Les ruelles de La Canée

CARNET CRÉTOIS

 

Un air d'Italie en Grèce!


Sur le quai, une marchande bien avisée nous indique un passage étroit entre deux maisons : une ruelle conduit à des palais vénitiens, certains bien rénovés,  en hôtels et chambres d’hôtes, d’autres bien en ruine. Tout un dédale de ruelles, de marches, de palais roses, de loggias . Au bout de la rue Antoni Grampas une belle maison est accompagnée de poteries avec ficus et yuccas. A 16 Odos Angelou Evangelista un très beau palais vénitien porte cette inscription « Pax tibi Marce Meus ».  Les chaises dans la rue accentuent cette impression d’Italie.

Nous retournons sur le quai vers le Musée Naval, beau bâtiment rouge qui cache derrière son porche et sa grille de fer forgé tout un ensemble de casernes qui servirent de prisons aux Turcs. Au dessus d’une porte je remarque le lion de Venise.

Musée naval : caserne vénitienne, prison turque

De l’autre côté du bastion on accède au Musée Byzantin logé dans une ancienne église jaune en haut de la rue Theotokopoulou. Petit musée pour l’ensemble des collections mais passionnant par les commentaires. Il est « byzantin » parce qu’il montre des icônes, mais nombres de pièces sont vénitiennes.

Les céramiques vénitiennes sont incisées (sgraffito) sur des émaux verts ou jaunes avec fond clair bien caractéristiques.

J’apprends enfin  comment Venise s’est rendue maîtresse de la Crète : à l’issue de la 4ème Croisade en 1204, elle fut donnée à Boniface de Montferrat qui la vendit pour un bon prix à Venise. La population locale orthodoxe s’opposa à la mainmise des latins sur l’île. La loi vénitienne ne fut effective qu’en 1252. Les vilains orthodoxes se révoltaient souvent contre les nobles catholiques.

1453 : la chute de Constantinople priva l’Eglise orthodoxe de son chef le Patriarche de Constantinople. A partir du 15ème siècle le système féodal s’affaiblit et les centres urbains se développèrent.

J’ai découvert à Corfou les icônes de l’Ecole Crétoise, puis j’en ai vues à Ravenne, je m’étais interrogée. Pourquoi cette possession vénitienne avait-elle donné une telle production d’icônes orthodoxe ? Le musée Byzantin de Hania répond à cette question. Au 16ème siècle on assiste à la fusion des styles des artistes locaux entre la peinture d’icônes et le Maniérisme italien¸ Depuis le 15ème siècle les Crétois, à égalité avec les autres Vénitiens, pouvaient continuer leurs activités artistiques. Les peintres de Constantinople affluèrent en Crète. Les bonnes relations commerciales de la Sérénissime, les mirent au contact avec les milieux culturels européens. Cette école de peinture trouva de nombreux clients dans les commandes des marchands et celles es monastères jusqu’à sainte Catherine du Sinaï. Cette fusion entre les styles fut aussi visible dans l’architecture ; L’influence de Palladio et de Sanmicheli se voit aussi dans la reconstruction des monastères orthodoxes. J’ai bien aimé les icônes de Saint George écrasant le dragon (surtout les gueules pointues des dragons).

chambres d'hôtes rue Theotokopoulou

Descendant la rue Théotokopoulou, nous cherchons les heurtoirs de Venise (main de laiton). Les maisons, converties en maisons d’hôtes ont installée de jolies terrasses pour le petit déjeuner sur les trottoirs. Au bout de la rue, à gauche la rue Théofanos descend : des plantes vertes dans des pots de fleurs ornent la rue ; Nous cherchons les inscriptions latines à l’entrée du palais Ranieri (1608). L’enseigne d’une cave nous amuse.

Le quartier Evraïki est l’ancien quartier juif. Impossible de trouver la synagogue Hefetz Haim citée dans les guides mais pas localisée sur notre plan. Sort tragique de la communauté juive : déportée par les Allemands sur un bateau torpillé par un sous marin britannique en 1944. J’ai une pensée pour la communauté de Rhodes aussi disparue et celle de Salonique. La rue Zambeliou est bordée de jolis magasins et de cafés chics débouche dans Halidon animée.

petit muséee de La Maison Crétoise

Après une centaine de mètres nous arrivons sur une grande place où est bâtie la Cathédrale orthodoxe à la façade sobre. Juste en face se trouve la Maison Crétoise. L’entrée est dans une cour où il y a aussi une église catholique. C’est un joli musée ethnographique, un peu bricolé et d’autant plus sympathique. Il fait la part belle aux travaux d’aiguilles des femmes : broderies de fleurs de soie, parfois sous verre comme dans notre chambre d’Arolithos, dentelles. Il y a aussi un métier à tisser. La cuisine a été reconstituée avec la vaisselle. Dans une troisième salle les artisans déclinent leur métier : Teresis le tailleur, le cordonnier, le photographe….La visite s’achève dans l’atelier moderne de la brodeuse avec ses machines à coudre décorées de médailles pieuses et d’un chapelet. Il semble que ces broderies soient à vendre mais la vieille dame n’insiste pas occupée qu’elle est avec le tuyau d’alimentation du ruisseau et de la cascade miniature.

