Kandinsky La Musique des Couleurs à la Philharmonie

Exposition temporaire jusqu’au 1er février 2026

..Composition

Avant tout, équipez vous de l’audioguide qui se déclenchera au moment opportun devant chaque œuvre! Mais une fois que j’ai eu l’audioguide et le smartphone dans l’autre main pour les photos, je n’ai pas pu prendre de notes comme à l’accoutumée. Je vais donc illustrer la B.O. !

La B.O.

• Richard Wagner, Prélude de l’opéra Lohengrin, 1850

le plus russe des œuvres présentées?

• We praise Thee (chant russe orthodoxe)

Toussaint

• Arnold Schönberg, Trois pièces pour piano opus 11. Mässige (modéré), 1909

Arnold Schoenberg

• Arnold Schönberg, Quatuor à cordes en fa dièse mineur opus 10. Mässig (modéré), 1907-1908

Le Concert avec le piano de Schoenberg

• Alexandre Scriabine, Poème de l’extase opus 54, 1907

• Modeste Moussorgski, Tableaux d’une exposition, 1874

• Johann Sebastian Bach/Anton Webern, Ricercata (Fugue à six voix), extrait de L’Offrande musicale BWV 1079, 1935

Fugue

• Hanns Eisler, 8 Klavierstücke opus 8, n° 7 andante, 1925

• Alban Berg, Concerto « À la mémoire d’un ange », 1935

..

 

La visite se déroule donc en musique. En plus des tableaux sont présentées aussi des études, des dessins, et de grandes animations en musique projetées sur de grands écrans, il semble qu’on voit le tableau se construire en rythme, des triangles, des cercles bougent, dansent, changent de place. Les Tableaux d’une expositions ont été mis en scène à Dessau à l’école du Bauhaus. Curieuse mise en abyme d’une exposition de peinture que Moussorgski met en musique et qui inspire Kandinsky pour une nouvelle mise en peinture, couleurs synesthésiques? formes dansantes? Architecture. Une autre projection XXL sur un écran : le Salon de musique (1931) conçu pour l’exposition d’architecture de Berlin . 

Composition X (1939) écoute : à la mémoire d’un ange – Alban Berg

Joséphine Baker – Catel&Boquet – Casterman écritures

« vous savez, mes amis, que je ne mens pas quand je vous raconte que je suis entrée dans les palaces de rois et de reines, dans les maisons des présidents. Et bien plus encore. mais je ne pouvais pas entrer dans un hôtel en Amérique et boire une tasse de café. Cela m’a rendue furieuse. »

Quand on a parlé de la panthéonisation de Joséphine Baker je ne la connaissais pas du tout . Cela évoquait « j’ai deux amours… », la ceinture de bananes, mais rien d’extraordinaire à mes yeux. J’ai découvert son rôle de résistante et cela me suffisait pour imaginer sa présence au Panthéon. 

Catel&Boquet m’ont fait découvrir Olympes de Gouges et, puis récemment, Anita Conti avec la même volonté de mettre le projecteur sur des femmes oubliées ou méconnues.

J’ai apprécié la construction de courts chapitres toujours bien situé, dans le temps et dans l’espace, retraçant la vie de l’héroïne. J’ai bien aimé le graphisme et surtout le soin dans le décor et l’architecture. La biographie est suivie de tout un appareil de notes : chronologie, fiches biographiques des personnages secondaires croisés dans la BD, bibliographie…

J’ai découvert l’enfance à Saint Louis, Missouri, misérable, certes, mais tellement musicale. Joséphine avait une personnalité bien marquée et dès le plus jeune âge, a manifesté son indépendance. Elle se marie à 13 ans pour devenir une femme, se fait remarquer dans les bars et théâtres par son physique, son don pour la danse, ses facéties et sa personnalité. Remariée à 16 ans, elle ne se soumet pas à ses maris et mène toujours sa carrière de vedette  jusqu’à Broadway où elle se fait remarquer par Caroline Dudley, épouse d’un diplomate français qui l’entraîne à Paris. Après les Ballets russes, les ballets suédois, le ballet mécanique qui mobilisent l’avant garde, elle a l’idée d’une Revue Négre en faisant venir des musiciens et danseurs américains. Sidney Bechet est avec elle sur le paquebot qui traverse l’Atlantique. 

