Régnéville

BALADE NORMANDE – COTENTIN CÔTE DES HAVRES

Régnéville et sa tour féodale

Connaissez-vous Régnéville, petit village de 730 habitants sur les bords de l’estuaire de la Sienne, fleuve long de 93 km prenant sa source dans le Calvados dans la forêt de Saint Sever?

Le sémaphore d’Agon, avait pour fonction d’illuminer la passe  du Havre de Régnéville dont le trafic a atteint 30 navires venant aussi bien d’Angleterre que de Norvège.

Ce village insignifiant aujourd’hui fut autrefois stratégiquement si important que le Roi de France en fit un fief royal depuis Philippe Auguste en 1204.

Le château fondé au XIIème siècle fut remanié au XIV ème et au XVème et démantelé en 1637 par Louis XIII . le petit havre fut un port d’échouage très actif du temps des Vikings jusqu’au XIX ème siècle avec l’importation de charbon britannique.

le Donjon ruiné de Régnéville

Du château, il ne reste pas grand chose : une tour ruinée, un corps de logis, un porche et un puits qui se visitent librement. je fais le tour du donjon regrettant le manque d’explications : au Musée Maritime un audiovisuel va répondre à mes interrogations. Richelieu, pendant les Guerres de Religion craignait que les Anglais ne viennent soutenir les Protestants ordonna la destruction du château.

Le clocher de l’église de Régnéville

L’église du village XIIIème, est charmante. Son clocher soutenu par d’épais contreforts se treemine par une curieuse pyramide tronquée octogonale flanquée de petites tourelles. On peut admirer à l’intérieur le plafond en berceau, une collection de statues et la maquette d’un 5 mats.

Les Fours à chaux de Régnéville

les Fours à chaux du Rey sont à l’écart du village. La visite du site est particulièrement bien organisée et scénographiée avec panneaux et un parcours sonore s’attachant particulièrement à la vie des travailleurs des fours. 

Depuis l’Antiquité et jusqu’au XVIIIème siècle, la chaux fut surtout utilisée dans la Construction. Avec la Révolution Industrielle au XIXème siècle de nouveaux usages se développèrent : comme fondant dans la métallurgie, pour l’épuration du gaz d’éclairage et en agriculture pour l’amendement des sols. De tout temps la chaux fut produite dans le Coutançais. Les petits fours ou fouénés étaient proche des habitations et des manoirs.

La production industrielle dans de grands fours se développa au XIXème siècle à proximité de la carrière et des voies de communications : du port d’échouage de R2gneville. Ces fours monumentaux construits en 1852-1854 ne fonctionnèrent qu’une trentaine d’années.

L’entrepreneur, Victor Bunel, propriétaire de l’Abbaye de la Lucerne, scieur de marbre. Il identifia les besoins en chaux agricole sur les terres acides de la Bretagne et des Îles Anglo-Normandes et construisit 4 fours à calcination continue selon le procédé Simoneau (brevet déposé en 1845)/ Le projet de Bunel était pharaonique avec la construction de 7 fours et l’achat de navires. Cependant dans les années 1880 le chaulage des terres fut remplacé par les engrais potassiques et les fours du Coutençais s’éteignirent progressivement à partir de 1912, le dernier en 1942.

Le parcours de visite commence donc par la présentation générale, puis par le « coin des géologues » où divers échantillons de roches calcaires sont visibles : deux proviennent de la Manche : le Calcaire de Montmartin Carbonifère (355 MA) et le Calcaire à stromatolithes de St- Jean -de -la -Rivière cambrien (530 MA) .

la carrière de Régnéville exploitait le Calcaire de Montmartin. Un site d’escalade naturel est installé sur le front de taille d’une quinzaine de mètres. C’est un calcaire gris bleu à polypiers.

L’entrée des fours à chaux

les petits fours utilisaient le bois, les ajoncs comme combustible. Les fours industriels, le charbon provenant du Pays de Galles.

Suivant le parcours sonore, on arrive à la pesée du calcaire jusqu’à  27 t/jour. On voit le petit chemin de fer où circulaient les wagonnets.

