Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits
Hammam
Le hammam est chaud à notre retour. Nous revêtons les peignoirs. Le savon noir nous attend avec les gants rugueux. Latifa a rempli un seau d’eau brûlante qui fait de la vapeur. Le sol est tellement chaud qu’on peut à peine y poser les pieds pour aller chercher le seau d’eau tiède pour se rincer. Décrassage. C’est une opération qui détend et défatigue. Il manque l’ambiance du hammam collectif avec ses rires. D se lasse très vite de la chaleur humide. Je reste seule à me frotter et à faire rouler les peaux mortes. Le Hammam toute seule, c’est un peu triste ! Une demi heure de détente sur les chaises longues en vannerie de la terrasse. Nous voici récurées et en forme.
Leçon de cuisine
Amina découpe un poulet qui va mariner dans du citron avec du persil et des épices en quantité. Ensuite elle va fourrer des feuilles de brick avec de la viande hachée. Dans la poêle mitonne la viande, du beurre et du persil avec toutes sortes d’épices, elle taillade à même, l’oignon entier. Nous prenons une leçon avec une très bonne cuisinière. Amina ne pèse rien, ne goûte pas non plus. Elle verse de tout en abondance, elle renifle les épices ajoute par cuillers entières le cumin, le gingembre, le poivre qu’elle trouve dans des bocaux, une bonne pincée de safran (pour le goût) une cuiller d’un colorant (pour la couleur) Rien n’est pesé. Tout est mélangé avec force. Cuisiner à la marocaine pour deux personnes est un non-sens. Elles préparent des quantités monstrueuses de nourriture qu’elles partageront entre elles et nous. Même après ce partage ce qui arrive sur la table suffirait pour six personnes. C’est délicieux mais nous en laissons toujours plein.
Briouats
Je filme Latifa et Amina fourrer les briouats. Je dis à Amina qu’on se croirait dans une émission télévisée. Latifa traduit. Au Maroc ces émissions passent à midi. Amina est très fière d’être filmée. Latifa s’intéresse à l’appareil photo. Elle aimerait bien le même (il est hors de prix).Je dois mettre la main à la pâte. Avant d’étendre la feuille de filo, il faut mettre du beurre fondu sur le plan de travail. On replie soigneusement la feuille en 3. On cachète l’extrémité avec de l’œuf. On découpe au ciseau la pâte qui dépasse. Beurre encore ! Puis on plie en triangles. pour finir, un coup d’œuf pour coller. Les feuilletés sont posés sur la plaque du four et dans un plat antiadhésif, les deux généreusement beurrés.
Quatre joyeuses commères
Latifa a mis la table pour Dominique et moi. Dominique insiste pour qu’elles viennent partager notre dîner. Elles se font un peu prier puis arrivent avec leurs assiettes. Nous mangeons avec entrain nos feuilletés. Le poulet est servi dans le plat à tagine accompagné de pruneaux, raisins et couvert d’amandes. Il est très parfumé. Je me goberge d’amandes. Nous rigolons. Elles racontent que le voisin, âgé de plus de 70 ans, a deux femmes et deux riads. Comme il est vieux cela nous fait rire toutes les quatre. Nous sommes une bande de joyeuses commères. Amina veut voir le film. Je le visionne sur l’écran. Elle regarde les photos de Tafraout et s’intéresse à tout. Latifa traduit. C’est rigolo. Quand on l’écoute, on comprend plein de choses, il y a beaucoup de français mélangé.
Pour dessert, elles ont préparé des poires noyées dans la sauce au chocolat avec des amandes. Elles n’ont pas de dessert pour elles. Dominique partage sa part. On termine le chocolat en léchant avec les doigts. Ce n’est pas du tout dans le style du riad et cela continue à nous mettre en joie. On débarrasse toutes les quatre et on raccompagne Amina chez elle en voiture. Aujourd’hui, elle porte une djellaba turquoise sur sa robe jaune fleurie, en dessous elle a encore une sorte de pyjama en jersey qu’elle appelle sarouel.
La médina la nuit
La rue est déserte, il y a seulement quelques vélos et un taxi de temps en temps. Nous entrons dans la médina. Il est 10 heures du soir, les magasins sont encore ouverts. Les jeunes marchent en groupe. Les petits jouent au ballon en pleine rue. De rares femmes islamiquement emballées, rejoignent à pas pressés leur domicile. C’est facile de traverser en l’absence de circulation. Après avoir déposé Amina dans un quartier périphérique Dominique demande à Latifa si elle veut passer chez elle voir sa fille. Yallah ! Elle nous guide dans un dédale de ruelles de plus en plus étroites, on replie les rétroviseurs. « Pourra- t- on passer ? « –« Oui « assure- t- elle. Devant sa maison, le cordonnier a sorti sa chaise. Une dizaine de vélos sont entassés avec des charrettes à bras. Le vélo est roi à Taroudant. Latifa pousse une porte métallique, s’annonce avec le heurtoir bruyamment – peut être nous annonce- t- elle ainsi ? Dans le couloir, toute une assemblée de filles et de femmes viennent à notre rencontre. Les petites nous reconnaissent et nous embrassent. Les femmes nous accueillent chaleureusement. Elles étaient devant la télé au salon et nous proposent de nous joindre à elles. Il est déjà tard ! je pense aux féministes qui boudent les vacances en pays musulman. 50% des Marocains sont des femmes ! Celles-ci sont bien sympathiques.
Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits
Excursion au village de Lahcen
Latifa a préparé une mallette d’osier avec toutes sortes de bonnes choses, des assiettes de faïence et des couverts. Nous reprenons la route de l’Anti-Atlas par laquelle nous sommes arrivées, traversons le lit de l’Oued Sousse asséché par les barrages et la sècheresse. Lahcen raconte que dans les années 60, il allait pêcher de petits poissons. Depuis, on n’a plus jamais revu d’eau.
village de Freija
Ali Baba
Sur une curieuse butte témoin allongée dans le sens du courant érodée à l’époque lointaine de crues énormes, le village de Freyja surveille la plaine. Panorama époustouflant sur la chaîne de l’Atlas. Le Riad Freyja transformé est en hôtel de luxe. On y a tourné le film Ali Baba et les 40 voleurs avec Fernandel. La réceptionniste nous fait volontiers visiter : beaux tapis, suites immenses, grandes pièces allongées très hautes de plafond, pas besoin de climatisation. Nous avons déjà visité des riads plus « authentiques » et moins restaurés. Aucune trace du tournage du film malheureusement.
