Le paumé – Fatos Kongoli

LIRE POUR L’ALBANIE

Tirana Blues de Fatos Kongoli ne m’avait pas franchement convaincue. En revanche,  Le paumé m’a beaucoup intéressée. Il se déroule dans les années 60 – 70 avec un épilogue en 91 à la chute du communisme en Albanie et à la fuite vers l’émigration de nombreux albanais.

Je me suis intéressée au personnage « paumé »  et je l’ai volontiers suivi dans ses tribulations.

« paumé »?

Pas tant que cela. l’enfant a découvert assez tôt la malédiction de sa famille : un oncle qu’il n’a jamais connu s’est enfui à l’étranger. Toute la famille du « traître » est entachée de cette faute. L’enfant apprend d’instinct comment réagir, cacher cette tache, forger un masque d’hypocrisie. Comme il apprend à se défendre de la violence qui l’entoure. Violence des autorités en la personne du directeur d’école, violence du quartier de banlieue où il apprend comme les autres à se défendre avec ses poings, à encaisser les coups et éventuellement à manier le couteau.

 Bon élève par là-dessus, après une scolarité dans un lycée de Tirana il est accepté comme étudiant. Il doit être beau garçon (il ne s’en vante jamais) parce qu’il obtient des succès féminins inespérés. Il suscite aussi des amitiés fidèles. 

Paumé?

Il est surtout vulnérable. Ses relations avec les personnes de la Nomenklatura sont fragiles. Il suffit d’un faux pas, il se retrouve dans cette cimenterie qui fait penser à un bagne où il casse des pierres à chaux. Une soirée alcoolisée pour que tout chavire et qu’il se retrouve au poste. L’alcool aide à supporter ces violences quotidiennes.

Garçon d’une banlieue défavorisée entré par effraction au Blok quartier réservé aux privilégiés du régime il est plutôt mieux armé pour la survie que son ami fils de ministre qui se suicidera à la disgrâce de son père. On découvre que nul n’est à l’abri de l’arbitraire.

la Provocation – Ismaïl Kadaré

LIRE POUR LES BALKANS/ALBANIE

Sous le titre La Provocation, qui est le titre du premier micro-roman, ce recueil réunit des textes divers, trois inédits écrits après la chute du communisme, d’autres plus anciens extraits des romans. C’est donc un recueil un peu hétéroclite qui dérange un peu par le manque de cohérence.

la Provocation a été rédigée en 1962 mais parue seulement en 1972. Elle raconte comme dans le Désert des Tartares la vie de soldats gardant la frontière dans une montagne enneigée. Tout d’abord je me suis interrogée, quelle frontière? en 1962, Macédoine, Kosovo et Monténégro étaient réunis dans la Yougoslavie de Tito, au sud est, la Grèce. Je n’ai jamais entendu parler d’état de guerre entre la Yougoslavie et l’Albanie, dans la montagne grecque se sont déroulés des combats pendant la Guerre civile, contre l’occupant nazi, mais entre Albanais. J’ai demandé au guide de l’agence albanaise dès notre arrivée à Tirana : d’après lui  la « provocation » ne serait que dans la paranoïa du dictateur de l’époque . Deux lectures sont donc possible : soit allégorique dans l’esprit du Désert des Tartares , soit politique dans l’isolation du pays du temps d’Enver Hoxha. Dans le second cas, on peut aussi s’interroger sur la censure qui a retenu dix ans la parution de la nouvelle. C’est affaire de spécialistes….

Deux textes sont des lectures de Shakespeare, de Hamlet et de Macbeth . Kadaré a beaucoup brodé sur ces thèmes surtout Macbeth qu’il a lu très jeune.

J’ai beaucoup aimé La Question d’Orphée, ironique et politique.

« Habitués au luxe de l’Olympe, les artistes pensaient rarement au monde des ténèbres. Pour autant Hadès ne se vengeait pas de son mépris… »

« les bruits sur les égards dont bénéficiaient les artistes alors que d’autres au moindre faux pas étaient broyés sans pitié reprirent de plus belle… »

« Un troisième groupe qui avait le mot plus rare, était d’un tout autre avis. Ils étaient persuadés que le pacte était biaisé. Nulle Eurydice ne suivait Orphée lorsqu’il avait franchi le seuil des enfers. le regard en arrière avait été une trouvaille diabolique… »

Le Mariage du serpent est une nouvelle étrange…

mais je ne vais pas tout raconter!