La Figurante – Avraham B Yehoshua

LITTÉRATURE ISRAÉLIENNE

la figurante

Je me suis attachée à l’héroïne du roman : Noga, la harpiste, qui vient pour trois mois occuper l’appartement de son enfance à Jerusalem tandis que sa mère fait un essai dans une maison de retraite à Tel Aviv. L’univers de AB Yehoshua, m’est un peu familier, je suis ses romans toujours avec plaisir.

Plusieurs thèmes traversent le livre. La musique, bien sûr puisque le personnage principal est une musicienne. Jolie interprétation de la Mer de Debussy avec des variations inattendues, la musique comme exorcisme du tsunami, la mer/la mère…Evocation agréable de la vie d’un orchestre, la vie quotidienne, les déplacements, aussi les temps morts des interprètes d’instruments qui ne sont que rarement sollicités comme la harpe.

Le désir d’enfant ou le refus d’en porter joue un rôle croissant à mesure qu’on progresse dans la lecture. Noga, femme libre, la quarantaine, n’a jamais voulu avoir d’enfant. Au début cela paraît très simple, il s’avère que la question est plus complexe…

Le quartier où Noga a grandi, se « noircit » se peuple de plus en plus de juifs orthodoxes, la coexistence entre les laïques et les religieux est-elle impossible? Cette question se pose à Jérusalem. La réponse de la mère de Noga est d’une grande tolérance. Ses voisins orthodoxes sont finalement plus ouverts qu’on ne l’imagine.

Noga, pour meubler les trois mois sans activité, fait de la figuration dans des films. Les épisodes des tournages montrent le milieu du cinéma sans prétention artistique, sans égo des acteurs ni exigences des metteurs en scène. Parmi ses collègues-figurants, une amitié  pourrait  se nouer. Rien n’est vraiment important : Noga dans cette parenthèse provisoire est figurante dans les films tournés mais aussi dans sa vie.

 

Un cheval entre dans un bar – David Grossman

LITTÉRATURE ISRAÉLIENNE

grossman un cheval entre

Le titre un peu bizarre fait allusion à une blague (mauvaise) que Dovelé raconte dans son spectacle. Le roman relate un « stand up » dans une boîte de Netanya. Pas plus que le narrateur – Avishaï, un ancien juge, ami d’enfance de Dovelé – je ne prise ce genre de spectacle. Je suis entrée sans enthousiasme dans le récit.

Au début Dovelé, se pliant au genre, en fait des tonnes, interpelle des spectateurs, les provoque , gesticule, trépigne, gigote  sur le mode grivois, même vulgaire

« Dis-moi, poupée, ça te paraît normal? je suis là à me casser le cul à te faire marrer et tu envoies des textos »

Alors qu’il s’acharne sur une petite dame au maquillage trop rouge et à la coiffure un peu ridicule, il découvre (?) que cette dame était sa voisine du temps de son enfance

« tu es l’enfant qui marchait sur les mains »

« le public fasciné par ce qui se déroule devant lui : le tissu de la vie qui se métamorphose en une bonne blague »

Des blagues, c’est cela que le public vient chercher!

« merci d’être là, on va passer une soirée d’enfer! »

Et là, il en fait des tonnes, « Minute qui est resté à la maison pour cogner sur les Arabes? Comme cela, au débouté, vous venez rigoler avec nous, vos dédommagements pour l’évacuation des implantation, c’est maintenant! »

C’est trop! Dovelé continue sur cette veine démagogique et me met mal à l’aise. Heureusement que je connais Grossman et que je lui fait entière confiance! « Cela vous dit de boucher les puits palestiniens pour le petit déjeuner, braves gens? » le public le suit avec enthousiasme. Mais la bonne fée est lunatique « C’est nous qui allons chanter Biladi, biladi…« Le public cogne sur les table, siffle.

L’humoriste change de registre, il sait reconquérir son public, raconte des blagues. C’est ce que les spectateurs attendent….