Le personnel se composait de 16 chaufourniers, 8 manoeuvres, 2 commis 2 employés aux balances et un garde de nuit.

Après cette introduction on découvre les 4 fours qui ressemblent à des grosses tours médiévales.

Ce site a aussi servi de décor à des spectacles musicaux.

Le Musée Maritime du Port d’échouage

Régnéville : Musée maritime l’Atelier du cordier

C’est aussi une visite passionnante. Un court film raconte l’histoire du village du temps de Philippe Auguste jusqu’au passé plus récent des fours à chaux, et des cap-horniers et des Terre-neuvas. On peut admirer une collection de maquettes : de bisquines qui draguent les huitres en pleine mer, de vaguelottes pour la pêche côtière. les Terre-neuvas armaient des goelettes. Dans des vitrines toutes sortes d’instruments de navigation rutilent? On a reconstitué l’atelier du cordier et exposé les paniers, filets et rteux des pêcheurs à pied.

Régnéville : Musée maritime bisquine

Nous déjeunons en haut de la Cale de Hauteville De là on voit la pêcherie Maillard que l’on visite en saison avec une visite guidée qui explique aux touristes comment fonctionne cet immense piège en forme de V fait de branchages. Aujourd’hui, la pêcherie est découverte mais elle est loin et je n’ose pas m’approcher. Intriguée par l’absence de pêcheurs à pied je consulte les panneaux : la pêche à pied et interdite! Un homme muni d’une bêche et d’une boîte à outils en plastique bleu passe devant nous et revient un quart d’heure plus tard. Il nous montre le le produit de sa pêche : des vers pour la pêche. Selon lui la pêcherie Maillard est bien celle qu’on voit, on pourrait l’atteindre à pied. Nous avons loupé le coche, le pêcheur est passé devant nous avec son tracteur<; « Si vous y allez, il vous vendra du poisson » dit l’homme aux vers, il y va en une demi-heure, mais il est grand et porte des bottes  il me faudrait beaucoup plus avec les pieds nus.  « si, si vous avez le temps avant la marée »  insiste-t-il

. Seule je ne me risque pas, j’ai appris avec la traversée de la Baie que marcher sur le sable mouillé peut être pénible.

La Falaise au-dessus de Jullouville

Au bout de l’Avenue de la mer, la rue des  Flots Bleus, au dessus de l‘Hôtel de la Falaise il y a une belle falaise sombre et une forêt de feuillus. pour monter au point de vue en voiture, il faut faire un grand détour par Bouillon en direction de Saint-Michel-des-Loups et trouver le GR (balises rouge et blanc) qui court sur le chemin vicinal et qui mène au point de vue aménagé : une belle plateforme qui domine Jullouville et Carolles. 

On peut continuer le GR jusqu’à Carolles ou prendre le PR balisé en jaune vers Jullouville. A Carolles, le GR emprunte la « Vallée des Peintres » : une promenade facile presque plate sur l’ancienne voie ferrée, ombragée, sur le site d’anciennes carrières et arrosée par le ruisseau du Crapeux. 

Plage de Carolles vus du Pignon butor

Après avoir fait l’aller et retour, je descends par le GR vers la Plage de Carolles. Le sentier est un peu raide dans la gorge enjambée par le viaduc. Le Crapeux a inspiré les peintres puis le chemin serpente. Après avoir traversé la route le GR remonte vers le Pignon butor. 

Mais je préfère rentrer par la plage. la marée est haute, je me baigne dans une eau très calme qui me permet de nager.

Les châteaux du Désert Qsar Kharaneh et Qusair Amra

CARNET JORDANIEN

Qasr- el- Kharaneh

C’est l’aventure !