Décor d’Ali Baba
Un milliard d’hectares irrigués
Pendant que nous traversons des parcelles irriguées, Lahcen nous explique que Hassan II a fait l’opération « Un milliard d’hectares » irrigués par les soins de l’Etat et distribués aux paysans. Les récoltes sont elles aussi achetées par l’Etat, garantissant un revenu aux agriculteurs. Des arroseuses tournent au dessus des blés déjà très hauts aux épis bien formés. Oliviers et agrumes poussent en abondance. Il faut puiser dans la nappe et parfois faire des forages profonds. On développe aujourd’hui la culture des bananes sous plastique.
Agadir
Au détour du chemin, Lahcen nous signale un ancien moulin à sucre des Almohades il y a plus de 800 ans. il nous montre les agadirs sur les contreforts de l’Anti-Atlas : greniers fortifiés perchés au sommet des collines, position imprenables dont la défense était assurée par tout un système de signaux avec les villages voisins. Construits en pierre ou en pisé, ils se confondent avec la montagne. J’ai bien du mal à les trouver malgré les indications de Lahcen. En dessous des agadirs, les vieux villages, dans la plaine, les nouveaux.
Agadir dans la montagne
Le village abandonné
Nous quittons le goudron pour une piste fréquentée où l’on double le boulanger en mobylette. Les paniers des pains en toile blanche ressemblent aux paniers des ânes. Le long de cette piste, poussent les arganiers et encore ! On les a taillés pour leur donner un coup de fouet. Ils sont bien déplumés. Le troupeau de chèvres avance à notre rencontre gardé par 4 bergers, 2 enfants et deux adolescents. Lahcen leur demande quelque chose, ils nous font signe de reculer. Nous avons dépassé l’entrée de la piste indiquée par deux grosses pierres.
Elle monte jusqu’au village abandonné de Ouinzane (eau-pierre en berbère). Les dernières familles ont quitté le villa voilà une soixantaine d’années. La plupart vivent en émigration. Il sera beaucoup question d’émigration pendant cette journée avec Lahcen). Les enfants qui rentrent chaque année au bled, ont essayé de restaurer la mosquée. Lahcen n’est pas satisfait de leur travail : ils ont utilisé du ciment qui ne respecte pas l’architecture traditionnelle. Au moins, le village ne deviendra pas un tas de pierre anonyme en une génération ! Il insiste sur le passé glorieux de ce village. La mosquée a un palmier dans la cour, on peut encore tirer l’eau du puits dans sa cour. Les salles aux plafonds très bas sont prévues pour les ablutions. La mosquée a une assez grande salle, mais pas de minaret. Le muezzin monte sur la terrasse où une niche a été aménagée pour que les fidèles y montent pour la prière par grosses chaleurs.
maison ancienne motif berbère autour de la fenêtre
Le village est très délabré. J’ai du mal à enjamber les blocs et surtout à suivre Lahcen dans les décombres. Il me conduit devant une porte monumentale à la décoration signée de petites pierres (ou de petites briques formant des dessins géométriques. C’est l’entrée de la demeure du Cheikh. Lahcen insiste encore sur la bravoure et la gloire des anciens habitants. Nous montons dans une autre maison. On devine les poutres de soutènement des plafonds. Chaque maison avait au moins trois étages. 7 familles demeuraient là. Du haut du village on voit des ruches : petites alcôves rectangulaires alignées dans le creux d’un mur. Nous terminons la visite par celle des citernes creusées dans la roche pour garder l’eau de pluie, seule eau dont on disposait au village. Les citernes sont très profondes, très vastes, chaulées à l’intérieur, couverte d’un toit arrondi de petites pierres assemblées en voûte sans maçonnerie ; Lahcen me fait remarquer l’habileté de ces constructeurs.
Dominique qui a fait de belles photos des chèvres grimpeuses. Lahcen explique que les sabots des chèvres peuvent pincer les branches pour leur permettre de s’accrocher.
Tinouainane est le village natal de Lahcen qui y a de nombreux cousins. Chaque fois que nous rencontrons quelqu’un, Lahcen sort – grandes embrassades. Il connaît tout le monde. Un de ses cousins, turban jaune, chemise rouge est en train de décharger du fumier à la sortie du village. Il nous invite à aller dans son « jardin », une orangeraie. Le village est construit à l’écart de l’oasis. Nous marchons entre les murets de moellons surmontés d’épines. Les petites parcelles sont soigneusement encloses. Les chèvres ne doivent pas y faire des ravages ! Elles sont partagées en rectangles bordés de rigoles et de petites digues. Les hommes que nous croisons, reviennent des champs portant de petites binettes à manche court. Pas besoin de gros outils pour ce travail qui ressemble plutôt au jardin qu’aux champs.
Très peu de palmiers, surtout des oliviers de très grande taille (je n’en ai jamais vus d’aussi hauts
« – Comment faire pour récolter les olives ? »
« – on grimpe avec des gaules, les femmes ramassent les olives dans les bâches »
Il y a des vergers d’agrumes et des caroubiers.
Irrigation
irrigation double rigole
Deux rigoles parallèles correspondent l’une à l’eau de la source, l’autre à celle du bassin qui ne se mélangent pas. L’irrigation est très compliquée. Lahcen nous emmène au bassin rectangulaire rempli qu’au tiers et où prospèrent des algues vertes. Il se remplit la nuit quand on n’irrigue pas. L’eau de source n’est pas gaspillée et ne court pas inutilement. Lahcen nous montre la canne-jauge entaillée de nombreuses rainures. Chaque trait correspond à cinq minutes. Chaque famille a droit à une part d’eau que l’on marque d’un lien d’herbe verte coincée dans l’encoche. Les anciens tiennent colloque pour la répartition qui varie chaque jour en fonction de la durée de remplissage la nuit du bassin. La canne-jauge doit toujours être plongée au même endroit. Elle est sacrée.
lahcen et la canne-jauge
L’eau est la condition de toute vie. Les parts se transmettent par héritage comme la terre ? La terre sans l’eau n’est rien. Certains vendent leur part d’irrigation. Leurs champs restent secs et rien n’y pousse.
