Musée de Céret – collections permanentes

CARNET CATALAN

Céret vue de la route des évadés

Matin nuageux, occasion pour retourner au Musée de Céret  pour les collections permanentes que j’ai négligées. Dominique me monte en haut de Céret vers 9h30. Trop tôt pour le Musée. Je monte vers Fonfrède sur la route qui domine du village. De jolies maisons entourées de cerisiers surplombent le village. Les voilà les cerises de Céret !

Céret : fontaine des neuf jets

Je fais une pause pour admirer le panorama : au premier plan, des cerisiers au plus beau de leur floraison, se détachant sur une herbe vert vif. Sur un épaulement à droite, une grande bâtisse est accompagnée de trois cyprès élancés. D’autres cyprès se détachent sur la pente. Dans le creux, se blottissent les maisons de Céret. Le centre du village est couronné de la ramure des hauts platanes, au centre on distingue l’église. A l’arrière de Céret tout un amas de toits rouges neufs des quartiers périphériques qui colonisent la vallée du Tech. A l’horizon les lignes de crêtes des Corbières. Les flancs des collines sont boisés de chênes, les mimosas font des taches jaune vif.

En descendant, au-dessus d’une fontaine, à la fourche de deux routes qui montent, un panneau avec la reproduction d’un tableau de Braque signale l’atelier de Picasso et de Braque dans une bâtisse de 3 étages aux grands volets bleuissant, dont la peinture délavée doit dater du séjour des deux artistes. La porte est encadrée par deux colonnes.

J’arrive sur une place biscornue, polygonale, bordée de restaurants et ombragée de trois vieux platanes entourés de bancs de pierre, il y en a d’autres plus jeunes. Au centre, une fontaine octogonale de marbre blanc : la fontaine des neuf jets fut construite en 1333 sous le règne du roi  de Majorque Sanç I, cette fontaine fut le symbole de ce territoire marqué par les révoltes ; Ferdinand d’Aragon la fit coiffer du lion de Castille. Après l’annexion par la France on a écrit « Venite Ceretens, leo factus gallus » (le lion s’est fait coq). Sur cette place furent étudiés les termes du Traité des Pyrénées.

Une ruelle d’à peine 1 m de large conduit à la place de l’église de forme encore plus bizarre l’arrondi est souligné par deux rangs de bancs de briques. Trois oliviers remplissent le coin. L’extérieur de l’église est très sobre, sauf un porche majestueux en marbre de Céret. En revanche le toit semble soutenu par des contreforts couverts de tuiles sur le dessus.

Musée d’Art Moderne de Céret

Herbin : les ponts de Céret

Les collections permanentes occupent une partie du rez de chaussée. Quand j’arrive une conférencière raconte la vie de Soutine à Paris avec Modigliani de façon très précaire. C’est une visite guidée « privée » quand je demande la permission d’écouter on me renvoie à la billetterie acheter un autre ticket (3.5€).

Soutine (musée de l’Orangerie)

Chaïm Soutine arrive donc à Céret après avoir rencontré le marchand de tableau Zborowski qui lui alloue 5 F par jour. Il y restera 3 ans et peindra 200 tableaux. Mais il s’intègre mal à Céret, les habitants parle de lui comme du peintre « sale » (il se promenait en bleu de travail taché de peinture). Sa peinture expressionniste, colorée présente des distorsions. Ses paysages sont déformés, brisés, les maisons sont penchées. Cette déstructuration témoignerait de l’expression de la colère de Soutine. Il rentre à Paris en 1923, Barnes lui achète toutes ses œuvres qu’il rachètera par la suite pour les détruire.

Kremegne
Kremegne

Pinkus Kremegne était un ami de Soutine, originaire comme lui de Vilnius, comme Soutine envoyé à Céret sur le conseil d’un marchand de tableaux, peintre expressionniste. Il peint des paysages colorés. Héritier de Van Gogh pour le liseré noir et de Cézanne pour la composition en trois parties. Contrairement à Soutine, Kremegne s’est bien intégré à Céret, il y a installé son atelier  et y est mort. Il a également peint des aquarelles joyeuses et colorées.