En Europe, pas de ségrégation, Joséphine peut entrer dans tous les lieux à la mode. C’est pour elle, un véritable soulagement et elle en sera toujours reconnaissante à Paris. Elle connaît un véritable triomphe. Le lecteur a le plaisir de croiser au fil des pages tout le gratin, de Cocteau au Corbusier, Colette, Georges Simenon et tant d’autres.

Pendant la guerre, son engagement dans la Résistance la conduit en Afrique du nord, Maroc et Algérie et même dans la Corse nouvellement libérée où elle vit un crash aérien (sans conséquences)

Vedette internationale, elle enchaîne les spectacles et les tournées, les extravagances aussi. Elle retourne voir sa famille et retrouve la ségrégation. Elle aura toujours à cœur de lutter pour les Droits civiques des Noirs, cause dans les lieux publics huppés blancs des scandales et se voit même accusée de communisme. On la découvre auprès de Martin Luther King….

Son utopie famille arc-en-ciel composée de 11 enfants adoptés, d’origines, religions, couleurs différentes, dans son château des Milandes la mènera à la ruine financière. Mais c’est une autre histoire.

Notez que le livre a été publié en 2016 et  la panthéonisation date de 20 21.

Une belle collection de femmes illustres! je viens d’emprunter Kiki de Montparnasse que je vais découvrir.

Laisse aller ton serviteur – Simon Berger – Editions Corti

Bach à Arnstadt

Merci à Dominique et Keisha qui m’ont donné envie de lire ce livre précieux!

Précieux et rare, la Médiathèque ne l’a pas et il n’existe pas sous forme numérique. J’ai attendu de longs mois avant de le trouver.

111 pages à déguster lentement, lire et relire.

Hiver 1705. Johann Sebastian Bach a 20 ans. Il est l’organiste de la ville de Arnstadt donne quelques leçons de musique aux enfants des notables.

« Il était apprécié des fidèles. Il jouait son rôle avec ferveur et discrétion. jamais une note qui ne brillât d’un éclat feutré, d’un respect terrifié par la proximité du ciel. Il était apprécié, parce qu’il savait rester à sa place: il n’était en somme que le mécanicien du ciel, qu’un régisseur. Il avait ses tuyaux, et le pasteur avait son pain et son vin »

Un jour, par hasard il prend connaissance de trois cantates de Buxtehude et c’est une épiphanie. 

Bach était comme l’amoureux transi[…]Bach était transi de froid, car il venait de se découvrir un maître, mais la grandeur du maître n’était pas faite pour le réchauffer

la partition est incomplète, il lui faut la suite. Mais le Consistoire prudent ne souhaite pas diffuser cette musique scandaleuse, miraculeuse

Cette partition est miracle et preuve des miracles. Par elle je crois au miracle et à la vérité

Bach  demande un congé pour aller à Lübeck rencontrer Buxtehude. Il part à pied, avec la seule partition pour bagage…Voyage à pied comme un pèlerinage. Dans la neige, le froid de l’hiver.

Quand il rentrera à Arnstadt son jeu en sera transformé et ce ne sera pas du goût des paroissiens , dès 1707 on le pressa de quitter Arnstadt…

A lire, relire, sans modération. Et écouter Bach encore!

555 – Hélène Gestern

MUSIQUE

À quoi sert la musique, si ce n’est à être partagée ? Je ne connais rien qui égale sa capacité à reformuler nos
chagrins dans une langue supportable. Cet homme dévasté le savait aussi bien que moi. 

Depuis sa sortie (2022) je retourne à la Médiathèque chercher ce livre recommandé par France Musique et plusieurs blogueuses : l’avis de Dominique  de keisha Malheureusement jamais disponible. Je viens de le trouver en édition numérique. J’écris en écoutant le podcast des 555 sonates disponible sur Radio France : le lien ICI

Sur les 555 sonates de Scarlatti, sur la biographie du musicien, n’apprendrai pas de révélations ni d’analyse technique, ce n’est pas le propos. Ce n’est pas un traité de musicologie mais un roman à énigme.

Un roman choral où 5 narrateurs mêlent leur partition : le menuisier Grégoire Coblence qui découvre une partition ancienne dans la doublure de l’étui d’un violoncelle ancien, son associé Giancarlo Albizon, luthier reconnu, mais joueur et criblé de dettes, Manig Terzian, claveciniste qui a enregistré deux fois l’intégrale de 555 sonates, Joris de Jonghe richissime collectionneur belge, mélomane et Rodolphe Luzin-Farge musicologue, spécialiste de Scarlatti. Le lecteur va envisager le monde de la musique sous des aspects très divers : lutherie, interprétation, recherche dans les archives, promotion d’un disque, du programme d’un concert….La partition retrouvée ne serait-elle pas celle d’une 556ème sonate de Scarlatti.