La Canée : Port Vénitien

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la mosquée des Janissaires


8h30, nous traversons les quartiers modernes  de Hania et nous engageons dans la vieille ville par la rue Halidon, artère commerçante vide à cette heure matinale. Les sens uniques nous conduisent vers les arsenaux vénitiens où nous trouvons le parking du port de plaisance vide. 3€20 et  nous serons libres jusqu’à 13h56 (4h est le maximum que délivre l’automate).

La promenade commence donc par Akti Enosos : le quai qui part des docks vénitiens : bâtiments longs et étroits au fronton de section triangulaire « néoria » 17 de ces bâtiments sont accolés. Ils sont l’œuvre du vénitien Alvise Grimani en 1585. Le dernier bâtiment, carré et massif, abrite le Centre d’Architecture méditerranéenne (fermé à la visite)qui englobe le mur des fortifications hellénistiques.

les arsenaux vénitiens

Au port, sont amarrés de très beau yachts dont un moins beau, tout noir, un peu effrayant (nous avions vu le même à Ithaque). Les cafés face aux bateaux sont cossus : fauteuils carrés en rotin avec de confortables coussins.

Un peu plus loin se trouve la Mosquée des Janissaires , Gialli Tzami, ou mosquées Kioutsouk (petite) , 17ème siècle, « représentative de l’art islamiste de la Renaissance » œuvre d’un architecte arménien, nous apprend le panneau explicatif. Cette mosquée est coiffée d’un dôme principal et de 7 petits dômes sur les deux façades visibles des quais, des sortes de « poignées » tiennent la grande coupole. La façade est percée de 3 fenêtres et d’une porte, une 5ème fenêtre est remplacée par la fontaine des ablutions (on ne la voit plus, seulement subsiste le creux). La base du minaret est tronquée : à l’Indépendance de la Crète on a abattu ce symbole trop voyant de l’oppression turque. La mosquée est maintenant un hall d’expositions. Images de la Crète de Jerry Glover : dessins à la plume et gravures m’ont bien plu.

Port vénitien

Les maisons colorées du port Vénitien forment un ensemble charmant et varié : façades rouges, ocres ou même bleues, balcons en ferronnerie pour les maisons vénitiennes, avancée de planches pour les turques. C’est en face qu’on profite de la vue d’ensemble. Le quai Kountoriati, où se trouvent la plupart des belles maisons est rempli de tables de restaurants à l’ombre de grands stores qui cachent les sculptures délicates, les colonnettes ou les escaliers finement ciselés. Derrière un étalage de souvenirs bon marché pour touristes, je découvre une fontaine turque aux arabesques élégantes.

Une curieuse spécialité : Foot-Spa où les poissons se chargent de soins de pédicure. Une belle librairie vend des livres en plusieurs langues.


 

Rethymnon vénitienne ou turque

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Fontaine Rimondi


La rue Nicéphore Phokas qui descend la colline et traverse la vieille ville nous servira de repère. Nous préférons déambuler au hasard dans les ruelles à la recherche de la Fontaine Rimondi et de la Loggia Vénitienne, toutes les deux rue Paléoglou. On s’égare dans des rues bordées de trop de magasins de souvenirs pour être tout à fait charmantes. J’achète 2 éponges dont j’ai besoin et passe agacée devant les torchons, nappes, tabliers,  coussins,  brodés au motif de l’olive que l’on retrouve identiques sur les côtes de la Méditerranée : de la Provence à Capri, de Corfou à Chios. Komboloi  en plastique imitant l’ambre (déjà plus typiques) dentelles, toujours des dentelles, produits de beauté à base d’huile d’olive et même de bave d’escargot (dixit la vendeuse). Arabatzoglou la rue la plus « pittoresque » selon nos guides, est bien encombrée de tous ces articles du tourisme de masse standardisé. Entre les artefacts je cherche et trouve de très belles portes aux linteaux ciselés,  la plus imposante est surmontée d’une inscription turque.

Vénitienne ou Turque?

La Fontaine Rimondi est à sec aujourd’hui, elle est faite de 4 colonnes corinthiennes et de 3 gargouilles à tête de lion. Une arche la sépare d’un bâtiment rose. Le contraste est encore plus saisissant. Vénitienne ou florentine la loggia ? C’est maintenant une galerie vendant des copies d’antiques.