Herbin : la porteuse de linge

Auguste Herbin a une facture cubiste mais ses tableaux restent très figuratifs. La conférencière nous montre le Paysage de Céret.  Le paysage est très géométrique mais tout à fait reconnaissable. On reconnait les arches du pont sur le Tech. Au-delà du pont on voit bien le Canigou. Mais la montagne subit des changements de couleur, comme il se produit dans la journée, blanc, rose et bleu selon l’heure.On identifie aussi très bien les arbres dans le tableau des trois arbres.

Le troisième tableau de l’artiste est plus énigmatique surtout quand on na pas lu le titre. On imagine une silhouette, mais ce pourrait être aussi une machine avec des engrenages. Herbin affectionne particulièrement les cercles dans ses constructions géométriques. La conférencière nous aide en montrant l’arrondi d’une épaule, un bras, une main (l’avant-bras a disparu). C’est donc une femme : La porteuse de linge catalane, on devine maintenant le linge, les chemises sont même disposées verticalement le long de sa jupe, les cols se voient bien. Le pointillé rappelle le liège, produit dans la région. La culture inspire le peintre comme nombreux artistes de Céret.

Herbin aspirait à un art total. Il avait inventé un alphabet plastique, attribuant à chaque lettre une couleur. Certains tableaux pouvaient être joués en musique. Cela me rappelle le livre Alham de Marc Trévedic que j’ai lu récemment.

Manolo

Manolo est arrivé en 1910 à 38 ans. Alors, le maitre de la sculpture était Rodin. Manolo et Maillol vont simplifier les formes, les épurer et s’inspirer de la culture locale : le Toréador (sur la place près des Arènes), un modèle réduit se trouve dans la vitrine avec des paysannes catalanes, avec leur fichu et leur châle traditionnel.

Edouard Pignon : la remmailleuse de filets

Dufy est arrivé en 1941 à Perpignan il était venu dans la région pour soigner son arthrose. Ayant du mal à se déplacer, il a peint des intérieurs et des vues d’atelier. C’est amusant pour moi de retrouver son atelier de Perpignan dont j’avais vu des représentations au Musée Hyacinthe Rigaud, et placé sur un chevalet la toile du cargo noir, vue elle aussi au Musée Rigaud. Parfaite synthèse de ces deux visites.

Comme Dufy, Chagall est inclassable. Il est venu à Céret entre 1927 et 1929. Il y a peint les illustrations des fables de La Fontaine commandées par Ambroise Vollard. Deux tableaux sont accrochés : La Guerre 1943 et les Gens du voyage 1968.

Chagall : la Guerre

Dans la Guerre l’atmosphère  est oppressante, on a l’impression que la Guerre a tout chamboulé, la moitié des maisons du village russe (Vitebsk ?) sont la tête en bas, ou plutôt le toit en bas. Un homme git les bras en croix. Que transportent les charrettes ?  Une femme à la chevelure rouge s’élève, on pense qu’elle est morte, triste assomption. Dans un coin, Chagall s’est représenté en juif errant avec son baluchon de fuyard.

Chagall : les gens du voyage

Les gens du voyage traduisent au contraire un moment joyeux. Marc Chagall et Valentine se marient. Une troupe de Tsigane font un spectacle de jongleur, d’équilibriste. Les spectateurs du cirque sont représentés sur des gradins clairs. Dans un coin un orchestre fait de la musique. On reconnait un violon. Oiseaux et poisson sont de grande taille. Dans le ventre du poisson bleu qui survole la scène est allongé le couple de mariés. Trois bouquets de fleurs, trois lunes, des chevaux….Une femme a deux visages, il s’agit de Bela, la première épouse de Chagall décédée.

Dans la même salle, la conférencière n’a pas le temps de commenter les deux tableaux de Catalanes d’Edouard Pignon  qui a séjourné à Collioure : la remailleuse de filet attend son mari, pêcheur d’anchois, l’autre catalane est une paysanne.

Picasso coupelle de tauromachie

« Le chef d’œuvre du Musée » selon la guide est la collection des coupelles de tauromachie de Picasso qui revient à Céret en 1953 et peint une série de 30 coupelles en 6 jours seulement. Comme il lui est impossible de retourner dans l’Espagne franquiste, il va dans le midi assister à des corridas. Les 29 coupelles (une a disparu) sont présentées par ordre chronologiques. Elles sont peintes avec des argiles blanche, brunes, noire. Le jaune arrive ensuite. Le soleil se mue en œil….