Celui qui va recevoir sa part d’eau attend assis devant la petite vanne. Quand son tour arrivera, il ramassera une poignée d’herbe sèche qu’il lâchera dans le courant, avertissant ainsi son voisin que l’irrigation se termine. Il détournera ensuite le courant vers son champ. L’eau y coulera une demi-heure, une heure ou deux selon son quota.
Nous suivons les rigoles jusqu’à une très belle orangeraie qui embaume. Sous les orangers, des fèves en fleurs. Lahcen ramasse des cosses de caroubier pour que j’y goûte. Cela fait bien longtemps que je connais les caroubes mais je n’ai pas envie d’en parler. Autrefois, on les donnait au bétail. On leur a trouvé des propriétés pharmaceutiques si bien qu’il est plus rentable de les vendre. Sauf si la vache est malade, on lui donnera comme médicament.
Pique-nique sous un oranger
pique nique à l’oasis
Pique-nique sous un bel oranger appartenant à un de ses cousins de Lahcen. Demain, c’est le souk hebdomadaire, on est donc occupé à cueillir les grosses oranges navel. Les filles ont rempli les pans de leurs jupes et les déposent en tas sous un arbre. Un kilo se vend 6 dirhams. C’est bien peu. Si les enfants, émigrés en Belgique, n’envoyait pas leur mandat ils pourraient à peine survivre du produit de leurs champs. Ils entretiennent l’oasis en culture et sont les gardiens de l’héritage. Mais l’argent vient d’ailleurs.
Ici, les femmes ne sont pas voilées. Elles portent un foulard, bien sûr. Leur visage est découvert. Elles nous sourient et ne se cachent pas. Certaines sont très belles avec des habits très colorés. Pour les photos, elles opposent un non catégorique. Lahcen va chercher la selle de l’âne en toile pour Dominique. La table sera en paille tressée : les grands paniers du bourricot. Latifa a mis nos salades préférées : les carottes pour Dominique, les pommes de terre, tomates et poivrons et aubergines. Elle a aussi mis des keftas parfumées au persil et aux épices. Le dessert est cueilli sur place.
Lahcen a vécu en France 10 ans dans le Gard, il travaillait aux vignes, puis mécanicien à Paris, de 1970 à 1981 entre 20 et 30 ans. Il a donc du recul vis-à-vis des mirages de l’Europe. Il sait les « drôles de métiers » que ses compatriotes souvent diplômés et très qualifiés, doivent accepter chez nous. Il sait aussi la nécessité de cet argent venu du nord. Il viendrait bien en France où vit toute sa famille, sa mère, ses frères et sœurs. On lui refuse le visa. Il n’en tient pas rigueur à Jacques Chirac qui vient « au mois 12 » à Taroudannt à la Gazelle d’Or. Notre président est un personnage familier de Taroudant « c’est sa 2ème ville après Paris ». Pour louer son oasis, Lahcen chante Jean Ferrat « Que la montagne est belle, comment peut on imaginer… ». Il raille la Gazelle d’Or où il a eu l’occasion de dîner « c’est de la grande cuisine, on paie très cher et on n’a rien dans l’assiette, une seule olive, un peu de sauce pour décorer… »Je dessine les rigoles, les murettes et les oliviers que j’aime tant. En Italie, en Grèce, à Chypre… je ne peux pas m’empêcher de mettre un olivier dans mes dessins.
Au village de Tinouaïnane
cour de maison villageoise
Une nuée d’enfants nous accueille au village. Malgré notre guide nous entendons « Donne moi… » . Pour les dirhams, c’est non ! Et tous les adultes sont d’accord. Pour les bonbons, nous en avons un sac dans la voiture et c’est le bon moment pour rendre la politesse aux villageois qui nous accueillent si généreusement. La distribution tourne à l’émeute. Les enfants accourent de partout. Certains tendent la main plusieurs fois. On commence à se fâcher. Un adulte doit s’en mêler.
Les maisons du village sont très basses. Les longs murs ne s’ouvrent que par des portes métalliques peintes avec fantaisie. On a le souci de la décoration. Les tours des fenêtres, les coins, les arêtes sont soulignées de blanc sur crème ou de jaune sur blanc. Quelques uns ont peint des éclaboussures à la manière d’un feu d’artifice ou de palmier:
– « Pourquoi ?
– « pour décorer ! ».
Lahcen traduit des inscriptions calligraphiées à la peinture rose. Ce ne sont pas des slogans mais des mots de bienvenue aux visiteurs.
Pas de goudron, la poussière a la couleur des murs. Pas une voiture. A peine, un vélo – et encore ! – ses pneus sont à plat et il n’a pas de selle. Je demande à son propriétaire d’aller chercher D en voiture qui a été trop loin. Le vélo ne roule pas. Deux grands ados se chargent volontiers de la commission.
J’ai envie de photographier une porte bleu turquoise qui s’ouvre sur un couloir blanc. Cela tombe bien ! C’est justement dans cette maison que nous sommes invitées ! Nous entrons donc par ce fameux couloir l’arhgoumé qui est l’abri des femmes par grosses chaleurs, là où elle épluchent cassent et meulent les noix d’argan une fois les travaux de la maison et des champs terminés.
La maison de Mohamed est construite autour de plusieurs cours, c’est une version campagnarde et plate de notre riad. Les pièces s’ouvrent sur la cour, longues chambres comme au riad Freyja, « couisine » sommaire mais une belle salle d’eau toute carrelée avec des toilettes (ouf ! impossible de faire pipi dans la palmeraie, il y a du monde partout). Je dis à Lahcen que c’est le même plan qu’un riad il répond que c’est une tadouarit.
les enfants du village
La salle de réception est couverte de nattes, on s’y déchausse. Au fond trône une télévision sur un support à deux étages avec magnétoscope et lecteur de DVD. La télécommande est soigneusement sous plastique. Ils ont une parabole sur le toit qui capte Arabsat. Fièrement, Mohamed l’allume sur une chaîne berbérophone et pose pour la photographie à côté de l’appareil. On enverra la photo par Internet au propriétaire qui la donnera, j’espère à Lahcen. L n’y a pas de cyber au village mais il y en a plein à Taroudant.
