CROZON

L’anticyclone s’éloigne, les nuages font leur apparition. Les agriculteurs se dépêchent de faucher, botteler les foins en grandes roues qu’ils ramassent à la hâte. Dommage pour les graminées et les marguerites qui se balançaient gracieusement au vent. Les digitales se font d’autant mieux remarquer.
Entre Le Fret et Landevennec la route passe à Lanvéoc avec ses bases militaires Base Aéronavale et Ecole Navale, nous circulons à ras des pistes du petit aérodrome. Non loin de là, l’Île Longue. La présence de l’armée est perceptible.
J’ai commencé la randonnée à la Chapelle de Folgoat nichée au creux de la forêt. Assez grand et austère, pour seul décor, une plaque rectangulaire ciselée. Une source et un bac en pierre carré. La légende raconte qu’un ermite du nom de Salaün vivait là, démuni de tout, mendiant son pain et chantant Ave Maria. A sa mort une fleur de lys fleurit et on construisit la chapelle en son souvenir.
Le GR monte derrière la chapelle, grimpe dans le bois et rejoint une piste forestière sous de beaux feuillus : fraîche promenade. Arrivée au-dessus de l’Aulne, il y a une belle vue sur le Pont de Tenerez et ses élégants haubans qui enjambe le petit fleuve là où il est étroit. Pour joindre la route au-dessus la grimpette (57 m) est bien raide. Le GR34 emprunte la route goudronnée. A Bellevue, le belvédère domine la boucle de l’Aulne et la petite île ronde de Tenerez. Au creux se trouve le cimetière des bateaux. Je suis un peu déçue par ces grands bâtiments métalliques peints en gris.

Le soleil brille quand j’arrive au bourg de Landevennec, calme et charmant. Pas ou très peu de voitures, des randonneurs à pied et des cyclistes. Des collégiens de Brest courent en tout sens avec des questionnaires. Landevennec n’est pas un site gâché par le surtourisme. Pourvu que cela dure ! Les palmiers lui confèrent une ambiance exotique. le long des murs les gros massifs d’hortensias commencent à fleurir. Les belles maisons sont pour la plupart des gîtes ruraux. Deux crêperies, une « épicerie communale » et deux beaux musées : Breizh Odyssée et l’Ancienne Abbaye Saint Guénolé. Une arche de triomphe précède le cimetière autour de la fine église qui domine l’Aulne.

Le Musé de l’Ancienne Abbaye Saint Guénolé de Landévennec

Il est conseillé de visiter le musée avant les ruines, ruines romantiques fort jolies près de l’eau mises en valeur par les acanthes en fleur les palmiers et la valériane.
Le musée permet de resituer l’Abbaye dans son contexte historique
L’Armorique à la fin de l’Empire Romain a subi dès le IIIème siècle des raids et des pillages de pirates venant de la Manche. De nombreuses villas gallo-romaines furent abandonnées. Un système défensif fut mis en place avec la présence de soldats. Dans l’Empire Romain les bretons participaient à la défense contre les invasions barbares. La toponymie en conserve le souvenir jusque dans les régions du Rhin et du Neckar. Jupiter-Taranis chevauchant l’Anguipède est au carrefour des religions où l’on trouve aussi des représentations de la Grande Mère, déesse de la fécondité de la nature.
Les routes de l’émigration et les premiers monastères bretons :raconte une autre géographie. Les fondateurs venaient de Grande Bretagne, Cornouaille et d’Irlande. Les échanges entre les deux rives de la Manche formaient un seul ensemble culturel. Conomor, roi des Bretons au VIème siècle avait un royaume double. Les immigrants achetaient des terres en Bretagne et défrichaient. Le monachisme celtique gagne le continent avec Colomban au VIème siècle. Les îles bretonnes étaient propices à l’érémitisme.
En 818 Louis le Pieux décrète l’uniformisation des monastères sous la règle de saint Benoit et l’impose à Landevennec, dernier bastion de la Règle celtique.
Arrivée des Vikings à landevennec en 913
Une Exposition Heurs et Malheurs d’une Abbaye Bretonne en l’An Mille – Sur des Cendres fumantes
Montre le travail des archéologues reconstituant la reconstruction de l’Abbaye autour de l’An mille (1025-1030) après que les moines qui avaient pris le chemin de l’exil soient revenus. Destruction du monastère par un incendie mais aussi une inondation. Cette inondation a été une aubaine pour les archéologues : pour lutter contre l’envahissement des eaux on a construit alors une sorte de digue avec du remblai où on a retrouvé des objets très bien conservés.
Comme souvent dans les Abbayes se trouve un très beau Jardin des simples où je n’ai pas eu le temps de m’attarder.

Après le repas j’ai repris le sentier côtier à travers la forêt de Landévennec en direction de l’Ouest. Le GR emprunte d’abord une petite route en montée entre les jardins et la campagne. Arrivée à la cote 90, juste avant la grande route, une buvette encourage les marcheurs qui peinent en montée par des panneaux de bois « encore 100 m et une boisson fraîche » « 25m encore et du saucisson ». Une récompense pour l’effort ne serait pas superflue. Dommage je n’ai pas un sou en poche ! La tenancière très aimable me montre le Gr qui dévale la pente grimpée à grand peine.
Jour de canicule sur la France, supportable dans le Finistère, j’apprécie la marche sous le couvert de la forêt. Pas de beaux chênes ou des hêtres comme ce matin au-dessus de l’Aulne, plutôt des taillis et des résineux. Quand on s’approche de l’eau, Aulne ou mer, je ne sais pas très bien, le clapotis est rafraîchissant.
Le Sillon des Anglais est un curieux phénomène géologique : cordon littoral de galets s’accumulant en dérivant avec le courant. Il est long de 800 m et se déploie parallèlement à la côte avec une largeur de quelques dizaines de mètres puis se recourbe.
Après 4 km de balade à plat, on arrive au Bois de Loch, réserve naturelle intégrale. La piste devient étroit sentier très étroit et monte dans les arbres régulièrement. Un belvédère est signalé mais on ne voit pas grand-chose. La descente sur le Loch est plus difficile dans les schistes qui font des escaliers avec des marches naturelles sur la pente très verticale ; j’ai du m’asseoir à plusieurs reprises pour trouver la marche située en-dessous, ravie de m’assurer avec mon bâton. La vue sur le Loch, son marais retenu par son cordon de galets est très belle. Je n’ai pas envie de m’arrêter pour photographier : les premières gouttes de pluie tombent et vont rendre le schiste encore plus glissant.
A peine arrivée à la voiture, l’averse éclate. J’ai vraiment eu de la chance !