J’ai vraiment eu une chance folle de rencontrer cette conférencière. Sans son analyse j’aurais beaucoup perdu. Comme j’aimerais être capable de rester un long moment devant un tableau et d’en analyser les éléments !

Temps gris et doux, les nuages ne nous empêchent pas de déjeuner sur la table dehors. Sardines grillées et pommes de terre.

Vers l’Espagne! Figueres et le Musée Dali

CARNET CATALAN

Théâtre-Musée Dali

Au Boulou on monte sur l’autoroute, 070€ jusqu’à la Frontière. Les sommets sont saupoudrés de la neige d’hier soir. Les chênes-liège recouvrent les pentes, rien ne distingue le versant espagnol de la France, vu de l’autoroute. On arrive très facilement au musée Dali à Figueres.

Théâtre-Musée Dali

Au centre de Figueres, près de l’église, le Musée est installé dans les murs de l’ancien théâtre municipal du 19ème siècle, détruit pendant la Guerre Civile. Du parking, on découvre d’abord les murs rouges piquetés de motifs-rosettes jaunes, surmontés de gros œufs, une coupole à facettes de verre domine le bâtiment. A première vue, cette construction délirante n’évoque pas le théâtre.

Théâtre Musée Dali :

La billetterie se trouve sur la façade de l’ancien théâtre, mais je n’y fais pas attention, pressée de rentrer avant la foule. Au moins trois groupes rentrent, des adolescents surtout. On se presse dans les couloirs ornés par des dessins à l’encre (ou des gravures) sous verre. Difficile de détailler ces dessins, mais ils semblent avoir une certaine parenté avec les graffitis de Ponç que j’ai vu vendredi à Céret.

Théâtre Musée Dali : patio

L’installation du patio est tout à fait spectaculaire. C’est là que je découvre le » Théâtre », ressemblant aux ruines d’un théâtre antique : hémicycle de pierre et briques avec des fenêtres : loges peut être ?  Les décors sont tout à fait étranges. De haut en bas : une rangée d’éviers blancs, je n’avais pas compris que c’était des éviers, une conférencière d’un groupe les fait observer aux adolescents, elle hasarde l’hypothèse que ces éviers seraient des anges. Dans les fenêtres des femmes lisses dorées font des mouvements de danse. Des sculptures composites avec des têtes grimaçantes, des crânes de bovins, des tiroirs, selon la même guide, ces tiroirs seraient très importants dévoilant les pensées. Il faut interpréter cette installation d’après l’inconscient.

Théâtre musée Dali : groupe de pêcheurs

Du lierre dégouline de rocailles. Des pots blancs translucides, albâtre ou résines portent des fleurs.  En dessous, des bancs alternent avec des sculptures de céramique représentant des groupes de pêcheurs, de vignerons, de paysans portant leurs outils ou leurs récoltes.

Dali pation du théâtre-musée : rocaille

Au premier coup d’œil, ces hommes regroupés regardant tous du même côté évoquent plutôt des soldats. Ils poussent parfois une roulotte, cela fait penser à un canon. Au sol, des petits massifs de buissons taillés encadrent une Cadillac, là encore la conférencière soulève un lièvre et met en évidence quelque chose que je n’avais pas remarqué : la Cadillac est habitée par des figures de cire. Il pleut à l’intérieur de la voiture ! Sur le capot une femme plantureuse coiffée d’un panache.

Le taxi pluvieux : la Cadillac de Gala

Une colonne faite de pneus de tracteurs empilés soutient une barque jaune dont le fond dégouline de gouttes énormes bleues. Cette barque nous laisse imaginer que la barque flotte à la surface de l’eau et que nous nous trouvons dans le fond de la mer.