Ces cinq personnages sont reliés par l’amour de Scarlatti. Chacun déploie des efforts considérables pour retrouver la partition  disparue dès le début du roman. Le luthier spécule sur la valeur marchande du manuscrit. Le musicologue pense lancer une ré- édition de sa biographie du musicien. La claveciniste imagine un concert prestigieux, le riche collectionneur lui offre l’enregistrement d’un disque….Pas vraiment un amour désintéressé de la musique. 

En creux, se dessinent d’autres personnages, des histoires d’amour et de deuil. Les 5 narrateurs gagnent en épaisseur. C’est le roman de l’amour de la musique, mais c’est aussi un roman d’amour

 

Je ne veux pas gâcher la plaisir du lecteur qui va se laisser emporter par le suspense. Enigme très bien conduite. A peine commencé je n’ai pas lâché le livre…

Dead man Walking – Jake Heggie – Metropolitan Opera New York

Non! je n’ai pas fait l’aller/retour Paris/New York en avion!

Le Cinéma du Palais de Créteil propose 4 retransmissions Opéra au Palais. Séances festives avec un coupe pétillante à l’entracte. L’an dernier un merveilleux Porgy and Bess et cette année une offre plus classique avec Nabucco, Carmen et La force du Destin. Dead Man Walking est un opéra américain contemporain de Jake Heggie et j’étais très curieuse d’élargir le répertoire et de sortir des œuvres jouées et rejouées. Le Met, un metteur en scène de renommée mondiale :  Ivo Van Hove sont garants d’un spectacle de qualité. 

Le sujet : la dénonciation de la Peine de Mort me tient à cœur, toute initiative en ce sens est à applaudir des deux mains, surtout aux Etats Unis où elle est encore appliquée. L’opéra de Jake Heggie y a été joué 150 fois! 

Je ne savais pas que Dead Man Walking était tiré d’un livre ni qu’un film (Lee Ermey 1995) été adapté du livre. Cette histoire de religieuse qui obtient la conversion in extremis d’un condamné à mort, ne m’a pas convaincue personnellement. J’ai trouvé bien américains, l’argumentation de la bonne sœur et les paroles des parents. Bien américain aussi l’avertissement que certaines images peuvent choquer : le viol et le meurtre filmés mais pas l’exécution. Cette dernière scène filmée longtemps avec une précision chirurgicale m’a paru insupportable. 

On va d’abord voir (et écouter) un opéra pour la musique. Je n’ai pas été  convaincue. En revanche, les performances des acteurs et des chanteurs : Ryan McKinny et Joyce Di Donato sont très bien. Mention spéciale à Soeur Rose Latoonia Moore qui apporte une touche de douceur et de gospel/ 

un week end percheron bien rempli : concert à Maison Maugis et fête des potiers à Moulin-la-Marche

BALADE PERCHERONNE

Le Château de Maison-Maugis

En été les évènements culturels, en Perche, sont nombreux. Théâtre, concerts…

Nous avons choisi, pour ce dernier samedi de juillet un concert en l’église  de Maison-Maugis : Le Trio Atanassov : Mozart, Ravel, Schubert et Dvorak. 

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Maison-Maugis se trouve dans une région très vallonnée et boisée dans la vallée de l’Huisne et de la petite rivière de la Commeauche. Après avoir quitté la route droite à Colonard-Corubert, la petite route qui tortille dans le bocage nous offre une belle promenade. Pour les concerts, il vaut mieux réserver à l’avance, l’église n’est pas grande et les places sont attribuées. 

le Trio en sol majeur de Mozart est bien sûr merveilleux. Mozart! tout est dit. 

Le Trio en la mineur de Ravel est composé de quatre mouvements très différents, j’ai bien aimé le premier sur un thème basque, thème du film de Claude Sautet Un cœur en hiver

le Pantoum aussi. Passacaille et le Final animé m’ont paru hétéroclites, allant en tout sens.

l’entracte m’a permis de découvrir les jardins du château accessibles par une porte dérobée dans le chœur de l’église.

le Notturno de Schubert m’a paru bien court, j’en aurai bien redemandé. J’ai aussi aimé le Dvorak Opus 26 

Quoique la fin a été un peu gâchée pour moi par l’appréhension du retour dans le noir dans les petites routes étroites, sinueuses et désertes. Une bonne heure pour parcourir les 29 km, un record de vitesse!