Un stand up comme une psychanalyse. C’est aussi cela le spectacle : du sentiment, des émotions. Là encore, Dovelé en fait beaucoup. Il livre en pâture son enfance, son père, le coiffeur qui recyclait aussi des textiles, sa Maman qui a passé la Guerre cachée dans un wagon en Pologne….les berceuses en yiddish…Il en arrive à l’épisode le plus intime : son premier enterrement. Peut on faire rire avec un enterrement? Apparemment oui, même si c’est difficile et risqué. Le public suit encore « ap-plau-dis-sez la mort! » « Et presque toute « l’assistance hurle et bat des mains en rythme« .

La deuxième partie du livre prend une nouvelle tournure. On oublie le comique, le récit est poignant. Une partie de l’assistance déserte la salle. On suit l’enfant – « l’orphelin » – dans la camionnette qui l’emmène à l’enterrement  sans qu’il ne sache lequel de ses parents est décédé. Les blagues sont pathétiques. Pourquoi l’humoriste se livre-t-il ainsi?

J’ai préféré Une femme fuyant l’annonce qui est un livre magnifique mais Un cheval entre dans un bar m’a scotchée.

 

 

Judas – Amos Oz – l’éloge de la traîtrise?

LITTERATURE ISRAELIENNE

Judas
couverture de l’édition en portugais

Merci à Babelio et aux éditions Gallimard de m’avoir permis de lire en avant première Judas d’Amos Oz avec le plaisir de la la découverte!

Amos Oz est un auteur que je suis depuis longtemps. J’ai toujours plaisir à me plonger dans son univers. Judas se déroule à Jérusalem dans l’hiver 1959-1960. La ville est encore divisée. Le souvenir de La Guerre d’Indépendance et du siège de Jérusalem est encore présent.

Schmuel Asch est étudiant. Il rédige un mémoire sur Jésus dans la tradition juive. Son amie vient de le quitter, son père, de faire faillite. Il trouve un travail singulier : tenir compagnie à un septuagénaire infirme, Wald, quelques heures en soirée, lui faire la conversation, lui servir du thé… en l’échange du gîte et du couvert. Dans la maison règne Atalia, femme belle mais étrange, qui fascine Schmuel.

Schmuel est un garçon sensible mais véléitaire, maladroit, révolutionnaire, solitaire. J’ai mis du temps à m’attacher au personnage « révolutionnaire de pacotille, tout juste bon pour le café du commerce… » . Son histoire d’amour pour Atalia, plus âgée que lui, indépendante qui joue de son pouvoir de séduction, ne m’a pas intéressée. Ce genre d’histoire ne mène à rien, Wald l’avait prévenu dès le début.

Un des thèmes de ce roman est la perception de Jésus par les Juifs au cours des siècles et les rapports entre le christianisme et la judéité de Jésus. Controverses moyenâgeuses perverses auxquels les rabbins et érudits doivent se soumettre…

« Ce qui ne m’empêche pas de me demander ce que seraient devenus le monde et les Juifs s’ils n’avaient pas rejeté Jésus. Je n’arrête pas de penser à celui qui l’a livré à ses ennemis pour trente pièces d’argent. Cela vous paraît logique à vous?Judas était riche et possédait des terres à Kerioth, paraît-il. Trente pièces d’argent! Trois fois rien. Le prix moyen d’un esclave.

Le personnage de Judas : le traître, dans la tradition chrétienne, le Juif, lui paraît essentiel. Que Jésus soit juif ou pas, n’est pas le plus important dans le rejet des Juifs par les Chrétiens, c’est plutôt l’identification des Juifs à Judas, le traître. L’hypothèse de Schmuel est que Judas est au moins aussi important que Jésus dans la naissance de la nouvelle religion.

Ce serait lui qui aurait orchestré la crucifixion croyant  que le  miracle aurait lieu qui persuaderait toute l’assistance,  et tout Jérusalem, de la mission de Jésus. Judas aurait eu trop confiance. Plus que Jésus lui-même, qui ne voulait pas aller à Jérusalem.