Dali : la barque dégoulinante

On peut aussi imaginer le mélange des cultures, culture américaine avec la Cadillac, culture antique avec une statue grecque, la colonne serait la colonne Trajan. Si on pouvait rester plus longtemps on trouverait sans doute d’autres analogies, d’autres interprétations, allusions à l’inconscient de l’installation surréaliste.

théâtre musée dali : mur de scène

L’hémicycle est fermé d’une haute vitre : « mur de scène » en verre abritant un autre hémicycle plus petit et couvert de la coupole de verre à facettes. En face du patio, sous la coupole, un autre théâtre symétrique quoique plus petit. Mur de Scène : toile en fond du décor de la pièce qui se joue ? Un énorme portrait du buste de Gala nue, (c’est écrit Gala Salvador Dali)  sans visage, à la place du cœur, un arbre, peut être ses artères coronaires. Si nous sommes sur la scène du théâtre pourquoi ces arcades ? ces petits personnages de plâtre ?  Sur le bord de la scènes, deux installations : un crucifix avec le Christ qui a fondu sur la croix au-dessus de l’autel, et un piano englué dans du plâtre sous une Vierge de plâtre,

mur de scène : Gala

Une salle d’exposition présente des tableaux de 1921 à 1947. Les tableaux les plus anciens ne correspondent pas à l’idée que je me faisais des peintures de Dali. Une Vénus qui sourit (1921)est une véritable  peinture fauviste, colorée avec de petites taches, entre Seurat et Derain. La Composition Satirique,(1923) presque un Matisse, sauf que deux voyeurs, l’un nu l’autre habillé avec un chapeau melon ont ce « regard satirique », Maniqui de Barcelona (1926), femme mannequin sur fond noir, plusieurs silhouettes colorées sont emboîtées, presque cubiste.

Maniqui de Barcelona

1928, composition surréaliste ressemble plus à ce qu’on attendrait de Dali, 1931 le chemin de l’engin montre des sacs répartis selon des lignes de perspectives, d’un sac s’échappent des pièces d’or, d’un autre de l’eau ou de la farine, ces sac bien ficelés ressemblent à des pommes de terre.

Je n’ai pas du tout aimé le cheval joyeux. L’oiseau en état de putréfaction(1928) est surprenant ; J’ai aimé les deux portraits qui se font face un autoportrait de 1941 et le portrait de Picasso(1947).

Portrait de Picasso
portrait de Picasso

Une autre salle donnant sur la scène est tendue et moquettée de rouge, elle eest ornée de tableaux plus figuratifs et plus académiques montrant que Dali sait tout peindre, du portrait à la nature morte. Il sait aussi peindre à la manière cubiste de Picasso ou de Braque. Deux tout petis tableaux se font face, une fiancée et en face le spectre du sexe appeal, presque un travail de miniaturiste, très surréaliste traduisant une idée infirme de la sexualité.

Violettes impériales

Une salle entière est consacrée à un seul tableau : Violettes Impériales (1938)En 1938, la famille de Dali fuit la Guerre Civile .

Violettes impériales, comme le titre ne l’indique pas du tout est un grand tableau sombre, dans les bruns aux montagnes noirâtres, à la mer gris de plomb. Un homme entraîne un enfant. Une maison de pêcheur se détache devant un bateau est réduit à l’état de carcasse squelettique. Sur la plage un rectangle clair figure une table servie : dans l’assiette un téléphone, à côté trois sardines grillées.

Selon le commentaire, » violettes impériales souligne le fait que ees grandes puissance pourtant dotées de technologies de la communication n’ont pas su ou n’ont pas souhaiter en faire usage cf le téléphone »

Dali d’or caducée

A ce tableau sombre et politique succèdent une collection de joyaux Dali D’Or : cigogne porte-portrait, porte cigarette en or, miroir, pendentifs, caducées mêlant l’or et les cristaux au fond de la pièce, une inscription comme une pierre tombale.

Fresque au plafond du foyer

Un pigeon monstrueux garde l’escalier, dans sa poitrine une vitrine laisse voir un masque d’un personnage asiatique, chinois peut être portant une couronne de brillants et de verroterie. A l’étage je découvre le vrai foyer d’un théâtre avec ses moulures, ses stucs, un parquet, mais comme nous sommes chez Dali, il y a des sculptures bizarres mais surtout un incroyable plafond peint ; la lumière éblouissante du soleil sort d’une lucarne carrée que soutiennent deux atlantes dont on ne voit que les pieds énormes. Des personnages minuscules forment une scène surréaliste (encore) avec des roues cassées, roues du temps ? Dans la pièce voisine se trouve le fameux tableau des montres molles, énorme magnifique ; mais Dali a montré qu’il savait faire autre chose que des montres molles. Il est au-dessus d’un lit, que vient faire un lit dans un théâtre ? Ces montres molles nous disent que le temps n’existe pas.

montres molles

Illusions d’optique dans le couloir, une croix en miroir destructurée, des miroirs déformants.

