C’est à six ans tout juste que le père de Gavino retire l’enfant de l’école pour en faire un berger, l’emmène dans la montagne au dessus de Siligo, dans le Logudoro – province de Sassari – où il apprendra dans la solitude  – glacée en hiver – à garder le troupeau avec la seule compagnie du chien Rusigabedra, de l’âne Pacifico du bruissement du feuillage des grands chênes-liège ou du torrent. Intimité avec la nature sauvage. Quelques histoires de bandits sardes. Et la « pédagogie » féroce du père : les coups de ceinture ou de branchages au moindre écart. Plus tard, il apprendra à traire et ira même livrer lait et fromage au village.

affiche padre padroneApprentissage du métier de berger, mais aussi d’agriculteur. Piocher la vigne. Dès que l’enfant est assez grand on lui confie une paire de bœufs pour labourer et il devra louer ses bras aux autres métayers.

« la compétition dans le travail servait de fondement moral, elle permettait d’accéder au prestige social » et à la richesse. »

La famille Ledda, quittant le village pour vivre à la bergerie, vit dans une certaine sauvagerie, loin des écoles, des distractions et de la société des hommes. Mais avec le travail acharné du père, la richesse n’est pas loin : ils défrichent les chênes, bonifient les champs et la vigne. La fierté du père est l’oliveraie crée de rien, avec des pousses sauvages, dans une clairière. Les oliviers sont plus « les enfants chéris » du père que ses enfants humains.

Chênes-lièges près de Bitti
Chênes-lièges près de Bitti

« Ce combat effréné pour accroître notre bien, dans une rivalité acharnée avec les autres, n’était qu’un mouvement incontrôlé de notre inconscient, dans la quête rapace de « ce qui est à moi » opposé à ce qui est à toi » terrain obligé du devenir social »

Analyse Gavino Ledda

« chacun de nous était un arbre engagé dans ce combat impitoyable et cruel en pleine nature : tous les bergers, une chênaie, plongeant à l’envie leurs racines dans le sol et élevant leurs frondaisons en cherchant à avoir le dessus »

Monde d’une cruauté et d’une violence terrible. Renards qui mangent les agneaux, agneaux que les bergers, les valets mal nourris se volent entre eux. Combat avec les éléments : le gel décima en 1956 l’oliveraie réduisant à néant les efforts du père, les sauterelles que l’on combat avec des moyens dérisoires….

Arrivé à l’âge adulte, Gavino comme tous les jeunes du village songe à émigrer. Retenu par son père il va s’engager. C’est à l’armée sur le continent que le jeune solitaire, illettré, ne parlant que le Sarde va découvrir la solidarité de tous ceux qui l’aideront à apprendre l’Italien, puis le métier de radio-monteur, puis à faire des études. Gavino trouve sa voie, il étudiera. Malgré l’opposition du père, malgré les privations.

Et il deviendra écrivain et professeur.

pour le plaisir le film de Taviani – mais il n’est pas sous-titré –

Plages près de Sassari : Platamonas et Marina di Sorso

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marina di Sorso
marina di Sorso

 

Platamonas est la plage la plus proche de Sassari. Grande plage de sable fin à l’Est de Porto Torres dont on voit les cheminées d’usine. La plage est ouverte sur la mer. Avec le vent il y a des petites vagues  qui me contrarient un peu pour nager surtout que les fonds sont très plats et qu’il faut s’éloigner de la plage pour avoir une profondeur suffisante. Sur le sable, l’ambiance est familiale, chacun est venu avec sa serviette et son siège. Il y a bien un établissement avec lettini et ombrellone, complètement vide. Dans l’eau les familles jouent à la balle.

Se garer dans le Centre Historique d’Ossi?

Au retour, impossible de rentrer la voiture sur la place. Tout le quartier s’est ligué pour nous chasser. Les voitures du Parti Démocrate encombrent. Une dame prétend appeler la police . La propriétaire descend. Ce n’est pas pour prendre notre défense mais pour nous convaincre d’aller ailleurs

– « vous êtes au Centro storico !, c’est quelque chose que vous devez savoir ! »

Au centre historique, les voitures n’apportent que des ennuis. Surtout quand elles sont grandes.