Le dimanche Fête des Potiers à Moulin-la-Marche aux confins de la Normandie. Après Mortagne nous cherchons la Sarthe qui est la frontière  du  Perche. 

la petite ville de Moulin-la-Marche est bien normande avec ses maisons de brique qui diffèrent de l’habitat percheron. La foire des potiers est au commet d’une motte castrale (les ruines ont disparu). Il règne une agréable animation. Une vingtaine d’artisans venus parfois d’aussi loin que la Vendée ou les Charentes présente des céramiques très diverses aussi bien formes, matières, couleurs et sujets. J’ai flashé sur des fleurs en porcelaine blanche

Convivialité : des cuisines improvisées proposent des saucisses-frites, des crêpes ou des pâtisseries. Comme les chaises manquent un peu, on fait connaissance, on se prête les sièges pendant la queue en attendant que d’autres se libèrent. Public très simple, local. Des gens du même village se retrouvent après des années et découvrent qu’ils ont été en primaire ensemble….très différent de l’assistance plus guindée, plus bourgeoise des concerts d’hier soir.

Des Lendemains qui chantent – Alexia Stresi

PRINTEMPS DES ARTISTES

D’Alexia Stresi, j‘avais bien aimé Looping, l’histoire  extraordinaire, presque un conte, de la petite paysanne qui devient grande dame. Surtout la visite dans les arcanes de la politique italienne du fascisme à la Démocratie chrétienne.  Récemment, j’ai entendu Alexia Stresi   sur un podcast de Musique émoi qui m’a donné envie de lire son roman . Le challenge Le Printemps des Artistes m’a fait sortir les Lendemains qui chantent de ma PAL. 

Lecture agréable : la vie d’un ténor Elio Leone, enfant abandonné, doué d’une voix extraordinaire qui a eu la chance de trouver les bonnes personnes, le directeur d’un orphelinat, un curé mélomane, et une professeur de rôles éminente qui a accompagné ses débuts à l’Opéra. Débuts fulgurants, Elio Leone est le ténor du siècle! Entre Caruso et Pavarotti. mais survient la guerre, Leone est prisonnier en Allemagne, à la Libération les soviétiques envoient les Italiens en Sibérie. A son retour à Paris, Elio a tout perdu, sa femme, son enfant, la professeur de rôle a été fusillée et le ténor se tait….il aura de nombreuses aventures mais il vous faudra lire le livre pour les découvrir.

Quand j’ai relu ce que j’avais écrit pour Looping : « une histoire extraordinaire, presque un conte.... » j’ai été surprise, je pourrais reprendre en copié/collé la critique pour Des Lendemains qui chantent. Je n’ai pas été convaincue, trop d’invraisemblances dans cette histoire romanesque, pas assez d’épaisseur dans le personnage principal. En revanche, je me suis intéressée au professeur de rôle j’ignorais cette profession. 

J’ai   aimé toutes les allusions à l’œuvre de Verdi – bande sonore de cette lecture qui s’ouvre avec Rigoletto, fait chanter les pêcheurs d’une île napolitaine avec le chœur de Nabucco… 

 

Ballaké Sissoko et ses invités à La Maison des Arts de Créteil

FESTIVAL AFRICOLOR 2021

Ballaké Sissoko  et ses invités (bis final)

L’an passé(2020) à la même époque, j’avais pris des billets pour le concert de Ballaké SissokoConfinement, annulation, session de rattrapage sur Internet à l’heure prévue. Lot de consolation, les concerts sur écran ne remplaceront jamais l’ambiance de la salle. J’ai donc repris mes tickets pour le concert du 03-12-2021 sans même regarder la programmation. 

Ballaké Sissoko et sa Kora aurait suffi à me combler. La Kora est un instrument fascinant : harpe-luth à 21 cordes que le musicien joue face à l’instrument posé sur un support, face au public. Les trois premiers morceaux ont résonné dans une atmosphère de récital, la salle juste éclairée d’une quinzaine de spots jaunes,  constellation d’étoiles. 