Port vénitien

Le Port Vénitien, presque fermé, est bordé de maisons colorées hautes de deux étages, aux balcons de fer forgé abritant toute des restaurants. Les invitations des serveurs sont pressantes : les terrasses sont vides. L’un d’eux nous poursuivra toute la longueur de son bout de trottoir. Nous éliminons tous les établissements qui ont remplacé les chaises en bois grecques par des fauteuils carrés design en rotin noir ou gris. Nous hésitons entre deux tavernes aux chaises bleues et aux tables assorties. Café frappé, ouzo, mais pas de mezzés. On les réclame. Service minimum : 4 petits quartiers de tomate, 3 rondelles de concombre, 5 ou 6 olives et quelques croutons. Les touristes peuvent boire sans manger !Le ciel se voile, le vent se lève. Les cafetiers roulent leurs stores et mettent à l’abri tout ce qui peut s’envoler.

Apéro au port vénitien

Nous terminons la promenade devant la Mosquée Nerandza. Le minaret est corseté par un échafaudage métallique assez monstrueux. Le bâtiment coiffé de ses deux coupoles roses n’est pas à son avantage en telle compagnie. Il s’échappe de la musique : c’est le conservatoire. J’achète 2 gyros, très bien servi à la viande croustillante. L’esplanade est toute tagguée et couverte d’affiche politiques qui m’intéresseraient bien si je comprenais quelque chose.

Motifs turcs sur les porche de San Francesco

Je termine la visite sur Ethnikis Antistassos, rue commerçante qui conduit à la Porte Guora de la ville. Elle bordée par de vraies boutiques : marchands de chaussures, quincaillerie, boulangerie et même un poissonnier. Autrefois nous avions aimé ses magasins désuets, l’échoppe du barbier avec une cage à oiseaux m’avait enchantée. Je ne reconnais plus la rue. Au détour d’une ruelle je découvre la grande église San Francesco et un porche décoré par les turcs très finement pampres et grappes de raisin, croissant, en bas lion de Venise ( ?).

14h, nous avons parcouru la ville en tous sens. Il est temps de reprendre la voiture garé au parking (Old City Parking à côté de la Forteresse 6€).

Fin de la journée à la plage de Rethymnon, déserte en cette saison, très agréable avec son sable fin. Bordée de restaurants et d’hôtels elle doit être couverte d’installations  l’été.

Rethymnon : Fortezza

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les murs de la Fortezza de Rethymnon


9h sous le soleil et le vent.

On pénètre dans   la Fortezza par un passage voûté assez longs, 3 bâtiments y étaient installés (maintenant boutique de souvenirs).

dans la fortezza, les fleurs et les montagnes blanches

Les montagnes blanches, au loin , barrent l’horizon se détachant sur une prairie fleurie d’anthémis jaunes(que  Tournefort  venu herboriser en Crète en 1700 appelle des Fleurs dorées), de hautes mauves et des fines clochettes d’avoine. Les murailles de pierre claire dessinent un parcours compliqué avec les 7 bastions aux noms de saints : Saint Paul, St Hélie, St Luc, Esprit Saint, sainte Justine St Sozon et St Nicolas. Les murailles paraissent imprenables, vissées au rocher. Pourtant les Vénitiens ne tinrent que 70 ans la place forte de 1573 ) 1646.

Dépôts, garnisons, maison du recteur et Palais épiscopal sont encore visibles.L’église Saint Nicolas a été remplacée par une belle mosquée à la vaste coupole et au fin mihrab. Le minaret a été détruit.

La promenade est tranquille dans la belle lumière du matin. Le dépliant distribué au guichet avec les tickets raconte que, jusqu’en 1960 l’enceinte de la Fortezza était habitée et qu’il y avait de nombreuses maisons. Pourquoi les a-t-on détruites ? Réhabilitation difficile ? Désir d’en finir avec les Turcs ? Primauté de l’archéologie et du tourisme ? Cela me rappelle la démolition du village de Gournah et de quartiers entiers à Louxor. Les Guides Vert et Évasion passent sous silence cette histoire. Dans la prairie fleurie on a du mal à imaginer les maisons. De retour à Créteil,  j’ai trouvé dans le Guide Nelles un indice : c’est pendant la seconde guerre mondiale que les maisons de la forteresse ont subi les destructions. Des femmes se sont même jetées des remparts pour ne pas être prises en otage des nazis. Ce funeste souvenir aurait  empêché les reconstructions

Dépôts de garnison souterrains

Je visite les Dépôts de la Porte Nord : une grande salle souterraine est vide, en face dans une petite salle on a entassé les pierres tombales d’un cimetière turc : arbres ciselés d’inscriptions, ou fleuris, turbans enroulés.