En revanche, Shealtiel Abravanel, le père d’Atalia, est un personnage original et passionnant dont on découvre l’identité et les idées au cours du roman. Schmuel va mener l’enquête aux archives pour comprendre comment ce dirigeant sioniste a disparu de l’actualité à la veille de la résolution de l’ONU donnant naissance à l’Etat d’Israël. L’unanimité s’est faite autour de Ben Gourion pour la partition de la Palestine et la création d’un Etat juif. Unanimité sauf Shaltiel Abravanel contraint de démissionner. Abravanel, le traître, qui s’est cloîtré dans la maison où travaille Schmuel.

« Ils l’appelaient traître parce que, en 1947 et même en 1948, en pleine guerre d’indépendance, il ne démordait pas de l’idée que la décision de créer un Etat juif constituait une erreur tragique. »

Le thème du traître met en parallèle Judas et Shaltiel Abravanel. Encore faut-il définir la traîtrise!

« Il écouta Schmuel s’étendre sur le mot « traître » qu’il fallait plutôt interpréter comme un titre d’honneur. »

Traîtres, le Général de Gaulle, qui a donné l’indépendance aux Algériens? Le prophète Jérémie? Abraham Lincoln?, les officiers allemands qui tentèrent d’assassiner Hitler? Théodor Herzl fut accusé de traîtrise parce qu’il avait envisagé la création d’un Etat Juif hors de Palestine. Même Ben Gourion quand il accepta la partition du pays en deux états…..

Ce livre s’inscrit aussi dans une réflexion sur la création de l’Etat Juif, remet en causse une unanimité aussi bien dans la Communauté juive que dans le concert des nations à l’ONU en 1947-48.

Abravanel : « Après de longues années de discussions avec ses amis en Palestine et dans les pays voisins, il était parvenu à la conclusion que la principale préoccupation des Arabes tournait autour de la supériorité des juifs en matière de compétence, de technologie, d’ingéniosité et de motivation[….]d’après lui, il redoutait moins le petit embryon sioniste que le géant destructeur qu’il contenait en germe… »

Abravanel, qui se disait sioniste et qui avait travaillé dans les institutions sionistes du temps du Mandat britannique  en arrivait à une remise radicale de la notion d’Etat :

« Abravanel ne croyait pas à l’idée d’un état. Pas même binational. ni à une confédération judéo-arabe. Pour lui, un monde morcelé en une centaine de pays avec des postes-frontières, des barbelés, des passeports et des drapeaux, des armées et des monnaies différentes était une illusion archaïque, primitive, meurtrière, un anachronisme qui ferait long feu…. »

Les idées d’Abravanel, si décalées, si minoritaires, peuvent elles trouver un écho actuellement? Le roman qui se déroule il y a plus d’un demi-siècle, ne le dit pas.

Le dernier jour d’Yitzhak Rabin – Amos Gitaï

le dernier jour d'Yitzhak2h33, d’une enquête minutieuse avec images d’époque (images de caméras de surveillance  auxquelles nous nous sommes malheureusement habitués),  reconstitutions avec sang, et sirènes , auditions des témoins, interrogatoires répétitifs….archives de télévisions.

L’enquête ne cherche pas le coupable. Nous le connaissons, Yigal Amir ne nie pas le meurtre, il le revendique. Le faits, non plus, l’assassinat s’est fait devant foule de témoins.

L’enquête de la Commission officielle cherche à établir les défaillances du système de sécurité. Qui a été négligent? La police, les services secrets, la garde rapprochée, le chauffeur. Tous seront interrogés sous nos yeux. Le juge pointilleux lève des contradictions dans leurs discours, met en évidence des failles. Jamais le contexte politique ou religieux ne sera analysé. Ce n’est pas faute d’avoir été questionné par les témoins. La Commission n’enquêtera pas là-dessus. Ce n’est pas sa mission!