Nous quittons Amman par la route de l’aéroport selon les conseils du portier de Retaj. Le pictogramme du petit avion nous guide, il y a très peu d’indications en lettres latines. A la sortie de la ville, le GPS prend le relais dans les zones artisanales ou commerciales, d’autant plus que seules Aqaba et la Mer Morte sont indiquées (vers le sud alors que les châteaux sont à l’Est)

On traverse les villes de Sahab et de Al Muqqawar.  Des marchandises sont artistiquement empilées dans la rue. Nous achetons un pack de 6 bouteilles d’eau pour seulement 1 JD , le même prix que la minuscule bouteille de l’hôtel. Je prends le pack, entre dans la boutique, attendant patiemment que la cliente au comptoir emballe tout un caddy de friandises. Le magasin embaume le café moulu sur place. Dans une grande vitrine on a mélangé amandes cacahouètes et pistaches, le mélange est du meilleur effet. Des tiroirs ouverts contiennent des friandises emballées dans du papier brillant. Les pots de khalva ont la taille de pots de peinture. Cette confiserie est tellement appétissante.

La route 40 traverse un désert caillouteux plutôt plat. Rien n’accroche le regard, à part la ligne électrique. Le matin tôt, seuls quelques gros pick up foncent. Plus tard arriveront les gros camions qui vont en Irak et en Arabie Saoudite. Ils transportent surtout du matériel de construction, sacs de ciment ou énormes blocs calcaires.

Qasr -el –Kharaneh

Notre premier château du désert se dresse fièrement non loin de la route. Solide cube de belles pierres claires, renforcé de tours rondes à chaque coin. Daté 711 ap.JC  du règne du calife Omeyyade Al-Walid-ibn-al-Malik. Plusieurs interprétations à propos du rôle de ce château, forteresse ou Khan?il ressemble aux caravansérails vus en Turquie, en Arménie et en Ouzbékistan.

Au rez de chaussée les hautes ouvertures des écuries permettaient aux dromadaires de s’y abriter. Des pièces sont réparties autour d’une cour centrale carrée. Deux escaliers extérieurs en pierre conduisent à l’étage où 4 grandes chambres s’ouvrent sur d’autres plus petites. Un gradé accompagné par un jeune policier s’entête à chercher le hammam. Il m’explique en bon anglais que le calife avait 4 femmes qui devaient avoir tout le confort. Comme j’ai lu que  le château était un caravansérail, je pense qu’il y avait plutôt des marchands que les femmes du calife. J’en ai conclu que le gros policier était un macho. L’étape suivante m’expliquera son obsession du hammam.

Qusayr Amra

Qusayr Amra : les bains

Plus qu’un château, c’est une halte de plaisance avec des bains dont les fresques sont surprenantes. Ce site exceptionnel fut découvert par Alois Musil en 1907 et connu une restaurationpar  une équipe espagnole en 1971 et 20 ans plus tard avec les français. Classé au Patrimoine de l’Humanité,  son Centre des Visiteurs est très intéressant. Des panneaux en arabe- anglais et français donnent des explications très complètes sur le site mais également sur les califes omeyyades

Califes omeyyades :

la capitale fut Damas et qui entreprirent l’arabisation de la région avec le développement de l’écriture coufique et l’émergence d’une littérature arabe. Sus leur règne la tolérance permit l’intégration des cultures locales byzantines et perses. En plus des monuments emblématiques comme la Mosquée de Damas et le Dôme du Rocher à Jérusalem, on leur doit, en Jordanie la citadelle d’Amman et plusieurs châteaux  du désert.

Site de Qusayr Amra :

Dans un climat semi-aride, le Wadi Botoum  permettait avec des barrages, des citernes et des ouvrages hydrauliques d’entretenir une quasi oasis. En outre il était situé le long des pistes caravanières. Les habitations étaient construites en hauteur à l’abri des inondations tandis que les bains se situaient dans la zone basse. Des tamaris marquent le lit de l’oued.

Les fresques

Fresque
Fresques : les artisans et les métiers

Une des fresques représente les rois Caesar”, l’empereur byzantin, “Kisra”, l’empereur sassanide, “Negus”, le roi d’Abyssinie et “Rodéric”, le roi wisigoth d’Espagne.