Vendredi 25 juillet : Les plages de Sorso 

Des lys sur la dune
Des lys sur la dune

Au petit matin, visite d’un carabinier : notre voiture est encore mal garée.  Le policier est très poli et très compréhensif  mais il faudra aller ailleurs.

Arrivée à Platamonas par une belle route fleurie de lauriers-roses magnifiques très hauts (3 ou 4m). A l’est, la plage suivante est Marina Sorso le long d’une très belle dune sauvage fleurie de lys blancs merveilleux. Le sable fin est bien tassé, agréable sous mes pieds. Comme à Platamonas hier, il y a de petites vagues et personne ne nage. Je pars pour une très longue promenade les pieds dans l’eau. En une demi-heure, je n’ai parcouru qu’une faible partie de cette si longue plage. Et si on passait la journée ici ? Un bar loue des lits (chers :15€). Lui non plus ne fait pas recette en semaine, deux emplacements seulement sont occupés.

Deux routes pour Castelsardo : l’une par Sorso et les vignes, l’autre le long de la côte et une très belle forêt de pins.

Sassari

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S131 à l'entrée de Sassari
S131 à l’entrée de Sassari

 

La visite au Musée archéologique de Sassari est une conclusion logique à celle des sites visités dans la région. Objets provenant des hypogées, des nuraghi, des sites antiques. Les replacer dans la chronologie. Le Musée est installé dans un bâtiment classique avec fronton et colonnes.

Avant l’arrivée des humains, les fossiles : bois silicifié Miocène d’une forêt pétrifiée par le volcanisme.

 

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Déesse-mère ressemblant aux idoles cycladiques
Déesse mère ressemblant aux idoles cycladiques
Déesse mère ressemblant aux idoles cycladiques

Au Néolithique deux cultures se sont succédées : la culture Bonu Ighinu (4000-3500) et d’Ozieri (3500-2700) avec de petites idoles de la Déesse-Mère. D’autres idoles sont de type cycladique. La ressemblance saute aux yeux avant même que je ne lise le panneau, exposées avec des pointes de flèches en obsidienne, des couteaux en silex et des céramiques très frustres.

Les Domus de Janas sont reconstituées. Les entrées des tombes sont parfois ornées de figures animales comme les bois de cervidés.

Une maquette de Tombe de Géants introduit la civilisation nuragique (1500-535)

stèle punique
stèle punique

La salle suivante des phénico-punique. Je reconnais les stèles funéraires d’une trentaine/quarantaine de cm comme celles que j’avais vues à Cabras (certaines viennent de Tharros) ornées de figures d’Astarté ou de Tanit. Cette salle punique contient des amphores mais aussi de nombreux vases grecs provenant de Grand Grèce (560-570avJC et 350-325avJC)

Les âges romains sont illustrés avec des mosaïques (assez quelconques, noir et blanc, géométriques) quelques statues et des stèles très primitives ressemblant à des bornes grossièrement entaillées avec des visages ressemblant à des ampoules électriques. Plus communément on a aligné lampes à huiles, vases à parfums en verre et petites figurines en terracotta.

Dans la salle médiévale on a exposé des maquettes de la ville de Sassari fortifiée (les murailles ont maintenant disparu) d’une ferme à Geridu (Sorso), des plaques de marbre avec des inscriptions médiévales ainsi que de la vaisselle. De nombreuses cartes précisent les contours des Giudicats, les places fortes ou les échanges commerciaux avec la Toscane, la Ligurie et avec le Monde Musulman.

Guerrier nuraghe
Guerrier nuraghe

 

 

A l’étage, je retrouve les nuraghi, maquettes et plans et ce que j’attends : les fameux bronzetti , guerriers et archers, embarcations que je connais d’après les photos montrées par les guides lors des visites. Là, je suis très déçues, beaucoup sont manquants, envoyés pour une exposition à Cagliari ceux qui restent ne sont pas mis en valeur. J’essaie de les photographier sans arriver à un résultat satisfaisant. Le petit guerrier avec de longues cornes sur son casque, celui qui protège sa tête avec le bouclier recourbé, sont perdus dans le fatras de portoirs, d’étiquettes et de mobilier qu’on voit par transparence.