Et pourtant alors, comme maintenant, la question importante est celle-ci: qu’est-ce qui a permis et même légitimé aux yeux de certains l ‘assassinat de Rabin?

Comment la violence inouïe qui régnait alors dans la rue, avec appel au meurtre, cercueil promené publiquement, menaces ouvertes, n’avait-elle aucune part dans les causes de l’assassinat.

Violence y compris dans l’enceinte de la Knesset, où l’opposition ne laissait pas le Premier Ministre s’exprimer. Délégitimation du gouvernement démocratiquement élu. Analogie avec Pétain…appels à la résistance.

Violence de la colonisation

Condamnations religieuses,  malédictions d’un autre temps. Je n’aurais jamais imaginé qu’au XXème siècle une malédiction proférée par quelques barbus pût aboutir. Quoique au 21ème….Cela rend ce film encore plus nécessaire!

Non ce n’est pas un thriller comme la bande-annonce le suggère. Ce serait plutôt un opéra funèbre.

Amos Gitaï a construit le documentaire, il le dit lui-même,  comme un architecte. Ce n’est pas un documentaire-télé mais une oeuvre magistralement construite. En ouverture, une longue interview de Shimon Peres trouve son symétrique avec les mots de la fin de la veuve, Lea Rabin. Habilement entremêlées les images d’archives et la fiction, le sang qu’on ne voit jamais à la télévision, présent comme dans un film, qui heurte et nous choque. Lancinantes les phrases du juge. Les longueurs ne sont-elles pas voulues?

Ma première émotion a été de retrouver a voix de Rabin inoubliable.

Tsili – Aharon Appelfeld

LITTÉRATURE ISRAÉLIENNE 

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Dans le Garçon qui voulait dormir, les Partisans,et... Appelfeld puise dans son expérience personnelle, sa vie errante dans les forêts de Bucovine ou d’Ukraine au cours de la Seconde Guerre mondiale. Pas plus que dans les romans précédents, il n’écrit d’autobiographie. Il s’agit de fiction. Le témoignage est celui d’un romancier qui met en scène des personnages romanesques complexes avec leur histoire propre. Depuis que je suis cet auteur je n’ai aucune impression de répétition ou de redite. Bien sûr, le décor change peu : forêt, marais et montagne mais l’histoire est différente. Richesse de l’âme humaine et de cette humanité juive, finesse de l’observateur qui ne se limite pas aux archétypes et fait surgir des personnalités.

Tsili, fillette de 12 ans, peu éveillée, est peu douée alors que ses aînés cherchent à réussir socialement par une bonne éducation et des concours. La famille n’est pas pratiquante, un vieil homme l’ initie aux rudiments de la religion puisque l’école est pour elle un échec. Alors que la menace se précise pour les Juifs en 1942, on la laisse garder la maison tandis que le reste de la famille prend la fuite . 

Tsili

Livrée à elle- même Tsili découvrira seule les moyens de survie. Tantôt, elle sera sauvageonne dans la forêt, tantôt, elle sera servante de paysans à qui elle cachera ses origines juives.

Dans la forêt, elle rencontre Marek homme marié qui a fuit les camps. Une vie commune s’organise dans un abri qu’il a creusé. Un jour Marek descend de leur montagne :

« L’homme n’est pas une taupe, cette position couchée est déshonorante »

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Il ne remontera plus. Tsili porte un  enfant de lui. La guerre prend fin et Tsili rejoint les colonnes de réfugiés qui traversent l’Europe avant d’arriver à la mer où ils embarquent vers la Palestine. La fin du roman conte leur errance. Tsili est devenue une femme. 

J’aurais dû lire le livre avant d’aller voir le film d’Amos Gitaï qui n’est pas une adaptation du roman. Plutôt une illustration, une inspiration, comme la chorégraphie qui lui sert de prologue. Oeuvre minimaliste. Tsili est figurée d’abord comme sauvageonne puis comme errante. Amos Gitaï n’a rien retenu de la servante battue par les paysannes, ni de la mendiante, de celle qui troque des vêtements contre la nourriture. La bande sonore raconte plus que les images. Bruits de fusillades. Bruits de la forêt. Il faut également être attentif à la langue, alternance de yiddish et d’Allemand, russe aussi.