Le prince est dans une construction d’image montrant l’art de recevoir les baigneurs. L’histoire est racontée sur plusieurs registres ; En haut ce sont des scènes de chasse avec le rabattage des onagres, au milieu on voit le roi dans un jardin, une femme au bain. La présence de personnages et même de personnages féminins fort peu vêtus est tout à fait étonnant dans la peinture islamique.  Sans doute, le caractère tout à fait profane du lieu (un hammam) explique cela. Dans la salle voûtée, sur le plafond sont peintes les constellations.

constellations

Une autre pièce est décorée d’animaux dans des médaillons tandis qu’un plafond montre le travail des artisans de l’époque.

L’habilité  et la finesse des fresques évoque l’art des miniaturistes, Ariane à Naxos aurait servi de modèle à la femme aux bains ce qui dénote une influence byzantine.

aniamux musiciens

Malgré les abondantes explications, à l’entrée dans le bâtiment c’est la surprise totale. Je n’aurais jamais imaginé une telle fraîcheur, une telle variété des couleurs et des thèmes. C’est aussi un miracle que je l’ai trouvé ouvert ; A la fin de ma visite, un bédouin en galabieh brune et caffieh à damier rouge ferme le verrou .

Kylmore Abbey et Rynvile Point

CARNET IRLANDAIS  

Kylmore Abbey
Kylmore Abbey

Le château de Kylmore se reflète dans le lac sous le soleil du matin. Deux cygnes glissent entre roseaux et nymphéas. Nous sommes presque les premières visiteuses. Le site est un enchantement. Redoublé par son reflet, le château gris tout en tours et en créneaux dans son écrin de verdure est merveilleux.

Château victorien, construit en 1867 par Mitchell Henry (1826-1910), » médecin, industriel, homme politique et pionnier, il eut une approche innovante et expérimentale créant la première ferme modèle de l’Ouest de l’Irlande [ …]le plus grand jardin victorien d’Irlande et produisant dès 1873 sa propre électricité avec une centrale hydro-électrique » (je traduis le dépliant) Il représente le comté de Galway à la chambre des communes  partisan du Home Rule visant à donner l’autodétermination à l’Irlande. Philanthrope, il avait construit une école pour les enfants des travailleurs du domaine (qui pouvaient ainsi émigrer en Amérique sachant lire et écrire.

jardin de plaisance
jardin de plaisance

C’est surtout le jardin Victorien qui nous a enchantées. Pour y parvenir, une promenade d’1.6 mile longe le lac sous des arbres immenses. Sur le tronc de certains thuyas, des camélias et des houx se sont installés comme des épiphytes tropicaux. Des rhododendrons et des camélias atteignent des dimensions considérables. Pour qui ne veut, ou ne peut pas marcher, des navettes relient le jardin à la billetterie.

Verger en espalier et plate-bande ornementale
Verger en espalier et plate-bande ornementale

Ce « jardin entouré de murs » est exposé au sud dans un vallon abrité.  Avec ses murs, il jouit d’un microclimat.Le jardin d’agrément a une pelouse ornée de massifs fleuris, ondulant en gracieuses virgules roses ou en volutes de capucines. Le long des murs de briques, des bordures colorées changent au gré des saisons. Selon la guide,  au printemps elles sont les plus belles avec les jonquilles et les crocus, en ce moment, elles sont roses.

Sur la pente faisant face à la pelouse, on a construit un jardin d’hiver composé de 21 serres chauffées contenant une vigne, des arbres fruitiers, des fleurs et des primeurs pour les besoins des invités et du personnel. On pouvait passer d’une serre à l’autre sans craindre les rigueurs de l’hiver. Un portoir métallique de présentation était installé dans la dernière serre : on y suspendait des paniers de légumes, fruits ou fleurs correspondant à la production du moment. Les dames pouvaient choisir ce qu’elles préféraient.

Le chauffage des serres était fourni par le four à chaux dont on amendait les terres acides de tourbière.

potager
potager

Le « work garden », le potager doublait le jardin d’agrément. Deux triangles boisés séparaient ces deux parties. Un ruisseau courait entre les haies de fuchsia. Ces bosquets masquaient les installations, chassis, serres froides pour acclimater les jeunes plants, remises à outils, l a station de pompage, le Bothy (mot écossais désignant un petit cottage de montagne) où vivaient 6 ou 8 ouvriers.