Balafon (Wikipédia)

Un balafon attendait, joué par Lansiné Kouyaté qui nous enchante par sa virtuosité. 

Le troisième invité est Badjé Tounkara qui a apporté une petite guitare au corps allongé et plein, le n’goni, un autre instrument traditionnel malien. 

Ballaké Sissoko

Le concert s’anime avec le groupe. Le public en revanche reste très sage, trop sage, je compare avec le concert d’Angelique Kidjo à Bonneuil avec des familles africaine et des enfants excités. A la MAC beaucoup de têtes blanches, public parisien.

Ballaké Sissoko nous présente « sa nièce » (nièce à la malienne) Hatoumata Sylla une très grande, très belle jeune chanteuse, habillée d’une somptueuse tenue rouge et or qui chante et danse. C’est elle qui parviendra à faire bouger les spectateurs qui timidement commenceront à taper des mains et à la fin se lèveront pour danser. 

Oxmo Puccimo tient le rôle du moderne griot, rap ou plutôt slam, il slam en français une composition originale écrite pour sa collaboration avec Ballaké Sissoko : « Frotter les mains » que Ballaké Sissoko accompagne à la kora. Il invite le public à frotter les mains. 

Pour le final, tous joueront et le public sera debout. Il est encore bien tôt. Ballaké Sissoko remarque qu’au Mali ils auraient joué toute la nuit jusqu’à l’aube….

 

Winterreise – Angelin Prejlocaj

VOYAGE D’HIVER A LA MAC

Nous l’avons longtemps attendu, ce spectacle programmé en novembre dernier!

Les lumières s’éteignent, le pianiste, James Vaughan,  descend dans la mini-fosse d’orchestre, puis le chanteur, Thomas Tazl, baryton basse,  arrive . Je suis surprise, nous avons l’habitude de voir de la danse contemporaine à la MAC, je n’avais pas imaginé que ce Voyage d’Hiver soit si authentiquement schubertien. Plaisir de la musique vivante !

Décor très sobre, 6 danseurs en justaucorps noir évoluent sur la scène recouverte de tas gris. De la neige noircie? des cendres? Les danseuses émergent des tas. Ce sont des confettis gris anthracite brillants qui sont du meilleur effet quand ils volent.

Le voyage d’hiver commence par ce départ mélancolique :

Gute Nacht

 

Étranger je suis arrivé,
Étranger je repars.
Le mois de mai
M’avait bercé de maints bouquets de fleurs.
La jeune fille parlait d’amour,
La mère même de mariage,
Aujourd’hui le monde est si gris,
Le chemin recouvert de neige.

De mon départ en voyage
Je ne peux choisir le moment,
Je dois moi-même trouver le chemin
En cette obscurité.
Une ombre lunaire me suit

Par chance, ce lied m’est familier. Mon allemand est si rouillé. Je reconnaîtrai plus tard le Tilleul  et bien plus tard Die Post illustré par des carrés de carton noir : les lettres que le voyageur brandit sur son cœur « mein Herz! mein Herz ». Je m’en veux, j’avais tout mon temps pour me documenter et lire les 24 poèmes de Wilhelm Müller. Je vous le recommande vivement, à moins que votre allemand permette une compréhension fluide. 

Douze danseurs en noir et blanc, technique parfaite de danseurs classiques, portés audacieux, figures en couple, à trois, à beaucoup plus. Calligraphie.

Prudemment arrive la couleur, maillots bruns, orangés, violine… trois grands soleils. Prejlocaj serait il plus optimiste que Schubert?

 les 24 lieder de Schubert composent une atmosphère intime que je voudrais partager dans ce voyage d’hiver. Qui est, en fait le voyage de la vie. Je l’imagine comme un jardin d’hiver, un lieu où l’hiver est présent, mais où les prémices des autres saisons le sont également. Un laboratoire expérimental de la vie. » Angelin Preljocaj

 

Rencontres avec deux artistes palestiniens au Macval : Taysir Batniji et Kamelya Jubran

Exposition temporaire de Taysir Batniji jusqu’au 9-01-2022 au Mac val de Vitry

hannoun (1972-2009) performance installation, photographie couleur, copeaux de crayon
Champ de coquelicot

QUELQUES BRIBES ARRACHEES AU VIDE QUI SE CREUSE

Je suis un très mauvais public pour l’art contemporain.