Tsili film d’Amos Gitaï

TOILES NOMADES

Tsili

Je suis une fan inconditionnelle d’Amos Gitaï et de Aharon Appenfeld qui a écrit le roman  Tsili. Il fallait donc que je voie le film. Mais peut être aurais-je dû lire le livre avant. J’aurais sans doute mieux suivi cette oeuvre a-typique. Amos Gitaï sait raconter une histoire en utilisant les canons du cinéma habituel. Il peut aussi produire une installation avec des vidéos comme celle dédiée à son père avec le documentaire Lullaby to my father qui m’avait beaucoup émue.

Le générique de Tsili est une chorégraphie, une jeune fille (Tsili?) danse sur fond noir en chemise de nuit blanche. Long plan-séquence. Je sais que ce ne sera pas un film d’action, plutôt un film contemplatif. Tsili vit dans les bois, dans ces forêts où étaient les Partisans  d’Appenfeld. Elle mange des baies, se fabrique un nid. Visuellement il ne se passe rien, en revanche la guerre est présente dans la bande sonore. C’est autant un film à écouter qu’à regarder.  Arrive un jeune homme, Marek, qui essaie de nouer un dialogue, offre du pain, leurs rapports sont très étranges. Scène de viol. Tsili ne veut pas. Très pénible pour moi. Succède une scène très tendre où les amants dorment dans un nid de branchages. Compliqué : Tsili est joué par deux actrices aux longs cheveux mais qui ne se ressemblent pas; Pourquoi? 

 

Une colonne de réfugiés marche vers la mer. La mer Noire ou la Méditerranée. Ils s’abritent sous un hangar.

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Puis suivent des images d’archives. Des enfants de diverses communautés d’Europe Centrale, prises avant la guerre. Très émouvantes.

Il faut que je lise le livre!

Lire la critique ICI

 

les partisans – Aharon Appelfeld

LITTÉRATURE ISRAÉLIENNE

les partisansJ’ai beaucoup aimé L’enfant qui voulait dormir, un peu moins Les eaux tumultueuses , je lis Aharon Appelfeld à chaque occasion qui se présente. Merci à Claudialucia de m’avoir fait découvrir Les partisans. Toutefois je ne m’étais pas attardée sur son billet pour garder l’effet de surprise. 

J’ai cherché la mention roman sur la couverture. Témoignage ou roman? C’est bien une fiction. L’auteur s’est inspiré de son expérience personnelle pour raconter cet épisode de la guerre, mais le narrateur- Edmund, un jeune homme terminant le lycée – est plus âgé que l’auteur-enfant. Appenfeld, même s’il a recours à l’imagination n’en demeure pas moins un grand témoin de la Shoah.

Quel est donc ce Pays de l’Eau qui a caché les partisans? Ukraine, Bucovine ou Moldavie? entre Prut et Dniestr, au bord des Carpates. Cette région était investie par les armées allemandes, partie du Shtetl les juifs vivaient aussi dans des villages, peuplés d’Ukrainiens empressés d’aider les nazis à éliminer les Juifs et de s’emparer de leurs maisons et leurs biens.

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Le groupe des partisans regroupe des personnalités variées, jeunes hommes mais aussi trois femmes et deux enfants, et même le chien Eduard qui retrouve son maître. la vieille Tsirel est la  gardienne des traditions, d’autres, comme Karl sont communistes et les rejettent, Isidore connait les prières sans avoir la foi, Kamil, le commandant se réfère au Baal Shem Tov et à Martin Buber, il se définit comme un anarchiste du judaïsme. Toutes les nuances de croyances sont représentées et si les prières deviennent omniprésentes vers la fin du livre, c’est qu’il faut enterrer convenablement les combattants morts dans la forêt.