Une petite fille apporte un rince doigts en aluminium, elle nous verse de l’eau sur les mains puis on nous sert le thé (sans menthe) avec du pain cuit à la maison que nous trempons
dans l’huile d’argan. Après 3 verres, Mohamed poursuit la visite : nous passons dans une autre cour ornée d’un oranger et d’un basilic odorant dont il nous offre à chacune un rameau, encore une cour : c’est l’étable. Un petit veau noir né ce matin, un autre au front étoilé, a deux jours.
Nous visitons une autre maison, vide celle là, occupée seulement pour les vacances. Même plan : des courettes avec des orangers, un couloir qui mène à une ruelle. Assises sur le sol, deux femmes tapent sur des noix d’argan avec un galet de lave poli sur une grosse pierre. La première d’un coup sec ôte la pulpe séchée qui cède facilement ; la seconde case la noix qui ressemble à une noisette allongée. Elles me proposent d’essayer. Je réussis la première opération sans peine, je ne suis jamais arrivée à extraire l’amande : la noix roule.
Avant de quitter le village nous nous arrêtons à l’école : neuve, en ciment préfabriqué comme toutes les écoles rurales avec des fresques sur les murs. 7 classes. Lahcen connaît les instituteurs de la 6ème classe : 5 filles 11 garçons qui se lèvent en silence. Les filles récitent en chœur le compliment d’usage. Au tableau, des divisions à plusieurs chiffres derrière la virgule. Ils sont meilleurs en opérations que les nôtres. Ils n’ont pas de calculatrices.
Nous rentrons tranquillement par la route d’Agadir. Juste avant la ville : un vol de cigognes Certaines sont sédentaires et occupent un nid à la casbah de Taroudannt.
Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits
le riad
Latifa a encore fait des salades toutes différentes de celles d’hier et parfumées. Les carottes méritent le prix. Nous demandons la recette.
Salade de Carottes
Couper en dé, les faire revenir dans l’huile avec les épices mélangées : cumin, gingembre, coriandre sans ajouter d’eau.
boulettes de viande hachées (je préfère les miennes) dans un plat à tagine nappées d’une omelette
hacher l’oignon et le tomate fraîche pelée, ajouter la viande quand la sauce épaissit. Battre les œufs au dernier moment. Dans le plat à tagine cela ressemble à un clafoutis (les boulettes ont la taille des cerises).
Pour finir salade de fruits à la cannelle.
citron, fruit et fleurs
Nous avions prévu de passer l’après midi à la piscine de l’Hôtel Salaam. Nous sommes tellement bien dans notre jardin que nous n’avons plus envie de sortir. Dominique s’installe dans un transat et je reste à la table plus pratique pour écrire et dessiner Seuls les oiseaux troublent le calme avec leurs chamailleries. Une pluie de feuilles et de fleurs du pamplemoussier tombe sous leur chahut. Un couple de merles se perche sur la branche la plus rouge du bougainvillier.
Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits
Nous n’avons pas entendu le muezzin (pourtant notre voisin). Un rai lumineux annonce que le jour est levé. Je m’installe dehors bien décidée de profiter du jardin. Latifa cueille les oranges du petit déjeuner. Je noie de miel les crêpe épaisses.
Le soleil est encore bas quand nous faisons un tour des murs de Taroudant, trop d’ombres pour les photos. Par endroits, ils s’effondrent. Les Roudanis (habitants de Taroudannt) sont fiers de leurs remparts et en prennent soin. Une extrémité de la ville est un étrange champ raviné où l’argile stérile est parcourue de rigoles très profondes comme des ruines.
9 heures, les rues sont désertes, les commerçants balaient devant leur porte. Au souk berbère on répand des cruches d’eau sur la poussière.
Le prix de la réparation du téléphone sera de 80 dh. Je suis interloquée, je m’attendais à beaucoup moins. Est-ce la peine de faire réparer ? C’est un appareil basique. Peut être est ce préférable d’en acheter un neuf? Dominique ne m’est d’aucune aide. Elle n’a pas compris que je cherche à faire baisser le prix, elle déclare que 80 dh, ce n’est pas cher. Le souk est vide et n’offre aucun intérêt.
Des lycéens convergent vers leur établissement près de la Kasbah. Certaines filles sont tête nue (une minorité 1sur 3 ou 1 sur 4). Comme chez nous ils ont tous des téléphones mobiles. Garçons et filles forment des groupes animés.
Porte de la Kasbah, l’avenue est plus soignée avec trottoirs, des bancs, des arbres d’alignement, une rangée de palmiers, des petits kiosques. Dans ce secteur, les remparts sont doubles. De la terrasse en haut des murailles, vue sur l’Atlas enneigé. Dans un recoin, 5 lycéennes sont perchées. L’une d’elles porte un grand châle orange, une tunique blanche sur un pantalon orange, ses copines ont des foulards clairs bleu blancs ou verts pâle. La plus sérieuse a délié un journal. Des garçons escaladent les créneaux, ils se photographient avec leurs téléphones à quelques distances des filles qui se mettent à chanter en chœur.
Pendant que je dessinais, Dominique a étudié le plan de Taroudant. Nous trouvons facilement le cybercafé (3dh/l’heure) toujours pas de journaux français.
Moulin d’Argan
Au parking, un jeune nous persuade d’aller visiter une coopérative d’huile d’argan. C’est un traquenard. Trois femmes tournent le moulin de pierre, pétrissent mais c’est une boutique pour touristes.
Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits
les murailles de Taroudant
La médina est enclose de belles murailles que nous contournons avant de choisir une porte au hasard ? Des dizaines et des dizaines de très gros camping cars immatriculés en France ou en Belgique sont garés le long des remparts. Collés les uns aux autres, ils évoquent une concentration de forains ou de romanichels. L’ironie de la situation m’amuse. Ces retraités français souvent bien franchouillards jouent à la pétanque et à la Belote à l’arrière de leurs caravanes. Pourquoi les laisse-t-on le long des murailles ? Tolère-t-on leurs homologues à Versailles ou à Chambord ?
Dans la médina, on se trouve désorienté : pas de voitures particulières, des petits taxis blancs, des camionnettes, des vélos. Un jeune homme en costume de ville nous hèle et nous fait signe de suivre son vélo jusqu’au parking. Le gardien du parking replie le rétro pour gagner de la place.