Mae West
Mae West

Une Mise en scène funèbre se déroule dans une salle noire ou sur un plancher arrondi trône ce qu’on prend d’abord pour un canapé. Remarquant un nez géant aux narines éclairées je découvre que le « canapé » est une bouche, il ne me reste plus qu’à chercher les yeux, tableaux noirs et blancs « pixellisés » où l’on reconnait la Tour Eiffel dans l’un, rien de spécial dans le second. La foule fait al queue pour monter sur un escalier sous un dromadaire et regarder l’ensemble de l’installation dans une lentille : un visage apparaît comme on l’avait deviné !

le spectre du sex-Appeal

A l’étage supérieur on peut voir la collection de tableaux d’autres peintres de Dali.

Il est midi, c’est la sortie de la Messe, en un clin d’œil la place s’est remplie ; Des familles sortent de l’église qui avec des branches de lauriers (c’est le dimanche des Rameaux) qui avec des palmes très joliment tressées. J’aurais aimé les prendre en photo mais elles sont dans les mains des enfants et je n’ose pas demander la permission aux parents. J’ai une mission : trouver un déjeuner chaud, en l’occurrence des croquettes au jambon à emporter que j’achète dans un restaurant très chic l’Impérial.

Joan Ponç : Diabolo au Musée de Céret

CARNET CATALAN

Joan Ponç au Musée d’Art Moderne de Céret : Diabolo

Exposition temporaire du 3 mars 2018 au 27 mai 2018

Ponç

Joan Ponç (1928 Barcelone– 1984 Saint Paul de Vence)

Diabolo : Démon ou Jeu d’adresse ? L’exposition répond : « Allusion au sens ludique de Joan Ponç jouant avec l’ambivalence que le nom d’acrobatie chinoise entretient avec le diable ».

Dans la vidéo présentée en introduction, un ami du peintre catalan raconte que Ponç aurait entretenu une conversation à Sao Paolo avec un homme prétendant être le diable.

La première salle confirme plutôt l’hypothèse démoniaque en montrant ses premiers tableaux des années 40 :

1940 – 1948 : Présages, délires,  hallucinations, avec des influences du totémisme africain ou du hiératisme des œuvres romanes et des enluminures. La plupart de ces « suites » sont des œuvres sur papier, encres et gouaches. (sous-verres j’ai eu du mal avec les reflets pour les photos). Des œuvres plus anciennes « dessins pourris » ou serviettes ressemblent à des dessins d’enfant ou à des graffitis mais quand on prend le mal de les observer on constate que le dessin est très soigné et précis.

1948-1952 : Oracles, exorcismes, magisme démonisme. Une série de grands tableaux, huiles sur toile, à fonds très sombres présentent des personnages étranges, arlequins et jongleurs aux noms bizarres « Fanafana » ou » Barracha »(pour ce dernier c’est peut être moins bizarre en catalan ou espagnol).

Ponç

1953-1962 : Joan Ponç part pour le Brésil sur les recommandations de Miro

Des tableaux « suite instruments de torture » et une nature morte aux aiguilles montre des tableaux plus dépouillés, peu colorés, caractérisés par des pointes agressives, assez effrayants que j’ai beaucoup moins aimés.

Une salle est titrée : « Mais que crient donc ces visages que je ne  peux entendre tant ils crient fort »

Ponç visage

En face d’une photo de l’artiste coiffé d’un chapeau d’Arlequin 5 tableaux sur le même modèle : visages à l’horizontale et chapeau pointu et en face une « suite oiseaux » au becs pointus répondent au chapeau d’Arlequin

Ponç en arlequin

1963 – 1967 : Retour du Brésil : paysages nocturnes où domine le bleu

Ponç tableau bleu

1968 – 1969 : Géométries de l’Être : dans son atelier l’artiste est accompagné du portrait d’Einstein et de la formule E = mc2. Ces tableaux géométriques dépouillés avec des volumes et dégradés de couleur m’ont moins intéressée. De même que Iridescence montrant des fragments de corps humain, oreille, organes en dégradé de couleurs.