 

la Piazza Italia en effervescence
la Piazza Italia en effervescence

 

La Via Roma allant de la Piazza Italia au Musée est bordée de bâtiments officiels, plantée de palmiers alternant avec des orangers, peu animée, un peu ennuyeuse et courte, Sassari ‘est pas une très grande capitale ! La belle Piazza Italia  est immense, au contraire, elle est bordée de grands palais. Victor Emmanuel II est en majesté sur son socle. Elle résonne des tambours des manifestants qui tapent sur des seaux en plastique, des klaxons en plastique colorés destinés à des manifestations sportives, et des cris des syndicalistes qui ont planté leurs drapeaux syndicaux autour de la statue avec des drapeaux énigmatiques indiquant que la réforme tue. Quelle réforme ? Comment ? Les pompiers sont là avec leur camion, les professionnels du Tourisme aussi ainsi que les infirmières. Si les revendications sont bruyantes elles sont aussi floues que peu explicites.  Il faut croire que Sassari est très en colère : un peu plus loin, au Tribunal (bâtiment très massif à colonnade rouge monumentale) d’autres manifestants se sont enchaînés dénonçant les « lenteurs de la Justice ». Quelle affaire ?

 

Cathédrale de Sassari
Cathédrale de Sassari

Le corso Victor Emmanuel II ne ressemble pas à une grande rue, c’est une artère très étroite bordée de boutiques assez ordinaires, bars, alimentations, habillement. Je me faufile dans les ruelles et découvre par surprise de très belles places La Piazza Tula avec ces Palazzi  Renaissance, la Piazza Communale et le Palais ducal et le Duomo énorme hétéroclite avec sa grande façade qui paraît plaquée sur l’église ancienne gothique. Les ruelles étroites, les différents styles qui se superposent, les Palazzi qui se bousculent, tout cela contribue à un certain désordre.

Accabadora – Michela Murgia

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accabadora

« Fillus de anima – c’est ainsi qu’on appelle les enfants doublement engendrés, de la pauvreté d’une femme et de la stérilité d’une autre. De ce second accouchement était née Maria Listru, fruit tardif de l’âme de Bonaria Urrai. »

Ainsi commence le roman de Michela Murgia.

Je ne connaissais pas cette  coutume matriarcale qui permet de donner un enfant à une femme stérile. Est-ce une curiosité sarde ? Ou est-elle répandue ailleurs ?

L’auteure nous raconte l’histoire de Maria dans le village de Soreni – village de l’intérieur de la Sardaigne où l’on cultive la vigne et le blé. Maria échappe à la pauvreté et grandit dans l’affection de Bonaria – la couturière – qui l’envoie d’abord à l’école où elle est une élève brillante avant de lui transmettre son métier. Le récit se déroule dans une atmosphère rurale intemporelle – peut être dans les années 50. Bonaria a perdu son fiancé à la guerre. Quelle guerre ? Seul détail de modernité, le poste de télévision qu’on placera pour distraire un malade.

D’autres coutumes étranges confèrent un caractère un magique à la vie villageoise. Où disparaît Bonaria la nuit ? Pourquoi le paysan malveillant, en déplaçant une murette pour agrandir son champ aux dépens de celui du voisin a-t-il enterré un chiot vivant dans le tas de pierres ? Qu’est ce que cette araignée qui rend fou comme la tarentule ? Pourquoi la police a-t-elle fermé les yeux sur l’ »accident » qui a coûté la jambe de Nicola Bastiu ? Traditions originales que ces préparatifs de mariage avec la confection de pâtisseries compliquées aux origines très anciennes, comme ce pain extraordinaire que déjà les Nuraghi il y a 3000ans décoraient en l’estampant avec des moules de céramique.

 

Bonaria est lAcabadora, celle qui donne le coup de grâce aux vieillards, qui abrège l’agonie des malades. Chacun connaît au village le rôle de Bonaria. Quand Maria découvre le pouvoir de sa mère adoptive, elle préfère fuir sur le continent plutôt que de l’accepter. Car Maria est une jeune fille  moderne, bonne élève, amoureuse d’Andréa Bastiu sans vouloir se l’avouer, adaptable, elle deviendra la gouvernante d’enfants bourgeois de Turin avant de revenir finalement à Soreni auprès de Bonaria mourante ?