On s’attendrait à des faits d’armes, et c’est de livres qu’il s’agit. Les partisans n’ont rien emporté avec eux, il leur faut réquisitionner armes, vêtements chauds et nourriture. Ces expéditions de ravitaillement auprès des paysans ukrainiens occupent la majeure partie du temps des partisans. La plus grande richesse rapportée d’une maison juive occupée par des paysans est justement le contenu18 d’une bibliothèque. Livres de philosophie et de religion mais aussi Crimes et Châtiments, ou poèmes de Heine. Importance des mots, choisir la bonne formule, le mot juste est la préoccupation majeure de Kamil qui lie étude et morale à l’action armée.

L’amour tient aussi une grande partie dans le récit, amour qui lie tous les partisans entre eux dans l’admiration pour Kamil, dans l’affection que tous portent aux enfants et à la vieille Tsirel. Amour dans les choses simples, comme la soupe et les plats délicieux que Tsila prépare pour tous.

Les partisans essaient d’arracher le plus de juifs aux trains de la mort qu’ils font dérailler. Ils doivent prendre en charge les rescapés. Après Stalingrad, les canons de l’Armée Rouge se rapprochent. Pourtant la libération n’est pas la fête attendue. Même aux abois les nazis s’acharnent contre les Juifs et la base des partisans est attaquée. La fin du livre qui devrait être joyeuse avec la fuite des Allemands est au contraire nostalgique : Kamil, Karl, Myriam et d’autres ont été abattus, les rescapés les quittent. La grande fraternité s’émiette.

Appelfeld montre la dimension collective sans oublier la complexité de chacun des personnages, personnalités diverses et histoires familiales différentes. Cela donne une grande densité à l’ouvrage.

 

 

 

la route de Beit Zera – Hubert Mingarelli

beit Zera

 

Aifelle m’a donné envie de le lire.

beit zera livre

J’ai eu envie de me perdre sur cette route de Beit Zera dont le nom me parlait,: un kibboutz près du Lac de Tibériade. Je n’ai retrouvé ni le Kibboutz ni le Lac. Aucun de mes souvenirs n’a pu  se rapprocher de l’atmosphère du livre. La forêt épaisse et mystérieuse avec ses cachettes et les pins elle-t-elle dans les parages?

Cependant, je n’ai pas regretté cette lecture. C’est une merveille de finesse et de délicatesse. Comment en rendre compte sans dévoiler son secret, sans en raconter l’intrigue et spoiler?

Un homme solitaire et plutôt silencieux, une chienne, un fils aux antipodes, un garçon arabe taiseux, un ami de longue date avec qui il partage des cuites et des souvenirs de jeunesse….

Une maison en bord de forêt, loin de toute agitation. un secret.

C’est une écriture sensible, délicate.

 

Rendez-vous à Atlit – film de Shirel Amitai

TOILES NOMADES 

atlitaffiche

Trois sœurs se retrouvent pour vendre la maison familiale. Complicités et rivalités. Trois sœurs aussi dissemblables que possibles. Darel, l’aînée est attachée à la maison, à Israël, Cali – celle du milieu –  a besoin d’argent pour acheter un appartement à Paris, Asia la benjamine part en Inde.  A la télévision, capricieuse, tous surveillent la manifestation pour la paix où Rabin est abattu.

A voir, comme un document historique, pour entendre la voix de Rabin et aussi l’hystérie de la droite israélienne, appels au meurtre.

Les actrices sont sympathiques surtout Geraldine Nakache qui déborde d’énergie et de révolte, la seule qui refuse le mythe familial qu’ « il n’y avait rien » quand la grand mère est arrivée à pied de Russie, la seule qui rencontre le petit arabe clandestin « des territoires » qui gaule l’olivier et voudrait squatter la maison. En revanche les apparitions des parents décédés burlesques qui interviennent à tout propos sont peu crédibles et parasitent le film plutôt qu’ils ne l’habitent.

Un film sympathique, pas un  chef d’oeuvre, mais doit-on uniquement visionner les chefs d’œuvres?