Ponç

1974 -1979 :  Fonds de l’Être je retrouve les tableaux avec des dessins précis et fantastiques que j’avais aimés au début de l’exposition, Arlequin, les diables, des cyclistes infernaux…. »l’artiste devient narrateur des rêves qui montrent la misère humaine […] comme en son temps Hiéronymus Bosch ou Breughel l’ancien » ai-je copié dans le commentaire.

1980 – 1984 : Collioure, Céret, Saint Paul de Vence :  sur des fonds encore sombres il peint des paysages, des hommages à Cézanne.

 

Le Céret des artistes –

CARNET CATALAN

Céret les arcades

Céret, sous le soleil me donne des envies de photos. Le tronc blanc des platanes, leurs fines branches dressées accompagnent les maisons multicolores des rues anciennes.

Manolo :la Catalane assise

La Catalane assise de Manolo est dans un petit carré planté à l’écart derrière la Mairie. Les Arcades, ancienne Porte D’Espagne sont éclairées par le soleil.

La fontaine de la Sardane

Sur la Place Pablo Picasso, la Fontaine Sardane de la Paix, capte mon attention un bon moment. C’est un monument de céramique complexe. Une montagne cubiste, comme une gemme complexe présente des cristaux à multiples facettes, bleu vert à reflets dorés. De deux trous circulaires deux jets puissants s’échappent tandis qu’à la base de la « montagne » une fente horizontale laisse passer l’eau comme une source. Le bassin émeraude est ceint d’une margelle de céramique avec un tube creux comme un serpent à tête d’oiseau où coule encore un filet d’eau. Le serpent porte des décors et de petits personnages. Le bord vertical est très décoré et coloré avec des personnages, des coquillages, des lettres grecques, et plusieurs fois « ombre » et « imagination ». sur le bassin, tranche un support avec un carreaux blanc où des personnages dansent la sardane.   J’aurais pu rester encore longtemps devant cette fontaine.

La fontaine de la Sardane (détail)

J’ai trouvé sur Internet ce texte :

Le 20 septembre 1953, à Céret, à la sortie d’une corrida, Picasso, accompagné d’Edouard Pignon et d’Hélène Parmelin, est accueilli au «Grand Café» par les communistes de Céret. A l’issue de la chaleureuse réception, il dessine une sardane, puis, avant de partir, se ravise et y ajoute une colombe. «La Sardane de la paix» est née. Picasso l’offre à ses camarades pour leur journal, «le Travailleur catalan». Par la suite, la section de Céret du PCF fera don de l’oeuvre au Musée d’art moderne de la ville.

Fontaine détail

Une fontaine, conçue par Juliette et Jacques Damville et située place Picasso, sous la porte d’Espagne des anciens remparts de Céret, célèbre la mémoire de cet acte artistique

 

J’ai été très étonnée que les auteurs de la Fontaine de la Sardane  ne soient pas cités visiblement (ils le sont peut- être mais je n’ai pas trouvé. Sincèrement je croyais que toute la fontaine était l’œuvre de Picasso . J’étais seulement étonnée que ce carreau blanc se détache trop de l’ensemble.

Au Musée j’ai visité très consciencieusement l’exposition temporaire Joan Ponç.

Picasso au Musée de Céret

Après m’être bien concentrée dans l’exposition allant de surprise en surprises, j’arrive dans les Collections permanentes.

Je ne sais où donner de la tête et dresse une liste des peintres sans prendre de notes. Il faut dire que des enfants de maternelle sous la direction d’une médiatrice parlent très fort et font un bruit très gênant. J’ai déjà rencontré ces groupes d’enfants très petits à la Fontaine Sardane mardi dernier. Les enfants de la région ont bien de la chance !

Je note en vrac Jean Marchand (1912 – 1919), Soutine (1919) André Masson, Picasso, Juan Gris, Haviland, Manolo, Max Jacob,  Herbin, PinkusKremegne, Lafay, Pignon, Chagall .

Quel gâchis que de passer en vitesse devant une si riche collection. Il me faut revenir, heureusement il reste deux semaines !