Bothy : logement des ouvriers
Bothy : logement des ouvriers

En face du Bothy, bien en vue, le cottage du Chef-jardinier est très cossu. Nous avons déjà vu à Glengarriff l’importance d’un jardinier expert. Ce chef jardinier pouvait, de son bureau, dans une bow window , surveiller les travaux des employés. Il jouissait de tout le confort de l’époque, possédait un gramophone, un projecteur de films. Il y avait aussi une machine à coudre et une buanderie équipée. Dans la salle à manger, la table est dressée de porcelaine fine. Ce luxe contraste avec la modestie du Bothy.

Cottage du chef-jardinier
Cottage du chef-jardinier

La partie rocheuse est organisée en rocaille fleurie: une collection de petits géraniums (collection dont j’ai rêvé il y a un certain temps et que j’avais même commencée),  conifères nains taillés.

Le long des murs du jardin, poiriers, pruniers, pommiers et même cerisiers sont plantés en espalier. Dans un creux, un figuier prospère, ses figues, encore dures sont déjà de bonne taille. Il y a même un pêcher, mais je ne lui ai pas vu de pêches ? Seuls les noisetiers sont plantés en un petit verger.

les choux et les soucis
les choux et les soucis

Le château avec au moins une douzaine d’occupants hiver comme été, ses dizaines de domestiques, jardiniers, et même pompiers, devait être auto-suffisant, tout du moins pour les fruits et légumes. Le potager devait être de bonne taille. Les carrés (rectangles) sont bordés de buis taillés et entourés de pelouses. Ceux des pommes de terre et des rhubarbes sont des dimensions d’un petit champ. Les choux sont plantés artistiquement alternant les violets, les verts les brocolis. On leur a adjoint des soucis (marygold) dont les fleurs oranges contrastent avec le vert des feuilles ; ils ne sont pas là uniquement pour la décoration, ce sont des « compagnons » qui éloignent les parasites et insectes indésirables.

Un carré d’un beau bleu est cultivé en Phacelia (green manura) qui joue un rôle double : attirer les abeilles et autres pollinisateurs et servir d’engrais vert. On l’utilise dans la rotation des cultures. L’ail et les œillets d’inde jouent aussi la double fonction de décoration et d’éloignement des indésirable. Il existe aussi une association concombres/œillets.

le jardin dans les murs
le jardin dans les murs

Au fond du jardin les herbes aromatiques et médicinales sont plantées dans de jolis rectangles divisés en 4 petits carrés autour d’un laurier taillé en boule. Au milieu du 19ème siècle, la pharmacopée était rudimentaire on faisait confiance dans les herbes médicinales. La conférencière insiste sur les préoccupations hygiénistes des Victoriens obsédés par l’hygiène : il y avait au château des bains turcs et les châtelains se baignaient jusqu’à trois fois par jour.

La haie fleurie
La haie fleurie

Autre obsession victorienne : la séparation entre les dames du château et les travailleurs. Les dames arrivaient en voiture à cheval du château. Sous la porte pendait une cloche qu’un jeune garçon actionnait. Les jardiniers allaient se cacher derrière les haies pour que leur vue n’offense pas les dames. C’est la raison d’être de la grande allée bordée de fleurs qui est le chef d’œuvre du jardin. Quatre plantes fleuries sont associées par ordre de taille. On les a repérées avec des numéros et des lettres et un carton avec les noms latins est disponible pur les identifier. Par exemple : à la colonne 18, 18A : la potentille(rampante), 18B hémérocalle, 18C Lobélia 18D Watsonia, la plus haute. De cette manière je suis arrivée à mettre un nom sur cette fleur que j’ai découverte à Baltimore et qui est  très utilisée dans les jardins irlandais.

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Quand le château a été transformé en abbaye bénédictine, le jardin d’agrément ne fut plus entretenu. Sa restauration est récente. On a recherché des variétés anciennes. Il est possible de commander ici des semences victoriennes.

DSCN9190 - Copie

A l’extérieur des murs, on a planté des chênes aux troncs tordus, blancs que j’avais pris pour des bouleaux. Il y a 10.000 ans, les chênes étaient l’essence la plus répandue. Le nom de Kylmore dériverait de Coill Mor signifiant le grand bois.