âne et verdure à Taroudant
Nous nous engageons dans le souk berbère : marché couvert bondé à cette heure, proposant toutes sortes de marchandises aussi bien des babouches et des tapis aux touristes que des foulards, des sous-vêtements, de la quincaillerie, des djellabas, des tuyaux d’arrosage… de grands crochets pendent des tôles, on y suspend la marchandise, des seaux, des vêtements…Nous sommes loin des souks touristiques de Marrakech, sans parler du Grand Bazar d’Istanbul.
Le souk de Taroudant
A l’entrée, les vendeurs de persils sont assis par terre en train de mettre de l’ordre dans les bottes de coriandre et de menthe descendues en vrac des charrettes à ânes.
A la sortie, les menuisiers travaillent, même aujourd’hui, dimanche. A la ponceuse électrique ou au rabot à main, ils assemblent les coffres en bois blanc des banquettes sur lesquelles on mettra des coussins, des étagères, des croisillons. Ce n’est pas du grand art comme à Fès mais cela sent bon la sciure, la colle et le vernis. Nous retombons sur l’ »étudiant » qui nous a guidé au parking, il nous propose à nouveau ses services. Pour couper court, j’entre d’un pas décidé chez le photographe pour donner la pellicule à développer. Nous reviendrons prendre les épreuves dans une heure. Nous avons bien un plan mais les rues n’ont pas de nom (si par hasard elles en avaient un il serait écrit en arabe). Toutes les femmes portent au moins le foulard et un chemisier à manches longues. Elles arborent une grande variété de tenues. Les jeunes filles les plus modernes ont noué leur foulard genre Gina Lollobrigida, une tunique longue sur leurs jeans. La tenue la plus courante est la djellaba à capuche, à rayures, prune, bleue, avec un foulard ne laissant pas voir les cheveux. Tenue passe-partout pour tous les âges. L’élégance portera sur la qualité du tissu du drap ou de la laine, la sophistication des découpes. Certaines femmes sont complètement enveloppées dans le haïk. A Taroudant le haïk est souvent bleu clair, sans galon comme à Tafraout tout bouffant à la ceinture, on ne devine que les yeux. Dans la version enveloppante, il existe aussi en couleurs chatoyantes avec parfois du doré de l’argenté et même des tissus très africains. Même avec mon foulard turc je suis complètement impudique avec mon T-shirt à manches courtes. Nous retrouvons la Grande place avec les vendeurs de jus d’orange et le labo photo puis la rue qui mène au parking, nous repassons devant la charrette de fraises puis les vendeurs de persil à l’entrée du souk berbère. Nous sommes très fières de ne pas nous être perdues. Peut-être sommes nous passées à côté des passages secrets de la ville ! Pour le souk hebdomadaire il faut sortir par Bab El Khemis et suivre la foule. Il est tard. Nous n’avons plus envie de foule fatigante.
Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits
Latifa a allumé les bougies des lanternes de fer découpé. Du feu de bois brûle dans les deux cheminées. Les bougies dans des petits verres transparents sur les guéridons et sur les marches éclairent l’escalier rouge.
Toutes ces illuminations rien que pour nous !
Nous sommes les princesses d’un royaume des Mille et Unes Nuits. Pour jouer dignement ce rôle je revêts une jupe longue et mon châle bleu et jaune d’Ostuni.
Sur deux sets de table rouges, nous dînons d’une salade composée de betteraves, carottes râpées, salade verte en fines lanières poivrons et tomates. Mention spéciale aux pommes de terre très parfumées que Latifa a relevées de persil et de cumin. Elle découvre devant nous le plat à tagine : abricots et raisins cachent des morceaux de moutons dans une sauce tomate et oignon. Délicieux ! Pour finir, une salade de fruits, pommes et bananes sont coupées très fin presque râpes. Comme il fait frais nous prenons le thé au salon à la chaleur du feu de bois. Il aurait été dommage de ne pas en profiter !
Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits
Taroudant : riad M’Haita
De l’extérieur, le Riad M’Haïta, ne paye pas de mine. La rue est étroite, des boutiques miteuses jouxtent une mosquée moderne.
Une porte métallique peinte en bleu et un écriteau. Quand on la pousse, on découvre le riad : un jardin planté d’orangers en fleurs, un pamplemoussier chargé de fruits, des hibiscus rouges, des fleurs jaunes, une rangée de cannas. Tout autour, un damier noir et blanc cassé par une fine frise qui souligne les recoins. Le bas des murs d’habitation est carrelé de bleu et blanc avec des motifs végétaux et compliqués surmonté d’une rangée de petites bouteilles réversibles. Au-dessus le mur est blanc. Portes et fenêtres laquées de bleu marine. Tables et guéridons sont carrelés de bleu et blanc. Les chaises sont en fer forgé très sobre et très moderne.
Dans un recoin, un salon de rotin près d’une cheminée rehaussée construite en briques. Notre chambre donne sur le jardin. Elle est aussi dans une harmonie bleue et blanche. Deux lits avec des couvre-lits à rayure, un kilim bleu rebrodé au mur, une belle lanterne. Sur chaque lit, un peignoir blanc.
Taroudant : bougainvilliers
La cuisine et le salon qui occupe le fond du jardin sont dans des teintes rouge et blanc. Un très beau pavé, brique jaune et noir. Deux banquettes recouvertes de tissus à rayure noire beige et brun clair surmontées d’un kilim berbère jaune orangé avec des motifs animaux stylisés d’une grande beauté. Deux lanternes suspendues à des lampadaires de fer forgé bornent le salon avec la belle cheminée surmontée d’une hotte arrondie peinte en rouge. De l’autre côté : la salle à manger blanche et rouge. Grande table laquée de blanc découpée par un chemin de table à larges bandes rouges. L’escalier très sobre sans rampe est brun rouge. Un pilier est souligné d’un carrelage rouge et blanc.
L’étage, une jolie terrasse et des chambres de rêve, baldaquins, et carrelage. La dernière a même son hammam privé. Comme nous sommes seules à occuper le riad nous y aurons accès.