Il fait un temps printanier presque chaud. Nous déjeunons avec grand plaisir en plein soleil sur la table du jardin.

 

Dada Africa à L’Orangerie

DADA AFRICA – Sources et influences extra-occidentales

Exposition temporaire 18/10/2017 au 19/02/2018

L’exposition est résolument plus Dada que Africa!

J’aime quand les visites se répondent ou font ricochet, Dada Africa a éveillé des souvenirs de l’exposition Apollinaire – Le regard du poète  au printemps 2016 ici même, Picasso primitif au Quai Branly l’hiver dernier. Plus loin, j’ai aussi trouvé des parentés avec l’Expo Bauhaus

Cette exposition commémore le centenaire du Mouvement Dada  et de l’ouverture à Zürich du cabaret Voltaire  en 1916, a déjà tourné à Zürich et à Berlin . Elle offre plusieurs facettes, plutôt francophones avec Tristan Tsara mais aussi allemandes avec les Mouvement Blau Reiter et Brücke. Ce double éclairage est d’autant plus intéressant que Dada est né pendant la Grande Guerre, en réaction aux atrocités. 

Tristan Tsara par Jean Arp

Jean Arp :  » nous cherchions un art élémentaire qui devait, pensions-nous, sauver les hommes de la folie des temps »

Je crois que ma prochaine visite de maison d’artiste sera à Clamart celle de la Fondation Arp

Rottluff : Adorant

D’entrée, on  admire des « masques » qui ne sont pas africains mais l’oeuvre de Rottluff (die Brücke) s’inspirant aussi de la sculpture océanienne.

casque à pointe tête de cochon

Un couloir sombre traite de la Grande Guerre avec des images filmées de masques- à gaz et gueules cassées, mais aussi l’affiche de la mobilisation des tirailleurs sénégalais qui avec l’arrivée en 1917 des afro-américains généralise le contact avec l’art africain. Dans les tranchées, les soldats africains sculptent des cannes ou autre chose. Une vitrine expose ces productions.

Affiche du Cabaret Voltaire
Affiche du Cabaret Voltaire

Nous arrivons ensuite dans le Cabaret Voltaire : au mur, encadrés des invitations, des affiches, des programmes, des photos (deux portraits de Tsara, l’un de Man Ray), des dessins satiriques, plus loin on retournera au Cabaret Voltaire avec les masques de Janco pour des « soirées nègres »

Affiche de Janco
tabu

Au cours des soirées on jouait du piano, déclamait des poèmes, il y avait également des danses. Deux vidéos sont projetées une danse de sorcières : Hexentanz de Mary Wigman

(copier et coller le lien parce que le bolg Le Monde n’accepte plus les vidéos????)

L’autre spectacle est récent (1957) et produit à Bruxelles mais donne une idée de ces soirées dadaïstes.

Dans un coin on voit deux grands pantins exposés à la Dada Messe, Foire de Berlin

L’archange prussien est une féroce caricature du militarisme prussien

L’archange prussien

En face, on voit une photo de l’urinoir de Duchamp contemporain des oeuvres dadaïstes.

Une salle est consacrée à la collection de masques de Paul Guillaume avec des photographies de l’intérieur de la maison de Paul Guillaume, rue de Messine. Un tableau de Picasso les accompagne. Ces masques sont présentés comme des œuvres d’art à part entière. Je n’ai pas fait de photo parce qu’ils sont présentés sous des vitrines plexiglas qui  font des reflets des passants indésirables.

statue assise Benia Kanicka Rep. d Congo

Ensuite je découvre des œuvres textiles : tapisseries de Arp, des marionnettes de Sophie Taeuber-Arp, pour la pièce de Carlo Gozzi  « Le Roi Cerf », des costumes, bijoux et ceintures colorés et géométriques s’inspirant des poupées kachina (indiens Hopis)

Les ^poupées kachina qui ont inspiré Sophie Taeuber- Arp

Aux œuvres colorées de Taeuber-Arp, répondent les poupées et les montages, collages de Hannah Höch

Hannah Höch : poupées dada
Hannah Höch : photomontage

J’ai raté les photos des masques de Janco, présentés en regard de masques traditionnels, masque déstructurés, cubistes, démesurés pour être portés.