J’ai beaucoup aimé ce roman envoûtant.

 

journée préhistorique (2) nuraghe de Santu Antine et Dolmen+ une église romane

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Nuraghe de Santu Antine
Nuraghe de Santu Antine

Terralba : le musée est fermé et ne semble pas prêt à rouvrir. Les étagères sont vides. Il n’y a plus rien à voir. Encore un mauvais tuyau du guide Vert après celui d’Ozieri.

Santu Antine

Le site de Santu Antine est très proche de Torralba de l’autre côté de la S131 en allant vers Mores.

couloir dans le nuraghe
couloir dans le nuraghe

Le Nuraghe  est impressionnant avec ses 18m. C’est le plus haut de Sardaigne. La visite est guidée. La guide brandit des reconstitutions et des plans qui permettent de se repérer dans l’énorme masse  de pierres. Il existe des nuraghi simples avec une seule tour et des complexes comprenant plusieurs tours. Le plan du nuraghe de Santu Antine est triangulaire. Trois tours se trouvent à chaque coin du triangle avec une tour centrale avec trois salles superposées. On n’en visite plus que deux la 3ème effondrée tient lieu de terrasse. Des couloirs, des pièces attenantes, des escaliers donnent l’impression d’un labyrinthe.

Santu Antine : puits
Santu Antine : puits

Trois puits fournissaient l’eau indispensable pour un nuraghe d’une telle importance : le puits sacré (les nuraghis étaient animistes et vénéraient l’eau) autour duquel on a retrouvé des ossements d’animaux et des exvotos. La grande tour (donjon) n’avait pas une fonction stratégique. Bien que situé à l’intersection de routes commerciales le nuraghe  n’est pas construit sur une hauteur. Il avait sans doute un rôle social et peut être administratif. La salle supérieure était bordée de banquettes où sans doute on s’asseyait et se réunissait. Selon la guide, les rapports entre les nuraghis et les phéniciens étaient excellents. La situation aurait changé quand les Carthaginois ont colonisé la Sardaigne dont ils convoitaient le bois et le blé.

Nous déjeunons dans l’enclos de la grande église Saint Jean Baptiste à l’entrée de Mores. Crépie de jaune la grande église paraît moderne avec ses arcades formant des logettes et sa grande pelouse équipée comme un camp de camping avec des bornes électriques, des fontaines et des toilettes.

L’église de San Pietro Di Sorres que nous souhaitons visiter n’ouvre qu’à 15h. Nous continuons donc le circuit à la recherche de trois autres tours, bien écroulées et petites. Après Santu Antine, nous sommes devenues exigeantes!  Si les tours sont décevantes, la campagne est charmante, vallonnée avec un air de Toscane après la moisson. De beaux chênes- lièges s’étalent, leur ramure est énorme mais leur tronc penché. Dans un creux, un gros camion collecte les écorces de liège qu’apportent de petites camionnettes.

Dolmen sa cavacca
Dolmen Sa Caccada

A Mores, selon le guide Vert, il y aurait le dolmen remarquable Sa Caccada. Ce dernier ne se trouve pas du tout à la sortie de la ville comme le laisse entendre le guide mais à une dizaine de kilomètres sur des très petites routes et même une mauvaise piste. Alors que nous nous découragions, nous rencontrons des Suisses qui en reviennent et nous préviennent « le dolmen est en restauration, il est tout près !». Un échafaudage soutient un toit en tôle qui protège le dolmen massif, carré, de pierre bien équarrie à la porte soignée.

une rencontre en trompe-l'oeil
une rencontre en trompe-l’oeil

Le GPS nous guide jusqu’à Borutta où se trouve l’église San Pietro di Sorres perchée sur une colline à la sortie du village. De loin la façade noire et blanche se détache sur un pré desséché accompagnée d’un bosquet d’arbres verts.  Le monastère bénédictin est caché.

Parking énorme, ticket 6€. Visite guidée.