Je suspends ici la description minutieuse de chaque pièce. L’énumération des splendeurs serait fastidieuse. Nous vivons dans un palais. Pour nous seules. Latifa est la Gardienne de ce palais. C’est une petite dame voilée de blanc en robe de lainage bordeaux tricotée avec un petit tablier blanc de soubrette et un visage souriant. Comme nous sommes les seules hôtes du riad, elle sera entièrement à notre service. C’est une situation inédite pour nous. Qui n’avons jamais eu de domestique sauf une femme de ménage à Madère, une heure par jour, qui ne sachant que faire chez nous avait plié nos vêtements dans l’armoire ce qui nous avait plus gêné que plu.
Latifa nous fait visiter toutes les pièces puis nous propose un thé ou un jus de fruit. Elle cueille les pamplemousses sur l’arbre et revient avec une cruche et des grands verres. Nous lui avons demandé des salades pour midi et commençons à savourer la vie de château assises dans les fauteuils de rotin du salon de jardin.
Il fait plus chaud à Taroudant qu’en montagne. Nous quittons avec plaisir jeans et polaires pour des tenues légères. Latifa tire le rideau blanc suspendu à une tringle torsadée pour faire de l’ombre à la table extérieure. Elle apporte deux saladiers : concombres à la crème et salade marocaine de tomate, poivron oignon. Elle a ôté la peau des tomates et a coupé très fin tous les ingrédients .J’essaie de deviner l’assaisonnement : persil, sel poivre, citron. Le parfum exotique vient du cumin. Il faudra s’en souvenir pour parfumer une salade originale. Nous trempons notre pain tout frais et tendre dans la sauce. Je ne sais pas si cela se fait dans un riad mais c’est si bon ! Latifa a saupoudré les tranches d’orange avec de la cannelle.
Comme nous en sommes au café, Lahcen propose ses services comme guide. C’est un colosse brun qui parle très bien le français. Il a été mécanicien à Paris place Clichy. Nous préférons découvrir seules la ville. Mardi il nous conduira dans son village. Il nous montre les statuettes africaines et nous parle du riad. C’est une maison de famille. En quelque sorte, cela me fait plaisir. Nous avons envoyé les chèques à des banques parisiennes et j’étais un peu contrariée que notre argent ne profite pas à l’économie marocaine. Dans le Métro parisien, des affiches invitant à investir dans l’immobilier à Marrakech m’avaient consternée. Au moins, les propriétaires n’ont pas que des intérêts financiers ici, ils ont aussi une histoire personnelle à Taroudant. Selon Lahcen, le riad original a été coupé en deux. C’est ce qui explique la construction en L de la maison et les deux carrés plantés. Dans les riads que nous avons visités le plan était immuable : quatre massifs. Les deux autres carrés se trouvent donc de l’autre côté du mur chez les voisins. Pour vérifier cette théorie je monterai sur le toit et découvrirai les plates-bandes manquantes ainsi que les jardins intérieurs des autres voisins. Ce quartier, extérieurement sans prétention, cache de jolies demeures ; comme souvent au Maroc les murs extérieurs ne laissent rien deviner.
Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits
les amandiers de Tafraout
7h, dernier petit déjeuner berbère en compagnie de Jacques et de Yamina.
8h, la voiture démarre. Direction Aït Baha, vers le fond de la vallée des Ammelns. Au col, les petits villages disparaissent ainsi que les arganiers. Le paysage devient sauvage. La barrière rocheuse de la Tête de Lion est cachée par des croupes pelées. En altitude, les amandiers sont magnifiques : de grosses boules blanches ou roses. Ils embaument, à Tafraout, ils ne sentaient rien.
Sur la route de Tafraout àTaroudant : le puits et ls amandiers
Je descends de voiture et découvre deux puits de ciment avec leur seau. Parmi les amandiers le puits a belle allure avec son petit palmier dans les arbres en fleur. Les champs paraissent plus soignés que dans la vallée. C’est paradoxal. Cette montagne sévère et austère est bien vivante. Les villages traditionnels sont bien habités. Le ciment n’a pas encore remplacé la pierre. Les champs d’orges sont verts. Il a plu lundi dernier. Un éperon rocheux est couronné d’une construction massive : un Agadir ? Une kasbah ? Cela ressemble à un château fort du Moyen-Age.
les cueilleuses de thym
Deux petites filles nous hèlent. Elles veulent un bonbon, un dirham, n’importe quoi…Nous, on veut une photo. Elles sont mignonnes avec leurs mitaines et leurs foulards. Je distribue des caramels. La petite avise le rouleau de « papier couisine » « Donne-moi un kleenex ! » On lui donne volontiers. De son nez coulent des chandelles. Elles posent un brin de thym sur le pare brise.
Des femmes sont occupées à la cueillette du thym. Elles utilisent une petite binette à main à manche court et sont complètement courbées. Elles ont fait d’énormes bottes qu’elles transportent dans des hottes de vannerie sur leur dos ou dans des tissus bleus en gros ballots. Quelque fois elles chargent des ânes complètement cachés sous leur chargement qui leur donne une silhouette d’éléphant. Elles marchent sur la route par groupe de 3 ou 4 et ont l’air très gai. Elles ne sont pas cachées par le haïk de Tafraout. Elles portent de longues robes colorées bleu roi, vertes parfois dorées. Leur visage est caché par un foulard noir ainsi que leurs cheveux. Pour se protéger du soleil, elles portent un chapeau de paille, une casquette ou un bonnet. Elles nous saluent gaiement. Avec leur visage caché, il est bien difficile d’estimer leur âge. S’agit-il d’écolières qui profitent de leur dimanche pour aider leurs parents ou de femmes ? Deux adolescentes boutonneuses en robes bleues portant des hottes nous arrêtent : « un bonbon, un dirham .. », l’une d’elles propose « Une photo, l’argent ! ». – « La photo d’abord ! » Je négocie. Elles se masquent. C’est une bonne idée, cela cachera les boutons ! Quand je descends de voiture, elles se poussent du coude. Mon jean fatigué les fait rire. Pourquoi ?
encore de petites cueilleuses
Nous essayons de furtives photos des caravanes du thym. A Tafraout il n’y avait aucun risque qu’une femme voilée de noir ne se retourne. Ici, elles ne sont pas effarouchées. Je remarque les chaussettes rouges et les gants rouges. Elles ont le goût des couleurs vives.