Si la visite n’avait pas été guidée en présence de Taysir Batniji et commentée par d’excellents conférenciers, je n’aurais sans doute rien compris et j’aurais été très déroutée par cette installation dont le thème est la disparition, l’effacement, l’arrachement, l’absence et l’exil.

Sans titre -1998 – valise sable;
le sable est un leitmotiv dans le travail de Taysir Batnijj
« ma patrie est une valise » Mahmoud Darwich

Dans le vaste espace que le Macval offre à cette monographie, je suis désorientée. Aux murs :  des cadres assez petits et à l’intérieur, des feuilles blanches, des aquarelles minimalistes, sur le mur du fond un grand tableau noir, dans un couloir des photos, au sol une valise pleine de sable, un pavage avec de vrais pavés, un empilement de savons…Des cartels avec du texte, nécessaires. 

Pères
photographies couleurs intérieur de boutiques à Gaza

Heureusement, une conférencière anime la visite. Elle nous conduit à la série de photographies en couleur « Pères« . Très belles photos de simples boutiques ou d’ateliers à Gaza. Entre les marchandises on voit les photographies de famille, les Pères, ainsi que les portraits de leaders politiques ou ceux des martyrs. Ces boutiques sont des lieux de socialisation, ces portraits accompagnent les clients et vendeurs, avec le temps ils jaunissent, puis disparaissent, effacés, arrachés….

aquarelle imitant les traces que les scotchs arrachés ont laissé sur le cadre : disparition de la photo!

Cette disparition des visages joue en « basse continue » dans l’œuvre du plasticien . Taysir joue avec cette disparition, peint à l’aquarelle, un arrachement imaginaire de photos qui ont disparu bien avant que l’oeuvre ne soit peinte. Sans l’intervention de la conférencière, je serais passée complètement à côté.

Les cadres semblant ne contenir que des feuilles blanches nécessite l’initiative du visiteur : si on s’approche, on pourrait deviner les traces en fine gravure des photos effacées d’une noce : celle de son frère. Mais il faut être prévenu pour venir les chercher d’assez près. De même  ce mur noir n’est pas vraiment noir : c’est un assemblage de portraits de martyrs de l’Intifada. C’est seulement les variations de l’éclairage qui font apparaître les visages.

Pour revenir à la « basse continue » qui accompagne la visite : les bombardements aériens sur Gaza qui pilonnent la ville. Toujours comme accompagnement la musique I will survive de Goria Gaynor, provenant d’une vidéo où Taysir s’est filmé dansant sur cette musique, qui se mêle aux bombes.

Un mur ressemble à s’y méprendre à la vitrine d’une agence immobilière avec  description des maisons qui ne sont pas à vendre, elles ont été bombardées et les destructions sont bien apparentes.

« On note la permanence de certains motifs, de certaines procédures plastiques. il y a des arrachements, des vides, des recouvrements, des réserves, des reconstitutions? Des simulacres? Du non fini, de l’inachèvement…. »

selon le livret de présentation

Une autre conférencière a préparé tout un topo sur l’exil, la disparition, citant Pérec et Hannah Arendt, Edward Saïd….je décroche un peu du commentaire très très intello. Intéressant, certes, pour découvrir par moi-même les oeuvres qui n’ont pas été commentées en détail.

L’oeuvre qui m’a le plus émue : ces toiles de peintres ligotées, roulées, rouillées maculées de la trace de la clé de la maison de ceux qui en ont été chassés et qui la conservent précieusement.

Taysir Batniji assis derrière les toiles roulées. Au fond le simulacre de vitrine d’agence immobilière

Cette exposition qui paraît très conceptuelle, difficile à aborder a été un moment très émotionnellement chargé du fait de la présence de l’artiste d’une grande simplicité et gentillesse.

Le concert de Kamelya Joubran s’inscrit dans la suite de l’exposition; La chanteuse palestinienne oudiste, a une démarche similaire à celle du plasticien : 

Kamilya Jubran et Werner Hasler

 

J’aime l’oud et la musique arabe même si je ne comprends pas les paroles . Kamilya Jubran présentait son nouveau spectacle Wa. J’ai du mal à caractériser cette musique : jazz arabe? jazz électronique. Werner Hasler joue de la trompette mais surtout du clavier électronique. j’ai été un peu désarçonnée par l’électro. 

Sur l’appli RadioFrance j’ai trouvé deux podcasts Dans la discothèque d’Ocora et En sol majeur (RFI) Taysir Batniji