San Pietro di Sorres
San Pietro di Sorres

La guide nous montre les bandes noires de roche volcanique alternant avec le calcaire blanc. Elle détaille la marqueterie au dessus de la colonnade et des arches avec les symbole des chiffres (3 pour la Trinité, 12 les apôtres) ,Le motif carré désigné comme toscan par le guide de San Antioco di Bisarcio. L’intérieur de l’église aussi noir et blanc rappelle un peu la cathédrale de Sienne. La nef est haute mais l’intérieur est très sobre : il a été laissé à l’abandon avec une toiture défectueuse, tous les décors tableaux et retable ont été gâchés ou volés. Au dessus de l’autel moderne (laid) un crucifix moderne doré a été suspendu. Dans le monastère on visite le cloître fleuri d’agapanthes et de roses qui embaument. Dans une pinède derrière l’église se trouvent les vestiges d’un nuraghe. Encore un pour terminer le circuit de la vallée des nuraghi !

Journée Préhistorique (1) : Domus de Janas près de Thiesi

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Domus de Janas

S’inspirant du circuit p 347 du guide Vert : Vallée des nuraghes, j’ai prévu un parcours beaucoup plus court commençant à Thiesi, pour les hypogées, à Torralba pour le Musée Préhistorique, Santu Antine et qui se termine à San Pietro di Sorres. Torralba est à 33km d’Ossi et tous les villages étant très proches  cela aurait dû être un circuit facile d’autant plus que la voie rapide S131 relie Ossi à Torralba.

Sous un ciel gris nous traversons Thiesi à la recherche des pancartes marron. Elles sont rares et nous conduisent dans  la campagne par des routés étroites et tortueuses. Sur la brochure touristique Zone de Torralba, les photos des hypogées appartiennent au site de Mandra Antine (3200-2800av JC) et portent des peintures rupestres.  Après être passées devant plusieurs fontaines antiques ressemblant à des abreuvoirs et rencontré un grand troupeau de brebis poussé par le berger en voiture, nous trouvons enfin le parc des Pétroglyphes de Cheremule. Des panneaux émaillés collés à un rocher proposent un parcours. Nous suivons un bon chemin dallé de calcaire blanc bordé de murettes de pierres sèches aux moellons blancs mélangés avec quelques blocs de roches volcaniques foncées. Dans le paysage se détachent les cônes volcaniques. L’un d’eeux a été exploité comme carriièe et les scories affleurent.  Derrière les murettes, les ronces sont florissantes, les mûres sont presque noires, des poiriers sauvages sont couverts de petits fruits.

plusieurs salles communiquent
plusieurs salles communiquent

Les 18 Domus de  Janas  – maisons de Fées – sépultures creusées dans la roche se voient du chemin. Les ouvertures carrées, taillées soigneusement ne peuvent pas être naturelles. Il nous faut bouger les clôtures (les les remettre) pour entrer dans le site où de nouvelles explications nous apprennent que les hypogées ont été également utilisées par les Romains comme sites de vinification (pressoirs ? cuves ?  et que des sépultures médiévales ont également été mises au jour.

Tomba della Cava : pétroglyphes
Tomba della Cava : pétroglyphes

La dalle calcaire, entaillée par l’érosion, un lapiaz, présente d’étroits couloirs dans lesquels débouchent les sépultures. Deux ou trois salles se succèdent parfois. On voit des niches, des rigoles, une sorte de linteau mais en creux au dessus de la porte. . A l’extrémité du site, sur la Tomba delle Cava ont été gravées des figures humaines – une théorie de petits personnages pour une cérérmonie funéraire. C’est la première fois que distingue si facilement des pétroglyphes. J’en ai déjà  cherché sans succès notamment en Galice à la frontière du Portugal.

Une collection de chardons prospère sur le site : des bleus, des jaunes, d’autres qui ressemblent à des cardères.

nuraghe ou hutte de berger?
nuraghe ou hutte de berger?

Cette campagne est peuplée d’’animaux : moutons et chèvres mais aussi vaches et ….mouches qui envahissent l’habitacle de la voiture. De curieuses constructions de pierre, coniques ressemblent  un peu aux nuraghi , un peu aux trulli des Pouilles coiffés de dalles calcaires comme des lauzes ? Abris des bergers ?