A plusieurs reprises, un animal bas sur pattes et à longue queue a traversé la route. Un écureuil ? Un furet ? Trop rapide pour qu’on le reconnaisse. La plus belle surprise de la journée, qui l’a : huit jolies gazelles avec le derrière blanc et des rayures sur les flancs. Tranquilles, elles s’éloignent lentement. Trop loin pour la photo. Assez près pour avoir le plaisir de les contempler.
Route de Taraoudant, agadir et terrasses
Nous laissons la route de Tata et d’Ouarzazate à Ighem. La montagne change à nouveau d’aspect. De gros boudins verticaux alignés comme d’énormes prismes volcaniques. Je reconnais une coulée, des bombes. La coulée sombre tranche sur la montagne claire. Ici, aussi, on cueille du thym. Que font-ils de tout ce thym ? Vont-ils le vendre au marché ? le donne-t- on comme fourrage aux bêtes ?
La route de Taroudant perd de l’altitude. A nouveau les arganiers et les chèvres dans les arbres !
La plaine du Sousse est embrumée de chaleur. Nous roulons entre des étendues sablonneuses, poussiéreuses ou des cultures sous plastique. La route d’Agadir à Ouarzazate traverse des localités sans charme. Nous arrivons à Taroudant par les beaux quartiers, maisons dans des jardins, banques, gendarmerie, constructions officielles.
Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits
maisons berbères
Expédition aux villages abandonnés
Nous passons la sieste sur les banquettes du salon de jardin. Je pars à la découverte des villages abandonnés. Par prudence, je me suis donné la consigne de rebrousser chemin au bout de ¾ d’heures ? La promenade est moins excitante que ce matin. Je marche sur des terrasses autrefois cultivées, toujours aplanies mais caillouteuses et plantées d’arganiers. Quelquefois, une pelouse verte, un bouquet de palmier, des fleurs qui semblent être des orchidées. J’arrive à un ravin. La descente est périlleuse. Il faut se méfier au premier chef des pierres qui roulent. Choisir mes appuis sur des rochers et des prises de main en évitant de me piquer aux épineux. Je progresse très lentement, m’asseyant souvent. Au creux du ravin, je ne suis pas au bout de mes peines. Des trous profonds ressemblent à des pièges. Une source captée
Tafraout motif berbère
. En face, le chemin est bon, entretenu par tous ceux, humains ou quadrupèdes qui viennent chercher de l’eau à la source. Je monte au village qui n’est pas du tout abandonné. Je découvre de beaux ornements berbères encadrant fenêtres et portes. Un homme et son âne construisent une route qui va à une maison restaurée. Sur une dizaine de mètre, des tiges métalliques pour couler du ciment armé. L’âne monte avec le ciment dans les paniers, il peine à remonter la côte. Je photographie l’âne avec ses grands yeux cerclés de blanc. Au retour, je contourne le ravin par de bons chemins.
Dominique m’interpelle :
–« connais-tu le miracle pour avoir de l’essence gratuite ? » – « ???? »
– « A la pompe, on ne prend ni Carte de Crédit, ni € et le guichet automatique de la banque est en panne. »
Les courses à Tafraout
Je ne connais pas la recette de l’essence gratuite mais dans ma ceinture j’ai 1400 dh, largement de quoi payer le plein et Yamina. Nous retournons à Tafraout avec Jacques . Le GAB est encore plus malade que tout à l’heure, il vient d’avaler la carte bleue d’un Marocain , qui devra revenir lundi. Je me garde bien d’essayer . L’expédition à Tafraout en compagnie de Jacques ne me déplait pas, la visite chez l’épicier et le boulanger m’amuse.
porte sculptée berbère
Dernière soirée chez Yamina
Yamina nous a préparé du couscous avec des navets, des courgettes et des carottes délicieuses. On l’accompagne de lait fermenté qu’on peut additionner d’huile d’argan. Je bois le kefir nature. La salade de bananes et de fraises est délicieuse. Nous terminons par un thé servi avec des petits fours. Yamina a revêtu une gandoura bleue nuit ornée d’arabesques elle a changé de foulard pour un noir noué savamment. J’apporte la mousseline turque pour qu’elle me le noue à la marocaine. Yamina est très grande (1,75m), très belle. Jacques nous a montré des photos d’elle voilée avec son haïk noir dont elle ne se sépare pas pour aller au village. A Agadir, elle s’habille à l’européenne. Je lui montre nos photos sur le petit écran de l’Olympus. Elle va chercher son assiette de couscous pour manger avec nous. Nous terminons une amicale soirée.
Atlantique, Anti-Atlas, Atlas et riads des 1001 nuits
maison berbère
La Maison Traditionnelle d’Oumesnat
Dernier épisode dans le Circuit des Ammelns : la « maison Traditionnelle » d’Oumesnat. On dépose la voiture dans le « centre moderne » devant l’épicerie et la Poste à l’enseigne flambant neuve (bureau invisible) – 2 portes métalliques aux motifs géométriques et colorés. La marche d’approche vers la « ville haute » est déjà pittoresque.
Salon de la maison traditionnelle
Le couple de touristes avec nous chez Yamina, est sur le pas de la porte avec un jeune homme en djellaba claire rayée au visage souriant et sympathique c’est Mustapha, le fils de la maison qui nous guidera. Au rez de chaussée, sur des marches, on a disposé des moulins au couvercle conique comme des plats à tagine, ce sont les moulins pour l’argan, les épices ou le café. Mustapha casse une noix d’argan, extraie l’amande et me la fait goûter : elle a le goût amer de l’amande de l’abricot.