L’exposition se termine sur des œuvres postérieures, surréalistes

Max Ernst : La nature à l’aurore

A l’extérieur de l’exposition, mais tout proche, une salle est consacrée à la plasticienne nigériane Otobong Nkanga  qui dénonce l’exploitation sauvage des ressources minières de son pays par une monumentale tapisserie

Otobong Nkanga

Otobong Nkanga

Galerie d’Art Moderne

CARNET ROMAIN

DSCN7767 - Copie

La Galerie d’Art Moderne se trouve à quelques pas de la Villa Giulia. Elle occupe un vaste bâtiment de l’Exposition Universelle de 1911 qui me fait penser – de loin – aux Petit et Grand Palais parisiens. Précédé de 4 double-colonnes soutenant un fronton orné de guirlandes.

Avant la visite nous déjeunons au Caffe delle Arti. Sur la grande terrasse au soleil, des tables sont dressées séparées par de petites haies vives, nappes et serviettes en tissu, beaux couverts. Les garçons sont très stylés, costume noir, cravate noire, tablier boutonner sur le devant. La carte est très complète : viandes et poissons, antipasti variés. Nous nous arrêtons aux primi (13/14€) segundi( hors de prix)choisissons ravioli- ricotta-épinards avec une sauce de tomates fraîches, un brin de basilic et parmesan à volonté. Pur mi des pâtes bizarres à section ronde mais tortueuses, avec des lamelles de courgettes, roquette, gamberi(mi-crevette mi-langoustine), la sauce jaune est un délice. La qualité de la cuisiine est à la hauteur du cadre et du décor.

De Chirico
De Chirico

Tris expositions temporaires à la galerie ? L’une autour du cercle en céramique, une autre célébrant Antonioni : 1400 scati di Enrico Appetito. On voit des images du Désert rouge, de l’Avventura, des dizaines de portraits de Monica Vitti, une interview de Roland Barthes, des séquences de ses films sur des écrans. Retour aux années 60. J’ai envie de revoir ces films de la meilleure époque.

La troisième exposition temporaire « contropittura de Pablo Echaurren » s’appelle aussi Le Questione Murales . Dans ces œuvre de 1977, pas de Street Art ni de fresques murales encore moins de tags, il s’agit de grands tableaux très peints, très colorés. Si l’auteur se définit « parmi les Indiens métropolitains » sa peinture reste sagement sur les toiles.

Giacometti
Giacometti

Dans les salles avoisina les expositions sont exposés des tableaux de la fin du XXème siècle qui occupent de vastes espaces. Beaucoup de monochromes : quel ennui ! De grands tableaux avec de grands motifs répétitifs, c’est à peine mieux. Quelques œuvres sortent du lot des faucilles et marteau d’Andy Warhol, le pont sur le Tibre emballé par Christo, je reconnais les rayures de Buren. Peu d’américains, surtout des Italiens, Grecs, roumains, Bulgare, et pas mal de Français. Mention spéciale à Gastone Novelli pour ses grandes toiles blanches parsemées de petits graffitis poétiques Pour la recherche d’un nouveau langage. Deux silhouettes longilignes devant une longue toile sont signées Giacometti. Un couloir sombre consacré au thème Lumière et Mouvement, réunit des œuvres des années 60 presque toutes sur le même principe de fines rayures verticales. Ce couloir conduit à la salle Duchamp/Man Ray, le célèbre urinoir, le portoir de bouteilles.

Les salles voisines renferment des collections antérieures. Le guide bleu m’avait appâtée avec un Klimt, des Courbet, Monet, divisionnisme et futurisme. Elles sont désespérément bouclées. Pourquoi ? Je ne le saurai pas.

Nous rentrons par le tram19 et le 23. Vers 15h30, nous sommes de retours à la Piazza Trilussa. Il me reste une bonne heure pour traîner autour du Campo de’Fiori, Piazza Navona. Je prends la Via Giulia, un peu le Corso. La piazza Navona est toujours aussi bondée, je découvre le Cloître de Bramante, je rentre en découvrant ici, une colonne antique, là une façade peinte. Je goûte cette flânerie. Bientôt je pourrai me repérer sans carte. J’ai mes jalons.12