Vue du salon de thé sur Mount Diamond
Vue du salon de thé sur Mount Diamond

Deux promenades permettent d’atteindre le salon de thé construit au dessus du jardin victorien. C’est un self-service où on sert toutes sortes de gâteaux sucrés, apple-pie et crumbles, des fudges, des scones ou de belles quiches. Il y a aussi de savoureux sandwiches. Nous choisissons un sandwich au thon et un apple-pie à la crème fouettée (au choix, custard). La vue de la terrasse est merveilleuse sur le Mont Diamant qui doit son nom aux facettes rocheuses lisses et brillantes. Il se trouve dans le Parc National du Connemara et on peut y monter par une promenade facile.

marbres précieux et pierre de Caen dans la chapelle
marbres précieux et pierre de Caen dans la chapelle

Je pars découvrir la partie du parc située entre le Lac Pollacappul et l’Abbaye, promenade jalonnée de bancs, tables à pique-nique sous de beaux hêtres, des frênes, ou des chênes. L’église gothique fut construite à la mémoire de Margaret Henry décédée en Egypte quelques années après la construction du château.  Voulant une chapelle « féminine », on a remplacé les gargouilles médiévales par des anges. Cette intention n’est pas exempte de la mièvrerie du 19ème siècle qui m’agace. Les marbres des colonnes gris, rose et verts plaquées sur la pierre de Caen font un ensemble de toute beauté.

Plus loin, le mausolée où reposent les époux est bien modeste. Dernière attraction, un rocher en forme de fer à repasser devant lequel je suis passée sans m’y arrêter.

Nous terminons la visite par l’Abbaye, comme nous avons raté le début de l’audiovisuel et que le dépliant offert est si bavard que je crains de ne rien y apprendre de nouveau, nous n’attendons pas la séance suivante. Ce château récent, caprice victorien transformé en école ne peut pas être comparé aux châteaux chargés d’histoire. Le vestibule, le hall d’entrée, le salon et la salle à manger se visitent. Je ne leur prête qu’un regard distrait.

Bally harbour
Ballynakill Harbour

Nous terminons cette journée ensoleillée sur la presqu’île  en face de Letterfrack et qui se termine par la Pointe de Rynvile. Une petite route longe Ballynakill Harbour (nom donné au fjord) au sud de la pointe. Il fait assez chaud pour rester un bon moment à dessiner. Nous continuons la petite route qui ne figure pas sur la carte et qui grimpe au flanc de la colline. En dessous dans les prés vert fluo s’égaient des moutons. On découvre des maisons de pierre en ruine. Les buissons de fuchsias rouges contrastent avec le vert des prés et le bleu de la mer. A la Pointe de Rynvile, nous trouvons la plus jolie plage qu’on puisse imaginer. L’eau est limpide turquoise. Les vagues se brisent, d’abord transparentes, couleur menthe glaciale, puis en écume mousseuse. Je relève le pantacourt au dessus du genou pour mon plus grand plaisir.

Rynevile point
Rynvile point

 

Brotas

CARNET PORTUGAIS

Tour de Brotas
Tour de Brotas

Pour profiter davantage de notre belle maison j’ai prévu un circuit dans les environs immédiats : route jusqu’à Ciborro (9km), puis vers le nord sur la route de Mora,  une dizaine de km jusqu’à Brotas et de là  Arraiolos, village des tapis brodés et retour par Montemor-o-Novo.

A la sortie de Ciborro, dans une propriété privée, mais bien visible de la route, nous percevons un petit dolmen, en bon état avec sa table bien entière (son chapeau comme disent ls pancartes en Portugais). Une carte montre d’autres dolmens dans la propriété. Il faut prévenir le Musée de Coruche qui organise des visites en 4×4. Ce petit dolmen d’Agua Doce est un bonus à la journée d’hier, une surprise.