Dans un recoin : la meule pour la farine, plus imposante que les femmes font tourner debout. Au fond les étables où peuvent aussi dormir l’âne et les poules. Suspendus, des outils, des poulies, une araire…
bouilloire en poterie
Quelques marches puis une rampe conduisent à l’étage. Le plafond est très haut : la cuisine bien éclairée par une fenêtre en hauteur. Joli décor d’ustensiles de cuisine en poterie, surtout une bouilloire très élégante. Dans un coin, une ouverture triangulaire : le vide-ordures communique avec l’étable. Les animaux mangent les épluchures et les restes. Sur le côté : la chambre des enfants. Il faut imaginer leur couchage, de la paille et des nattes. Les parents dorment à même le sol dans le couloir entre la cuisine et la chambre des enfants. Le feu de la cuisine servira de chauffage. Les nuits sont très fraîches en montagne. Le deuxième étage est celui des invités qui entrent par une porte spéciale. La maison étant adossée à la pente, on peut entrer à différents niveaux. Le salon des invités est recouvert de tapis berbères chatoyants. Une banquette court tout au long des murs sur trois côtés, dans un coin, des corans.
maisons et gourdes
Exode rural
Le maître de maison – aveugle – est allongé contre la banquette. Le vieil homme parle un français recherché et paraît tout à fait intelligent. Il veut faire connaissance avec ses visiteurs qu’il ne voit pas. Il me demande si je suis un de ces retraités qui parcourt le Maroc en Camping car. Si l’homme n’était pas non-voyant, je me serais vexée. Je vais enfin pouvoir vérifier ma théorie fumeuse de l’exode rural. Le monsieur abonde dans ce sens. La succession d’années de sécheresse a chassé les agriculteurs. D’après Jacques, il y a encore 15 ans on cultivait des légumes que les paysans apportaient au marché hebdomadaire. 70% des habitants du village sont des vieillards. Jacques confirme que ce phénomène est récent. Avant, seuls, les hommes partaient. Maintenant ils emmènent femmes et enfants à Casablanca ou plus loin, en Europe. Ils reviennent l’été dans ces énormes maisons où il y a des salles de bain, la télé et même des piscines. Cette émigration s’est accélérée récemment. Je lui raconte qu’à nos premiers voyages au Maroc nous avions vu des nuées d’enfants. Il n’y en a que très peu ici. Ce déclin de la vie rurale chagrine la touriste. Est-ce vraiment si triste ? De la même façon, je me suis attristée au Vietnam. Le décollage industriel est-il fondamentalement si mauvais ?
Ni à gauche, ni à droite, direct!
Mustapha m’explique comment rentrer à pied à Tandilt : -« Tu vois la mosquée, de là tu verras la mosquée blanche et de là la mosquée de Tandilt »
Cap donc sur les minarets ! Il me conduit sur la terrasse. De là part un sentier : – « Ni à droite, ni à gauche, direct : »
Suivant la consigne, ni à droite, ni à gauche, je traverse les maisons écroulées. Je me rends compte que sous mes pieds, il y a du vide. Je marche sur un plafond ruiné en train de s’effondrer. Ni à droite, ni à gauche, je me retrouve sur un énorme roc qui fait une falaise. Heureusement, je m’arrête à temps pour prendre la tangente. Le village après Oumesnat est rassemblé autour de la mosquée blanche éblouissante. Le sentier passe sous des maisons, en contourne d’autres. Cinq femmes sont assises dans un jardinet, sans voile, toutes très noires de peau, très africaines. Je les salue en français. Elles rigolent « berber !berber ! » L’une d’elles parle quand même un peu le français :
– « où est Monsieur ?
– Monsieur, voiture ! », Je brode. Pour être sûr d’être comprise, je mime comme un enfant qui conduit un volant imaginaire. Je continue
– « Monsieur voiture, madame marche, sac à dos ! » Je montre mon sac.
Monsieur voiture, madame marche chargée, c’est un thème qu’elles connaissent. Elles rigolent. Je ris avec elles. Moment de connivence avec les Ammelns pour une fois pas drapées dans le haïk noir. Je leur demande :
-« Yasmina et Jacques, tout droit ? »
Elles me font un signe de la main vers Tandilt.
maisons dans la montagne
J’avise une autre mosquée blanche. Cap sur le minaret !
En chemin, je franchis de nombreuses rigoles où court l’eau fraîche qui s’échappe de la montagne par des sources. Jamais, je n’aurais imaginé que ce roc minéral et aride serait aussi généreux en eau. C’est peut être le secret de cette vallée longue de 28km et peuplée de 27 villages. La présence de l’eau, la verdure luxuriante qui croît près des sources déclenchent mon enthousiasme. Je suis ravie de cette balade. Nous l’avions prévue sans ombre, les arganiers sont toujours là pour me l’offrir.
Le minaret blanc était mon but. Ce n’est pas du tout celui de la mosquée de Tandilt comme je le croyais. C’est une mosquée isolée, coincée dans l’anfractuosité de la roche. Je suis en pleine nature. Je n’ai plus de repère visible. Ni à droit, ni à gauche ?… je continue. Je marche sur des terrasses caillouteuses qui ne sont plus cultivées et ne portent plus que des arganiers. Petit serrement au niveau de l’estomac. E, si j’étais perdue ? Ce ne serait pas dramatique, j’ai mon téléphone mobile et le numéro de celui de Jacques. Je scrute les maisons dans la vallée sans rien reconnaître. Et puis, j’ai chaud. J’enlève ma polaire. Je rajuste mon foulard. Et j’avance. Ni à droite, ni à gauche, direct…
Une maison de pisé, basse, couverte de branchages, très bien entretenue avec un jardinet enfermé dans des murs couronnés d’épines. Les champs autour sont impeccablement labourés et ceints de murs hérissés de branchages secs et piquants. Il me faut les contourner au risque de perdre mon azimut.
Finalement, le minaret de Tandilt reconnaissable à son fin liseré beige, surgit derrière un épaulement. J’ai retrouvé mon repère. Derrière moi un aboiement hostile me surprend. Où est ce molosse qui m’attaque ? Je trouve d’instinct le bon geste. Plutôt que de fuir et de l’exciter, je prends mon temps, je choisis une énorme pierre. Cela suffit à calmer le chien. Les enfants savent très bien viser et atteindre les chiens avec leurs cailloux. Moi, j’en serais incapable. Mais l’animal ne le sait pas. Je continue ma promenade la pierre à la main, au cas où…
Je reconnais l’enclos, les bancs de ciment, le grand bassin rectangulaire. Me voici arrivée à Tandilt. Il est 13H30. J’ai mis 45 minutes, exactement ce que Mustapha avait prévu. Je suis fière de moi. Je prends une bonne douche. Yamina apporte deux petits plats de salade mélangée : haricots, tomates oignons, poivrons et une belle omelette baveuse. Surprise. Elle a ajouté une belle part de génoise au dessert.