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Ronit MATALON : Le bruit de nos pas

LITTÉRATURE ISRAÉLIENNE

ronit matalon

J’ai découvert Ronit Matalon dans le livre de Benny Ziffer.

C’est l’histoire d’une famille de juifs égyptiens, près de Petah Tikva : la mère, Lucette (Levana), Sami, serrurier, le fils, Corinne la grande sœur mariée à Memel, la grand-mère, la Nonna Esther, et l’enfant, la narratrice dont on ne donne pas le prénom. Ils habitent une baraque à géométrie variable, dont la mère réorganise la distribution des pièces.

« pas un instant, elle ne cessait d’être la sentinelle de la baraque, de la vie qu’était la baraque »

Avec  acharnement,  la mère fait vivre la famille, essaie de fleurir le jardin de rosiers, cumule les emplois de femme de ménage, avec une énergie elle mène la famille presque avec violence, cassant de la vaisselle, » avec ses mains d’ouvrier, pas d’ouvrière ». Le père Maurice est absent, il fait des apparitions, puis disparait. C’est un personnage assez énigmatique. Leur parler mélange l’hébreu, l’arabe et le français. Famille atypique peu intégrée dans le moule israélien « bengourionniste ».

« Quelque chose d’énorme, dont la perte terrible, avait été perdu selon elle sur l’itinéraire de l’émigration »

La construction du roman en courts chapitres autour d’un sujet plus général est assez éclatée. Livre puzzle, livre kaléidoscope. Pas de chronologie. On a du mal à se repérer dans le temps comme dans l’espace. Quel âge a l’»Enfant », petite fille ou adolescente. Et le bébé de Corinne, on ne le voit pas grandir ? Peut être finalement le récit se déroule-t-il dans une période de temps réduite ? Un peu avant la Guerre des Six jours, un peu après. Et ce voyage en Egypte, s’est-il déroulé plus tard après le voyage de Sadate ? On n’en parle pas. Les absences de Maurice, le père, ont-elles duré des semaines ou des mois ?

Je suis perdue. J’ai eu du mal à entrer dans l’histoire. Je me suis carrément forcée pendant la moitié du livre. Puis on s’attache aux personnages. Celui de la Nonna aurait dû être plus développé. Celui du père – intellectuel -révolté – révolutionnaire – est intéressant. Il livre une critique

« il apportait les autres idées et disait : »on doit toujours écouter les autres idées, ne pas les accepter, mais écouter » et en disant « on doit » il regardait la mère… »

La critique de l’idéologie « bengourioniste » , du socialisme israélien ashkénaze est originale.

« Cette doctrine que j’appelle le bengourionisme n’est ni du capitalisme bourgeois, ni du socialisme ouvrier, elle n’est ni de droite ni de gauche, ni au centre ni extrémiste, elle est conformiste et fidèle aux idées d’un seul homme. Cet homme a été défini par le Pr Yeshayahou Leibovitz : « David Ben Gourion  est la catastrophe qui s’est abattue sur le peuple juif dès le jour de sa fondation » Nous savons que cette doctrine est ouvertement anti-séfarade dans les faits et dans les actes. Et, en tant que telle, néo-raciste, néo-antisémiste dans son esprit et ses objectifs »

La critique de Maurice  est aussi très forte en ce qui concerne la  politique vis-à-vis des Arabes :

« Ils montrent les soldats égyptiens en déroute qui s’enfuient pied nus sans leurs chaussures ; ils le montrent sans cesse et humilient le vaincu, ils ne pensent pas au lendemain, au jour où il faudra perler avec ceux qu’on a humiliés. Les dirigeants aussi. « 

Et là, il se fait rabrouer par Corinne et chasser de la baraque.

J’aurais tant voulu m’enthousiasmer par ce regard différent, être ravie d’avoir découvert une écrivaine israélienne. Je me suis intéressée. J’ai aimé suivre ces personnages mais j’ai peiné dans la lecture.