A Ouidah : c’est cinéma!

3ème CARNET BÉNINOIS ET TOGOLAIS

Allumez les étoiles: une école de cinéma à Ouidah!

Joris à la caméra

 


L’école du quartier Brésilien où enseigne Willy est  à l’entrée de la ville. C’est un groupe scolaire de six classes (mais 12 enseignants) réparties autour d’une vaste cour. L’ensemble est pimpant, fraîchement repeint, bien entretenu avec de la verdure. Willy nous accueille très gentiment et nous conduit dans la Salle des Maîtres où nous nous entretenons avec le Directeur. Au Bénin, les civilités sont indispensables. On n’entre pas directement en action sans avoir salué, le directeur, le chef du Village où même le Roi. Il serait considéré comme impoli de ne pas consacrer un  minimum de temps aux autorités. Nous nous prêtons bien volontiers à ces rencontres de politesses. Les salutations africaines nous étonnent toujours. Nous venons du pays des gens froids, pressés et peu aimables.

Willy est un peu embarrassé pour commencer le tournage du scénario que je lui ai apporté. Aujourd’hui, les inspecteurs sont attendus. De plus, les vacances sont à la fin de la semaine. Il préfère prendre son temps et travailler à son rythme avec ses élèves. Pour nous faire plaisir, il soustrait quatre élèves de CE1, embarque un trépied et une caméra. Nous irons filmer les pirogues et les pêcheurs. Avant d’enlever les quatre petits, le Directeur nous fait toutes sortes de recommandations de prudence. Elles seront bien inutiles : Joris (7ans), Eliette (8ans) Sonia (10ans) et Yannick sont sages  comme des images. La petite Joris a une coiffure rigolote avec des rajouts qui ressemblent à des ressorts. Elle est tellement timide qu’elle est muette.

les petits acteurs....

 

les enfants et les pêcheurs sur la plage de Ouidah

 

Les pêcheurs sont sur la plage située après la Porte du Retour. Ils tirent le long et lourd filet en s’accompagnant de musique. La corde est attachée à un cocotier. Pas question de filmer tout de suite. Willy et Thierry disent qu’il faut négocier, autrement ils peuvent être violents. Ils veulent de l’argent. Thierry sort 1000F cela ne suffit pas. Nous allons tenter notre chance avec le groupe suivant et un billet de 2000F qui semble convainquant. A peine avons-nous payé et installé la caméra sur le pied, qu’un homme âgé surgit, casquette et sourcils gris en bataille, mal rasé, un air de pirate. Il parle anglais avec Thierry. Ce sont des Ghanéens.

les pêcheurs ghanéens

J’interviens. Nous sommes tous des professeurs. Les enfants sont à l’école (ils en portent l’uniforme). Ce sont des enfants béninois. C’est leur film.  Nous avons payé et ne sommes pas assez riches pour payer plus, ni l’instituteur béninois, ni nous. Le vieux parle de 50 000F et surtout de leur boulot dur, de « leur vie de merde ». 2000F ce ne sera plus rien quand ils auront partagé. Là, il a raison, (autant filmer gratuitement !)

Entre-temps, pendant les palabres, nous avons pris les photos qui  nous convenaient. Willy déplace la caméra vers une pirogue abandonnée sur le sable et recouverte de feuilles de palmes. Il installe les petits au bout de la pirogue. Joris et Yannick sont très sages et restent immobiles. Les deux autres s’assoient à l’arrière. C’est un régal de les photographier. Ils sont si mignons quand Yannick passe son bras derrière le cou de Joris.

Eliette et Sonia s’assoient sur le sable sec. Elles jouent avec le sable doré qui file entre les doigts minces. Le contraste entre la peau chocolat et l’or du sable me plait. Je fais un mini film avec l’Olympus.

Mini-scénario pour petite cinéaste: Histoire de tongs

 

la leçon de cinéma de Willy

Il me vient une idée de mini-scénario à réaliser tout de suite. C’est une histoire vraie : l’histoire de mes tongs gris sur la plage d’Helvetia.

L’acteur est Yannick, le seul assez lourd pour laisser des empreintes sur le sable mouillé.

Yannick, sur la plage, ôte ses tongs et va se promener.
Gros plan sur les tongs.
L’enfant s’éloigne
Gros plan sur les pieds, puis sur ses empreintes.
On voit la piste des pieds qui s’éloignent.
Une vague arrive. L’enfant reprend la piste que ses pieds ont tracée et qui doit le conduire aux tongs.
Les tongs ont disparu, à la place on voit les empreintes de tongs qui partent dans une autre  direction.
Une vague plus forte que les  autres lave les empreintes. La vague se retire : fin de l’histoire.

Les pêcheurs sur la plage

 

barques sur le sable

Pendant qu’on filmait, je n’ai rien perdu du travail des Ghanéens. Ils ont enroulé une corde au tronc d’un cocotier. Une vingtaine de personnes, des jeunes hommes pour la plupart, mais aussi trois enfants, une femme, tirent en cadence. Un homme en T-shirt bleu chante. Il a une serviette sur l’épaule et donne un coup à l’un des enfants. Corrige-t-il son manque d’enthousiasme? Willy  affirme que cela doit être une plaisanterie. Tous sont tendus sur la corde penchés vers l’arrière.
Pendant le retour, du taxi,  nous en verrons d’autres. Certains s’accompagnent d’instruments de musique pour rythmer les efforts. Ensuite le filet est étendu sur la plage et roulé. Porter le filet est aussi un travail d’équipe. Le travail est il si dur que les Béninois le laisse aux Ghanéens ? Ce n’est pas si simple. Le patron est effectivement un Béninois, propriétaire du filet. Mais ce sont les Ghanéens qui ont mis au point cette technique et qui tirent les filets du Ghana au Nigeria en passant par le Bénin et le Togo.

 

Auteur : Miriam Panigel

professeur, voyageuse, blogueuse, et bien sûr grande lectrice

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