Ce court roman (175 pages) se lit d’un souffle. Il happe le lecteur, halluciné.
« Mais moi, Alfa Ndiaye, j’ai bien compris les mots du capitaine. Personne ne sait ce que je pense, je suis libre de penser ce que je veux. Ce que je pense, c’est ce qu’on veut que je ne pense pas. La France du capitaine a besoin que nous fassions les sauvages quand ça l’arrange. Elle a besoin que nous soyons sauvages parce que les ennemis ont peur de nos coupe-coupe. Je sais, j’ai compris, ce n’est pas plus compliqué que ça. La France du capitaine a besoin de notre sauvagerie et comme nous sommes obéissants moi et les autres, jouons les sauvages. Nous tranchons des chairs, nous estropions, nous décapitons, nous éventrons.[….]la seule différence entre eux et moi, c’est que je suis devenu sauvage par réflexion…. »
Le roman commence comme le témoignage d’un tirailleur sénégalais dans les tranchées de la Grande Guerre. Témoignage de l’horreur. Témoignage de la sauvagerie et de la folie de la guerre.
Ils sont partis de Gandiol (Sénégal) deux frères d’âmes (j’avais cru deux frères d’armes) Alfa et Mademba, cousins à plaisanterie, élevés dans la même concession. Mademba meurt, éventré dans les bras de son frère d’âme qui refuse de l’achever et qui en a le remords. Il se sent aussi responsable de la mort de son ami.
Vengeance ou folie, Alfa devient tellement sanguinaire que les hommes le prennent pour un sorcier et le capitaine cherche à l’éloigner.
Il se retrouve dans un hôpital où le psychiatre le fait dessiner pour exorciser sa folie. Le livre prend une autre tournure. Alfa raconte ses parents, son amitié avec Mademba. Il s’évade loin des tranchées. Nous voyons vivre le village, les Peuls qui passent à la saison sèche avec leurs troupeaux, les agriculteurs qu’on enjoint de cultiver l’arachide au lieu des cultures vivrières…
La fin est étrange, comme un conte que je ne dévoilerai pas.
DADA AFRICA – Sources et influences extra-occidentales
Exposition temporaire 18/10/2017 au 19/02/2018
L’exposition est résolument plus Dada que Africa!
J’aime quand les visites se répondent ou font ricochet, Dada Africa aéveillé des souvenirs de l’exposition Apollinaire – Le regard du poète au printemps 2016 ici même, Picasso primitif au Quai Branly l’hiver dernier. Plus loin, j’ai aussi trouvé des parentés avec l’Expo Bauhaus
Cette exposition commémore le centenaire du Mouvement Dada et de l’ouverture à Zürich du cabaret Voltaire en 1916, a déjà tourné à Zürichet à Berlin . Elle offre plusieurs facettes, plutôt francophones avec Tristan Tsara mais aussi allemandes avec les Mouvement Blau Reiter et Brücke. Ce double éclairage est d’autant plus intéressant que Dada est né pendant la Grande Guerre, en réaction aux atrocités.
Tristan Tsara par Jean Arp
Jean Arp : » nous cherchions un art élémentaire qui devait, pensions-nous, sauver les hommes de la folie des temps »
Je crois que ma prochaine visite de maison d’artiste sera à Clamart celle de la Fondation Arp
Rottluff : Adorant
D’entrée, on admire des « masques » qui ne sont pas africains mais l’oeuvre de Rottluff (die Brücke) s’inspirant aussi de la sculpture océanienne.
casque à pointe tête de cochon
Un couloir sombre traite de la Grande Guerre avec des images filmées de masques- à gaz et gueules cassées, mais aussi l’affiche de la mobilisation des tirailleurs sénégalais qui avec l’arrivée en 1917 des afro-américains généralise le contact avec l’art africain. Dans les tranchées, les soldats africains sculptent des cannes ou autre chose. Une vitrine expose ces productions.
Affiche du Cabaret VoltaireAffiche du Cabaret Voltaire
Nous arrivons ensuite dans le Cabaret Voltaire : au mur, encadrés des invitations, des affiches, des programmes, des photos (deux portraits de Tsara, l’un de Man Ray), des dessins satiriques, plus loin on retournera au Cabaret Voltaire avec les masques de Jancopour des « soirées nègres »
Affiche de Jancotabu
Au cours des soirées on jouait du piano, déclamait des poèmes, il y avait également des danses. Deux vidéos sont projetées une danse de sorcières : Hexentanzde Mary Wigman
(copier et coller le lien parce que le bolg Le Monde n’accepte plus les vidéos????)
L’autre spectacle est récent (1957) et produit à Bruxelles mais donne une idée de ces soirées dadaïstes.
Dans un coin on voit deux grands pantins exposés à la Dada Messe, Foire de Berlin
L’archange prussien est une féroce caricature du militarisme prussien
L’archange prussien
En face, on voit une photo de l’urinoir de Duchamp contemporain des oeuvres dadaïstes.
Une salle est consacrée à la collection de masques de Paul Guillaume avec des photographies de l’intérieur de la maison de Paul Guillaume, rue de Messine. Un tableau de Picasso les accompagne. Ces masques sont présentés comme des œuvres d’art à part entière. Je n’ai pas fait de photo parce qu’ils sont présentés sous des vitrines plexiglas qui font des reflets des passants indésirables.
statue assise Benia Kanicka Rep. d Congo
Ensuite je découvre des œuvres textiles : tapisseries de Arp, des marionnettes de Sophie Taeuber-Arp, pour la pièce de Carlo Gozzi « Le Roi Cerf », des costumes, bijoux et ceintures colorés et géométriques s’inspirant des poupées kachina (indiens Hopis)
Les ^poupées kachina qui ont inspiré Sophie Taeuber- Arp
Aux œuvres colorées de Taeuber-Arp, répondent les poupées et les montages, collages de Hannah Höch
J’ai raté les photos des masques de Janco, présentés en regard de masques traditionnels, masque déstructurés, cubistes, démesurés pour être portés.
L’exposition se termine sur des œuvres postérieures, surréalistes
Max Ernst : La nature à l’aurore
A l’extérieur de l’exposition, mais tout proche, une salle est consacrée à la plasticienne nigériane Otobong Nkanga qui dénonce l’exploitation sauvage des ressources minières de son pays par une monumentale tapisserie