Grazia Deledda – Dans l’ombre, la mère – Ellias Portulu

LIRE POUR LA SARDAIGNE 

Grazia Deledda – prix Nobel 1926 – est très célèbre dans son pays. Pourtant avant notre départ pour la Sardaigne personne ne m’avait signalé cet écrivain. Après avoir lu sur place Roseaux sous le Vent , au retour j’ai emprunté ces deux ouvrages à la bibliothèque.

Dans l’ombre, la mère

grazia deledda dans l'ombre

 

Maria- Maddalena, jeune veuve, servante, est fière de la réussite de son fils Paulo, curé du village , les villageois l’ont acclamé. Pourtant dans l’ombre, elle attend son retour. Son instinct lui prédit le drame. Peur du scandale, ou du péché, elle extorque de son fils la promesse qu’il ne rejoindra plus Agnese.

Tragédie, deux nuits, trois jours et demie dans la vie du prêtre et tout semble s’accélérer. Cèdera-t-il à la tentation, ou tiendra-t-il parole ?

Nuits d’angoisse, d’hésitations, de remords, de retours…journées bien remplie dans le village.

On lui demande d’exorciser une petite fille possédée. Et on voit comme un miracle la fillette se calmer. Tout le village fait un triomphe au prêtre qui est rempli de doutes. Antioco, l’enfant de chœur le porte aux nues. Lui aussi sera prêtre Paulo. Maria Maddalena le raisonne :

«    –  Les prêtres ne peuvent pas se marier. Et toi, si tu voulais te marier ?

–          Je ne le veux pas parce que Dieu ne le veut pas

–          Dieu ? c’est le Pape qui ne le veut pas, dit la Mère quelque peu agacée… »

La question du célibat des curés ne me concerne nullement mais la réaction de la mère qui a interdit à son fils de fréquenter Agnese est troublante.

Evocation pittoresque des derniers instants d’un berger, chasseur solitaire, le Roi Nicodème, qui vit avec son chien et un aigle apprivoisé, personnage intéressant que celui du garde champêtre. Pendant que Paulo donne l’extrême onction, pendant la messe, il est obsédé par sa passion mauvaise.

Extrême tension dramatique dans ce court roman que j’ai dévoré malgré le thème.

 

 Elias Portulu

grazia deledda elias portulu

A Nuoro, la famille de Zio Portulu est enfin réunie :

« tu les vois maintenant mes fils ? Trois colombes ! Et forts, hein, et sains, et jolis ! »

Pietro, l’agriculteur est fiancé, le mariage se fera après les récoltes, Mattia, un peu simplet est berger. Une famille unie, prospère qui fête le retour d’Elias sorti de prison.

Les réjouissances se poursuivent à la neuvaine de San Francesco qui se déroule dans la montagne, toute la famille partage la cumbissia avec d’autres, on allume des feux de lentisque, on prie, certes mais aussi on chante, on boit ; le petit abbé Porcheddu égaie ses paroissiens. Grazia Deledda excelle quand elle évoque ces fêtes villageoises. J’avais beaucoup aimé ses descriptions dans Les roseaux sous le vent. Maddalena, la fiancée de Pietro est de la fête, elle ne prête que peu d’attention à son futur et couve Elias du regard.

« Non ! Ne crains rien mon frère !disait-il mentalement à Pietro. Alors qu’elle viendrait dans mes bras, je la repousserais. Je ne veux pas d’elle. Elle est à toi. »

Amours interdites qui vont empoisonner la vie d’Elias.

Il cherche le calme parmi les brebis de la bergerie de son père, prend pour confident un vieux berger qui devine son tourment et lui conseille de se déclarer et d’empêcher le mariage tant qu’il est encore temps. Mais Elias est faible, il se laisse emporter par la passion, tout en étant incapable d’affronter sa famille.

Puisqu’il ne peut épouser Maddalena, il se fera prêtre. Prêtre sans vocation. Faible toujours, obsédé par son amour, se débattant contre le péché…

Alors que j’avais adoré les Roseaux sous le vent j’ai eu du mal à m’intéresser à cette thématique religieuse qui est bien loin de mes préoccupations.