Dolmen d'Agua doce sur la route de Coruche
Dolmen d’Agua doce sur la route de Coruche

Brotas est un village compliqué. Un feu tricolore régule les entrées. Le centre historique est tout en bas du village à droite de la route principale. Nous en ratons l’entrée, très discrète. Le village moderne est en haut : il est composé de petites maisons blanches de plain-pied au tour des fenêtres soit bleu soit jaune, au plan très simple : une porte, une ou deux fenêtres. Tout est fermé, tout est calfeutré pour éviter le soleil de l’été. Un café a installé sa terrasse dans un angle bien ombragé : sept hommes y sont assis, trois sur un banc, les autres sur des chaises. Ils vont nous voir passer à plusieurs reprises parce que nous ne trouvons pas le chemin et que nous tournons en rond. Enfin, sous le château d’eau deux flèches : Torre d’Aguas et Ermida S. Sebastiao.

la Tour de Brotas perdue dans la campagne
la Tour de Brotas perdue dans la campagne

La tour est le but de notre venue. Le gérant du Monte dos Arneiros m’en a fait l’éloge. Une très belle photo de la tour orne le bureau de son ordinateur de bureau. Une petite route va jusqu’à l’entrée d’une propriété privée et se poursuit par un chemin de terre sur lequel on s’engage sans savoir si nous arriverons à la tour, et surtout à quelle distance elle se trouve, ou si la visite est permise. Dès qu’on descend, la route se dégrade ; les eaux de ruissellement ont dégagé de grosses pierres, les ornières sont difficiles à négocier. Nul endroit assez large pour faire demi-tour. Au détour d’un virage, on vit la tour, assez loin. La voiture mord le milieu bombé du chemin. Cette VW Up ! est très basse, rien à voir avec la » 205-4×4-berbère » des pistes marocaines ou avec les autres voitures que nous avons lancées sur les pistes crétoises ou grecques.

Pour gagner un peu de légèreté je continue à pied sur la route poudreuse. Les routes affleurent de plus en plus.

La tour est grise, sur le même modèle que la Tour de Belem mais dans une version fantôme à côté d’un village-fantôme aux toits crevés, niché dans un creux. Une seule maison porte une antenne de télévision et ses portes sont peintes de frais. Une petite chapelle se tient à l’écart. J’ai peur des chiens, j’évite les maisons.

Au retour, une fouine, peut être un putois, travers la piste. Très tranquille. Le museau allongé, la longue queue fournie, de la taille d’un chat mais plus long.

au café!
au café!

Au village, nous repassons encore au moins trois fois devant le même homme qui ponce sa grille (auparavant il la soudait). Nous revoyons les vieux du café. Enfin, nous retrouvons le feu tricolore et découvrons enfin l’église ancienne au bout d’une pittoresque rue blanche aux tours des portes bleus.

Brotas
Brotas

Chaque maison porte une petite plaque rectangulaire en céramique. « confrérie de Lavre « , « confrérie d’Arraiolos »etc… cela me rappelle ces grands sanctuaires de pèlerinage en Espagne ou les plus petits en Sardaigne où chaque paroisse avait une maison prête pour les jours de fêtes.

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Une dame très aimable qui repeint sa façade avec un petit pinceau m’adresse la parole. Est-ce que je veux visiter l’église ? « Oui, bien sûr ! ». Elle téléphone à la voisine qui détient la clé. La dame tout en noir, arrive avec une grosse clé. L’église est toute carrelée d’azulejos de type « tapis » aux motifs géométriques avec une dominante de jaune. Une scène est peinte en camaïeu de brun. Dans un coin, la dame me montre la Vierge de Bratos très révérée c’est une petite statue de moins de 30cm de haut qui semble être d’ivoire, très simple. Avant d partir, je laisse de la monnaie dans le tronc. La dame me fait signe que non ! C’est à la Vierge qu’il faut donner directement sur l’autel. Ce qui me force de choisir une grosse pièce de 2€, et comme je ne veux pas paraître pingre, je laisse 2.5€. Ce n’est pas fini : elle réclame son propre pourboire. Un peu en colère je lui fais cadeau de toutes mes pièces jaunes.

Il est trop tard pour Arraiolos, passé 13h, les tapis ne seront pas visibles. Nous avons hâte de retrouver le gîte.